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Dans la continuité du précédent chapitre, nous poursuivons ici l’étude des scénarios culturels reconduits dans les différentes œuvres à l’étude, nous penchant, cette fois, sur les référents intertextuels mobilisés par les autrices pour donner corps et sens aux récits. Plus précisément, nous aborderons les objets culturels relayés dans les textes, que ceux-ci soient consommés du plein gré des personnages féminins, ou encore qu’ils leur soient imposés. Chaque référent culturel intégré dans le tissu narratif sera ainsi considéré comme un intertexte, lequel, selon Barthes,

apporte à la théorie du texte le volume de la socialité : c’est tout le langage antérieur et contemporain qui vient au texte, non selon la voie d’une filiation repérable, d’une imitation volontaire, mais selon celle d’une dissémination – image qui assure au texte le statut non d’une reproduction, mais d’une productivité. (1973, souligné dans le texte)

Aussi pourrait-on avancer que, dans l’œuvre littéraire, l’intertexte se fait éventuellement script : issu de la culture personnelle de l’autrice (Gignoux, 2005 : 9), il se voit investi, une fois incorporé dans la diégèse, de signifiance177. En ce sens, le jeu de l’intertexte est double : en même temps qu’il

informe le personnage féminin des possibilités qui s’offrent à lui, il contribue à produire, à une autre échelle, de nouveaux scénarios, selon qu’il est célébré ou contesté sur le plan narratif, le tout dans un processus dynamique constant de dialogue entre les textes eux-mêmes, puis entre le texte et la société – les scénarios ainsi créés étant à leur tour disséminés dans l’espace de réception. Comme l’indique Sophie Rabau, « chaque texte transforme les autres qui le modifient en retour »

177 Pour reprendre les mots de Roland Barthes, « La signifiance est un procès, au cours duquel le “sujet” du texte, échappant à la logique de l'ego-cogito et s'engageant dans d'autres logiques (celle du signifiant et celle de la contradiction), se débat avec le sens et se déconstruit (“se perd”) ; la signifiance, et c'est ce qui la distingue immédiatement de la signification, est donc un travail, non pas le travail par lequel le sujet (intact et extérieur) essaierait de maîtriser la langue (par exemple le travail du style), mais ce travail radical (il ne laisse rien intact) à travers lequel le sujet explore comment la langue le travaille et le défait dès lors qu'il y entre (au lieu de la surveiller) : c'est, si l'on veut, “le sans-fin des opérations possibles dans un champ donné de la langue” » (Barthes, 1973, souligné dans le texte).

(2002 : 15). L’intertexte oriente le récit, le « travaille », le modifie : l’analyse des référents culturels surdétermine, en ce sens, les scénarios de la contrainte d’emblée présents sur le plan diégétique. Il s’agira de les considérer comme autant d’objets sémiotiques instruisant sur les possibles interprétations pouvant être faites de l’œuvre en général, et du motif de la contrainte en particulier. Comment les romans, les films et les chansons, entre autres, qui font partie de l’environnement culturel du personnage féminin, sont-ils interprétés par ce dernier, de même que par le, la ou les personnage(s) en position d’autorité narrative et/ou énonciative? Quelle valeur leur est attribuée ? En quoi viennent-il consolider, raffermir ou encore invalider les restrictions imposées aux personnages féminins par l’intermédiaire des discours dominants, spécifiquement ceux en lien avec la sexualité?

Des nombreux référents culturels déployés dans les œuvres du corpus à l’étude, nous retenons les plus significatifs, indépendamment de leur nature, qu’elle soit littéraire, filmique, musicale, visuelle, etc. Si la notion d’intertextualité a d’abord été pensée en regard de la relation entre deux textes littéraires (Kristeva, 1967), il est possible de l’envisager dans une perspective plus étendue, laquelle permet d’inclure les représentations non verbales, comme le suggère Barthes : « on ne peut, en droit, restreindre le concept de “texte” à l’écrit (à la littérature) […] il suffit qu’il y ait débordement signifiant pour qu’il y ait texte » (Barthes, 1973). Reprenant les mots de Paul Claudel à propos de l’Igitur de Stéphane Mallarmé, le sémiologue soutient qu’il faut « se placer devant l’extérieur, non comme devant un spectacle […], mais comme devant un texte » (Barthes, 1973). En d’autres mots, l’œuvre d’art (de même que toute forme de représentation dépourvue de signes proprement langagiers), bien que non verbale, appelle tout de même à être décodée, soit : à être lue, puis interprétée, processus qui nécessite le recours au langage – ce qui, par ailleurs, la situe non pas comme « produit fini », mais comme « production perpétuelle », voire comme « énonciation » (Barthes, 1973). Par ailleurs, tous les référents culturels convoqués dans

