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SAVOIRS PRATIOUES ET SAVOIRS THÉORIQUES

Dans le document Les savoirs de la pratique (Page 67-83)

L'expertiseenseignanteentre savoirspratiques etsavoirsthéoriques

According tothe latter, itisinactionandthroughactionthat impro¬

vementsare madeandcanstill bebetteredthrough reflexivethinking afterwards. We havestudied the relevance

of

these two models by analysingtheprofessional practice

of

aprimaryschoolteacher inher teaching

of

five-year-oldshow to write: her strategic choices (pro¬

gressallalong the schoolyear,distribution

of

workshops), hertactics

of

interaction with thechildren andhersources

of

information (pre¬

service and inservice training, personal readings, professional exchange,etc.).Inthisparticularcase,itcanbesaidthata consistent pedagogicalaction can relyondiversetheroreticolsources,whichthe practitionerdoes not necessarily remember even

if

he or she has drawnaprofitfromtheminhisorher action. On the other hand,the activities are chosen, tested, carriedon or given up according to practicalcriteria andtheir elucidation afterwardsdoes notnecessa¬

rilyinduceateachertoquestionorimprovethem.

Cetarticles'intéresseaux relationsentrethéorie etpratiquedans lavieprofession¬

nelledesenseignants. Aprèsavoirprésentédeux modèles antagonistes decesrela¬

tions, jeprésenterai l'étudede casàpartir de laquellej'aiessayédetrancher entre cesdeuxmodèles:pendantunan,jesuisalléevoircommentuneinstitutricecondui¬

saitsapédagogiedel'écriture avecdesenfantsde5 à 6ans. Endernière partie, je reviendraisur fesmodèlesdedépartpourfaireuncertain nombre de remarques à partirdemesconstats ettracer quelquesperspectivesconcernant la recherche et la 68 | formation.

INTRODUCTION

Deux modèles de la relation théorie-pratique

Lessavoirsforgésparleschercheurs

-

quelleque soitleurdiscipline

-

comblentrare¬

ment les attentes des praticiens, comme l'ont vérifié de nombreuses enquêtes.

Lorsque desenseignantssedocumentent,ilsprivilégientlesinformations directement utilisables,le« commentfaire » plutôtque le« pourquoi », les protocolesd'action plutôt quelesexposésexplicatifs ou lesmodèles. Leurtravail pédagogiquesenour¬

ritsouventd'échange de«recettes », collectéesaugrédesrencontres etdeshasards.

Cellesqui ontéfévalidéespardes collègues avecqui on peutdiscuter aisément ef qui sont assezflexiblespour autoriserdesvariantes personnelles sontadoptées plus facilement que celles qui sontexposées dans les publications des didacticiens. Les

enseignantsquiparlent de leur métiersituentleuraction surleterrain de la morale (altruisteou idéaliste) etdutémoignage personnel, plutôt que par rapportà l'éva¬

luation objective de leur efficacitéouàdessavoirsconsidéréscommethéoriques.

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

L'expertiseenseignanteentre savoirspratiques etsavoirsthéoriques

According tothe latter, itisinactionandthroughactionthat impro¬

vementsare madeandcanstill bebetteredthrough reflexivethinking afterwards. We havestudied the relevance

of

these two models by analysingtheprofessional practice

of

aprimaryschoolteacher inher teaching

of

five-year-oldshow to write: her strategic choices (pro¬

gressallalong the schoolyear,distribution

of

workshops), hertactics

of

interaction with thechildren andhersources

of

information (pre¬

service and inservice training, personal readings, professional exchange,etc.).Inthisparticularcase,itcanbesaidthata consistent pedagogicalaction can relyondiversetheroreticolsources,whichthe practitionerdoes not necessarily remember even

if

he or she has drawnaprofitfromtheminhisorher action. On the other hand,the activities are chosen, tested, carriedon or given up according to practicalcriteria andtheir elucidation afterwardsdoes notnecessa¬

rilyinduceateachertoquestionorimprovethem.

Cetarticles'intéresseaux relationsentrethéorie etpratiquedans lavieprofession¬

nelledesenseignants. Aprèsavoirprésentédeux modèles antagonistes decesrela¬

tions, jeprésenterai l'étudede casàpartir de laquellej'aiessayédetrancher entre cesdeuxmodèles:pendantunan,jesuisalléevoircommentuneinstitutricecondui¬

saitsapédagogiedel'écriture avecdesenfantsde5 à 6ans. Endernière partie, je reviendraisur fesmodèlesdedépartpourfaireuncertain nombre de remarques à partirdemesconstats ettracer quelquesperspectivesconcernant la recherche et la 68 | formation.

