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Notre conception de la didactique et de la pédagogie des mathématiques et de la statistique

2. chapitre 2 : Retrouver la trame thématique de l’itinéraire intellectuel au travers des écrits présentés et de leurs apports

2.3. Dans les champs de la pédagogie et de la didactique des mathématiques et de la statistique

2.3.2. Notre conception de la didactique et de la pédagogie des mathématiques et de la statistique

Nous souhaiterions, ici, expliciter notre conception de cette didactique disciplinaire qui, pour Daniel Lacombe98, « consiste à privilégier certains aspects de la pédagogie :

. l'aspect cognitif (par opposition, peut-être illusoire, avec les aspects «relationnel» et «institutionnel», ou avec l'aspect global de l'«éducation»).

. l'aspect technologique (qui ne se réduit pas à l'utilisation de certains matériels informatiques ou audiovisuels).

. l'aspect relatif (on parle de didactique de telle ou telle discipline plutôt que de la didactique en général). » sans pour autant véritablement la caractériser par ces restrictions. Et il ajoute que la didactique n'est ni « une discipline, ni une sous-discipline, ni même un faisceau de disciplines, mais une démarche, ou plus précisément un certain mode d'analyse des phénomènes d'enseignement. »

Pour ce faire, dans un premier temps, nous empruntons à nos propos introductifs au cours de didactique des mathématiques et de la statistique en sciences de l'éducation [1992a] que nous assumons depuis plus de huit ans. À travers l'énoncé de ses finalités se reflète notre conception. Puis nous poursuivrons sur une conception de complémentarité de la didactique et de la pédagogie.

2.3.2.1. Un problème de didactique ou de pédagogie de la didactique des mathématiques et de la statistique.

En raison du contexte, nous avons tenté d'affronter deux questions :

À quels buts rattachons-nous un enseignement de didactique des mathématiques et de la statistique en sciences de l'éducation ?

Quel sens donnons-nous à l'action d'enseigner cette discipline à des étudiants dont la plupart n'entretiennent avec les mathématiques et la statistique qu'un rapport lointain et parfois négatif ?

Pour nous, il nous semblait que cet enseignement ne pouvait atteindre ses objectifs que si ses objets rencontraient un espace dans la pratique de l'étudiant, susceptible de lui donner du sens et d'éviter une dérive dogmatique. S'adressant à des professeurs de mathématiques ou à des instituteurs, l'apparition d'un tel espace nous paraissait tout à fait plausible compte tenu de l'activité d'enseignement des mathématiques qu'ils assument. Il s'agissait du chemin : pratique vers théorie. Concernant de futurs professeurs des écoles, la situation devenait moins claire en raison même de la mise en suspens qui diffère la confrontation à la pratique dans la classe. Cette fois, le chemin était théorie vers pratique. Pour la troisième catégorie d'étudiants, nous avons des difficultés à entrevoir cette éventualité. Les seuls points communs à l'ensemble des étudiants sont leur passé d'élèves en collège et en lycée ayant suivi les cours de mathématiques, et leur présent d'étudiants confrontés à un enseignement-apprentissage de la statistique. Cela revient à faire jouer à la didactique des mathématiques et de la statistique, un rôle de discipline de formation générale.

La complexité de cet enseignement est accrue par le fait que ses objets sont eux-mêmes partie prenante de la situation d'enseignement-apprentissage. Par ailleurs, l'explicitation des buts nous a conduit à la formulation suivante :

Tableau 2.3-1 des objectifs visés par un enseignement de didactique des mathématiques et de la statistique en sciences de l'éducation.

Ce qui est visé à court terme par le cours

amener chaque étudiant à : . interroger des évidences fondées sur les

représentations spontanées et les croyances relatives aux processus éducatifs et les pratiques quotidiennes qu'elles génèrent, . prendre de la distance par rapport à l'acte

d'enseigner les mathématiques et la statistique,

. prendre de la distance par rapport à l'acte d'apprendre les mathématiques et la statistique,

. s'approprier quelques concepts et méthodes permettant d'interroger sa pratique passée, présente ou future, de la décrire, d'essayer d'identifier quelques phénomènes générés par une situation d'enseignement,

. s'informer sur l'existence de pistes de recherche et de travaux correspondants dans le domaine de la didactique des mathématiques et de la statistique,

. s'informer sur les fondements, les méthodes et les objets de la didactique des mathématiques et de la statistique,

. utiliser un espace où il est possible, sans être un spécialiste, de parler de ses préoccupations liées aux mathématiques et à la statistique, à leur enseignement et à leur apprentissage, et de les échanger, de les confronter