les romans qui nous occupent fabriquent du texte, en ce qu’ils sont mis en mots par les autrices à travers les discours narratif et énonciatif, ici centrés sur les personnages de jeunes filles. Ces dernières se trouvent ainsi posées non seulement comme réceptrices de la culture environnante, mais également comme lectrices du monde et des objets qui les entourent. Cette nuance est fondamentale, dans la mesure où elle conduit à envisager le potentiel agentif des sujets féminins qui, tantôt se conforment aux représentations dominantes, tantôt leur opposent des résistances, voire des refus catégoriques.

Les liens étroits observés entre, d’une part, les scénarios culturels de la contrainte provenant de l’environnement « réel » des personnages féminins et, d’autre part, ceux résultant des productions imaginaires, nous incitent à adopter une structure similaire à celle déployée dans le précédent chapitre – signe que le réel et le symbolique sont toujours indissociables. Nous nous pencherons ainsi, dans un premier temps, sur les scripts genrés reconduits et avalisés par les intertextes, qui associent le féminin à l’impouvoir. Nous aborderons, dans un deuxième temps, les scripts de la violence sexuelle découlant de ce partage hiérarchique des rôles sexués tels que les présentent les différents objets culturels relayés dans les romans à l’étude.

SOCIALISATION DE GENRE ET HÉTÉRONORMATIVITÉ

Si la cohésion de tout groupe social se fonde avant tout sur le partage d’une culture commune, cela revêt une importance toute particulière pour les jeunes filles et garçons qui, en marge de l’univers social, lui-même légiféré en fonction d’intérêts adultes (Bourdieu, [1984] 2002 : 146 ; Bonnardel, 2015), cherchent d’autant plus à combler un besoin d’appartenance. Cette affiliation entre les individus, ici fondée sur l’âge, se traduit par la consommation d’objets culturels valorisés au sein du groupe des pairs, laquelle s’accompagne du rejet systématique de ce qui n’entre pas dans les

standards définis par les figures dominantes du groupe. Or il importe de prendre en considération ce qui influence et oriente les préférences de ceux et celles qui composent la communauté juvénile, à savoir, entre autres, le marketing genré, qui semble cibler davantage les jeunes filles, comme le remarque Catherine Monnot dans son ouvrage Petites filles d’aujourd’hui. L’apprentissage de la féminité (2009). Sous l’effet indéniable des médias de masse, les jeunes filles sont dirigées vers des objets faisant la promotion d’un modèle de féminité caractérisé par la passivité, la disponibilité et la désirabilité178. Ainsi des magazines féminins destinés à un public adolescent, qui enseignent

aux jeunes filles, à travers la diffusion de standards de beauté uniformes et irréalistes, qu’il leur faut tout miser sur leur apparence, et que leur rôle premier est de plaire aux garçons et aux hommes, selon les codes hétéronormatifs. Aussi, à la lecture des œuvres du corpus, il est possible de remarquer que ces productions de grande diffusion occupent une place de choix dans l’univers culturel des personnages féminins représentés et qu’elles sont, par le fait même, identifiées comme des repères particulièrement aliénants par les autrices. Il en va de même pour les chansons populaires, de même que pour les œuvres cinématographiques et littéraires citées qui relaient, la majorité du temps, une vision stéréotypée des rapports de genre et de la sexualité. Mais il faut voir également que ces produits culturels ne sont pas toujours consommés de façon volontaire (il faudrait, par ailleurs, nuancer cette idée de « volonté », dans la mesure où cette dernière se trouve forcément orientée par le « pouvoir d’affecter » [Lordon, 2013] que détient le marketing genré) : plusieurs s’imposent aux figures féminines de manière plus ou moins insidieuse. C’est le cas des publicités, qui saturent le paysage culturel (et qui misent largement sur l’exploitation du corps des

