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s péciFiciTés des mises en scènes

5.2.2. Scène symbolique – Publicité et renommée

Dans la dynamique de mise en scène comme dans le processus de transaction territoriale, la dimension symbolique est constituée, complexifiée de fait au fil du temps par les acteurs dans la réalisation même des transactions (par exemple les avis des externes en retour à leurs proches à propos du lieu de villégiature). À travers les réseaux d’information et de connaissances, le territoire est mis en lien symboliquement avec d’autres, à propos du patrimoine romantique en l’occurrence, mais également à propos d’autres aspects, notamment les propriétés modernes des infrastructures évoquées plus haut. La mise en scène symbolique du patrimoine

124 « Finhaut fait son chemin », in Le Nouvelliste, 14 septembre 1996, p. 12.

romantique dépend des acteurs externes qui identifient généralement les objets, mais également des acteurs locaux. Avec le développement de la disponibilité de l’information et de l’importance de la dimension symbolique, les réseaux de mobilité pour la mise en scène symbolique sont plus nombreux et plus vastes. Cette mise en scène devient un élément de plus en plus important pour la valeur territoriale.

À Finhaut

Durant le xixe siècle, les acteurs fignolins sont peu actifs sur la scène symbolique, probablement en raison de l’effet de rente de situation. Le territoire est mentionné dans quelques guides. Durant l’entre-deux-guerres, un travail de promotion « amateur » est réalisé à ce niveau avec la société de développement126. Pendant les années 1960, aucune stratégie de promotion n’est mise en place, peut-être en raison de la diversité des formes d’hébergement qui s’est alors dessinée : les nuitées étant principalement réalisées en préventoriums, en colonies et en locations, les hôteliers actifs dans l’héber-gement traditionnel sont à cette date peu nombreux et isolés. Si à titre individuel leurs ambitions en matière d’attraction des touristes étrangers devaient être encore vives (par exemple au Bel-Oiseau), les événements publicitaires sont agencés de manière ponctuelle, en fonction des opportunités et des ressources financières. Ainsi, en 1963, Finhaut est présent au comptoir de Martigny127. La promotion via l’impression de prospectus devient un des postes les plus importants du budget de la société de développement128. Cette question nécessite même la convocation d’une assemblée extraordinaire en 1965129. D’autre part, la société de développement rencontre un succès modeste auprès des hôteliers et des autres acteurs locaux. Au début des années 1960, les assemblées ne sont fréquentées que par quelques personnes, et les hôteliers ne s’investissent pas130. D’un point de vue général, on peut donc dire que l’action de la société de développement se limite à un strict minimum qui concerne la promotion via la diffusion de prospectus. La situation empire à ce point que plutôt que de devoir se montrer proactif vis-à-vis des potentiels externes, les acteurs locaux doivent faire face à des discours stigmatisant le territoire : le comité de la société de développement refuse la publication d’un article prévu par L’Écho illustré en 1978 : « Finhaut se meurt »131.

126 Durant les années 1930, le curé Poncet est très actif au sein de la paroisse. Il réorganise la société de

jeunesse, organise des lotos, kermesses, et anime un théâtre (voir infra).

127 BarMaz J., « Assemblée de la Société de développement », in Le Nouvelliste, 17 décembre 1963, p. 12.

128 BarMaz J., « Finhaut. Assemblée générale de la Société de développement », in Le Nouvelliste,

20 décembre 1960, p. 11.

129 BarMaz J., « Assemblée extraordinaire de la Société de développement », in Le Nouvelliste, 30 mars

1965, p. 12.

130 BarMaz J. « Assemblée de la Société de développement », in Le Nouvelliste, 17 décembre 1963, p. 12 ;

BarMaz J., « Assemblée de la Société de développement », in Le Nouvelliste, 14 janvier 1964, p. 8 ; Barmaz,

J., « Regrettable désintéressement », in Le Nouvelliste, 21 décembre 1966, p. 10 ; Barmaz, J. « De nombreuses assemblées à Finhaut », in Le Nouvelliste, 19 décembre 1967, p. 10.

