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5.2 Caractérisation des sous-ensembles Céramique Détecteurs et Céramique ASIC

5.2.2 Les performances des Céramiques Détecteurs

La Céramique Détecteurs est formée de plusieurs composants, comme nous l’avons décrit dans la section 4.2.3, mais seuls les détecteurs CdTe sont actifs. En étudiant leur courant de fuite IF U IT E à la température de −20C dans la formule F4.2, c’est à dire le courant continu mesuré dans l’obscurité et sans aucune autre excitation extérieure que la polarisation appliquée, nous pouvons évaluer leur qualité intrinsèque et anticiper la performance finale d’un XRDPIX.

En effet, nous verrons par la suite que les voies qui montrent des résolutions élevées et des seuils bas supérieurs au seuil de 4 keV recherché, sont celles qui ont été mesurées avec des courants de fuite élevés.

Dans ce paragraphe, nous montrerons des résultats des tests réalisés sur des Céramiques Détecteurs (modèles de vol), et mettrons en évidence le paramètre le plus impactant sur les performances finales. Nous verrons ainsi que la tension de polarisation des détecteurs et la température de mesure jouent un rôle majeur dans leur obtention, étant des paramètres clés en lien direct avec la densité de courant (formule 2.11).

Figure 5.7 – Images du banc de test permettant les mesures de courant de fuite - Photo du haut : Enceintes thermiques pour la régulation des basses températures dans lesquelles sont montés les circuits de test des « Céramiques Détecteurs » 32 voies, mesurées au moyen d’un ampèremètre à faible signal, pour des courants de l’ordre du pico-ampère, placé en sortie d’un multiplexeur 32 voies / Photo du bas : Circuit de test des « Céramiques Détecteurs » comprenant un substrat céramique à pointes.

La figure 5.7 montre des images du banc de test utilisé pour les campagnes de mesure de courant de fuite des cristaux CdTe des « Céramiques Détecteurs » : plus de 8000 détec-teurs ont été caractérisés à plusieurs tensions (−200V, −300V, −400V, −500V) et plusieurs températures, dont la température nominale mission (−20C).

Figure 5.8 – Courants de fuite de 51 Céramiques Détecteurs FM polarisées à −300 V (abs-cisse) et à −500 V (ordonnée) - Mesures effectuées avant la phase de dégazage sur 1632 voies - Les points en rouge sont hors cadre défini pour un courant de 100 pA

La figure 5.8 montre 1632 mesures du courant de fuite de 51 Céramiques Détecteurs polarisées à −300V (axe des abscisses X) et −500V (axe des ordonnées Y), de manière à étudier l’impact de la tension de polarisation sur le bruit intrinsèque des détecteurs. Au moyen d’une boîte d’acceptance de 100 pA, nous pouvons voir que les courants supérieurs à 100 pA sont au nombre de 14 à la HT de −300 V (0,9 %) tandis qu’on en dénombre 91 à la polarisation de −500 V (5,6 %)[Lacombe et al., 2016a].

De plus, la distribution des mesures apparaît homogène, avec des points très proches de la droite de régression linéaire d’équation Y = 1,32 X – 0,03. Cette dernière a été calculée sur les 1632 courants avec Y = I[−500V ] et X = I[−300V ], à partir d’un ajustement linéaire des données (par la méthode des moindres carrés, à l’aide d’une fonction polynomiale d’ordre 1, et minimiser ainsi la somme quadratique des résidus entre les données et le modèle).

En ajustant une droite de tendance aux seuls points rouges (valeurs de courant hors du cadre), nous obtenons l’équation suivante : Y = 0,87 X + 1, qui montre un facteur de proportionnalité éloigné de celui de l’équation précédente représentant la corrélation entre le courant d’un détecteur polarisé à −300V et celui d’un détecteur polarisé à −500V, et permet d’identifier nettement les voies mauvaises parmi une population homogène de courants très bas. Enfin, la dispersion est plus forte à plus haute tension avec un écart-type de 97 pA (moyenne de 39 pA) au lieu de 10 pA à −300V (et une moyenne trois fois plus faible). Je conclus donc à une meilleure homogénéité des courants à plus basse tension.

Figure 5.9 – Courant de fuite moyen selon la position des 32 voies de 51 Céramiques Dé-tecteurs modèles de vol (soit 1632 déDé-tecteurs) polarisées à −300V (graphe du haut), −400V (graphe du milieu) et −500V (graphe du bas).

V, −400 V et −500 V) en fonction des positions des 32 détecteurs CdTe, appelées P0 à P31. Nous constatons que certaines positions (correspondant aux voies XRDPIX dans la suite du chapitre) ont des moyennes plus élevées, associées à des écart-types plus grands : P0, P16, P18, P21, P23, P26.

Ceci peut s’expliquer par une dégradation des arêtes des détecteurs selon l’outillage de leur placement (pour le process de collage) qui pourrait abîmer préférentiellement certaines positions. D’autre part, les positions avec les courants les plus forts sont aussi celles dont les détecteurs reposent sur les positions les plus capacitives, soit P0, P7, P8, P15, P16, P23, P24, P31.