Ce qui ne l'est pas

. former un chercheur en didactique des mathématiques et de la statistique,

. délivrer des recettes miraculeuses qui permettront d'enseigner les mathématiques et la statistique avec une efficience optimale,

. délivrer des recettes miraculeuses pour apprendre sans difficulté les mathématiques et la statistique,

En ce qui concerne les fondements, les méthodes et les objets de la didactique des mathématiques et de la statistique, l'orientation de Guy Brousseau99 nous influença beaucoup. Nous pensons que la finalité d’une recherche en didactique disciplinaire est la production d’une théorie des situations d'enseignement-apprentissage de la discipline enseignée par la prise en considération d'objets tels que :

. le savoir mathématique, le savoir statistique et la transposition didactique,

. les conceptions, l'action du mathématicien ou statisticien dans la production mathématique ou statistique,

. les pratiques sociales et professionnelles de référence100 du statisticien,

. les représentations et l'action de l'apprenant dans les situations d'enseignement-apprentissage organisées par l'enseignant,

. les conceptions et l'action de l'enseignant dans la production didactique et pédagogique, et la gestion du système didactique qu'il induit,

. les interactions entre ces cinq pôles qui peuvent être considérés en tant que sous-systèmes.

Le triangle didactique de Yves Chevallard constitue un modèle connu des didacticiens pour rendre compte de ce système et expliquer les situations didactiques. Il précise, d’ailleurs, à ce propos que « C’est le système d’enseignement qui régule les relations des systèmes didactiques avec la société extérieure, et cette étude aussi est du champ de la didactique101. » Le triangle pédagogique (Houssaye 1988) de Jean Houssaye est présenté comme un autre modèle de compréhension de la situation pédagogique (Houssaye 1993 p. 15) «définie comme un triangle composé de trois éléments, le savoir, le professeur et les élèves, dont deux se constituent comme sujets tandis que le troisième doit accepter la place du mort ou, à défaut, se mettre à faire le fou.»

Il n'est alors plus possible d'éviter la mise en regard de la pédagogie et de la didactique. 2.3.2.2. Didactique et pédagogie des mathématiques et de la

statistique.

Dans notre article [1984a], nous avions déjà évoqué cette question. Notre position consistait à considérer deux champs complémentaires. Le champ de la didactique des mathématiques serait au sens de Guy Brousseau celui de «l'étude des phénomènes

99 Brousseau, G., (1986) Fondements et méthodes de la didactique Recherche en Didactique des

mathématiques 7(2) 33-115

100 dans le sens donné par Jean-Louis Martinand pour traiter de la question de la référence des activités de type scolaire ; ici, nous pensons à la référence que constituent les activités réelles ou imaginées du statisticien au travers de l'usage social de la statistique par les sondages, les contrôles de qualité, etc., connu du grand public et qui influence l'enseignant dans son activité de transposition didactique.

101 Chevallard, Y., Mercier, A., (1984) La notion de situation didactique, in actes de la IIIème Ecole d’été de didactique des mathématiques 2-13 juillet 1984 Olivet, Grenoble : IMAG pp. 14-19

d'enseignement qui sont spécifiques de la connaissance enseignée sans être réductible au domaine du savoir auquel elle appartient.102» Quant au champ de la pédagogie, nous écrivions qu'il « engloberait des phénomènes plus généraux tels que l'organisation de la classe.» C'est aussi, semble-t-il, le point de vue de Michel Vial quand il écrit (Vial 2000 p. 25) : « Ainsi, faire travailler en groupe parce qu'un savoir précis semble le nécessiter est un choix didactique, alors que choisir le même travail de groupe pour faire que les formés communiquent et se soudent comme groupe ; (...) compte tenu du temps de formation alloué, il semble bon qu'à ce moment-là les formés travaillent ensemble et que le formateur s'efface, relève de la pédagogie. » Nous partagions aussi le point de vue de Philippe Meirieu quand il notait que : « à travers les nombreux débats qui opposent la pédagogie centrée sur l'enfant et la didactique centrée sur les savoirs, se réfractent un très vieux problème philosophique en même temps que des oppositions stériles, parce que l'apprentissage, c'est précisément la recherche, la prospection permanente dans ces deux domaines et l'effort pour les mettre en contact. Il faudrait enfin qu'on arrive à sortir de cette méthode qui consiste à penser toujours sur le mode de la variation en sens inverse103...» Point de vue complété par Guy Avanzini qui écrivait : « La recherche en didactique a toute sa portée et son ampleur, mais elle ne l'atteint que prise en compte dans un ensemble plus vaste, et à condition d'accepter le facteur d'irrationalité, de fortuité, que l'approche expérimentaliste prétend en vain réduire, mais que la considération des situations réelles oblige à introduire dans la compréhension de la réussite ou de l'échec scolaire.104»

