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3.9.1 La science des sursauts gamma

Les objectifs scientifiques de SVOM sont détaillés dans le Livre Blanc [Wei et al., 2016], dans lequel sont décrites les multiples possibilités qu’offre ECLAIRs. Grâce à son seuil bas en énergie, il détectera des XRFs avec une bonne sensibilité, ce qui permettra d’étudier la

corrélation entre les sursauts et les supernovae «normales» de type Ic. Toutes ces études vont aider à la compréhension des sursauts en dévoilant les ingrédients clés nécessaires à la production de ces derniers (par exemple, la rotation stellaire, la binarité, la métallicité, etc.). Les instruments ECLAIRs et GRM, respectivement sensibles aux photons dans les plages d’énergie [4 - 150] keV et [15 - 5000] keV, mesureront le spectre de l’émission prompte sur une large gamme d’énergie, permettant ainsi la détection de diverses composantes spectrales de cette émission prompte [Bernardini et al., 2016]. Avec l’instrument MXT, ECLAIRs va mesurer la transition entre l’émission prompte et l’émission rémanente précoce avec une pré-cision sans précédent, grâce à la gamme d’énergie commune de [4 - 10] keV entre les deux instruments.

Ces objectifs scientifiques exigent d’ECLAIRs d’avoir un seuil de détection aussi bas que possible, pour explorer l’émission prompte et le début de l’émission rémanente en dessous de 15 keV, avec une bonne sensibilité.

3.9.2 La science hors sursauts

Alors que la conception d’ECLAIRs s’est focalisée sur l’étude des sursauts gamma, les performances de cet instrument s’étendent à une science hors sursauts, comme la mesure de l’activité des sources variables connues ou la découverte de nouvelles sources transitoires ou la surveillance du ciel en X durs.

3.9.2.1 La détection des sources transitoires

ECLAIRs, instrument grand champ, est idéal pour la surveillance du ciel en X durs. L’al-gorithme de déclenchement détectera automatiquement les sources transitoires brillantes, in-cluant des objets astrophysiques inconnus autres qu’un sursaut gamma (par exemple nouveau SGR, TDE visible en RX,...) et des sources connues non incluses dans le catalogue embarqué, ainsi que des sources connues faisant partie de ce même catalogue, à partir de déclenchements induits par une forte variabilité. Dans ce dernier cas, une alerte sera envoyée au sol, mais le satellite ne se tournera vers la source que si le SNR dépasse le seuil de déclenchement réglé pour cette source.

3.9.2.2 La surveillance du ciel

Les temps longs d’observation de certaines régions du ciel permettront à ECLAIRs de surveiller l’activité des galaxies actives (AGN pour Active Galaxy Nucleus) et des sources galactiques de rayons X durs puis d’effectuer des études statistiques sur l’activité de ces sources. Une observation des blazars sur le long terme pourrait nous aider à détecter des « flares » étendus qui pourraient ensuite être suivis en ondes radio et dans le domaine des très hautes énergies de façon à caractériser les régions émettrices, et aider à déchiffrer les mécanismes d’émission (Fig. 3.24).

La surveillance longue du centre galactique permettra de détecter de nouveaux événe-ments transitoires, de mieux quantifier le cycle des sources de rayons X connues, d’étudier la variabilité de ces sources sur différentes échelles de temps (limites des régions émettrices, etc.), d’améliorer le suivi multi-longueurs d’onde de ces sources avec des instruments sol et spatiaux. La surveillance du rayonnement X durs d’ECLAIRs, pour rechercher des objets variables autres que les sursauts, sera facilitée par l’existence des catalogues fournis par les instruments BAT (sur SWIFT ) et e-Rosita (sur Spectrum-RG).

Figure 3.24 – Cette carte illustre les temps d’exposition longs vers les pôles galactiques, ce qui permet de surveiller l’activité à long terme des sources de rayons X durs situées dans ces régions (comme les noyaux actifs de galaxies), en se basant sur une annnée d’observation du ciel. Credit SVOM Consortium / Livre Blanc [Wei et al., 2016]

3.10 Conclusion

Comme nous l’avons décrit précédemment, ECLAIRs est l’imageur et le trigger de la mission SVOM. Malgré des ressources limitées en masse et en puissance (~90 kg, ~90 W, un volume de 100 x 100 x 80 cm3), il permettra de détecter 200 sursauts gamma pendant la durée nominale de la mission prévue pour 3 ans, en mettant l’accent sur la localisation des sursauts mous. Il permettra aussi la détection d’un grand nombre de sources transitoires de rayons X durs de types différents.

