• Aucun résultat trouvé

Partie 2 : Evolution de l’agriculture de montagne de l’Oriente

1. À l’aube du XXe siècle : un système agropastoral arboré

1.2 L’organisation du paysage

Partie 2 : Evolution de l’agriculture de

montagne de l’Oriente

Au cours du XXe siècle, les villages de montagnes de l’actuelle communauté de commune de l’Oriente ont connu une évolution tout à fait différente des villages de plaine et de balcon. La Plaine orientale s’est développée à partir des années 70 mais l’intérieur a vu sa population vieillir et les activités économiques déserter le territoire. C’est ainsi que s’est effondré un système agraire qui, à la fin du XIXe siècle, était basé sur la famille, l’autoconsommation et la diversité des activités, abandonnant une immense part de l’espace à des élevages extensifs spécialisés. Cette partie retrace ces évolutions agraires.

1. À l’aube du XXe siècle : un système agropastoral arboré

1.1 L’explosion démographique du XIXe siècle

Après l’annexion de la Corse par la France, la paix revient et les politiques de mises en valeur reprennent dans le pays. La population de l’île double en un siècle, passant de 122 000 habitants en 1779 à plus de 270 000 en 1881. Cette importante augmentation démographique (figure 11) s’accompagne d’une intensification de l’utilisation de l’espace (figure 12 et nuances dans la note de figure). L’activité agricole est à son maximum de densité d’exploitation de l’espace à la fin du XIXe siècle – début XXe, puisqu’elle ne fera que décroître avec l’exode par la suite (nous le développerons dans un prochain paragraphe).

1.2 L’organisation du paysage

1.2.1 A l’échelle de la commune

Les villages sont situés sur des crêtes ou bien en haut de versant ou à mi-pente, à l’adret. La production s’organise sur les communes en 3 espaces concentriques (figure 13) définis par Defranceschi :

Circulu : C’est l’auréole des jardins, des vignes, des oliviers et des châtaigniers. Les jardins sont situés à

l’adret et près des points d’eau ou en contrebas, de sorte à pouvoir irriguer par gravitation via des canaux. L’eau courante arrive dans les villages dans les années 1960 et permet d’irriguer davantage les jardins autour du village, certains foyers abandonnant alors les jardins éloignés de leur maison. Les oliviers étaient généralement en contrebas des châtaigniers ou le long des routes, à des altitudes inférieures à 500m. Les châtaigniers sont autour du village, là où on ne pouvait pas cultiver de jardin. La part de la châtaigneraie dans l’espace du village est variable selon les villages de la zone (annexe 3). A titre d’exemple, Altiani ne compte au milieu du XIXe siècle que 2 % de son territoire en châtaigneraie alors que les châtaigneraies de Pietra-di-Verde et Ampriani représentent respectivement 54 % et 58 % de leur territoire à la même époque. Les villages des deux interfluves les plus au Nord ont plus de 10 % de leur surface en châtaigniers. Altiani et Piedicorte, villages de l’interfluve Corsigliese-Tavignano, sont les plus grands de la zone (respectivement 18 et 27 km²) et également ceux qui comptent la plus faible part du territoire en châtaignier.

Presa : Cette deuxième auréole est l’espace qui est potentiellement emblavé en céréales en rotation avec

des friches pâturées : généralement deux ans de céréales et deux ou trois ans de friche. Le pacage y est autorisé sitôt la moisson terminée. Ce territoire peut être composé de terrains communaux et de terrains privés, bien que la part de ces derniers se soit accrue depuis.

Figure 13 : Organisation du paysage à l'échelle communale au début du XXe siècle

17

Rughjone (ou furestu) : Cette dernière auréole est un espace en forêt ou en maquis de friche longue. Il sert

de pacage. Le rughjone représentait les terrains les plus éloignés du village ou bien les plus hauts. Nous n’utiliserons pas le terme furestu, qu’on retrouve parfois employé de cette façon dans la littérature et qui pourrait se confondre avec la période de récolte des châtaignes où l’on interdisait le parcours les animaux sous les châtaigniers (voir plus loin).

Dans les fonds de vallées étaient des jardins, des oliveraies et des vignes, le long des cours d’eau, ainsi que des parcours de presa.

1.2.2 A l’échelle de la montagne : la transhumance

Les troupeaux ovins effectuaient tous la double transhumance (figure 14). Le troupeau et le berger montaient aux estives en juin, où l’herbe est encore verte et les températures plus supportables, c’est la transhumance estivale, et descendaient en septembre en plaine ou dans le fond de la vallée du Tavignano, où les températures sont plus douces durant l’hiver et l’herbe y poussera plus tôt au printemps, c’est la transhumance hivernale. Or, début XXe siècle, les espaces qui n’étaient pas en maquis dans ces villages de montagnes étaient le plus souvent cultivés. Difficile donc d’y maintenir des brebis, « qui ne lèvent pas la tête » et ne s’alimentent donc pas du maquis, même pour une courte période de l’année. C’est pourquoi en cette période les élevages de brebis sont principalement l’apanage de quelques villages seulement. Pianello possède historiquement des terrains en plaine ainsi que les estives des Caldane (annexe 2) où se trouvent les sources nécessaires à l’abreuvement des animaux. Tout berger d’une autre commune voulant jouir des pâturages des Caldanes n’était pas prioritaire et devait demander une autorisation qui n’était cédée que si l’on jugeait qu’il y avait la place pour tout le monde. Des bergers de Piedicorte-di-Gaggio faisaient au moins la transhumance hivernale vers le fond de la vallée du Tavignano.

Les troupeaux bovins et caprins ne transhument généralement que l’été, jusqu’aux estives de Pianello, voire restent aux alentours du village avec un parcours qui varie légèrement d’altitude avec les saisons, mais dans une moindre mesure que les parcours transhumants. En effet, bovins et caprins peuvent se satisfaire d’une terre emmaquisée, tandis que les ovins n’exploitent que les strates herbacées.

1.2.3 Le parcours et le pâturage de la végétation spontanée

La taille de la surface parcourue dépend de critères, critères variables selon l’espèce animale considérée : - du type de maquis : espèces végétales en présence, leur stade physiologique (comestibilité,

appétence) et leur taille (accessibilité de la ressource) ; - de la saison (pousse, fructification,…) ;

- du relief du terrain : fonds de vallée, crêtes, versants ;

- de la complémentation apportée par l’éleveur : quantité et nature ;

- de la conduite du troupeau : apprentissage d’un parcours ou non, changement de secteur, gardiennage.

Cette surface parcourue par un troupeau est deux à trois fois plus étendue que la surface pâturée. Celle-ci est composée de secteurs-ressources, où se fait l’essentiel des prélèvements de l’animal. Certains espaces non pâturés peuvent avoir des fonctions d’ombrage ou d’abris pour l’animal.

Le couvert végétal est changeant, tendanciellement et accidentellement. La sécheresse et les maladies font chuter la production de châtaignes ; le maquis grandit d’année en année malgré l’activité pastorale, rendant