Cela s'accorde avec notre conception de la didactique des mathématiques et de la statistique dans sa complexité en prenant en compte :

. la dimension philosophique : l'action de l'enseignant se réfère à un modèle pédagogique plus ou moins composite et explicite ordonné à des finalités éducatives et des valeurs,

. la dimension historico-épistémologique des connaissances mathématiques et statistiques,

. la dimension psychologique : le sujet apprenant agit selon une logique d'appropriation des connaissances, soumise aux caractéristiques affectives et cognitives individuelles. De même le sujet enseignant conduit son activité d'enseignement selon une logique empreinte de sa propre logique d'apprentissage, elle-même soumise à ses caractéristiques affectives et cognitives.

102 Brousseau, G., (1982) Petit panorama de la didactique de mathématiques,

103 Meirieu, Ph., (1987), Pédagogie et didactique,in Didactique ? Pédagogie générale ? Nancy: MAFPEN

104 Avanzini, G., (1986) À propos de la didactique, in Didactique et Didactiques aujourd'hui, Revue

. la dimension sociale : le développement cognitif individuel se réalise dans un cadre social de communication.

Pour Jean Houssaye, la pédagogie reste (Houssaye 1993 p.13) « l'enveloppement mutuel et dialectique de la théorie et de la pratique éducatives par le même personne, sur la même personne. Le pédagogue est un praticien-théoricien de l'action éducative.» Relativement à son modèle du triangle pédagogique, il détermine la variété pédagogique à partir des processus «former», «enseigner», «apprendre» correspondant respectivement aux axes Professeur-Elèves, Professeur-Savoir et Elèves-Savoir.

Mais alors où se situe la différence entre pédagogie et didactique ?

La perspective de Jean Houssaye définit la pédagogie en s'appuyant sur une sorte de principe du tiers exclu. Il nous semble alors que la didactique s'en différencierait par une tentative de s'appuyer sur la relation ternaire Enseignant-Apprenants-Connaissance.

C'est, d'ailleurs, le point de vue de Michel Develay105 qui fait dériver la didactique des réactions aux différentes pédagogies de la relation, du contenu ou des acquisitions dont rendent compte les trois axes cités plus haut. Et l'intrication de la pédagogie et de la didactique apparaît en ce que (Astolfi et Develay 1989 p. 9) « la réflexion didactique permet...de traduire en actes pédagogiques une intention éducative.», et fait de l'enseignant « un éternel artisan de génie qui doit contextualiser les outils que lui propose la recherche en didactique en fonction des conditions de ses pratiques. »

Au sens de Jean Houssaye, notre pratique théorique pédagogique se situerait sur l'axe «apprendre» par son rattachement à la pédagogie Freinet et au travail autonome, en raison de « la priorité (...) donnée à la construction de méthodes et de moyens qui permettent aux élèves de se saisir directement du savoir, mais tout se fait dans un climat qui trouve sa souplesse par une relation non-figées professeur-élèves. » (Houssaye 1993 p.23).

Pour nous, le terrain privilégié demeure la salle de classe. Tout comme Jean Houssaye immerge son triangle pédagogique dans l'institution, nous ne pouvons négliger le fait que celle-ci est institutionnellement délimitée, et que les phénomènes d'enseignement qui s'y déroulent, sont soumis à des influences extérieures. Nous avons tenté de prendre en compte l'ensemble des facteurs évoqués précédemment. Dans cette perspective, nous avions proposé une sorte de triangle pédagogico-didactique complexifié dans notre mémoire de DEA de sciences de l'éducation [1986b]. Ce modèle s'inspirait métaphoriquement d'un modèle du champ électromagnétique du physicien. Nous l'utilisons pour repérer, comprendre ou expliquer les phénomènes didactiques ou pédagogiques auxquels nous nous intéressons. Nous aborderons ce modèle dans la seconde partie. Quoi qu'il en soit

nous conservons le parti pris que la didactique et la pédagogie des mathématiques et de la statistique sont, avant tout, des approches praxéologiques de l'enseignement de ces disciplines, enrichies des approches axiologique, épistémologique et téléologique. Par complémentarité, au sens donné à la situation didactique à partir de la représentation triangulaire A-S-E par Yves Chevallard, nous dirions que la pédagogie peut, elle, s'intéresser isolément aux objets constitués par l'enseignant, les élèves, le savoir ou le système d'enseignement.

