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LES RECITS DU MALHEUR (1)

Dans le document Les savoirs de la pratique (Page 83-93)

jEAN-FRANçois LAÉ*, Numa MURARD**

Siles sciencessociales etleurs enquêtes veulenttenir compte de la perception des sujets, sielles veulentintégrerle sensibleetl'instan¬

tanédeleurexpériencesans lesasservir brutalementaux exigences duconcept et delarationalitésavante,ellesdoiventemprunterlavoie de l'écriture narrative. Dans ce texte, extait d'une étude plus démonstativeencore,J.-F.LaéetN.Murardjustifient le recours àla narration et plusparticulièrement àla nouvelle:quandilfaut décrire lessituations «intensives»,quandil fautreconstruirela mémoirespon¬

tanéedes individus, leurs théories naturelles, leursconvictions, leurs idéaux, etc.,touteschosesqu'ilfautenfinprendre au sérieux, alors le récitpeutseulreprésenterla miseen scène (ou l'une des mises en scène)danslaquellecesindividus restituent letempsdeleur existence enprocédantà detellesênonciations.

Ifsocialsciencesandtheirsurveysare totaketheir subjects'percep-tion into account,

if

theyaretointegrate thesensitiveandtheinstant aspects

of

their experiments withoutbrutallysubjecting them to the requirements ofconceptandlearnedrationality, they musttakethe way

of

narrativewriting. In thispaperwhich is an excerpt froman evenmoreillustativestudy,J.-F.Laéand N. Murardjustifytheuse

of

narrationandmoreparticularlyshort-storywriting: when "intensive"

situations have tobe described, when the spontaneous memory

of

individuals, theirnaturaltheories,their convictions, their ideals,etc., in fact, all thathas to be taken seriously into account, have to be reconstucted, then story tellingis theonly wayofrepresenting the scene(or one

of

thescenes)in whichtheseindividuals restorethetime

of

their existenceby producingsuchstatements.

85

1 - Nous remercionslesauteursetl'éditeur pourleuraimable autorisation à reproduirecet extrait« L'enquête,l'enquêteuretlaperception »tirédeleurouvrageLesrécitsdu malheur, DescartesetCie, Paris, 1995, pp. 167-180.

* - Jean-FrançoisLaé,UniversitéParisVIII.

** - NumaMurard,UniversitéParisVII.

Pages83-91 RECHERCHEet FORMATION N° 27 - 1998

I

Résumé

Abstact

LES

RECITS DU MALHEUR

(1)

jEAN-FRANçois LAÉ*, Numa MURARD**

Siles sciencessociales etleurs enquêtes veulenttenir compte de la perception des sujets, sielles veulentintégrerle sensibleetl'instan¬

tanédeleurexpériencesans lesasservir brutalementaux exigences duconcept et delarationalitésavante,ellesdoiventemprunterlavoie de l'écriture narrative. Dans ce texte, extait d'une étude plus démonstativeencore,J.-F.LaéetN.Murardjustifient le recours àla narration et plusparticulièrement àla nouvelle:quandilfaut décrire lessituations «intensives»,quandil fautreconstruirela mémoirespon¬

tanéedes individus, leurs théories naturelles, leursconvictions, leurs idéaux, etc.,touteschosesqu'ilfautenfinprendre au sérieux, alors le récitpeutseulreprésenterla miseen scène (ou l'une des mises en scène)danslaquellecesindividus restituent letempsdeleur existence enprocédantà detellesênonciations.

Ifsocialsciencesandtheirsurveysare totaketheir subjects'percep-tion into account,

if

theyaretointegrate thesensitiveandtheinstant aspects

of

their experiments withoutbrutallysubjecting them to the requirements ofconceptandlearnedrationality, they musttakethe way

of

narrativewriting. In thispaperwhich is an excerpt froman evenmoreillustativestudy,J.-F.Laéand N. Murardjustifytheuse

of

narrationandmoreparticularlyshort-storywriting: when "intensive"

situations have tobe described, when the spontaneous memory

of

individuals, theirnaturaltheories,their convictions, their ideals,etc., in fact, all thathas to be taken seriously into account, have to be reconstucted, then story tellingis theonly wayofrepresenting the scene(or one

of

thescenes)in whichtheseindividuals restorethetime

of

their existenceby producingsuchstatements.

