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3.2 L’instrument ECLAIRs

3.2.1 Le plan de détection, avec ses électroniques associées et la régulation thermique 84

thermique

Le plan de détection DPIX

Le plan de détection d’ECLAIRs se compose de 6400 détecteurs Schottky CdTe, de di-mensions 4 x 4 x 1 mm3. Ils sont disposés de manière à obtenir un plan pixélisé carré de 80 x 80 détecteurs, offrant ainsi une surface géométrique de 1024 cm2.

Les détecteurs CdTe sont très bien adaptés aux applications spatiales, à la fois pour faire de la spectroscopie et de la détection de rayons X durs, grâce notamment à leur très bon pouvoir d’arrêt au-dessous de 200 keV, à la maturité des procédés de fabrication et à l’expérience acquise grâce à leur utilisation généralisée pour des missions spatiales (INTEGRAL ou SWIFT par exemple, comme présenté dans le chapitre 2).

De plus, ce type de détecteurs possède l’avantage d’avoir un très faible courant de fuite (< 100 pA à −20C pour une tension de polarisation inférieure à −500 V), ce qui permet d’atteindre le seuil bas en énergie de 4 keV à la température nominale de −20C (tempéra-ture en vol). Pour ce faire, des caloducs réaliseront la régulation thermique pour assurer le maintien dans la gamme de température opérationnelle de l’instrument. Le plan de détection viendra se fixer sur la face supérieure de la ceinture d’interface entre le télescope ECLAIRs et le satellite (Fig. 3.6).

Figure 3.5 – Structure du télescope ECLAIRs en vue éclatée : il est constitué d’un masque codé, d’un blindage passif, d’un plan de détection refroidi à −20C au moyen d’un radiateur, et d’une électronique Front-End ELS.

Ainsi, le plan de détection est divisé en 200 modules de détection, appelés « XRDPIX », qui sont des matrices de 32 détecteurs, lues par une électronique faible bruit (que nous décrirons dans le chapitre 4). Ces modules sont regroupés par 25, et gérés par 8 secteurs électroniques indépendants « ELS », fournissant la haute tension (programmable entre 0 et −450 V) et codant chaque événement en énergie (1024 canaux calibrés de 0 à 150 keV, avec une résolution spectrale meilleure que 1,6 keV au pic de 60 keV), en temps (avec une précision de 20 µs), et en position (avec une précision de 2 mm).

Enfin, la stratégie de détection d’ECLAIRs permet de distinguer les interactions qui touchent un pixel unique (événement simple ou « single event ») des événements multiples qui touchent plusieurs détecteurs simultanément (pixels), provenant par exemple de particules chargées.

La figure 3.7 montre une première image de la caméra DPIX formée par les 200 modules XRDPIX de vol.

Figure 3.6 – Caméra DPIX et ses caloducs, intégrés autour de la ceinture d’interface, réalisant la régulation thermique. En haut à gauche : Plan de détection de la caméra DPIX équipée de ses caloducs vue de face supérieure / En haut à droite : ELS Box de l’instrument ECLAIRs.

Figure 3.7 – Première image de la caméra pixélisée du télescope ECLAIRs, avec ses 6400 détecteurs CdTe fonctionnant dans les conditions de vol (à basse température et sous vide secondaire) éclairés par des sources de55Fe et241Am.

La régulation thermique

Dans le cas de la caméra DPIX, il existe deux interfaces thermiques : l’interface radiative et l’interface conductive.

Par exemple, la surface supérieure du plan de détection (constituée des détecteurs et de la face supérieure du plateau froid) est en interface radiative avec la cavité du blindage. Elle est une source de fuites thermiques pour le plan de détection. Les propriétés thermo-optiques de cette face sont, d’une part, l’émissivité infra-rouge de 0,51 pour les détecteurs (valeur issue de mesures réalisées par le CNES), et d’autre part, l’émissivité infra-rouge de 0,12 pour le plateau froid (composé en Albemet avec un revêtement alodine). Pour ce qui est de l’interface conductive, le contrôle thermique du plan de détection est réalisé principalement par des caloducs (Fig. 3.8) faisant partie du sous-système bus thermique de l’instrument, qui est piloté pour que les détecteurs soient maintenus dans leur gamme de température de fonctionnement. Les boîtiers ELS sont contrôlés thermiquement surtout par rayonnement (via les cinq faces de l’ELS box). Des sondes de température sont positionnées sur le DPIX, se partageant la localisation du plan de détection et celle des secteurs ELS.