131 Rapport de gestion de la Société de développement de Finhaut pour l’année 1978, Archives communales

À Montreux

On l’a vu, Jean-Jacques Rousseau et Lord Byron ont mis en scène symboliquement Montreux à l’échelle européenne. Durant la Belle Époque, les acteurs locaux ont été proactifs sur la scène symbolique. En 1879 est créée la Société des maîtres d’hôtels de Lausanne, Vevey et Montreux132. Son œuvre principale sera le Journal et liste des étrangers, qui paraît dès 1880. Durant les premières années (jusqu’en 1886), la société mandate comme rédacteur Édouard Secrétan133 (Mettler, 1979), libéral, avocat vaudois de renom, rédacteur en chef de la Gazette de Lausanne. Avec ce mandat, on peut penser que les intentions des hôteliers ont été non seulement de rayonner le long de l’arc lémanique, mais également de se doter d’une plume locale et de bonne société seyant au lectorat étranger. Mais la rédaction est ensuite reprise par le pharmacien de Clarens en 1886, qui sans doute se trouvait pourvu de telles qualités. On peut par ailleurs poser l’hypothèse selon laquelle le rapide départ de Secrétan, un défenseur du Heimatschutz, traduirait une divergence d’opinion avec les acteurs de la place.

Au regard de la concurrence, tant la constitution de la société que la publication du Journal et liste des étrangers constituent des innovations notables pour Montreux à cette époque. D’autres actions sont par ailleurs entreprises ; par exemple, en 1877, un comité local se forme pour soutenir une publication qui fera date : L’Histoire de Montreux et ses environs, rédigé par Eugène Rambert (1899 [1877]). Pour cette publication, on retrouve une collaboration entre différents acteurs locaux : aux côtés d’un négociant, l’incontournable Ami Chessex, le banquier Dubochet, un médecin ainsi qu’un pharmacien134. Montreux est connu jusqu’en 1914 pour la fréquentation de membres de la grande bourgeoisie européenne et américaine, ainsi que de quelques aristocrates, notamment l’impératrice Sissi, qui séjourne régulièrement à Caux135. De manière générale, Montreux est un centre mondain ; au-delà de la publicité, le (beau) monde y attire le monde.

Durant l’entre-deux-guerres, les références mondaines évoluent ; le prestige de Montreux est moindre. L’époque est notamment à la popularité des sportifs plutôt que des têtes couronnées. Montreux se lance ainsi en 1930 dans la course à l’orga-nisation des Jeux olympiques d’hiver de 1944, Lausanne briguant les Jeux d’été (Mettler, 1979). Ces Jeux, qui devaient finalement se dérouler à Londres, n’ont pas eu lieu en raison de la guerre. Reste que l’intention de la part des responsables – vraisemblablement de la société de développement – d’organiser les Jeux entre dans une dynamique événementielle, c’est-à-dire en partie médiatique. Dans le même ordre d’idée se tient en 1934 le Grand Prix automobile, dont la couverture médiatique

132 Les hôteliers de Lausanne et de Vevey se réunissant eux-mêmes à un niveau local, on parlera de la

Société des hôteliers de Montreux et environs dès 1891 (Humair, 2011c).

133 Édouard Secrétan sera l’un des fers de lance du Heimatschutz. Il mènera une importante carrière politique

(Meuwly, 2011).

134 D’après Rambert, en 1877 on trouve 7 médecins et 3 pharmaciens à Montreux.

a le mérite d’avoir une dimension internationale. Comme la Fête des Narcisses (24 éditions de 1897 à 1957, et en 2015), cet événement est considéré comme un succès, principalement en raison des relais dans la presse, en sus de la fréquentation le jour de l’événement. Les besoins en termes de propagande sont identifiés par des experts (externes) comme fondamentaux dans une perspective de la relance de la fréquentation du territoire pendant les années 1930136.

À Zermatt

Parmi les éléments importants pour la scène symbolique de Zermatt, le Cervin tient une place fondamentale. Comme dans le cas de Montreux, c’est par le biais d’un livre que le territoire est mis en scène symboliquement par un externe. Néanmoins, ici, le propos est moins littéraire et plus technique, s’adressant aux adeptes de l’alpinisme. Horace-Benedict de Saussure, après avoir vaincu le Mont-Blanc en 1787, se trouve en 1789 à Zermatt, plus précisément au passage du col du Théodule. À propos de ce site, il constate que « le plus bel objet dont ce site présente la vue, c’est la haute et fière cime du Mont-Cervin, qui s’élève à une hauteur énorme sous la forme d’un obélisque triangulaire d’un roc vif et qui semble taillé au ciseau. Je me propose, dit-il, de retourner là une autre année pour observer de plus près et mesurer ce magnifique rocher » (Gos, 1923, p. 14). C’est à la suite de son récit dans le Voyage dans les Alpes que la curiosité naît pour le Cervin. On ne retrouve pas dans cet ouvrage de gravure représentant le Cervin. C’est, d’après Gos (1923), entre 1810 et 1820 qu’il est reproduit, par un anonyme, un « obscur dessinateur des éditions Locher ». Cependant, c’est alors Zermatt vers le Matterhorn qui est l’objet de l’œuvre (figure 41). À partir de 1820 et la gravure de J. J. Meyer, le Cervin est le sujet principal ; les autres éléments, bien qu’au premier plan, l’enluminent.