INTRODUCTION

Deux modèles de la relation théorie-pratique

Lessavoirsforgésparleschercheurs

-

quelleque soitleurdiscipline

-

comblentrare¬

ment les attentes des praticiens, comme l'ont vérifié de nombreuses enquêtes.

Lorsque desenseignantssedocumentent,ilsprivilégientlesinformations directement utilisables,le« commentfaire » plutôtque le« pourquoi », les protocolesd'action plutôt quelesexposésexplicatifs ou lesmodèles. Leurtravail pédagogiquesenour¬

ritsouventd'échange de«recettes », collectéesaugrédesrencontres etdeshasards.

Cellesqui ontéfévalidéespardes collègues avecqui on peutdiscuter aisément ef qui sont assezflexiblespour autoriserdesvariantes personnelles sontadoptées plus facilement que celles qui sontexposées dans les publications des didacticiens. Les

enseignantsquiparlent de leur métiersituentleuraction surleterrain de la morale (altruisteou idéaliste) etdutémoignage personnel, plutôt que par rapportà l'éva¬

luation objective de leur efficacitéouàdessavoirsconsidéréscommethéoriques.

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

Anne-MarieCHARTIER

Onpourrait illustrer la pertinence decemodèlegénéral déjà ancien (1) en analy¬

sant le comportementdes maîtresde l'école primaire dans ledomaine qui, à en croirelespublications,est entrain de devenir la question centraledesfutursdébats dansl'école, l'enseignement de l'écriture. Danslesannées 1970-1980,c'estla lec¬

turequi aétélelieudetouslesdébats, débatsentrediscours théoriquesou à visées théoriques, débats entre discours innovants,discours savants etdiscours militants, débatsentre pratiques et discours. L'écritureoccupera-t-elledemain cetteposition?

On peut lecroireenvoyant monterlespublicationssurlaproduction d'écrit,surles Eroblèmesliéesà laplanification,lagestiondu texteetàsarévision, maisaussisur

ssproblèmesposésparlescodesgraphiquesouorthographiques.Orlesinstituteurs ignorentgénéralementlesinformations validées scientifiquement, élaboréespardes chercheursloindesterrains, publiéesselon lesrèglesen usagedanslesrevuesspé¬

cialisées, mais inutilisables directement danslaclasse. Parmi lesinnovationsdidac¬

tiques, ils cherchent d'abord celles qui auraient pour vertu d'enthousiasmer les enfants et de lutter contre l'échec scolaire. C'est ce que M. Huberman désigne commeun « habillaged'idéologiealtruiste ». Desprotocoles derecherchesdont on espère des miracles se transforment ainsi en exercices scolaires et les théories deviennentdesdrapeauxpour légitimerdespratiquesoùleschercheursneserecon¬

naissentnullement.

D'autres chercheurs proposent de séparer clairement le monde des savoirs théo¬

riques etceluidessavoirsd'action(2). Pouraborder la questiondessavoirsprofes¬

sionnels, il faudrait rompre avec le modèle rigoureux mais non pertinent de la recherche appliquée. En interrogeant les praticiens experts sur les théories aux¬

quellesils seréfèrent, on ne parviendraitqu'àleurfaire produiredesdiscoursqui sontautant d'artefactsou,ceouiestpire,àlesrendremuets. Dèslors,pour atteindre cequeDonaldSchonappelleles« savoirsenaction »(knowings in action),«ilfaut

*?

qu'onaitaccès, sous uneforme ou uneautre, aux données directes ou immédiates tiréesdel'observationdel'action. »(3) Lesrecherches issuesréellementde«lapen¬

séeetl'action des praticiens. » (4) permettraientainside comprendre comment on apprendetpratiqueunmétier(grâce à la réussite, l'échec,letransfert,l'interaction entre novice et expert) et commenton en améliore l'efficacité. Si les pratiques ne saventpasutiliserlesthéories forgéesendehorsd'elles,ellespourraientenrevanche

1 - Michael Huberman,« Répertoire, recettes et vie de classe:commentlesenseignantsuti¬

lisentl'information»,Éducationetrecherche,vol 5,2, 1983, pp. 157-177.

2 - Jean-Marie Barbier(sousladir.de), Savoirs théoriquesetsavoirsd'action,Paris, PUF,

1995.

