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Les savoirs de la pratique

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(1)

N° 27 1998

RECHERCHE

FORrâmiON

Les savoirs de la pratique

Un enjeu pour la recherche et la formation

INSTITUT NATIONAL

f J^f/rXfJ

DE RECHERCHE

PÉDAGOGIQUE jJlJK L\ll

Département "Politiques,pratiques

etacteurs del'éducation"

N° 27 1998

RECHERCHE

FORrâmiON

Les savoirs de la pratique

Un enjeu pour la recherche et la formation

INSTITUT NATIONAL

f J^f/rXfJ

DE RECHERCHE

PÉDAGOGIQUE jJlJK L\ll

Département "Politiques,pratiques

etacteurs del'éducation"

(2)

RECHERCHE ETFORMATION

TROIS NUMÉROS PAR AN

- 28 -

- 29 -

- N°50 -

NUMÉROSÀVENIR

THÈMESRETENUS

ÉduCATJON pOURUsanté

SciENCES huMAJNESETSCÎENCESSOCJaLeS

<1ans LaFormationdes iNqENiEims

GérerLescompétencesdES PERSONNELS dEL'ÉduCATJON

Vouspouvezécrire dans RechercheetFormation. Envoyez-nousvos articles.Ceux-cidevront être dactylographiésetnepourrontdépas¬

ser12pages(3500signesparpage).Veuillezjoindreunedisquette en indiquant letype d'ordinateuret letraitement de texte utilisés.

Joindreunrésuméde 10 lignes.Lesfaireparvenirà :

Recherche etFormation À l'attention deRaymondBourdoncle INRP

-

29, rue d'Ulm

-

75230 Pariscedex05 Pourtous renseignementscomplémentaires : 01.46.34.91.40

Vouspouvez consulter sommairesetrésumés desderniers numéros dela revue sur lesiteInternetde l'INRP

http://www.inrp.fr

CompositionP.A.O.:N. PeIUeux-01.60.07. 6ï.21 Couverture etmaouette:Agence"7ICI" - 01.69.47.17.77

Impression:BîaLecS.A., NANcy

© INRP, 1998 ISSN:09881824 ISBN;2-7Ï42-0609-9

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

RECHERCHE ETFORMATION

TROIS NUMÉROS PAR AN

- 28 -

- 29 -

- N°50 -

NUMÉROSÀVENIR

THÈMESRETENUS

ÉduCATJON pOURUsanté

SciENCES huMAJNESETSCÎENCESSOCJaLeS

<1ans LaFormationdes iNqENiEims

GérerLescompétencesdES PERSONNELS dEL'ÉduCATJON

Vouspouvezécrire dans RechercheetFormation. Envoyez-nousvos articles.Ceux-cidevront être dactylographiésetnepourrontdépas¬

ser12pages(3500signesparpage).Veuillezjoindreunedisquette en indiquant letype d'ordinateuret letraitement de texte utilisés.

Joindreunrésuméde 10 lignes.Lesfaireparvenirà :

Recherche etFormation À l'attention deRaymondBourdoncle INRP

-

29, rue d'Ulm

-

75230 Pariscedex05 Pourtous renseignementscomplémentaires : 01.46.34.91.40

Vouspouvez consulter sommairesetrésumés desderniers numéros dela revue sur lesiteInternetde l'INRP

http://www.inrp.fr

CompositionP.A.O.:N. PeIUeux-01.60.07. 6ï.21 Couverture etmaouette:Agence"7ICI" - 01.69.47.17.77

Impression:BîaLecS.A., NANcy

© INRP, 1998 ISSN:09881824 ISBN;2-7Ï42-0609-9

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

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SOMMAIRE N° 27

LES

SAVOIRS DE LA PRATIQUE

Un enjeu

pour U recherche et

La

Formatîon

(A.-M. Chartier, F.Jacquet-Francillon, rédacteurs en chef invités)

Editorial

5

Articles

Bernard LAHIRE : Logiques pratiques : le« faire »

et le « dire sur le faire » 15

PatrickWilliams : Leçons de musique : guitare et langue

chez les tsiganes en France

29

Michel Fayol : Apprendre : élémentspour une approche cognitive . . 41 Jean-Claude MoiSDON, BenoitWEILL : La requalîfication à l'épreuve

des faits et des institutions 51

Anne-Marie Chartier : L'expertise enseignante

entre savoirs pratiques et savoirs théoriques

67

Jean-François LaÉ, Numa MlJRARD : L'enquête, l'enquêteur

et la perception (extrait de leurouvrage Les récits du malheur) 83

Marc

WEISSER : Le savoir de la pratique : l'Existence

précède l'Essence 93

Entretien

d'Ariette

Farge par Anne-Marie Chartier 103

Autour

du mot « pratique » de Michèle GulGUE 115

Michel FOURNET, Véronique Bedin : Le mémoire professionnel :