Outre l’attention qu’y porta de Saussure ou encore les épisodes ayant précédé puis constitué la légende de sa première ascension, le Cervin fait l’objet de nombreuses représentations et Zermatt devient le lieu de toutes sortes de récits très rapidement dans sa trajectoire, comme avec l’histoire humoristique de l’Ascension du Riffelberg de l’écrivain américain Mark Twain en 1878137. Tout au long de la trajectoire de Zermatt, le Cervin est mobilisé comme un symbole de la montagne, de l’alpinisme et de la Suisse. Ses représentations à l’extérieur suscitent de la présence sur place, sans que les acteurs locaux n’interviennent pour la mobilisation de l’image de la montagne locale138.

136 Rapport de la Commission de contrôle de la Commune du Châtelard-Montreux à Monsieur le Président

de la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal fédéral suisse du 19 février 1937, Archives de Montreux, Chd C7/16.

137 « Dates historiques de Zermatt », Office du Tourisme de Zermatt, juin 2014.

138 À l’inverse, l’image du Cervin n’est pas protégée, dans la mesure où elle fait partie du domaine public. Le

nom « Matterhorn » en revanche est protégé, à la suite d’une action menée en justice par les autorités locales

durant les années 2000 (Berreau G., « Cervin, objet de tous les désirs », in Le Nouvelliste, 31 décembre

Figure 41. Zermatt vers le Matterhorn, Anonyme (env. 1810-1820) Première représenta-tion connue de Zermatt, et en second plan, du Cervin. Source : Gos (1923).

La tension dramatique ayant mené à la Première (ascension) du Cervin, jusqu’au dénouement tragique de cet épisode (voir l’encadré ci- dessous,) valorise la montagne et, par conséquent, la valeur économique des biens et des services permettant d’y accéder. Pour la communauté des alpinistes, la montagne emblématique devient immédiatement une référence. Ainsi, le spécialiste des secours Bruno Jelk d’affirmer qu’il est venu à Zermatt « exprès pour faire le Cervin car, sans cette ascension, [il ne se sentait] pas alpiniste » (Bini et al., 1988, p. 222). Contrairement aux autres montagnes, le Cervin jouit d’une très importante réputation dans le monde entier. Comme le souligne le guide Alfons Franzen, « en Amérique, ils ne connaissent que le Cervin. Personne n’a jamais entendu parler du Mönch, par exemple » (Bini et al., 1988, p. 211). Bien que la pratique de l’alpinisme perde proportionnellement en importance vis-à-vis du développement d’autres activités touristiques et d’autres motifs de présence sur place, surtout à partir de l’après-guerre, le caractère étroitement lié de cette activité au patrimoine romantique nécessite de considérer l’alpinisme comme une pratique particulièrement structurante du patrimoine romantique à Zermatt et dotée d’un fort impact symbolique.

le cervin, lalpinismeeTlesguides

Edouard Whymper est un graveur sur bois et peintre, issu de la bourgeoisie londonienne, originaire des Pays-Bas. Son père avait délaissé la destinée familiale de brasseur pour vivre de son art, qu’il transmit à son fils. Edouard se rend pour la première fois dans les Alpes en 1860 à la demande de son éditeur. Whymper arrive d’abord au Breuil (de l’autre côté du col du Théodule), en 1861, où il rencontre Jean-Antoine Carrel, un guide local. Comme d’autres étrangers et locaux du côté italien, ce dernier convoite le Cervin, depuis 1857, aux côtés du jeune abbé Gorret (Schmid, 1964). Du côté zermattois, on ne trouve aucun signe de la part des locaux d’une intention d’escalader le colosse.