3 - Donald Schônttepraticien réflexif.Alarecherchedusavoir caché dansl'agirprofes¬

sionnel,Montréal, Editions Logiques,coll. Formation des maîtres, 1994et«Ala recherche d'une nouvelle épistémologie dela pratique etdecequ'elle implique pour l'éducationdes adultes, inJean-Marie Barbier,op. cit.pp.202-222.

4 - Jean-Marie Barbier, id.,p.221.

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998 Anne-MarieCHARTIER

Onpourrait illustrer la pertinence decemodèlegénéral déjà ancien (1) en analy¬

sant le comportementdes maîtresde l'école primaire dans ledomaine qui, à en croirelespublications,est entrain de devenir la question centraledesfutursdébats dansl'école, l'enseignement de l'écriture. Danslesannées 1970-1980,c'estla lec¬

turequi aétélelieudetouslesdébats, débatsentrediscours théoriquesou à visées théoriques, débats entre discours innovants,discours savants etdiscours militants, débatsentre pratiques et discours. L'écritureoccupera-t-elledemain cetteposition?

On peut lecroireenvoyant monterlespublicationssurlaproduction d'écrit,surles Eroblèmesliéesà laplanification,lagestiondu texteetàsarévision, maisaussisur

ssproblèmesposésparlescodesgraphiquesouorthographiques.Orlesinstituteurs ignorentgénéralementlesinformations validées scientifiquement, élaboréespardes chercheursloindesterrains, publiéesselon lesrèglesen usagedanslesrevuesspé¬

cialisées, mais inutilisables directement danslaclasse. Parmi lesinnovationsdidac¬

tiques, ils cherchent d'abord celles qui auraient pour vertu d'enthousiasmer les enfants et de lutter contre l'échec scolaire. C'est ce que M. Huberman désigne commeun « habillaged'idéologiealtruiste ». Desprotocoles derecherchesdont on espère des miracles se transforment ainsi en exercices scolaires et les théories deviennentdesdrapeauxpour légitimerdespratiquesoùleschercheursneserecon¬

naissentnullement.

D'autres chercheurs proposent de séparer clairement le monde des savoirs théo¬

riques etceluidessavoirsd'action(2). Pouraborder la questiondessavoirsprofes¬

sionnels, il faudrait rompre avec le modèle rigoureux mais non pertinent de la recherche appliquée. En interrogeant les praticiens experts sur les théories aux¬

quellesils seréfèrent, on ne parviendraitqu'àleurfaire produiredesdiscoursqui sontautant d'artefactsou,ceouiestpire,àlesrendremuets. Dèslors,pour atteindre cequeDonaldSchonappelleles« savoirsenaction »(knowings in action),«ilfaut

*?

qu'onaitaccès, sous uneforme ou uneautre, aux données directes ou immédiates tiréesdel'observationdel'action. »(3) Lesrecherches issuesréellementde«lapen¬

séeetl'action des praticiens. » (4) permettraientainside comprendre comment on apprendetpratiqueunmétier(grâce à la réussite, l'échec,letransfert,l'interaction entre novice et expert) et commenton en améliore l'efficacité. Si les pratiques ne saventpasutiliserlesthéories forgéesendehorsd'elles,ellespourraientenrevanche

1 - Michael Huberman,« Répertoire, recettes et vie de classe:commentlesenseignantsuti¬

lisentl'information»,Éducationetrecherche,vol 5,2, 1983, pp. 157-177.

2 - Jean-Marie Barbier(sousladir.de), Savoirs théoriquesetsavoirsd'action,Paris, PUF,

1995.

3 - Donald Schônttepraticien réflexif.Alarecherchedusavoir caché dansl'agirprofes¬

sionnel,Montréal, Editions Logiques,coll. Formation des maîtres, 1994et«Ala recherche d'une nouvelle épistémologie dela pratique etdecequ'elle implique pour l'éducationdes adultes, inJean-Marie Barbier,op. cit.pp.202-222.

4 - Jean-Marie Barbier, id.,p.221.

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

L'expertiseenseignanteentre savoirspratiques etsavoirsthéoriques

produire leurpropre théorisation.Ainsi,quand leschercheurs conduisentuntravail réflexif sur les « savoirs en actes », ils peuvent donner aux praticiens la maîtrise explicitede ceque ceux-cisavaientfairedefaçonseulementimplicite. Lesrécits de pratique,lesanalyses ensituationde recherche-action,levisionnement d'enregistre¬

ments envidéo seraientdonc à la foisd'excellents moyens pouraméliorerl'exper¬

tise desprofessionnelsdel'école etformerceuxquisedestinentàcemétier.