L’atout majeur de l’instrument ECLAIRs sera d’assurer un suivi rapide des sources tran-sitoires qu’il aura découvertes, à la fois dans l’espace et depuis le sol. Plus de la moitié des sursauts d’ECLAIRs pourraient ainsi avoir leur redshift mesuré à l’aide des grands télescopes au sol.

Chapitre 4

Développement du module

XRDPIX

Ce nouveau chapitre est consacré à la présentation de mes travaux, qui ont débuté avec la conception des modules XRDPIX, et le suivi de leur réalisation, depuis la phase de prototypage jusqu’aux phases série. Tout au long du développement, j’ai caractérisé un à un ces modules hybrides de détection, en gérant les nombreuses campagnes de tests, avec la mise en œuvre des bancs d’essais, la gestion des activités de tests et le management des équipes d’ingénierie. J’ai complété ces travaux avec des modélisations contribuant à la validation des performances des XRDPIX, et terminé la phase de développement par l’analyse d’une large quantité de mesures spectrales, permettant la sélection des modules pour la caméra de vol (chapitre 5).

Pour atteindre les objectifs scientifiques de la mission SVOM, et obtenir un seuil bas de détection en énergie de 4 keV uniformément sur toute la caméra ECLAIRs, il nous a fallu relever un défi technique ambitieux ! En effet, la performance typique obtenue à ce jour, avec ce type de détecteurs, est un seuil bas proche de 15 keV, grâce aux instruments BAT/SWIFT et ISGRI/INTEGRAL.

Le plan de détection de l’instrument ECLAIRs est équipé de 6400 détecteurs semi-conducteurs en Tellure de Cadmium. Comme présenté au chapitre 2, les détecteurs sont assemblés par groupes de 32 sur un module hybride appelé XRDPIX. Le plan de détection DPIX en comptera 200, regroupés par 25 (soit 800 détecteurs) pour former 8 secteurs, ayant chacun des électroniques de lecture similaires, mais indépendantes.

Nous allons consacrer ce chapitre au module hybride XRDPIX (Fig. 4.1), brique de base du plan de détection ECLAIRs qui devra réaliser la performance de détecter des photons d’énergie aussi basse que 4 keV. Nous allons débuter par une description de ce module, et poursuivre avec l’explication de son fonctionnement. Tout au long de ce chapitre nous uti-liserons indifféremment les termes « modules XRDPIX » ou « XRDPIX » pour désigner le composant de base du plan de détection de l’instrument ECLAIRs. Pour alléger la lecture du manuscrit, il sera développé, dans deux chapitres distincts, la description du module XRDPIX (ce chapitre) et les performances de ce module (le chapitre suivant 5), avec la présentation des résultats des nombreux essais effectués sur ces détecteurs.

Le module XRDPIX est un hybride innovant : il associe des technologies inédites à un type de détecteurs que nous avons choisi spécifiquement pour le projet : un semi-conducteur de tellurure de cadmium (CdTe). Cette technologie semi-conductrice possède d’excellentes caractéristiques pour la détection des photons gamma : le matériau est dense et ses composés

ont un numéro atomique élevé (ZCd = 48 / ZT e = 52). De plus, avec une forte résistivité, il peut fonctionner à température ambiante, même si nous avons préféré le placer à basse température pour limiter le bruit des détecteurs lié à l’agitation thermique et optimiser ainsi ses performances.

Son utilisation est opportune pour une application spatiale, d’autant qu’il permet un fonctionnement à basse énergie. Pourtant, le choix du CdTe pour l’instrument ECLAIRs montre quelques effets négatifs, comme l’élargissement de certains pics pouvant être dû à la collection incomplète des porteurs de charge, mais il reste un très bon candidat pour la gamme d’énergie [4 - 150] keV. Ainsi, il offre de bonnes qualités spectroscopiques, situées entre celles d’un scintillateur et d’un germanium. Nous mesurerons ainsi des résolutions autour de 7 % à 13,9 keV (énergie d’une raie basse énergie de décroissance de l’américium 241), soit inférieures à 1 keV.