85

1 - Nous remercionslesauteursetl'éditeur pourleuraimable autorisation à reproduirecet extrait« L'enquête,l'enquêteuretlaperception »tirédeleurouvrageLesrécitsdu malheur, DescartesetCie, Paris, 1995, pp. 167-180.

* - Jean-FrançoisLaé,UniversitéParisVIII.

** - NumaMurard,UniversitéParisVII.

Pages83-91 RECHERCHEet FORMATION N° 27 - 1998

Lesrécitsdu malheur

84

L'ENQUETE, L'ENQUETEURET LA PERCEPTION

[...]

Voiretentendreappartiennent au mondedu sensiblealorsquel'écriture relève du conceptuel,telle est lagrande déchiruredela recherche.

Fairedesrécifs, c'estinsister surcetécartentre ledispositif de l'écriture etledispo¬

sitif perceptif, lorsque lepremiertented'effectuerledéplacement du secondtoufen barrantlesensnarré etperçu. Endisantcela, il nes'agitpasdecéderà une socio¬

logie de l'amertumemaisd'indiquerunelimitede laconnaissance duvivant quiest ungibierautrementruséetquicorrespond bien peu à lamise encartedesarchives oud'une cartographie. Lirelavie dans unouvrage, si beausoit-il,ce n'est pasdu touf lamêmechosequevivre la vie. D'autantqu'un troisième terme vientseglisser entreeux, laperception de lavie de l'autre, avant la retranscription. Vivre, perce¬

voir,écrire efliresont des sphères en lutte et enécarts perpétuels.Efsicesécartssont violents, ils doiventsetraduireparune réflexion surla placeet lestatutde la per¬

ception dans l'enquête, relativementà la mise enconcept qui lesuit.

Le

statut de la perception

Entrel'approched'un mondesensible eflemondedesidées,entrelesfaits

-

les évé¬

nementsobservés

-

eflesinterprétationsqui jettentsureuxunvoile rationnel, il ne s'agit pas d'un simple face-à-face où le plus fort l'emporte, mais d'une différence irréductible entrelelangage émotionnelet lelangage de la maîtrise(2),oùlaforce des perceptions ef la force des conceptions ne se rencontrent guère, quand bien même leconceptuelemporte la misedanslemondedes sciences.

Pour nepas êtretrompéparlesperceptions

-

dégradéesau rang de la frivolité et dudouxmielqui recouvrentleschoses

-,

lesconceptssontlàpourémettredesratios qui rejetteraientlemensongepotentielduperçu. Parexemple, lasociologie émetun maximum de conditions comme desconditions grâce auxquelles elle nesetrompe pasefoù surtouton nelatrompepas (3).Contrôlerleseffetsdethéorie sur la théo¬

rie afin d'atteindre enfin l'objectivitétoutedébarrassée des scories del'illusion de l'expérience première,tel est lenirvanadusociologue. Lesperceptionsn'arrêteraient

2 - E.Cassirer, Unessaisurl'homme,Minuit, 1975,p.49. « Ilfaut distinguerlesdiverses stratesgéologiques du langage. Lelangagedesémotionsconstitue sansaucundoutelapre¬

mièreetlaplusfondamentale decesstrates:lafureur, laterreur, le désespoir, lechagrin, la prière,ledésir,lagaieté,leplaisir. »

3 - P. Bourdieu, Homo Academicus, Minuit, 1992, p. 17. « Les opérations mêmesde la recherche,encontraignant à expliciteretformaliserlescritèresimplicitesdel'expérienceordi¬

naire, ont pour effet de rendrepossible le contrôlelogique deleurspropresprésupposés[...], objectiverl'objectivationetfairelathéorie de l'effet théorie. »

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

Lesrécitsdu malheur

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L'ENQUETE, L'ENQUETEURET LA PERCEPTION

[...]

Voiretentendreappartiennent au mondedu sensiblealorsquel'écriture relève du conceptuel,telle est lagrande déchiruredela recherche.

