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Le changement des pratiques pédagogiques ne se décrète pas, alors tentons de le construire44 !

Au lendemain des élections de mai 81 dont l’issue nous avait comblé de joie et d’espoir d’un futur plus conforme à notre philosophie de l’éducation, nous avons pris le parti de profiter de la dynamique engendrée par ce phénomène social et culturel français. Nous nous sentions en mesure de faire des propositions d’action centrée sur le travail en équipe pédagogique.

1.4.1. Extension de notre dispositif pédagogique par une organisation du travail en équipe pédagogique pluridisciplinaire au lycée. Avec un groupe de collègues volontaires dont certains avaient travaillé ou travaillaient encore avec nous au sein du groupe IDEM71-pédagogie Freinet, nous nous sommes lancé dans une longue réflexion sur les moyens de lutter contre l’échec scolaire. Certes, ce thème était alors de plus en plus médiatisé et l’objet de toute une série de mesures institutionnelles. Mais cela n’enleva en rien à la richesse des échanges qui permirent d’aboutir au premier trimestre de 1982, à un projet dont nous avons assumé la rédaction finale.

43 Dans les traces du tâtonnement expérimental, PEMF, BTR (18-19), 1976, p. 1

44 De manière provocatrice, dans la salle des professeurs, nous avions inscrit ce slogan sur un panneau d’affichage que nous avions obtenu pour y diffuser des informations sur la vie de la pédagogie Freinet.

En mai 1981, nous avions aussi reçu la visite de notre I.P.R. de mathématiques. L’issue de cette inspection fut plutôt favorable, contrairement à celle de 1977 conduite par un inspecteur général qui avait porté un regard des plus décourageants sur nos pratiques pédagogiques. Notons qu’à la suite de cet événement, nous avions réalisé tout un travail d’analyse de notre pratique aidé, en cela, par Georges Glaeser. Nous n’en avons pas rendu compte dans cette note de synthèse, bien qu’il s’agisse d’un des nombreux exemples d’obstacles à affronter évoqués par Louis Legrand. Ainsi nous fûmes incité à nous investir dans l’expérimentation intitulée travail autonome et pédagogie de l’autonomie du programme national d’innovation. Nous acceptâmes et, dès la rentrée 82, nous fûmes intégré au groupe de travail en qualité de formateur-animateur académique. C’est alors par cette brèche45

ouverte que nous avons porté notre projet jusqu’au bureau des innovations pédagogiques de la DL2, sans avoir hésité de négocier les appuis à plusieurs niveaux de la hiérarchie administrative. Cela fut pour nous la mise à l’épreuve de nos idées et de notre argumentation. Le projet présenté reçut tous les appuis et les moyens raisonnablement nécessaires. Le travail commença dès juin 1982 par un stage de formation de l’équipe. Il constitua pour nous une manière de mesurer les effets de l’extension de nos pratiques pédagogiques en mathématiques, leur applicabilité et leur transférabilité à d’autres disciplines. Force est de constater que ce détour de notre chemin, par ce que nous appelions quelques années auparavant l’Institution et la hiérarchie, nous offrait un cadre supplémentaire d’expérimentation et de confrontation sur nos pratiques pédagogiques. Certes le passage d’un travail en mathématiques au sein de notre classe à l’ensemble des disciplines impliquant l’ensemble des spécificités pédagogiques de chaque enseignant ne fut pas sans nécessité des renoncements. La pratique de la concertation entre les enseignants fut une condition essentielle qui requit beaucoup d’énergie. Celle de la réunion coopérative avec les élèves fut étendue sans trop de difficultés.

Les quatre premières années, nous avons assuré la coordination et l’animation de cette expérience pédagogique de travail en équipe pédagogique pluridisciplinaire autour d’une classe de seconde. Avec l’aide des collègues les plus motivés, nous avons alors procédé à un recueil systématique des comptes rendus des réunions de concertation entre enseignants, entre élèves ou entre enseignants et élèves, des outils produits et des descriptions des dispositifs pédagogiques dans lesquels ils étaient mis en œuvre. Ces données nous ont servi à rédiger les rapports annuels destinés pour rendre compte de l’avancée de notre expérience à divers niveaux de notre hiérarchie, du lycée au ministère.