« un discours-objet » médiateur entre pratiques et praxis

professionnelles etscientifiques 123

Annie LANGLOIS : Les enseignants-formateurs des MAFPEN,

desacteurs sociaux : résultats de recherche 139

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998

SOMMAIRE N° 27

LES

SAVOIRS DE LA PRATIQUE

Un enjeu

pour U recherche et

La

Formatîon

(A.-M. Chartier, F.Jacquet-Francillon, rédacteurs en chef invités)

Editorial

5

Articles

Bernard LAHIRE : Logiques pratiques : le« faire »

et le « dire sur le faire » 15

PatrickWilliams : Leçons de musique : guitare et langue

chez les tsiganes en France

29

Michel Fayol : Apprendre : élémentspour une approche cognitive . . 41 Jean-Claude MoiSDON, BenoitWEILL : La requalîfication à l'épreuve

des faits et des institutions 51

Anne-Marie Chartier : L'expertise enseignante

entre savoirs pratiques et savoirs théoriques

67

Jean-François LaÉ, Numa MlJRARD : L'enquête, l'enquêteur

et la perception (extrait de leurouvrage Les récits du malheur) 83

Marc

WEISSER : Le savoir de la pratique : l'Existence

précède l'Essence 93

Entretien

d'Ariette

Farge par Anne-Marie Chartier 103

Autour

du mot « pratique » de Michèle GulGUE 115

Michel FOURNET, Véronique Bedin : Le mémoire professionnel :

« un discours-objet » médiateur entre pratiques et praxis

professionnelles etscientifiques 123

Annie LANGLOIS : Les enseignants-formateurs des MAFPEN,

desacteurs sociaux : résultats de recherche 139

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998

(4)

Sommaire

Lectures

1. NotesCRmouES

'55

BARBIERJ.-M. (1

996). -

Savoirs théoriques etsavoirs

d'action

(Raymond Bourdoncle)

GauthierC. (éd.) (1

997). -

Pourune théoriede la

pédagogie

(FrançoisJacquet-Francillon)

RAYMOND D., LENOIR Y. (éds.) (1998).

-

Enseignants de métier etformation initiale (Patrice Pelpel)

SCHÔN D. A. (1996)

-

Le tournant réflexif. Pratiques éducatives et études de cas (DanieUeZay)

2. Brèves 1

68

5. nousavons reçu 1

74

Actualités

1. Rencontres etcoUoques 1

75

Formation à la médiation età l'enseignement : enjeux politiques etacteurs (Jean-Louis Martinand)

2. PROCHAÎNES RENCONTRES 1

80

-

Savoirs,

rapport

auxsavoirs, professionnalisation, les

27, 28

et 29 octobre 1

998

-

Industries éducatives

-

Situation, approches, perspectives, les

29

et

30

octobre 1

998

-

Teaching effectiveness and teacher development in the new century, les

22,

23,

24

février 1999 à Hong Kong

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998 Sommaire

Lectures

1. NotesCRmouES

'55

BARBIERJ.-M. (1

996). -

Savoirs théoriques etsavoirs

d'action

(Raymond Bourdoncle)

GauthierC. (éd.) (1

997). -

Pourune théoriede la

pédagogie

(FrançoisJacquet-Francillon)

RAYMOND D., LENOIR Y. (éds.) (1998).

-

Enseignants de métier etformation initiale (Patrice Pelpel)

SCHÔN D. A. (1996)

-

Le tournant réflexif. Pratiques éducatives et études de cas (DanieUeZay)

2. Brèves 1

68

5. nousavons reçu 1

74

Actualités

1. Rencontres etcoUoques 1

75

Formation à la médiation età l'enseignement : enjeux politiques etacteurs (Jean-Louis Martinand)

2. PROCHAÎNES RENCONTRES 1

80

-

Savoirs,

rapport

auxsavoirs, professionnalisation, les

27, 28

et 29 octobre 1

998

-

Industries éducatives

-

Situation, approches, perspectives, les

29

et

30

octobre 1

998

-

Teaching effectiveness and teacher development in the new century, les

22,

23,

24

février 1999 à Hong Kong

RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

(5)