178 Selon Catherine Monnot, ceci est particulièrement vrai au cours de l’enfance et de la « préadolescence », pour reprendre le terme employé par l’autrice. Cette dernière souligne cependant qu’une phase de négociations avec les modèles proposés survient généralement à l’adolescence, créant des hiatus, et ouvrant vers d’autres possibles (2009 : 159-160). Il semble néanmoins que les premiers schémas imposés aux enfants demeurent un point de référence incontestable, comme le suggèrent par ailleurs les romans du corpus.

femmes), des images captées au hasard à la télévision, ou encore des passages d’une lecture obligatoire, comme nous le verrons.

L’objectivation sexuelle comme condition première des filles

Selon Barbara L. Fredrickson et Tomi-Ann Roberts, l’objectivation des filles et des femmes, et plus particulièrement l’objectivation par le regard179 opère sur trois plans : d’abord, celui des

interactions sociales et interpersonnelles. Les chercheuses rappellent que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de faire l’objet de regards insistants non désirés au cours des interactions quotidiennes. Les deux autres plans relèvent du domaine des représentations visuelles : celles qui illustrent des rencontres sociales et interpersonnelles et celles qui mettent l’accent sur le corps et surtout, sur des parties de corps dépersonnalisées (Fredrickson et Roberts, 1997 : 176). Ce genre de représentations, qui s’appuient sur la réification du corps féminin, en même temps qu’elles la (re)produisent, sont, pour les autrices, les plus sournoises, en ce qu’elles s’immiscent dans tous les types de productions, du cinéma aux arts visuels en passant par la publicité, les émissions de télévision, les vidéoclips, les magazines féminins, la photographie sportive et, bien sûr, la pornographie (Fredrickson et Roberts, 1997 : 176). Aussi importe-t-il de souligner le caractère normatif de ces représentations, qui misent sur un modèle unique de beauté. En effet, au sein de celles-ci, on ne retrouve point – ou si peu – de corps socialement définis comme « vieillissants » ou « matures » : en tout temps, et partout, c’est la jeunesse du corps féminin qui domine. La diversité des identités féminines jeunes se trouve subsumée sous une seule figure, celle de la jeune fille en fleur, désirable mais sans désir, dont l’image est exploitée pour produire du fantasme. Et c’est à cette figure imaginaire, dont le corps sans défaut est décrit, exposé et chanté dans l’ensemble des

productions culturelles mobilisés par les textes à l’étude, qu’il est intimé aux protagonistes de se conformer.

Objets de regards, objets de désir

Les objets culturels cités dans les romans du corpus qui participent de la réification systémique du corps féminin appartiennent en majorité au domaine des représentations visuelles, celles-ci relevant de deux ancrages principaux : la culture populaire (les magazines et la publicité) et l’industrie pornographique.

Dans Tigre, tigre! et Tracey en mille morceaux, les magazines féminins sont brandis par une figure d’autorité (le père dans le roman de Fragoso et les deux parents dans celui de Medved) afin d’exposer aux jeunes filles leur défaillance par rapport au modèle de beauté dominant. Dans Tigre, tigre!, Margaux, qui se trouve sous l’emprise d’un homme de plus de quarante ans son aîné, voit progressivement son état de santé se détériorer, et son corps perdre de sa vitalité. Constatant les changements qui s’opèrent sur le corps de « sa » fille, Louie, le père, plutôt que de s’inquiéter de cette soudaine perte de poids, critique ouvertement son apparence, voyant dans ce processus de dégradation corporelle le symptôme d’un manque de volonté de la part de Margaux. Aussi décide- t-il, à l’aube du dixième anniversaire de la jeune fille, de l’abonner à divers magazines, espérant qu’elle y trouvera le désir de redevenir la « beauté sublime » (TT : 157) qu’elle aurait auparavant été, selon ses dires :