Du point de vue des étrangers, il est d’autre part acquis que la voie qui mènera au sommet est au sud. Entre 1857 et 1864, on compte dix tentatives. Whymper et Carrel, d’abord concurrents, s’associent. Le second devait égale-ment faire partie de la cordée victorieuse en juillet 1865, mais l’Italien décide entretemps de tenter l’ascension avec les membres du Club Alpino : pour la légende, il s’agit de « la trahison du Breuil ». Abandonné, tandis que la cordée italienne se dirige vers l’arrête du Lion, Whymper croise Francis Douglas, jeune anglais de 18 ans, parvenu au Breuil accompagné du guide Taugwalder (père), tous les deux venus se joindre à Carrel. Mais c’est avec Whymper qu’ils s’associent, et décident de descendre à Zermatt, pour mieux dépasser les Italiens en passant par le versant suisse. À Zermatt, la cordée s’allonge lorsque

Whymper croise Michel Croz, guide chamoniard, dont le client, le révérend Charles Hudson, ambitionne également le Cervin. Hudson insiste pour que son ami Hadow participe à l’expédition. Finalement, huit alpinistes partent le matin du 13 juillet 1865 de Zermatt : Whymper, Taugwalder père et deux de ses fils (dont l’un n’ira que jusqu’à la cabane), Croz, Hudson, Douglas et Hadow. Ils bivouaquent à 3350 m, partent à l’aube et atteignent le sommet à 13 h 40 (Favre, 1969). La concurrence avec les Italiens est alors à son paroxysme : non seulement « le monde est à leur pied », mais ils ont dépassé la cordée venant du sud. Ainsi, d’après le récit de Whymper, afin que les Italiens les entendent au sommet, ils « [soulevèrent] d’énormes blocs de rochers, et bientôt un torrent de pierres roula le long de la montagne. Cette fois, il n’y avait plus de méprise possible. Les Italiens épouvantés battirent en retraite au plus vite » (Favre, 1969, p. 16). Après concertation, l’ordre de la cordée pour la descente est décidé : Croz, suivi de Hadow, Hudson, Douglas, Taugwalder père, fils, puis Whymper. Non loin du sommet, Hadow, le moins expérimenté, tombe, puis emporte une partie de la cordée avec lui. La corde se rompt entre Douglas et Taugwalder père : les trois derniers sont saufs, et les quatre autres tombent dans l’abîme. À l’exploit succède donc immédiatement le drame.

Un procès a lieu et, malgré l’innocence avérée des trois protagonistes survivants, le soupçon selon lequel Taugwalder aurait « coupé la corde » restera vif. Ce dernier va jusqu’à émigrer en Amérique, avant de revenir, vaincu et ruiné, à Zermatt, en 1888, à l’âge de 68 ans (Gindraux, 1990). Néanmoins la descendance Taugwalder poursuivra la tradition familiale. Ainsi Rudolf, le fils de Peter (fils), et père de Hannes qui nous transmet ses mémoires, a été, « dans ses jeunes années, un guide très demandé. Mr H.F.B. Lynch l’avait engagé, en 1893, pour un voyage aventureux à travers l’Arménie. Ils chevauchèrent pendant deux longs mois. […] Le 19 septembre 1893, il était debout, avec son maître, sur le grand Ararat. […] En 1898 mon père fut de nouveau engagé comme guide pour une expédition. Mr et Mrs Bullock-Workmann voulaient faire l’ascension du grand Kabru, dans l’Himalaya. Avec une caravane de 70 personnes, ils furent pris dans une période de mauvais temps. […] Lorsqu’en 1908, Miss Anne Peck voulut l’engager pour gravir le Huascarans (Pérou), Barbara [la seconde épouse et mère de Hannes] lui conseilla de rester à la maison. […] Avec son collègue, le guide Gabriel, il quitta Zermatt, pour se rendre aux Andes par New York ». Plusieurs mois plus tard, Rudolf revient à Zermatt amputé du pied droit et des doigts de la main gauche (Taugwalder, 1989, p. 92-94).

Whymper poursuit également sa carrière d’alpiniste, remonte même avec Carrel au sommet du Cervin en 1874, mais reste profondément affecté par cet immense succès, autant que par cette terrible tragédie. Il voyage beaucoup, et

est même engagé par le chemin de fer transcontinental Canadian Pacific pour mettre en valeur les richesses touristiques traversées par la ligne (Gindraux, 1990). La tragédie aura également pour conséquence, durant les premières années, d’éloigner les alpinistes du Cervin lui-même, de toutes faces et de toutes arrêtes dans un premier temps, puis uniquement du côté suisse. C’est à partir de 1868 et les ascensions de John Tyndall que le Cervin est à nouveau régulièrement conquis (Gindraux, 1990). En 1873, on compte 95 ascensions du Cervin, dont les deux tiers par le versant suisse. Au-delà du nombre d’ascensions effectives, c’est surtout le mythe du Cervin qui s’affirme par ces événements, et va attirer en nombre les observateurs. Les alpinistes vont également affluer, et certes effectuer l’ascension du Cervin, mais également de nombreuses autres.