Pour tenter de traduire notre conception qui repousse la dépréciation de la pédagogie considérée comme (Vial 2000 p.21) « lieu de l'action qui engluerait ses acteurs ; lieu du manque de temps, de contenus, de réflexion, de formation » et qui renonce à une didactique palliant scientifiquement tous les défauts de la pédagogie par un choix judicieux de ses objets et de ses méthodes, nous avons construit un modèle pour guider une analyse des facteurs qui conditionneraient l'action d'enseigner les mathématiques et la statistique dans la salle de classe.

Nous reprenons les deux modèles triangulaires précédents d'investigation des champs respectifs de la pédagogie et de la didactique. Mais cette fois, nous représentons la conception pédagogique ou didactique comme le barycentre des trois pôles A-E-S affectés respectivement des coefficients positifs #, /, &01 (avec #+ / + & = 1), qui pondèrent l'importance relative accordée à chacun des pôles. La temporalité est intégrable par l'intermédiaire de coefficients #(t), /2t', &2t'01 fonctions du temps définies sur des intervalles [t0 ; t1] correspondant à des découpages temporels liés aux phénomènes étudiés.

Une conception pédagogique (resp. didactique) est une position d'équilibre stable à moment donné en relation à un contexte particulier : la salle de classe, entre les trois pôles Apprenant - Savoir/Connaissance - Enseignant, pondérés par l'importance relative accordée à chacun, en tant qu'objets du champ de la pédagogie (resp. de la didactique)

Ces conceptions pédagogique et didactique déterminent l'action d'enseigner.

Apprenant (a) (e) (s) A Savoir Connaissance S EnseignantE Salle de classe Institution former enseigner apprendre S rapport au savoir épistémologie de l'apprenant obstacles E (e') Enseignant contrat didactique Apprenant (a') (s') A transposition didactique épistémologie de l'enseignant

Enseigner les mathématiques et la statistique pratiques de référence pédagogique Conception didactique Conception Champ de la didactique Champ de la pédagogie

Figure 2.3-1: schématisation du système intégrant les deux points de vue pédagogique et didactique conditionnant l'action d'enseigner

Une telle modélisation permet, en particulier, de retrouver la conception de Jean Houssaye, comme nous l'établissons dans le tableau ci-après.

Tableau 2.3-2 des diverses conceptions pédagogiques et didactiques en fonction des poids relatifs de l'importance accordée à chacun des trois pôles

Jean Houssaye

Triangle pédagogique (poids du pôle)

Yves Chevallard Triangle didactique (poids du pôle)

axes A (a =) S (s=) E (e=) sous-systèmes A (a' =) S (s' =) E (e' =)

«enseigner» 0 1/2 1/2 A-S-E 1/3 1/3 1/3 position 1 0 3/4 1/4 S-E 0 1/2 1/2 position 2 0 1/4 3/4 A-E 1/2 0 1/2 «former» 1/2 0 1/2 A-S 1/2 1/2 0 position 3 1/4 0 3/4 A 31 30 30 position 4 3/4 0 1/4 S 30 31 30 «apprendre» 1/2 1/2 0 E 30 30 31 position 5 3/4 1/4 0 position 6 1/4 3/4 0 notre conception pédagogique 6/9 2/9 1/9 notre conception didactique 1/3 1/3 1/3

Notre conception pédagogique pourrait être caractérisée par le triplet A-E-S : (6/9, 2/9, 1/9) qui, tout en réaffirmant la part du maître, maintient une position voisine de la position 5 dans l'analyse de Jean Houssaye.

Notre conception didactique reste caractérisée par l'équipotentialité des trois pôles. En dehors de cas exprimant une contrainte simple comme la précédente, les coefficients sont donnés par leurs valeurs subjectives. Il resterait à mettre en œuvre des méthodes d'estimation de ces coefficients en fonction d'indicateurs dont Marc Bru (Bru 1991) fournit quelques pistes dans son étude des variations didactiques.

Pour achever ce propos, il serait intéressant de questionner cette modélisation par rapport au domaine de connaissance considéré : les mathématiques et la statistique. Nous pensons que par leur nature logique et épistémologique, ces disciplines se prêtent plus facilement que d'autres, à des découpages, à une désyncrétisation, à des formes de recontextualisation et de conceptualisation qui sont peut-être moins soumises aux effets de saturation par l'expérience quotidienne.

apprenants dans les contextes scolaire et universitaire, en

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