Ce second modèleemprunte beaucoupdeses conceptsau monde du travail, à la formation desadultesen entreprise. Ildonnelégitimitéau point de vuedesacteurs de terrain, concepteurs, inventeurs, et pas seulement exécutants. En inversant le schéma le plusfréquentde lacollaboration entre chercheursetpraticiens,ilapporte unecautionauxprocessusde recherche-action.Pour cequi concernenotreexemple, l'enseignementdel'écriture dans l'école primaire contemporaine,un telcadrethéo¬

rique permettraitd'interpréterlesinnovationssur laproductiond'écrits inventéeshier ouaujourd'huipardesmouvementspédagogiques militants:ainsi,lesinventionsde Freinet,apprenantà écrire àses élèves avecl'imprimerie, lejournal declasse et la correspondance scolaire; ou encore les dispositifs plus récents comme les ateliers d'écriture, l'utilisationdesécrits sociaux, lesprojetsde publication (romancollectif, livresdu poésies, textesdocumentaires) (5).Ces innovationssesontdiffuséesgrâce auxcontactsentre collèguesbien plusquepar injonction institutionnelle.

Enschématisantlespoints devue, on peutdoncopposer deux modèles pourabor¬

der les relations entre les pratiques enseignantes et lesdiscours savants qui pour¬

raient leur servir de référence. Lepremierposequ'une bonne diffusion detous les savoirs estnécessaire pourorienter les choixdidactiqueset les pratiques pédago-giques, mais ilajusqu'àcejour régulièrement constatéseslimites,sinon son échec.

70 Dans le secondmodèle, laformationdesenseignants sefait par«voir faireetouïr dire»et on nepeut compter,pourl'améliorer, sur dessavoirsthéoriques rigoureux, certes, mais non pertinentspour letravail dans la classe. Comment penser la for¬

mation des enseignants entre ces deux modèles? La question est urgente car la recherchepédagogique, longtemps portéepardesmilitantsdeterrain,se coule de plus en plusdans aesformesuniversitaires.Enmême tempsquelesrecherches sont devenues « scientifiques », les chercheursse sontéloignés des praticiens; dans le même temps,pourdesdomaines commelalectureetl'écriture, lamassedessavoirs accessibles s'est accrue démesurémenten devenant internationale. Comment trier pour diffuser? Etcomment savoirsi lesdonnées constituées à partir d'un système scolaire demeurentvalables dans unautrepays?

Les annéesquiviennent vont peut-êtrenousfournirdequoitrancher entre lesdeux modèles. En effet, si les obstacles à la réception des savoirs proviennent du trop faible niveaudesenseignants,leschosespeuventdechangertrèsvite.En France,les 5 - Groupe de recherche d'Ecouen, Dir.JosetteJolibert, Formerdesenfantsproducteurs de textes,Paris, Hachette, 1994.

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998

L'expertiseenseignanteentre savoirspratiques etsavoirsthéoriques

produire leurpropre théorisation.Ainsi,quand leschercheurs conduisentuntravail réflexif sur les « savoirs en actes », ils peuvent donner aux praticiens la maîtrise explicitede ceque ceux-cisavaientfairedefaçonseulementimplicite. Lesrécits de pratique,lesanalyses ensituationde recherche-action,levisionnement d'enregistre¬

ments envidéo seraientdonc à la foisd'excellents moyens pouraméliorerl'exper¬

tise desprofessionnelsdel'école etformerceuxquisedestinentàcemétier.

Ce second modèleemprunte beaucoupdeses conceptsau monde du travail, à la formation desadultesen entreprise. Ildonnelégitimitéau point de vuedesacteurs de terrain, concepteurs, inventeurs, et pas seulement exécutants. En inversant le schéma le plusfréquentde lacollaboration entre chercheursetpraticiens,ilapporte unecautionauxprocessusde recherche-action.Pour cequi concernenotreexemple, l'enseignementdel'écriture dans l'école primaire contemporaine,un telcadrethéo¬

rique permettraitd'interpréterlesinnovationssur laproductiond'écrits inventéeshier ouaujourd'huipardesmouvementspédagogiques militants:ainsi,lesinventionsde Freinet,apprenantà écrire àses élèves avecl'imprimerie, lejournal declasse et la correspondance scolaire; ou encore les dispositifs plus récents comme les ateliers d'écriture, l'utilisationdesécrits sociaux, lesprojetsde publication (romancollectif, livresdu poésies, textesdocumentaires) (5).Ces innovationssesontdiffuséesgrâce auxcontactsentre collèguesbien plusquepar injonction institutionnelle.