Fairedesrécifs, c'estinsister surcetécartentre ledispositif de l'écriture etledispo¬

sitif perceptif, lorsque lepremiertented'effectuerledéplacement du secondtoufen barrantlesensnarré etperçu. Endisantcela, il nes'agitpasdecéderà une socio¬

logie de l'amertumemaisd'indiquerunelimitede laconnaissance duvivant quiest ungibierautrementruséetquicorrespond bien peu à lamise encartedesarchives oud'une cartographie. Lirelavie dans unouvrage, si beausoit-il,ce n'est pasdu touf lamêmechosequevivre la vie. D'autantqu'un troisième terme vientseglisser entreeux, laperception de lavie de l'autre, avant la retranscription. Vivre, perce¬

voir,écrire efliresont des sphères en lutte et enécarts perpétuels.Efsicesécartssont violents, ils doiventsetraduireparune réflexion surla placeet lestatutde la per¬

ception dans l'enquête, relativementà la mise enconcept qui lesuit.

Le

statut de la perception

Entrel'approched'un mondesensible eflemondedesidées,entrelesfaits

-

les évé¬

nementsobservés

-

eflesinterprétationsqui jettentsureuxunvoile rationnel, il ne s'agit pas d'un simple face-à-face où le plus fort l'emporte, mais d'une différence irréductible entrelelangage émotionnelet lelangage de la maîtrise(2),oùlaforce des perceptions ef la force des conceptions ne se rencontrent guère, quand bien même leconceptuelemporte la misedanslemondedes sciences.

Pour nepas êtretrompéparlesperceptions

-

dégradéesau rang de la frivolité et dudouxmielqui recouvrentleschoses

-,

lesconceptssontlàpourémettredesratios qui rejetteraientlemensongepotentielduperçu. Parexemple, lasociologie émetun maximum de conditions comme desconditions grâce auxquelles elle nesetrompe pasefoù surtouton nelatrompepas (3).Contrôlerleseffetsdethéorie sur la théo¬

rie afin d'atteindre enfin l'objectivitétoutedébarrassée des scories del'illusion de l'expérience première,tel est lenirvanadusociologue. Lesperceptionsn'arrêteraient

2 - E.Cassirer, Unessaisurl'homme,Minuit, 1975,p.49. « Ilfaut distinguerlesdiverses stratesgéologiques du langage. Lelangagedesémotionsconstitue sansaucundoutelapre¬

mièreetlaplusfondamentale decesstrates:lafureur, laterreur, le désespoir, lechagrin, la prière,ledésir,lagaieté,leplaisir. »

3 - P. Bourdieu, Homo Academicus, Minuit, 1992, p. 17. « Les opérations mêmesde la recherche,encontraignant à expliciteretformaliserlescritèresimplicitesdel'expérienceordi¬

naire, ont pour effet de rendrepossible le contrôlelogique deleurspropresprésupposés[...], objectiverl'objectivationetfairelathéorie de l'effet théorie. »

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

Jean-FrançoisIAE,NumaMURARD

Es

de nous mentir, jouraprès jour,parun jeud'apparenceetunrôled'écransous quelslavéritéestinvisible. Lesperceptionssonttropévidentes, tropsimples,trop, diredespourêtretenuespour vraies et fiables.Ilfautalorslescombattre commel'on combat(essavants desapparences,jusqu'à l'épuisement et jusqu'aujouroùtousles mécanismessociaux serontmisànu,vaincuspar la raison etlesratiosde la raison.

C'estl'enjeu de toutes lessciencessociales quidoivent, pourêtresciences,émettre desratiosd'explicationsetdesratiossur tel outelfacteur.

Perceptetconcept sontenguerre perpétuelle,cherchentà s'emboîterpourenfintrou¬

verunmêmelangage,utilisentdespseudonymespourmenercampagnel'un contre l'autre, celui qui le trompe etqui setrompe. Cela se nomme prendre du recul à l'égardde l'expérience, seméfier desesimpressions etdesessentiments, prendre garde àses perceptions pétriesd'illusions et d'hallucinations. L'untirel'autre pour affirmersesratios, l'autretireen sensinversepourdégagerlevivant comme dans untirà lacorde.Alorsquel'observation viseàévacuerau mieux l'élément causal, àl'expulser de l'expérience, à l'inverse, la conceptualisationviseàévacuerl'expé¬

rienceimmédiateenrenforçant l'élémentcausal, nousdit Whitehead(4).Leconcept tented'effacerà toutprixlestracesdenosexpériences perceptuelles,de réduirele mensongeàquia.Cequifaitproblème, c'estcettegrandeévacuation réciproque.

