• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Formation à et par l’autonomie en statistique pour une éducation statistique

situation-problème

3. Chapitre 3 : Formation à et par l’autonomie en statistique pour une éducation statistique

Dans ce chapitre, nous nous recentrons sur le pôle S des connaissances et des savoirs du domaine de la statistique dont nous avons situé la place et le rôle relativement aux trois éléments formation, éducation et autonomie. Nous allons cette fois explorer plus finement notre conception de la statistique. Puis nous tenterons de situer sa place dans une formation en sciences humaines et sociales. Enfin nous évoquerons notre projet de promouvoir son enseignement, en particulier, en sciences de l’éducation en relation avec une recherche en didactique de la statistique.

3.1. Notre conception de la statistique

Dans un ouvrage collectif, nous avons consacré un chapitre [1997c] à la question des finalités et enjeux de l’enseignement de la statistique. La conception de la statistique que nous y exposons et que nous reprenons ici, prend appui sur la définition suivante : La statistique est la science qui procède à l'étude méthodique à partir de modélisations mathématiques, des modes d'utilisation et de traitement de données, c'est à dire de l'information, dans le but de conduire et d'étayer une réflexion ou de prendre une décision en situation concrète soumise aux aléas de l'incertain.

La statistique descriptive étudie ces modes d'utilisation et de traitement de données, à un premier niveau, dans la perspective de produire essentiellement des descriptions des informations.

La statistique inférentielle les étudie à un second niveau dans la perspective d'étendre ces informations décrites à un domaine de validité non exploré directement, avec, si possible, un contrôle des risques encourus dans ce raisonnement inductif.

Dans un premier schéma (voir figure 3-1.1), nous traduisons cette tension dialectique qui lie deux dimensions de la statistique comme les deux pôles inséparables d’un aimant. Nous

181 Lenz (1804-1865) a énoncé une loi concernant le phénomène de l’induction électromagnétique, en ces termes « Le sens du courant induit est tel que, par ses effets, il s’oppose à la cause qui lui donne naissance. » Notre métaphore cherche à rendre ainsi compte comment la conduite de l’apprenant paraît reliée à celle de l’enseignant à la manière de la loi précédente.

les nommons respectivement statistique mathématique et statistique appliquée à…. S'il est impossible d’envisager la statistique mathématique hors du cadre théorique au sein duquel se développent l’explicitation, la formalisation des notions, concepts, méthodes et des raisonnements de la statistique, nous ne pouvons pas non plus imaginer que cette théorie soit coupée de sa mise en œuvre dans d’autres cadres théoriques tels que la psychologie, l’économie, la mécanique, la médecine, etc. C’est de ce point de vue que nous regardons les sciences physiques dans leur tension entre la physique mathématique et la physique appliquée.

statistique

mathématique statistique appliquée à ...statistique

trouve son sens dans sa capacité à rendre compte de phénomènes étudiés dans le cadre d'un modèle de la réalité

concrétisation du modèle de la réalité

dégage des problématiques dont le traitement requiert la mise en œuvre de notions, de concepts

et méthodes formalisées dans un cadre formel mathématique

abstraction de la réalité - sciences humaines - sciences sociales - sciences économiques - psychologie - sociologie - sciences de l'éducation - mécanique - physique - biologie - assurance - reconnaissance de forme - médecine - ...

Figure 3.1-1 : Schéma de notre conception de la statistique.

Un second schéma (voir figure 3-1.3) vise à présenter les buts et les opérations que nous assignons à la statistique et qui, par-là même, la caractérise en partie. Nous lui attribuons comme but central de constituer un outil d’aide à la décision, que cette décision soit prise à partir d’une exploration, d’une description de données spécifiées recueillies dans des circonstances connues ou encore à partir d’hypothèses testées conduisant à une certaine maîtrise du risque d’erreur encouru. Ce schéma s’inscrit dans un ensemble de caractéristiques qui servent à définir aujourd’hui la statistique :

une sorte de langage commun méthode générale reliant divers domaines scientifiques et

conduisant plutôt à des conclusions vraisemblables et probables

que vraies et certaines énonçant des propriétés de groupe valides sur des ensembles parfois imparfaitement définis ensembles d’individus, portant sur des de variables, et de relations Caractéristiques de la statistique

Figure 3.1-2 Caractéristiques de la statistique.

Si l’on caractérise les mathématiques comme une science du certain, la statistique pourrait alors s’en distinguer comme une science de l’incertain qui cherche à établir les frontières de l’incertitude. Dans cette perspective le raisonnement statistique prend appui sur les théories des probabilités.

