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Scénario : davantage d’installations d’agriculteurs dans les montagnes de l’Oriente

Partie 4 : Perspectives et conclusion

2. Scénario : davantage d’installations d’agriculteurs dans les montagnes de l’Oriente

2.1 Une course pour lever des freins à l’installation

La densification démographique est d’autant plus pressante que la population est âgée et ne se renouvelle pas. Sans installations, la situation dans 20 ans (voire moins) sera encore plus difficilement réversible. Dans une perspective de densification démographique de l’intérieur, il faut considérer les installations agricoles, parfois freinées le manque d’activité et de vie dans les villages, et par une pression sociale sur les agriculteurs, notamment les éleveurs. Elle peut aller jusqu’à engendrer une situation d’échec ; j’ai par exemple rencontré un agriculteur qui a fini par quitter la montagne pour s’installer en plaine, ne supportant plus la pression qu’il subissait. Or ce mouvement est complètement contraire à la dynamique recherchée. De tels conflits n’incitent pas à l’installation, agricole ou non, dans les villages de montagne. Il faut donc impérativement aller vers une meilleure cohabitation entre les villageois, quelle que soit leur activité.

La demi-SMI12, condition nécessaire pour toucher la Dotation aux Jeunes Agriculteurs (DJA) à l’installation, est parfois difficile à atteindre et à justifier pour les élevages sur maquis. La SMI est de 50 ha pour les parcours de surfaces en herbe peu productives avec moins de 25 % de ligneux ; 25 ha pour des parcours de porcs dans des châtaigneraies ou chênaies entretenues d’une densité de 60 à 80 pieds/ha ; 50 ha pour des parcours de maquis inférieur à 1 m de hauteur ; 250 ha pour des parcours sur maquis dense supérieur à 1 m de hauteur (majoritaire dans le parcours de chèvres).

La sécurité foncière est également un enjeu lors de l’installation, du moins pour la pérennisation des systèmes de production, comme nous l’avons vu précédemment. Elle permet aux agriculteurs de réaliser en confiance les investissements nécessaires à leur activité.

De plus, on peut se demander si le système agraire actuel, dans lequel les élevages sur maquis sont un peu les « rois du désert », permet d’installer davantage de cheptels qui auraient le même fonctionnement. En effet, dans la configuration actuelle, un espace n’est jamais parcouru par plus de deux troupeaux distincts et certains secteurs ressources comme les pelouses font déjà l’objet de convoitise… Il apparaît donc nécessaire d’envisager une transformation des systèmes de productions actuels qui permettent la densification de production agricole (plus de valeur ajoutée à l’hectare).

2.2 De l’intensification de l’utilisation du territoire

2.2.1 Individuel ou collectif, choisir un mode de gestion de l’espace

Se pose également la question d’une intensification de l’utilisation du territoire, entre autres par les activités agricoles. Le partage du territoire pourrait être mieux organisé, afin que les castanéiculteurs subissent moins de pertes de la part des animaux d’élevage, ou encore que pour éviter le surpâturage de certains secteurs-ressources.

L’histoire de la région nous donne des exemples de gestions collectives de l’espace et des ressources. Par exemple, l’ancien berger communal pourrait aujourd’hui être actualisé en un éleveur ovin, partiellement employé par la commune et chargé de l’entretien des espaces en herbes dans le village, dans le cadre de la lutte anti-incendie (bords de route, jardins non entretenus,…). Le troupeau ovin serait de taille modeste de

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sorte à se satisfaire de la surface enherbé du village. Ce nouveau berger communal pourrait effectuer sa tâche de gardiennage à condition que le troupeau soit de race allaitante13 ou bien apporteur de lait14, de sorte à ne pas devoir passer du temps à la transformation. Les produits de cet élevage, s’ils ne suffisent pas, pourraient être complétés par un salaire versé par la commune, à titre de service rendu. Ou encore, un maraîcher pourrait être chargé de l’entretien des jardins en potager et être rémunéré pour ce service en plus de la production qu’il vendrait.