Figure 5.10 – Courant de fuite en fonction de la température (+23C, +5C, −10C, −20C) mesuré sur des détecteurs (96) de 3 Céramiques Détecteurs (modèle de qualification)polarisées à −300 V - Graphe du haut : Mesures avant la phase de dégazage / Graphe du bas : Mesures après la phase de dégazage.

Impact du stockage sur le courant de fuite

La figure 5.10 montre l’évolution des courants mesurés à quatre températures (+23C, +5C, −10C et −20C), avant et après une phase de stockage à +40C des Céramiques Détecteurs pendant 1000 h. Cet essai fait partie de la file de qualification spatiale de ces sous-systèmes, et nous exposons ici l’impact du chauffage sur la valeur de l’énergie d’activation sur une population arbitraire de 96 détecteurs. En effet, nous pouvons observer une évolution de la valeur d’énergie d’activation, une fois que les trois Céramiques Détecteurs ont été stockées. A partir de la formule F2.12 (section 2.2.2.3), nous pouvons évaluer l’énergie d’activation selon la relation :

IF = I0exp(−δEA/kBT ) => ln(IF) = ln(I0) - (δEA/kBT )

avec :

— kB : constante de Boltzmann (8, 617.10−5 eV.K−1) — T : température (K)

En traçant la courbe ln(IF) en fonction de la variable 1/kBT , j’obtiens l’énergie

d’acti-vation qui est alors le coefficient directeur de la droite (’a’ sur la figure 5.10) obtenue par régression linéaire des quatre moyennes des 96 courants de fuite pour chaque température de test. L’énergie d’activation a augmenté, passant de 0,651 ±0, 030 eV à 0,688 ±0, 038 eV. Cette augmentation traduirait ainsi une baisse de l’agitation thermique, à l’origine du bruit intrinsèque des détecteurs, correspondant à la mesure d’un courant continu dans le noir. Ce-pendant, nous pourrions calculer δEA à partir d’un plus grand nombre de courants, pour réduire l’erreur statistique.

Finalement, les essais que j’ai menés ont montré des résultats positifs après le stockage à +40C des Céramiques Détecteurs, avec des valeurs de courant de fuite diminuées (en moyenne, nous obtenons une baisse de 25 %). De plus, avec moins de 1 % de voies supérieures à 100 pA, et une médiane de 10 pA à la température de −20C (avant une phase de dégazage qui va améliorer les courants), c’est la polarisation de −300 V qui apparaît être la meilleure configuration de mesure, pour éviter un niveau de bruit détecteur trop élevé.

Néanmoins, en calculant les coefficients de variation (σ/µ) des populations de courants inférieurs à 100 pA, nous voyons qu’il est plus bas à la polarisation la plus élevée de −500V, à savoir un coefficient de 0,68 contre 0,71 à −300V , démontrant une homogénéité légèrement meilleure à plus haute tension. La différence reste très faible et ces valeurs montrent une forte dispersion dans les deux cas. C’est pourquoi je pense que la tension −300V sera la plus adaptée dans le cas de notre projet.

Impact de la lumière sur le courant de fuite

Pour évaluer l’impact de la lumière sur les détecteurs CdTe, j’ai étudié les courants de fuite sur un échantillon de Céramiques Détecteurs positionnées sous un éclairement lumineux variable. De plus, j’ai mesuré le temps de pause nécessaire pour que le courant de fuite revienne à son niveau initial, dans le noir. Les essais ont été réalisés à température ambiante (24C) et à pression atmosphérique, dans un cas ’limite’ de polarisation des détecteurs (−600 V), correspondant, en début de projet, à la valeur maximale que la haute tension fournissait.

de fuite (facteur ≈ 200), en plaçant les détecteurs CdTe dans des conditions d’éclairement important (jusqu’à 660 lux). D’ailleurs, même avec un éclairement très faible (6 lux), nous constatons déjà un courant de fuite d’environ dix fois plus élevé, ce qui aura pour conséquence de saturer l’ASIC et rendra toute observation impossible.

En outre, nous voyons qu’il faudrait 15 h de repos afin que les détecteurs retrouvent tota-lement leurs caractéristiques d’avant éclairement (Fig. 5.11). Pour autant, 4 heures suffiraient à l’obtention d’une mesure de courant de fuite correcte, malgré une augmentation de 10 % à température ambiante. Dans la pratique, pour réaliser tous nos essais au sol et caractériser de façon optimale plus de 14000 détecteurs CdTe, j’ai spécifié 15 h de pause, avec, par exemple, la mise en place des Céramiques Détecteurs dans l’enceinte sous obscurité la veille des mesures. Ainsi, les XRDPIX de l’instrument ECLAIRs doivent être totalement dans le noir afin de ne pas détériorer la performance de seuil bas à 4 keV spécifiée par la mission, et assurer un maximum d’homogénéité des courants de fuite des détecteurs, fortement dégradée en présence de lumière.

Figure 5.11 – Graphe du haut : Courant de fuite des 32 détecteurs d’une Céramique Détec-teurs en fonction du flux lumineux / Graphe du bas : Courant de fuite moyen d’une Céramique Détecteurs en fonction du temps de repos après une exposition lumineuse. Les 32 détecteurs ont été polarisés à −600 V et testés à température ambiante.