45 Nous reprenons ici le terme même utilisé symboliquement comme titre de la revue pédagogique du mouvement Freinet au second degré à laquelle nous collaborions. Cette brèche est la porte qui s’ouvre sur un système que nous jugions impossible d’accès.

C’est aussi à partir de ces données traitées et analysées que nous avons pu collaborer à la rédaction d’ouvrages permettant de diffuser les acquis d’une expérience pédagogique. Pour ce faire, à la rentrée 1985, nous avons été déchargé à mi-temps de notre fonction d’enseignant pour rejoindre l’équipe des formateurs-consultants du bureau des innovations pédagogiques et des technologies nouvelles à la DLC à Paris. Cette situation sera maintenue jusqu’en 1990. Notre mission nous amena à participer à la formation de formateurs à partir des acquis qu’en collaboration avec cinq collègues de l’équipe de la DLC15, nous avions produits en traitant et en analysant méthodiquement les données recueillies auprès d’un échantillon d’une trentaine d’équipes pédagogiques dans des lycées métropolitains.

De notre point de vue, nous nous trouvions au cœur d’un processus de recherche. Celui-ci consistait à analyser un échantillon d’actions pédagogiques variées et contextuées sur un thème donné, ici le travail en équipe pédagogique [1987f] [1987g] [1988b] [1988c] [1988e] [1988f] pour en retrouver les problématiques et les cadres théoriques sous-jacents. À partir des comptes rendus d’expérience, notre tâche était d’expliciter les théories-en-acte46

(Vergnaud 1991) sur lesquelles les acteurs ont fondé leur action. Nous visions cependant une mise en texte qui ne soit pas simplement descriptive mais qui expose des éléments permettant d’organiser une formation d’enseignant, de formateur ou même simplement de fournir une aide à une action pédagogique au sein d’un établissement. En d’autres termes, ce travail conduit dans une approche praxéologique à partir d’analyse de pratiques situées d’enseignement participe de la formation à la recherche. Et même, par l’étendue des problématiques rencontrées, des champs théoriques couverts et des questions méthodologiques abordées, des guidages et accompagnements d’équipes de terrain, elle fut de nature à développer des compétences non seulement à conduire par soi-même des recherches de type scientifiques mais à assurer l’encadrement et la direction.

Cette étude centrée sur le travail en équipe pédagogique au lycée a même trouvé un écho favorable dans les propos de Claude Pair (Pair 1986)

Ce travail eut une suite durant les années 1987 à 1990, au sein de l’INRP, dans le cadre du séminaire de sociologie de l’innovation animé par Jean-Louis Derouet. Nous avions rejoint ce groupe de travail, d’une part pour notre travail mené au sein de l’I.C.E.M.-pédagogie Freinet qui était associé aux activités de ce séminaire, d’autre part pour notre expérience acquise sur le thème du travail en équipe pédagogique au sein de la DCL15.

Il y eut une autre suite sous la forme d’un film vidéo [1988g] [1988h] sur le thème de la réussite des élèves en classe de seconde. Nous avons participé au groupe de travail qui

élabora le scénario, puis au repérage des lieux et conditions de réalisation. Enfin nous fûmes impliqué dans le tournage même puisqu’un des trois volets du film concernait l’expérience pédagogique de travail en équipe du lycée de Montceau-les-Mines, et plus particulièrement ce qui touchait aux questions soulevées par l’évaluation et le conseil de classe, à laquelle nous appartenions. Nous avons là encore rencontré de nombreuses situations de confrontation lorsqu’il s’agissait de faire des choix sur les séquences pédagogiques à filmer. Nous avons eu aussi la charge de rédiger un livret d’accompagnement du film qui puisse en même temps constituer un outil pédagogique pour l’organisation même de formation d’enseignants ou de formateurs.