Les alpinistes britanniques, réunis au sein de l’Alpine Club, ne fréquentent les alpinistes locaux qu’en la qualité de guide de ces derniers. La section « Monte Rosa » du Club alpin suisse est fondée en 1865 par des Sédunois, et non par des Zermattois. Ils s’associent néanmoins avec Seiler, notamment pour la réalisation des cabanes, ainsi la Matterhornhütte au Hörnligrat (3 818 m) en 1868 et, dans un second temps, la cabane du Hörnli en 1880 (3 260 m). À proximité, en 1911, l’auberge de montagne du Belvédère (Berghaus Matterhorn) est construite par la bourgeoisie.

Jusqu’à la construction de la ligne de chemin de fer et de celle du Gornergrat, une partie des « guides » zermattois pratiquent plus l’activité de porteurs que celle de guide, au sens où on l’entend aujourd’hui communément139. C’est ainsi à la suite de l’achat d’une mule, en 1888, que le père Taugwalder et ses fils travaillent comme guide et porteurs, entre St-Niklaus et Zermatt, ainsi qu’entre Zermatt et Schwarzsee, Riffelalp, etc. (Taugwalder, 1989). Certains semblent même se spécialiser dans le transport, comme Peter Aufdenblatten. Mentionné dans les registres comme contribuable pour le Pavillon du Trift à partir de 1884, il avait acheté du terrain à la bourgeoisie pour y construire une « cabane » (Neuenschwander Feihl, Barbey, 2000). À cette époque, Peter Aufdenblatten est également propriétaire de l’hôtel Gornergrat (sis au village), qui est exploité par la famille Seiler. En 1889, il est fait mention dans ce registre de taxes payées pour vingt chevaux ; un nombre important, puisqu’équivalent au nombre de chevaux taxés à la famille Seiler. Il est probable que Peter Aufdenblatten utilisait les chevaux pour acheminer ses clients, ainsi que d’autres voyageurs. Les hôteliers possédaient donc leurs propres chevaux et mules, mais les guides exerçaient également comme porteurs et muletiers en complément.

139 On trouve d’ailleurs des « guides » dans tous les villages de la vallée, probablement pour cette

raison. En 1889, ils sont 3 à Stalden (pour 8 chevaux), 18 à St-Nicklaus (pour 43 chevaux), et 38 à Zermatt (pour 18 chevaux, dont 10 à Seiler) (Taxe industrielle, Archives de l’État du Valais).

Parce qu’ils travaillent également comme porteurs et muletiers, les guides s’opposent à la réalisation du chemin de fer durant les années 1880, puis à la réalisation du Gornergrat à partir de 1890. Ils protestent même à l’occasion de l’inauguration de la ligne du BVZ140. Cependant, il est probable que les guides ont rapidement compris que l’ouverture de la ligne représentait davantage d’opportunités professionnelles et la possibilité d’une spécialisation dans l’accompagnement pour les ascensions. On peut observer cette progression avec la courbe du nombre de guides (figure 43).

0 10 20 30 40 50 60 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930

Figure  43.  Nombre  de  guides  figurant  au  registre  des  taxes  industrielles 

(1867-1926). Source : Taxes industrielles, Archives de l’État du Valais.

En 1913, 52 guides figurent au registre des taxes industrielles. Depuis 1875 au moins, ils sont soumis à un tarif forfaitaire de 10 fr. Au regard d’autres activités commerciales menées par les guides en parallèle, on remarque que les taxes tirées des activités de restauration (qui ne sont pas soumises à forfait) sont systématiquement supérieures : ainsi, en 1913, Alex Perren est taxé 40 fr. pour le café, 10 fr. en tant que guide, et 5 fr. pour le cheval ; Joseph Taugwalder, 35 fr. pour l’auberge et 10 fr. en tant que guide. Notons encore que certains guides paient des taxes pour des chevaux, mais ils sont en minorité (5 en 1913).

La figure 44 présente les tarifs pratiqués par les guides de Zermatt en