[…] désormais [mon père] se lamentait : ma beauté fichait le camp, à cause de ma pâleur et de ma maigreur, et aussi à cause de l’état de ma peau. Pour Noël, il m’avait abonnée à Teen, Mademoiselle, et Vogue. Il disait que j’apprendrais à me tenir en regardant l’allure des mannequins, à prendre soin de mes cheveux, à me maquiller, et surtout, à combattre l’acné. (TT : 157)

Véritable dispositif mis au service de la norme, l’imprimé féminin oblige la narratrice à prendre la mesure de ce qui lui fait défaut. Il contribue également à corseter le corps de la jeune fille en lui apprenant à bien se tenir180 telles les « filles en série » (Delvaux, 2013) (re)produites par ce type

de publication.

De la même manière, dans Tracey en mille morceaux, les magazines féminins constituent le point de départ, la référence en ce qui a trait aux normes corporelles, plus particulièrement celles entourant la pilosité :

Et puis et puis, voilà qu’un jour la fille pas de tétons a connu le feu du rasoir. Pourquoi? Parce que les parents de la fille lui avaient acheté un kit d’épilation après plusieurs visites chez le dermatologue. Pourquoi? Parce qu’elle avait du poil sur les bras, les jambes, la figure – COMME TOUT LE MONDE – et parce que les parents de la fille scrutaient son visage, le tournant d’un côté puis de l’autre sous la lumière, en montrant des poils qui sortaient de la fille à des endroits où on en voyait jamais sur les photos glacées des magazines. (TMM : 131)

Alors que le recours aux majuscules appuie l’aspect banal, voire « naturel » du poil (et signifie, du même coup, la colère – et, par extension, la résistance – du personnage féminin face aux diktats de la mode), la référence subséquente aux photos de magazines suffit à rappeler que les filles font partie d’une classe à part et qu’elles sont, en cela, soumises à des règles particulières : contrairement à celui de leurs homologues masculins, leur corps doit être domestiqué, débarrassé de ce qui pourrait rappeler l’animalité ou, simplement, la maturité – l’absence de poils rappelant le corps enfantin, symbole d’innocence et de « pureté ».

C’est donc en regard des scripts canoniques définis par les magazines que les corps des deux personnages féminins sont soupesés, évalués, constamment soumis à examen : le père de Margaux demande « [p]resque tous les soirs » à cette dernière « de [s]e mettre sous les néons de la

180 Cette injonction à la « bonne tenue » du corps trouve écho dans un autre intertexte : le roman Tiens-toi droite! de Judy Blume que lit Margaux dans Tigre, tigre!.

cuisine » afin qu’il puisse « regarder [s]a peau avec sa loupe de joaillier » (TT : 158), alors que les parents de Tracey étudient soigneusement le visage de cette dernière, attentifs à la moindre repousse. Ainsi, non seulement les images véhiculées dans les magazines féminins concourent à révéler aux jeunes filles leur échec vis-à-vis ce qui est attendu d’elles, soit de se faire désirables, la portée prescriptive de ces représentations se trouve amplifiée par les intrusions répétées des parents dans l’intimité de leur fille, qui sont autant de manifestations du droit que s’arrogent ces derniers de « gérer » le corps de leur progéniture. Ces invasions vont bien au-delà des inspections quotidiennes : aussi les parents de Tracey, observant l’écart entre leur fille et les illustrations proposées par les magazines à grand tirage, entreprennent de la (re)dresser en multipliant les visites chez le coiffeur, le dermatologue et la psychiatre dans l’espoir de la « réparer » (TMM : 136). Les personnages de Margaux et de Tracey s’inscrivent, en ce sens, à la suite des « petites filles étranges » ou « mal modelées » lesquelles, selon Christine Détrez et Anne Simon, hantent la fiction contemporaine au féminin (2006) : « La figure de la petite fille telle que la dessine l’écriture féminine contemporaine est celle d’un “ratage” social » (2006 : 102) – ratage que les figures parentales tentent de réparer en faisant appel notamment à la médecine, « instrument du panoptisme social et du pouvoir sur les corps » (2006 : 101-102).