Congédier la place et le statutde la perceptiondurant l'enquête, là où senouent toutesles significations, revient à supprimerdans son entierle mouvementdepré¬

hension qui capte ettissele sens. Lemomentdel'enquête, c'estlemomentoù l'on suit lecourantdu sens,où l'on selaisseporter par lui, cet instant où lessentiments s'amplifient, se regonflent et sedéplacentvers l'espace public pour chercher des témoins. C'est lecourantdusensqui mutualiselesconvictions etqui faitappelà la mémoire. Cette question surplombedeparten partnos travaux. Les récitssontlà, |

8;

toujours présents pourasseoir une analyseau plusprès d'eux, maisils deviennent encombrants lorsquesedéveloppe une enjambée conceptuelletrop alerte.Al'inver¬

se,lesrécitset lanarrationsupportent mal,l'abstractioncarelleleur imposeunordre causal, des liaisons etdes mariages de raisonqu'ils n'aimentguère. Nous avons parfoispassé desjournéesentièresàretournerunévénement danstouslessens,mis àsac nosperceptions du moment, puisressaisilespremières impressions.Ilfautpré¬

ciserlestatutde la perception,sisouventminoréparlasociologiepourcause d'en¬

combrement. Nonpasque la perception soitdansunétat sauvage etsansordre.Elle avancebiendansunordre,maisrelèved'un ordredifférentde celui du concept.Son ordreest l'instantanéité, le surgissement immédiat, quelque chosequi vous tombe dessusetqui se présenteen imagesensible. Son registreestdel'ordrede la pré¬

sentation etnonde la représentation. La modalitéde la perception, c'est la présen¬

tationd'uneimage instantanée,cequinousvientauxyeuxetaux oreilles, non pas comme réceptacle passif mais comme champ actif d'attention, « ce qui se laisse

4 - A.N.Whitehead,taFonctiondela raison etautresessais,Payot, 1969.

RECHERCHEetFORMATION N° 27 - 1998 Jean-FrançoisIAE,NumaMURARD

Es

de nous mentir, jouraprès jour,parun jeud'apparenceetunrôled'écransous quelslavéritéestinvisible. Lesperceptionssonttropévidentes, tropsimples,trop, diredespourêtretenuespour vraies et fiables.Ilfautalorslescombattre commel'on combat(essavants desapparences,jusqu'à l'épuisement et jusqu'aujouroùtousles mécanismessociaux serontmisànu,vaincuspar la raison etlesratiosde la raison.

C'estl'enjeu de toutes lessciencessociales quidoivent, pourêtresciences,émettre desratiosd'explicationsetdesratiossur tel outelfacteur.

Perceptetconcept sontenguerre perpétuelle,cherchentà s'emboîterpourenfintrou¬

verunmêmelangage,utilisentdespseudonymespourmenercampagnel'un contre l'autre, celui qui le trompe etqui setrompe. Cela se nomme prendre du recul à l'égardde l'expérience, seméfier desesimpressions etdesessentiments, prendre garde àses perceptions pétriesd'illusions et d'hallucinations. L'untirel'autre pour affirmersesratios, l'autretireen sensinversepourdégagerlevivant comme dans untirà lacorde.Alorsquel'observation viseàévacuerau mieux l'élément causal, àl'expulser de l'expérience, à l'inverse, la conceptualisationviseàévacuerl'expé¬

rienceimmédiateenrenforçant l'élémentcausal, nousdit Whitehead(4).Leconcept tented'effacerà toutprixlestracesdenosexpériences perceptuelles,de réduirele mensongeàquia.Cequifaitproblème, c'estcettegrandeévacuation réciproque.