Des complémentarités entre les productions ont existé et d’autres sont encore à imaginer. A titre d’exemples (situations rencontrées actuellement), l’émondage notamment des châtaigniers procure aux animaux des feuilles appétentes (annexe 21); vaches et chèvres peuvent être parquées sous les châtaigniers exploités afin de faciliter le débroussaillage de la châtaigneraie. Les agriculteurs peuvent ainsi s’accorder entre eux, éventuellement en lien avec la commune, pour dégager des propositions de complémentarité et de gestion durable de la ressource végétale, dans le respect des limites posées dans l’accord réciproque. Dans le cas où l’on choisit d’exploiter un même espace à plusieurs, la question de la tragédie des communs peut se poser, si chacun exploite la même ressource que son voisin en s’extrayant des considérations collectives. C’est par exemple le cas aujourd’hui de certains espaces de pelouses, rares dans le paysage actuels. Un autre scénario se baserait sur un découpage individuel de l’espace où chacun devrait contrôler davantage le terrain qu’il exploite. De plus, contraindre les chèvres ou les vaches sur une plus petite surface est également une façon de mieux exploiter la ressource. Faute de temps disponible des éleveurs pour le gardiennage, cela requerrait délimiter ces espaces individuels par des clôtures, ce qui modifierait notablement le paysage, ou bien d’embaucher des gardiens de troupeaux.

2.2.2 Ouvrir la végétation pour une meilleure valorisation à l’hectare ?

Installer davantage d’activité agricole suppose de créer davantage de valeur ajoutée à l’hectare. Cependant, afin de limiter la concurrence, et pour diversifier l’offre, il est nécessaire d’équilibrer les productions sur le territoire. D’autant plus dans un contexte où la majorité des ventes de ces systèmes (excepté pour la castanéiculture) se fait en direct, et vis-à-vis du tourisme. Autrement-dit, il n’est pas envisageable de favoriser à tout prix l’installation des apiculteurs et d’empêcher les élevages porcins. De plus, comme nous l’avons vu précédemment, les élevages ruminants peuvent rendre des services écosystémiques en participant à la réduction de l’emmaquisement.

L’ouverture de la végétation (passer d’un maquis dense ou d’une strate arborée dominante à un maquis en partie herbacée voire une pelouse) permet de limiter la propagation des incendies, mais c’est aussi rendre disponible une ressource fourragère de qualité pour les animaux. Le brûlage, avec les risques qu’il comporte, est une façon d’ouvrir les espaces et de rendre accessible la ressource fourragère. Quid du démaquisage mécanique ? Sans sécurité foncière, l’éleveur peut être frileux de réaliser cette mise en valeur, alors que le propriétaire foncier peut se manifester. Toutefois, en suggérant à des éleveurs caprins un service de démaquisage qui leur serait rendu gratuitement, deux d’entre eux se sont montrés enthousiastes. Ils savent en effet que leurs chèvres raffolent d’une herbe jeune et que la production laitière s’en trouve augmentée.

2.2.3 Trouver un intérêt à cette intensification pour les éleveurs

Malgré les nombreuses tentatives des organismes agricoles pour changer les pratiques des élevages sur parcours, celles-ci sont souvent restées vaines. C’est le cas de la promotion des clôtures, de l’AOC

13 Race à viande.

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charcuterie corse, ou encore du brûlage dirigé. Or, nous avons expliqué à travers ce diagnostic en quoi les éleveurs n’ont pas eu d’intérêt (du moins pas suffisamment) à mettre en place ces pratiques.

La clôture, qui est une possibilité en cas d’intensification, est une mise en place difficile sur de grandes surfaces accidentées et emmaquisées, nécessite de l’entretien chaque année. Les éleveurs estiment que le coût d’opportunité de la mise en place et de l’entretien des clôtures est trop élevé et préfèrent donc ne pas le faire, quitte à devoir aller chercher les animaux qui se seraient aventurés trop loin. Globalement, l’intensification impliquerait du travail supplémentaire en gestion de pâturage.

On peut aussi se poser la question d’une double activité d’un élevage sur maquis avec une activité plus intensive en travail. Toutefois, certaines combinaisons ne sont pas réalistes. Par exemple, les pointes de travail de l’élevage porcin et de la castanéiculture sont toutes deux dès l’automne, ce qui rend incompatible ces deux activités.

Parmi les intérêts qu’auraient à y trouver les éleveurs, on peut penser à l’amélioration des rapports sociaux ou encore à la réduction de la mortalité des jeunes animaux. La description faite en partie 3 des systèmes de production permet construire des scénarios avec plus de pertinence, notamment en considérant les calendriers de culture et d’élevage. Toutefois les scénarios sont à construire impérativement avec les agriculteurs, afin qu’ils choisissent des modalités qui leur conviennent.