Les scripts fondés sur la réification du corps des filles se trouve également actualisés par les références à la publicité, remarquable industrie destinée à distinguer le désirable de l’indésirable. Or dans les trois romans du corpus où il en est fait mention, soit D’acier, Clèves et Tu me trouves comment ?, les femmes représentées sont réduites à leur corps – et pas n’importe lequel : un corps sans défaut, parure vouée au plaisir de celui qui regarde – et le support diffusant ces images procure à ces dernières une importante visibilité. Toutes les publicités dont il est fait mention sont placardées le long d’une route sur un panneau d’affichage – signe que l’espace public est pensé en fonction du sujet masculin dominant. Dans D’acier, « la blonde en string sur le

panneau publicitaire à l’entrée de Piombino » (D : 96) indique l’arrivée en territoire patriarcal alors que dans Clèves, « [u]ne publicité avec une femme qui tient une bouteille entre les seins » (C : 71)181 est érigée le long du chemin menant Solange à son premier rendez-vous chez le

gynécologue. Pour Cyrille, la narratrice de Tu me trouves comment ?, la chosification du corps féminin est un paysage quotidien : dès l’incipit, elle est montrée apercevant, de la fenêtre de sa chambre, une publicité récemment installée, mettant en scène « [u]ne fille […] assise sur un pot de crème pour le corps » (TMTC : 9)182. Si la publicité se démarque par son omniprésence, voire son

caractère envahissant (Pietrucci, Vientiane et Vincent, 2012), on est à même de constater son influence résolument politique : en définissant une large part du « représentable », la publicité et, surtout, les différents agents qui l’élaborent, s’accaparent un pouvoir considérable sur l’imaginaire de celui ou celle qui regarde. Invoquées dans les textes littéraires, les images du monde de la pub participent de ce fait du processus de conditionnement qui situe les jeunes filles comme objets de désir.

Les références intertextuelles qui soutiennent l’association systémique des filles à la condition objectale ressortissent également à la pornographie, « spectacle très codifié de la représentation d’actes sexuels » (Lavigne, 2014 : 30), dont les marques spécifiques s’imposent, dans le corpus, de manière inattendue – le choc produit par la découverte fortuite de certaines images « crues » laissant des traces d’autant plus prégnantes dans l’imaginaire des personnages féminins. Assise seule dans la voiture de son père, Solange met la main sur des exemplaires de

181 Cette description n’est pas sans rappeler une publicité pour le parfum Tom Ford, qui, selon Sophie Pietrucci, Chris Vientiane et Aude Vincent, emprunte à l’univers pornographique ses codes, la bouteille de parfum étant assimilée au phallus, suggérant ainsi une scène de branlette espagnole (Pietrucci, Vientiane et Vincent, 2012 : 50).

182 La focalisation interne dévoile par ailleurs l’empathie dont fait preuve le personnage féminin envers la jeune femme ainsi photographiée. Aussi l’imagine-t-elle assaillie de remords maintenant que son image se trouve « sur tous les murs » (TMTC : 10).

Lui, magazine pour hommes reconnu pour ses photographies de femmes presque nues, captées dans des postures suggestives183 :

[Solange] entre dans une forêt de femmes nues. Elles ont entre les jambes toujours la même rigole […] Les femmes la regardent droit dans les yeux, les doigts dans la rigole, les jambes bien écartées. Certaines ont des poils, d’autres pas (comme elle), ou presque pas (comme elle). Elle attrape deux mots, haletante et cambrée, un peu difficiles mais immédiatement efficaces. (C : 37, souligné dans le texte)

« Efficaces » en ce qu’ils suscitent son excitation : s’identifiant aux femmes qu’elle regarde (ce que souligne la répétition de la comparaison « comme elle »), la jeune fille éprouve une sensation qu’elle ne sait pas encore reconnaître :

Le regard des femmes, et leurs doigts, et quoi d’autre – la surprise, l’envie de faire pipi depuis qu’elle est dans la voiture, la compagnie de toutes ces