Probabilités

Probabilités analyse des données

statistique descriptive statistique exploratoire A.E.D. synthétiser résumer structurer

mettre en évidence des propriétés et suggérer des hypothèses

l'information recueillie pour

des méthodes de classification

pour faire des groupes homogènes d'individus des méthodes factorielles

pour résumer les variables par des variables synthétiques recueillir des informations

recenser échantillonner sonder modéliser

construire un modèle de la réalité étudiée (population, individus, variable)

statistique inférentielle

tester une hypothèse

estimer - étendre les propriétés constatées sur un

échantillon à la population

- confirmer ou infirmer des hypothèses émises soit a priori sur la base de connaissances préalables ou sur des hypothèses intuitives soit a posteriori sur la base des informations explicitées dans la phase exploratoire

prévoir DECIDER

statistique

avec

Figure 3.1-3 : Schéma des buts et des opérations que nous assignons à la statistique

A cette étape, il convient de rappeler que le terme statistique 182 apparaît :

182 Ce point de vue est soutenu par M.G. Kendall « It may be as well to point out that "Statistics", the name of scientific method, is collective noun, has a capital "S", and takes the singular. The same word "statistics" is also applied to numerical material with which the method operates, and in such a case has no capital letter and the plural. Later in this book we shall meet the singular form "statistic", which is defined as a function of the

. - comme substantif au singulier pour désigner le domaine scientifique, la discipline universitaire : la Statistique,

. - comme substantif au pluriel pour désigner les données qui constituent une part de ces objets d’étude : les statistiques,

. - comme substantif (au singulier ou au pluriel) pour désigner une fonction des résultats d’une variable (statistique) recueillis sur un échantillon : une statistique (exemple, la moyenne empirique est une variable qui à chaque échantillon associe la moyenne des valeurs recueillies pour cette variable)

. - comme adjectif pour préciser d’une part ce qui est relatif à la statistique, (exemple : tableau statistique, échantillon statistique, variable statistique), d’autre part ce qui concerne les grands nombres, les phénomènes complexes (mécanique statistique, rationalité statistique)

À côté de ces mots, nous observons des comportements humains qui expriment des rapports à ce domaine de connaissances et aux pratiques sociales afférentes. En France, à la seule évocation du terme statistique(s), nombre de personnes en soulignent aussitôt les aspects négatifs sans pour autant être en mesure de fournir un exemple précis d’un usage inadéquat et trompeur de la statistique. Une formation insuffisante en ce domaine rend difficile le discernement entre une étude statistique correcte et incorrecte. Des résultats sérieux et correctement traités peuvent être mal interprétés par défaut de compétences élémentaires en statistique tandis que certaines personnes ayant acquis la mauvaise habitude de croire tout ce que les media colportent, constituent des proies faciles pour des manipulateurs de résultats qualifiés, en la circonstance, de statistiques. Trois conduites liées à une compétence insuffisante peuvent être identifiées : le rejet systématique, l’acceptation naïve ou l’usage détourné à des fins personnelles avantageuses sans intention malveillante.

Dans notre vie quotidienne actuelle, les statistiques, et donc, la statistique, tiennent une place dominante dont les media se font tout particulièrement l'écho pour ne considérer que la partie émergée de l’iceberg statistique. Tout se passe comme si, aujourd’hui, la statistique était devenue un outil pour penser et agir aussi indispensable au citoyen que l’écriture, la lecture et le calcul. En 1963, W. Weaver183 écrit « La théorie des probabilités et la statistique sont deux domaines importants, intégrés à nos activités quotidiennes. Le monde de l’industrie, les compagnies d’assurance sont largement tributaires des lois probabilistes. La physique elle-même est de nature essentiellement probabiliste. Il en est de

Suite des notes de la page précédente

observations in a sample from some population. "Statistic" in this sense takes the plural "statistics" » (1986)

Kendall's advanced theory of Statistics vol 1 - 5ème édition - pp 1-2

183 cité par Glaymann, M., Varga, T., (1973) Les probabilités à l’école Paris : cedic p.9 (texte extrait Lady

même des fondements de la biologie. Cependant, en dépit de cette importance, les responsables de l’enseignement n’ont pas encore admis le caractère universel de la théorie des probabilités et de la statistique. Il faut espérer que des éléments de la théorie des probabilités soient introduits dès que possible au niveau de l’enseignement secondaire... »

3.2. Place de la statistique dans la formation en sciences humaines et sociales.

En relation avec notre pratique, nous nous intéressons davantage à la place de la statistique dans la formation en sciences de l’éducation. Actuellement nous entrevoyons pour la discipline statistique, cinq positions :

$ Discipline de base,

$ Discipline de service, discipline-outil, $ Discipline d’ouverture,

$ Discipline-objet de la didactique de la statistique,

$ Discipline-objet de la recherche en statistique dans son application à la recherche en sciences de l’éducation,

Analysons maintenant ce qu’induit la prise en considération de chacune de ces positions. 3.2.1. La statistique comme discipline de base.