Enschématisantlespoints devue, on peutdoncopposer deux modèles pourabor¬

der les relations entre les pratiques enseignantes et lesdiscours savants qui pour¬

raient leur servir de référence. Lepremierposequ'une bonne diffusion detous les savoirs estnécessaire pourorienter les choixdidactiqueset les pratiques pédago-giques, mais ilajusqu'àcejour régulièrement constatéseslimites,sinon son échec.

70 Dans le secondmodèle, laformationdesenseignants sefait par«voir faireetouïr dire»et on nepeut compter,pourl'améliorer, sur dessavoirsthéoriques rigoureux, certes, mais non pertinentspour letravail dans la classe. Comment penser la for¬

mation des enseignants entre ces deux modèles? La question est urgente car la recherchepédagogique, longtemps portéepardesmilitantsdeterrain,se coule de plus en plusdans aesformesuniversitaires.Enmême tempsquelesrecherches sont devenues « scientifiques », les chercheursse sontéloignés des praticiens; dans le même temps,pourdesdomaines commelalectureetl'écriture, lamassedessavoirs accessibles s'est accrue démesurémenten devenant internationale. Comment trier pour diffuser? Etcomment savoirsi lesdonnées constituées à partir d'un système scolaire demeurentvalables dans unautrepays?

Les annéesquiviennent vont peut-êtrenousfournirdequoitrancher entre lesdeux modèles. En effet, si les obstacles à la réception des savoirs proviennent du trop faible niveaudesenseignants,leschosespeuventdechangertrèsvite.En France,les 5 - Groupe de recherche d'Ecouen, Dir.JosetteJolibert, Formerdesenfantsproducteurs de textes,Paris, Hachette, 1994.

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998

Anne-MarieCHARTIER

enseignantsduprimairesontmaintenantrecrutésaprèstroisansd'université.Ilssont beaucoupmieux préparés àacquérirdessavoirsthéoriques, maispersonnenepeut encoredireque, pourcetteraison, ilsserontdemeilleursenseignants. Enrevanche, lesthéoriciensdessavoirsd'actionnecroientpasqu'une meilleurequalificationaca¬

démique produira une amélioration despratiques : ils savent que l'acquisition de savoir-faire professionnels pose des problèmes aux ingénieurs ou aux médecins commeaux employés et aux techniciens. Pour eux, l'efficacitéd'une formationtien¬

draitnon auxsavoirs qu'onydiffuse maisà laplacequ'ytientla réflexion surles pratiques.

J'ai voulu tester la validité concrète de ces modèles, en travaillantà partir d'une étude de cas. M'appuyant sur le modèle des« savoirs d'action », j'ai cherché à savoir comment une institutricepouvait« théoriserréfiexivement» sa pratiquepro¬

fessionnelleconcernant l'apprentissage de l'écriture dans la dernière année d'école maternelle. Cheminfaisant, j'aiessayédevoircommentelleavait constituésesréfé¬

rences etréactualisaitson information. J'ai choisid'observer sélectivementsontra¬

vail surl'écriturepourdesraisonsde conjoncture etde méthode.Eneffet, alors que la question de l'écritureoccupe de plus en plusde didacticiens, lesactivités tradi¬

tionnellement proposéesaux enfants de grandesection,entre5à6 ans,nefontplus l'unanimitéaujourd'hui,sansqu'une autre traditionsesoit encore imposée. Deplus, enquêtersurl'écritureoffreunesécuritédeméthode. Les productionsd'écritsconsti¬

tuentaisémentdes corpusde traces, sur lesquels on peut revenir après coup pour demander explications et commentaires, observer des évolutions individuelles ou faire des comparaisons entre enfants, sans recourir au magnétophone, magnéto¬

scopeouautre matériel lourd.