La fonction de régulation thermique de l’instrument ECLAIRs, et notamment du DPIX, doit répondre à plusieurs spécifications techniques, de stabilité et de flux d’interface. En effet, la spécification spatiale exige que la différence de température au niveau des 6400 détecteurs reste inférieure à 5C, à chaque instant, en mode opérationnel. Chacun d’eux doit varier au maximum de 3C sur chaque orbite, toujours dans ce mode. De plus, le flux thermique échangé par évaporation entre le plateau froid et les dissipateurs thermiques doit être inférieur à 7 W/cm2.

Figure 3.8 – Plan et image du système de caloducs utilisés pour le contrôle thermique du plan de détection. Credit IRAP et CNES

3.2.2 Le masque codé et le blindage

D’une part, les détecteurs CdTe étant très sensibles à la lumière, il nous faut les faire fonctionner dans un environnement opaque au spectre visible, mais qui doit rester transparent aux rayons X. De plus, il est nécessaire de protéger le plan de détection du fond diffus X, qui se trouve hors du champ de vue. C’est pour cette raison qu’il est blindé avec un blindage passif en plomb avec une transparence aux rayons X inférieure à 1 % à 50 keV.

Les faces internes du blindage sont recouvertes d’une couche de cuivre qui produit une raie de fluorescence à 8,06 keV (Kα) induite par l’irradiation de particules sur la caméra. Ce pic, proche du seuil bas de détection, permettra de contrôler régulièrement l’étalonnage en énergie des détecteurs. D’autres raies, obtenues à partir de la fluorescence du plomb et du tantale, matériaux composant l’instrument ECLAIRs, seront également utilisées pour surveiller une évolution de la calibration au cours du temps. D’autre part, les détecteurs voient le ciel au travers d’un masque codé de 54 x 54 cm2 situé à 46 cm au-dessus du plan de détection. Ce masque est constitué d’une feuille de tantale prise en sandwich entre deux couches de titane ; il est formé de 46 x 46 éléments carrés et présente une ouverture de 40 %, fraction étudiée et simulée de façon approfondie étant donné son impact sur la détection des sursauts gamma (Fig. 3.11). Le principe de l’imagerie à masque codé est décrit dans la section 2.3.3.

Un revêtement spécifique de type MLI (pour « Multi Layer Insulation »), recouvre le masque pour d’une part, servir de filtre optique coupant les photons dans le visible et l’UV et éviter qu’une lumière parasite ne vienne exciter les détecteurs et d’autre part, assurer une isolation thermique du masque codé. Le choix des couches de MLI et leur mise en œuvre, sont déterminés par une contrainte majeure, à savoir une transparence aux rayons X, qui doit être supérieure à 90 % à 6 keV. Il y a donc un compromis à trouver pour que le plan de détection ECLAIRs soit dans l’obscurité totale tout en laissant passer les photons X de très basse énergie. La figure 3.10 montre le résultat d’une étude sur l’absorption due à différentes couches de MLI qui seront placées au dessus du plan de détection. En définitive, après des campagnes d’essais et des réunions de trade-off, la sélection s’est portée sur une couche de SLI (« Single Layer Insulation ») devant le masque, et sur deux couches de SLI devant le plan de détection.

Nous voyons que la couche de mylar absorbe peu, et que si le besoin apparaît (protection supplémentaire contre les micro-météorites par exemple, optimisation de l’obscurité), nous pourrions en mettre une troisième, soit une couche de Kapton couplée à 3 couches de Mylar.

Figure 3.9 – Image en haut à gauche : Une des premières versions du motif du masque ECLAIRs (la version finale a un renforcement en forme de croix à l’intérieur du carré) / Image en haut à droite : Prototype de masque codé ECLAIRs / Image au centre à gauche : Repères du masque sur la version finale du motif / Image au centre à droite : Mesures du masque assemblé à la machine à mesurer tridimensionnelle / Image en bas à gauche : Modèle structural et thermique du masque (à partir de la dernière version de motif) / Image en bas à droite : STM de la structure mécanique et du masque de l’instrument ECLAIRs. Credit APC : Alain Givaudan et Cyril Lachaud

Figure 3.10 – Absorption estimée de 3 couches de MLI avec la couche de platine.