Figure 4.1 – Photo d’un module XRDPIX en version modèle de vol.

Chaque XRDPIX est composé de deux sous-ensembles utilisant des substrats de technolo-gies différentes : une « Céramique Détecteurs » et une « Céramique ASIC », que j’ai étudiées séparément, et qui sont décrites en détail dans les sections suivantes.

4.1 Description du détecteur hybride de la caméra ECLAIRs

Pourquoi un hybride ?

Plusieurs arguments vont nous permettre de répondre à cette question.

Tout d’abord, nous parlons de composant hybride du fait du mélange des matériaux le constituant et de la multiplicité des différents processus servant à son développement. La réalisation d’un hybride se base sur la capacité des ingénieurs à affronter les incompatibilités technologiques par l’acceptation de compromis de toutes sortes. D’un point de vue étymolo-gique, « hybride » vient du latin hibrida qui signifie « bâtard » ou « sang mêlé » ; au delà du caractère indélicat de ces mots, un hybride désigne par extension ce qui provient de deux (ou plus) espèces différentes.

Cet élément multi-technologies a été conçu dans le but principal d’obtenir des perfor-mances uniques en sensibilité aux basses énergies ; en effet, la réalisation d’un hybride permet de réduire le bruit global généré par les différents postes de détection, et atteindre ainsi un seuil bas en énergie inférieur à 4 keV (discussion des différentes sources de bruit dans la section 5.2.1).

Pour ce faire, nous sommes allés chercher les substrats les moins capacitifs (des céramiques HTCC et Couche épaisse, décrites dans les sections 4.2.2), une électronique de lecture intégrée

faible bruit, communément appelée électronique « front-end » (puce ASIC décrite dans la section 4.2.4) et les détecteurs les moins bruyants parmi plus de 14000 cristaux CdTe testés (section 4.2.1).

Ensuite, les contraintes liées à la mission spatiale nous ont amenés à intégrer une élec-tronique à faible consommation, avec des détecteurs semi-conducteurs spéciaux, un circuit haute tension (HT) dédié et des substrats faiblement dissipatifs, dont nous avons dû vérifier la compatibilité mécanique et thermique.

Enfin, nous avons gardé une grande flexibilité dans l’assemblage, le développement et la caractérisation de l’hybride XRDPIX, grâce à sa modularité, en choisissant de le développer en deux sous-éléments, la Céramique Détecteurs et la Céramique ASIC, décrites dans les sections suivantes. Soulignons que, malgré le riche passé des autres missions comme INTEGRAL, nous sommes partis dans l’inconnu avec cet hybride, de part la mixité des technologies et l’originalité des procédés mis en œuvre.

La Céramique Détecteurs comprend 32 détecteurs CdTe Schottky, fabriqués au Japon par la société ACRORAD, collés sur une céramique de type couche épaisse et polarisés jusqu’à −450 V grâce à une grille conductrice amenant la haute tension. Cette Céramique Détecteurs est ensuite contrecollée à une Céramique ASIC sur laquelle est hybridée une puce ASIC (IDEF-X Version 2), développée par le CEA (Irfu à Saclay), et encapsulée dans une cavité hermétique avec des composants passifs de filtrage (figure 4.7). Les connexions extérieures à ce module sont réalisées au travers de plages métallisées destinées à recevoir des connecteurs à pointes permettant l’interface avec le reste de l’électronique.

Le choix des composants du module XRDPIX s’appuie sur les avantages suivants : la miniaturisation et le multiplexage de l’électronique grâce à un ASIC, la grande sensibilité à basse énergie du CdTe, les faibles capacités et la stabilité thermique des céramiques. De façon à connaître et maîtriser au mieux le module final XRDPIX, j’ai au préalable analysé les performances des Céramiques Détecteurs et des Céramiques ASIC séparément, pour ensuite identifier les bruits prédominants et optimiser ainsi l’homogénéité des 32 voies lors de leur couplage.

4.2 Caractéristiques physiques et techniques des composants