THEORISER

UNE

PRATIQUE PEDAGOGIQUE

Avantcetteexpérience, je n'étais jamaisentrée dansla classede FlorenceJanssens etj'ignoraistotalementqu'elle étaitsapédagogiedel'écriture.Jenel'avais doncpas choisiepourillustrer une démarche particulière.Elleenseignedepuis unequinzaine d'années,estmaître formateur, a une bonneréputation auprèsdesétudiants eftra¬

vaille dans une zoned'éducation prioritaireavecdes élèvesdemilieu très défavo¬

risé,quin'ontpasétéfamiliariséavecl'écritdansleurfamille.Ellea vudansma pro¬

positionunbon moyenpour présenterensuitesonactionauxétudiantsenstagedans sa classe. Elle savaitqu'elleallait avoirà la rentrée un groupe d'enfants extrême¬

mentdifficiles et ellen'avaitdonc pas dutout l'intentiondeselancer dansdes inno¬

vations. Lespratiques que j'ai observéesétaientdoncsespratiques habituelles.

Letravails'estdéroulé tout au long de l'année1995-1996. Ma présentation vasyn¬

thétiserbrièvementles informations recueilliesaucoursdesobservationset desdis¬

cussionsaufildel'année etaucoursdutravailcommunaccomplienjuin-juillet pour

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998 71 Anne-MarieCHARTIER

enseignantsduprimairesontmaintenantrecrutésaprèstroisansd'université.Ilssont beaucoupmieux préparés àacquérirdessavoirsthéoriques, maispersonnenepeut encoredireque, pourcetteraison, ilsserontdemeilleursenseignants. Enrevanche, lesthéoriciensdessavoirsd'actionnecroientpasqu'une meilleurequalificationaca¬

démique produira une amélioration despratiques : ils savent que l'acquisition de savoir-faire professionnels pose des problèmes aux ingénieurs ou aux médecins commeaux employés et aux techniciens. Pour eux, l'efficacitéd'une formationtien¬

draitnon auxsavoirs qu'onydiffuse maisà laplacequ'ytientla réflexion surles pratiques.

J'ai voulu tester la validité concrète de ces modèles, en travaillantà partir d'une étude de cas. M'appuyant sur le modèle des« savoirs d'action », j'ai cherché à savoir comment une institutricepouvait« théoriserréfiexivement» sa pratiquepro¬

fessionnelleconcernant l'apprentissage de l'écriture dans la dernière année d'école maternelle. Cheminfaisant, j'aiessayédevoircommentelleavait constituésesréfé¬

rences etréactualisaitson information. J'ai choisid'observer sélectivementsontra¬

vail surl'écriturepourdesraisonsde conjoncture etde méthode.Eneffet, alors que la question de l'écritureoccupe de plus en plusde didacticiens, lesactivités tradi¬

tionnellement proposéesaux enfants de grandesection,entre5à6 ans,nefontplus l'unanimitéaujourd'hui,sansqu'une autre traditionsesoit encore imposée. Deplus, enquêtersurl'écritureoffreunesécuritédeméthode. Les productionsd'écritsconsti¬

tuentaisémentdes corpusde traces, sur lesquels on peut revenir après coup pour demander explications et commentaires, observer des évolutions individuelles ou faire des comparaisons entre enfants, sans recourir au magnétophone, magnéto¬

scopeouautre matériel lourd.

THEORISER

UNE

PRATIQUE PEDAGOGIQUE

Avantcetteexpérience, je n'étais jamaisentrée dansla classede FlorenceJanssens etj'ignoraistotalementqu'elle étaitsapédagogiedel'écriture.Jenel'avais doncpas choisiepourillustrer une démarche particulière.Elleenseignedepuis unequinzaine d'années,estmaître formateur, a une bonneréputation auprèsdesétudiants eftra¬

vaille dans une zoned'éducation prioritaireavecdes élèvesdemilieu très défavo¬

risé,quin'ontpasétéfamiliariséavecl'écritdansleurfamille.Ellea vudansma pro¬

positionunbon moyenpour présenterensuitesonactionauxétudiantsenstagedans sa classe. Elle savaitqu'elleallait avoirà la rentrée un groupe d'enfants extrême¬

mentdifficiles et ellen'avaitdonc pas dutout l'intentiondeselancer dansdes inno¬

vations. Lespratiques que j'ai observéesétaientdoncsespratiques habituelles.

Letravails'estdéroulé tout au long de l'année1995-1996. Ma présentation vasyn¬

thétiserbrièvementles informations recueilliesaucoursdesobservationset desdis¬

cussionsaufildel'année etaucoursdutravailcommunaccomplienjuin-juillet pour

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998 71

Dans le document Les savoirs de la pratique (Page 67-83)