Congédier la place et le statutde la perceptiondurant l'enquête, là où senouent toutesles significations, revient à supprimerdans son entierle mouvementdepré¬

hension qui capte ettissele sens. Lemomentdel'enquête, c'estlemomentoù l'on suit lecourantdu sens,où l'on selaisseporter par lui, cet instant où lessentiments s'amplifient, se regonflent et sedéplacentvers l'espace public pour chercher des témoins. C'est lecourantdusensqui mutualiselesconvictions etqui faitappelà la mémoire. Cette question surplombedeparten partnos travaux. Les récitssontlà, |

8;

toujours présents pourasseoir une analyseau plusprès d'eux, maisils deviennent encombrants lorsquesedéveloppe une enjambée conceptuelletrop alerte.Al'inver¬

se,lesrécitset lanarrationsupportent mal,l'abstractioncarelleleur imposeunordre causal, des liaisons etdes mariages de raisonqu'ils n'aimentguère. Nous avons parfoispassé desjournéesentièresàretournerunévénement danstouslessens,mis àsac nosperceptions du moment, puisressaisilespremières impressions.Ilfautpré¬

ciserlestatutde la perception,sisouventminoréparlasociologiepourcause d'en¬

combrement. Nonpasque la perception soitdansunétat sauvage etsansordre.Elle avancebiendansunordre,maisrelèved'un ordredifférentde celui du concept.Son ordreest l'instantanéité, le surgissement immédiat, quelque chosequi vous tombe dessusetqui se présenteen imagesensible. Son registreestdel'ordrede la pré¬

sentation etnonde la représentation. La modalitéde la perception, c'est la présen¬

tationd'uneimage instantanée,cequinousvientauxyeuxetaux oreilles, non pas comme réceptacle passif mais comme champ actif d'attention, « ce qui se laisse

4 - A.N.Whitehead,taFonctiondela raison etautresessais,Payot, 1969.

RECHERCHEetFORMATION N° 27 - 1998

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Lesrécitsdumalheur

étendredevant et dans lalumière où une chosesefientparcelamême qu'elleaun nom (5) ». « Uneoccasionoccasionnelle»,diraitWhitehead,prisedansunetrame possible de rapports à d'autres composantes (6). L'ordre de la présentation estla dimension publique d'une préhension, c'est l'affectet la place de l'affectdans un espace publicchargé de lemettre en mémoire, à conditionqu'il y aitsimultanéité d'affects qui seconfirmentets'amplifient.

Pournotrepart,si nousdéfendonsceprincipeméthodologique

-

tenir compte de la couche percepfuelle de nos expériences d'enquête

-,

c'est qu'elle nous apparaît devoir occuperune positionimportantedans la constructiondela formulationthéo¬

rique, puisque la position d'énonciation du locuteuret la féconditéde ses propres interprétations doivent impérativement être intégrées dans l'analyse. Ce que nous percevonsdoittrouverunplan d'expression en même tempsqu'un énoncéconcep¬

tuel. Lepland'expression,cequi remontedufonddesperceptionsà lasurface,pré¬

formelesfermesde laquestionetde l'analyse. Uneméthodologieintégrantlesper¬

ceptions permetde resituer lesmoments intensifs d'une situation concrète que l'on jugesignificative ef permetd'explorer lesexpériences dontlesens est partagé. La constitutiond'un milieuestcoextensiveàce sens partagé, lorsqu'ilesttraité parla mémoireets'installe dansletempspourluiimprimerunrythmepropre.

Apartirde cetapriorinousavons choisilanouvelle,commemoded'expositionsen¬

sibleetcommeanalysethématique. La nouvelle nousoffrelapossibilitédeproduire uneimaged'interprétation autour dusujetmisen scène. Engagédanslemouvement du modenarratif, la nouvelle possèdealors unepuissanced'effractionduperceptif.

Pourtant, danscepassagedélicat du percept au concept, il fautenmêmetemps s'as-surerde l'existence d'événementsconstants,typiques,expressifsd'unesituation que l'on peufpenseralorscomme récurrente. Cesévénementsrépétitifsdans un univers de pratiquesdoivent servirde caissederésonancepour notre entendement et notre sensibilité(7). Cesontlesfaitsdivers, c'est-à-diredesfaitsaprioriinclassables, qui,

5 - M. Heidegger, « Logos », in Essais et Conférences (trad. Préau), Gallimard, 1958, pp. 270-271.