1.4.2. Intégration de notre conception pédagogique aux perspectives du travail autonome et de la pédagogie de l’autonomie

Cette thématique fut l’objet d’une action promue, soutenue, encadrée, financée et contrôlée par les Directions des lycées et des collèges, durant plus d’une dizaine d’années. L’apport le plus déterminant pour notre formation personnelle de chercheur tint, sans aucun doute, à la mission qui nous fut confiée, dès la fin de l’année 1986, d’assurer la coordination du groupe de travail chargé d’analyser le corpus des données empiriques constitué depuis quatre à cinq ans à partir d’expériences conduites en lycée dans les disciplines scientifiques. Le niveau de responsabilité qui nous avait été attribué, nous a permis d’assumer une part importante de la maîtrise de la méthodologie de l’exploitation du corpus, ainsi que celle de la rédaction d’un ouvrage [1991a] [1991b] en deux volumes qui en communiquaient la synthèse des acquis et de leurs contextes d’élaboration. Qui plus est, le second volume fut entièrement consacré à l’exposé de nos propres pratiques pédagogiques situées au sein de nos classes, que nous avions tenté de modéliser et de théoriser. Nous avons assuré la forme finale de la rédaction. Notons que le manuscrit fut soumis au contrôle de diverses personnes de cette Direction dont le Directeur des Lycées et Collèges lui-même qui donna l’autorisation de publier par l’intermédiaire du CRDP de Dijon. Nous avons été chargé d’en suivre l’édition jusqu’à son terme puis de réaliser une large diffusion. C’est ainsi qu’au nom du Directeur des Lycées et des Collèges, nous adressâmes un exemplaire de cet ouvrage à de nombreuses personnes en fonction dans des instances compétentes à l’égard de la régulation du système éducatif scolaire. Nous n’en rapportons pas la liste exhaustive ici mais nous pourrions citer, outre le cabinet du Ministre, les Groupes Techniques Disciplinaires concernés, le corps des Inspecteurs Généraux et les associations de spécialistes de mathématiques, de sciences physiques et chimie, de biologie. Nous en avons aussi adressé quelques I.R.E.M..

Tout comme les acquis issus de l’expérimentation Travail en équipe pédagogique en lycée, ceux de cette action inscrite au Plan National d’Innovation (PNI) firent l’objet de stages nationaux de formation de formateurs inscrits au Plan National de Formation (PNF). En collaboration avec un cadre administratif de la DLC15, nous fûmes chargé d’en assurer l’organisation et l’encadrement.

1.4.3. Intégration de notre conception pédagogique aux perspectives des approches transversales des contenus d’enseignement en lycée et de la pédagogie du contrat

Nous participâmes aussi à d’autres actions d’innovation pédagogique inscrites au PNI47

telles que, durant les années 1989 et 1990, celle sur le thème des approches transversales des contenus d’enseignement dans les lycées, culture générale et projet d’élève et durant les années 1990 à 1992, celle sur le thème de la pédagogie du contrat, contrat pédagogique et projet personnel de l’élève en collège. Le travail sur ce thème de la pédagogie du contrat fut conduit institutionnellement en collaboration avec l’INRP au sein d’une équipe d’enseignants dont Evelyne Burguière assurait la coordination des activités. Cette collègue avait déjà assuré la rédaction d’une synthèse sur la pédagogie du contrat en lycée professionnel (Burguière 1991). Ce travail donna lieu à une publication à laquelle nous fûmes associé lors la première phase de l’analyse du corpus.

Le thème de la pédagogie du contrat nous intéressait dans la mesure où il offrait un autre cadre pour aborder les questions soulevées par la mise en œuvre de la planification du travail et de l’auto-contrôle/correction/évaluation, ou encore, par l’opérationnalisation de la notion de contrat didactique48 développée dans le champ de la didactique des mathématiques par Guy Brousseau (Brousseau 1998 pp.61-62). Cela nous a permis de nous rendre auprès d’équipes pédagogiques pour confronter, échanger sur leurs pratiques, mais aussi les accompagner et même les guider dans l’analyse de ces pratiques. Nous fûmes particulièrement intéressé par les pratiques auto-évaluatives en lien avec des pratiques contractuelles en vigueur dans un collège de Mulhouse.

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