Cette position s’appuie sur l’idée que la statistique est un domaine de connaissance indispensable de nos jours. Progressivement, les programmes de l’enseignement secondaire français intègrent à leurs objectifs, des savoirs relatifs à ce domaine. Cependant il n’a pas été institué un cours de statistique comme cela a été pour les mathématiques, les langues étrangères ou d’autres disciplines scolaires. Les connaissances visées sont abordées certes par le cours de mathématiques mais également dans ceux de biologie, de géographie et d’économie. Un dossier publié par l’A.S.U.184 fait un bilan fort instructif relatif à l’enseignement de la statistique à partir d’un inventaire de tous les lieux de formation. Il est clair que dans notre culture française, son enseignement ne s’impose pas de lui-même. Il résulte de l’effort déployé par des statisticiens professionnels ou amateurs, avant tout, convaincus de l’importance que revêt la statistique dans l’intelligibilité du monde au sein duquel nous vivons. Paradoxalement, bien que la statistique soit assez spontanément rattachée aux mathématiques, ce ne sont pas les mathématiciens ou les enseignants de mathématiques qui furent les plus actifs et militants. Dans cette communauté, la représentation dominante de la statistique s’apparente à un bricolage éloigné des mathématiques. Ceci explique en partie le fait que ce qui est prévu au sein des programmes

184 Association pour la Statistique et ses Utilisations qui en fusionnant avec d’autres associations est devenue la Société Française de Statistique (SFdS).

d’enseignement des mathématiques des collèges et des lycées demeure négligé. Nous avons même constaté que lorsque la statistique est abordée, son approche est fort peu favorable à la construction d’une bonne représentation. Force est d’ailleurs de constater que la formation des enseignants de mathématiques a longtemps fait l’impasse sur ce domaine. La formation universitaire s’en tient à une théorie des probabilités conçue comme un cas particulier de la théorie de la mesure185. La gestion du transfert de connaissances acquises relativement à ces théories, vers les théories statistiques est laissée presque entièrement à la charge de l’étudiant puis de l’enseignant qu’il est devenu.

Or ce transfert est loin d’être immédiat. Selon nous, cela tient en particulier à cette tension dialectique évoquée dans notre conception et qui, pour désigner la statistique, nous conduit à recourir au signifiant complexe ci-contre :

Statistique mathématique Statistique appliquée à

(voir figure 3-1.1)

De ce fait, le rattachement d’un fait observé à un concept statistique théorique, processus de modélisation, ou la réalisation d’un concept de la théorie par un phénomène de la pratique, processus d’interprétation, constituent des processus complexes qui requièrent des connaissances et des compétences caractérisant ce que nous appelons une éducation statistique. Celle-ci est le fruit d’une formation à la fois théorique et pratique instituée à l’école, mais aussi d’une pratique consciente menée hors de l’école et fondée sur les traitements de l’information massive quotidiennement déversée par les officines spécialisées au travers des médias à la demande des divers clients. Chercher à donner un sens aux résultats publiés d’une enquête d’opinion est tout à la fois un effet de l’éducation statistique et une cause pour son développement. Habitude et habileté sont indissociables d’une éducation statistique.

Une première visée est de générer chez l’individu des habitudes de vigilance telles que manifester une réaction critique, dresser une oreille attentive face à des propos se fondant sur des faits statistiques, s’interroger sur la façon dont les informations traitées ont été collectées, sur les traitements choisis, sur la façon dont ces traitements ont été conduits et les résultats obtenus, sur la conduite de l’interprétation et enfin sur la manière dont une décision a été prise en liaison avec l’interprétation.

Une seconde visée est de développer des habiletés qui lui permettent d’étayer, de justifier des propos issus du regard critique et de sa vigilance à l’égard de faits corroborés ou corrélés par des faits statistiques.

Outline

Documents relatifs