6 - A.N.Whitehead, op. cit., p.95. Une tramepossible.« Lepassagedecettevirtualité à l'unitéréelleconstituelefait concret actuel,l'actedel'expérience.Mais, au coursdecepas¬

sage, peuventseproduiredesinhibitions,desintensifications,desdéviations oudes concen¬

trationsdel'attention, et desémotions; nouspouvons nousassignerdesfins;d'autres élé¬

mentsdel'expériencepeuventintervenir.»

7 - F. Braudel,Civilisation matérielle, économieetcapitalisme,Armand Colin, 1980,tomeI, p. 13.« Laquotidienneté,cesontdesfaitsmenusquisemarquentàpeine dansletemps et dansl'espace[...]. Quand vous rétrécissezletemps observé àdesfractions menues,vous avezoul'événementou lefait divers; l'événementseveut, secroitunique;lefaitdiversse répète et,serépétant,devientgénéralité ou,mieux, structure. »

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Lesrécitsdumalheur

étendredevant et dans lalumière où une chosesefientparcelamême qu'elleaun nom (5) ». « Uneoccasionoccasionnelle»,diraitWhitehead,prisedansunetrame possible de rapports à d'autres composantes (6). L'ordre de la présentation estla dimension publique d'une préhension, c'est l'affectet la place de l'affectdans un espace publicchargé de lemettre en mémoire, à conditionqu'il y aitsimultanéité d'affects qui seconfirmentets'amplifient.

Pournotrepart,si nousdéfendonsceprincipeméthodologique

-

tenir compte de la couche percepfuelle de nos expériences d'enquête

-,

c'est qu'elle nous apparaît devoir occuperune positionimportantedans la constructiondela formulationthéo¬

rique, puisque la position d'énonciation du locuteuret la féconditéde ses propres interprétations doivent impérativement être intégrées dans l'analyse. Ce que nous percevonsdoittrouverunplan d'expression en même tempsqu'un énoncéconcep¬

tuel. Lepland'expression,cequi remontedufonddesperceptionsà lasurface,pré¬

formelesfermesde laquestionetde l'analyse. Uneméthodologieintégrantlesper¬

ceptions permetde resituer lesmoments intensifs d'une situation concrète que l'on jugesignificative ef permetd'explorer lesexpériences dontlesens est partagé. La constitutiond'un milieuestcoextensiveàce sens partagé, lorsqu'ilesttraité parla mémoireets'installe dansletempspourluiimprimerunrythmepropre.

Apartirde cetapriorinousavons choisilanouvelle,commemoded'expositionsen¬

sibleetcommeanalysethématique. La nouvelle nousoffrelapossibilitédeproduire uneimaged'interprétation autour dusujetmisen scène. Engagédanslemouvement du modenarratif, la nouvelle possèdealors unepuissanced'effractionduperceptif.

Pourtant, danscepassagedélicat du percept au concept, il fautenmêmetemps s'as-surerde l'existence d'événementsconstants,typiques,expressifsd'unesituation que l'on peufpenseralorscomme récurrente. Cesévénementsrépétitifsdans un univers de pratiquesdoivent servirde caissederésonancepour notre entendement et notre sensibilité(7). Cesontlesfaitsdivers, c'est-à-diredesfaitsaprioriinclassables, qui,

5 - M. Heidegger, « Logos », in Essais et Conférences (trad. Préau), Gallimard, 1958, pp. 270-271.

6 - A.N.Whitehead, op. cit., p.95. Une tramepossible.« Lepassagedecettevirtualité à l'unitéréelleconstituelefait concret actuel,l'actedel'expérience.Mais, au coursdecepas¬

sage, peuventseproduiredesinhibitions,desintensifications,desdéviations oudes concen¬

trationsdel'attention, et desémotions; nouspouvons nousassignerdesfins;d'autres élé¬

mentsdel'expériencepeuventintervenir.»

7 - F. Braudel,Civilisation matérielle, économieetcapitalisme,Armand Colin, 1980,tomeI, p. 13.« Laquotidienneté,cesontdesfaitsmenusquisemarquentàpeine dansletemps et dansl'espace[...]. Quand vous rétrécissezletemps observé àdesfractions menues,vous avezoul'événementou lefait divers; l'événementseveut, secroitunique;lefaitdiversse répète et,serépétant,devientgénéralité ou,mieux, structure. »

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Dans le document Les savoirs de la pratique (Page 83-93)