I EDITORIAL

EnconsacrantundossierdeRechercheet Formationauxsavoirsde lapratique,nous sommes parti d'unconstat. Aujourd'hui, quelquesoif lequalificatifqui lesaccom¬

pagne(pratiques sociales, culturelles, professionnelles, cognitives,langagières,etc.), la questiondespratiques traverse touteslesscienceshumaines.Plusprécisément,une attentionparticulièreestportéeauxpratiques«ordinaires»,cellesqui seconstrui¬

sentdanslesinteractions de laviequotidienne,aufildutemps, sansquelesacteurs enaientnécessairement uneclaire conscience.Qu'on adopteuneentréehistorique, sociologique, psychologique ouanthropologique,desrecherchesmultiplesmontrent, s'il enétait besoin, l'existence proliféranteaesavoir-faire sociaux complexes, suffi¬

sammentstables pourêtre réitérés etcaractériserdes identitéssingulières, suffisam¬

mentflexiblespour être, lecaséchéant,adaptés avec plusou moinsdesuccèsàdes situations imprévues. Ceconstatdébouche à nosyeux surplusieursquestions.

La première est théorique : comment, dans son domaine conceptuel spécifique, chaque science humaine (sociologie, histoire, psychologie, anthropologie) a-t-elle construit cetobjetd'étude etd'investigation?Larécurrenceduthèmenesignifie pas quechacuns'appliqueexactement au mêmeobjet eton enaunindice dans ladiver¬

sité desdésignations (savoirfaire, savoirs procéduraux, pratiques sociales, savoirs sociaux, compétences professionnelles, savoirsordinaires, savoirs informels). Nous avonspris actedecettediversité,sans chercherà laréduire.

La deuxième questionest méthodologique : quelssont lesoutilsd'investigation éla¬

borésdanschaquechamp de recherchepourrepérer etdécrirecespratiquesenacte etleursprocessusd'élaboration,qui nepeuventêtreconfonduesavec leursproduits ou leurs effets?

Une troisième question, pédagogique, concerne directement formateurs et ensei¬

gnants, puisquelesfaçonsdonts'acquièrentlessavoirspratiques ontquelquechose à nousapprendresurnospropres modes de transmission: quelprofitlesdispositifs deformation peuvent-ilstirerdecetteconfrontation?

Pages5-14 RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

I EDITORIAL

EnconsacrantundossierdeRechercheet Formationauxsavoirsde lapratique,nous sommes parti d'unconstat. Aujourd'hui, quelquesoif lequalificatifqui lesaccom¬

pagne(pratiques sociales, culturelles, professionnelles, cognitives,langagières,etc.), la questiondespratiques traverse touteslesscienceshumaines.Plusprécisément,une attentionparticulièreestportéeauxpratiques«ordinaires»,cellesqui seconstrui¬

sentdanslesinteractions de laviequotidienne,aufildutemps, sansquelesacteurs enaientnécessairement uneclaire conscience.Qu'on adopteuneentréehistorique, sociologique, psychologique ouanthropologique,desrecherchesmultiplesmontrent, s'il enétait besoin, l'existence proliféranteaesavoir-faire sociaux complexes, suffi¬

sammentstables pourêtre réitérés etcaractériserdes identitéssingulières, suffisam¬

mentflexiblespour être, lecaséchéant,adaptés avec plusou moinsdesuccèsàdes situations imprévues. Ceconstatdébouche à nosyeux surplusieursquestions.

La première est théorique : comment, dans son domaine conceptuel spécifique, chaque science humaine (sociologie, histoire, psychologie, anthropologie) a-t-elle construit cetobjetd'étude etd'investigation?Larécurrenceduthèmenesignifie pas quechacuns'appliqueexactement au mêmeobjet eton enaunindice dans ladiver¬

sité desdésignations (savoirfaire, savoirs procéduraux, pratiques sociales, savoirs sociaux, compétences professionnelles, savoirsordinaires, savoirs informels). Nous avonspris actedecettediversité,sans chercherà laréduire.

La deuxième questionest méthodologique : quelssont lesoutilsd'investigation éla¬

borésdanschaquechamp de recherchepourrepérer etdécrirecespratiquesenacte etleursprocessusd'élaboration,qui nepeuventêtreconfonduesavec leursproduits ou leurs effets?

Une troisième question, pédagogique, concerne directement formateurs et ensei¬

gnants, puisquelesfaçonsdonts'acquièrentlessavoirspratiques ontquelquechose à nousapprendresurnospropres modes de transmission: quelprofitlesdispositifs deformation peuvent-ilstirerdecetteconfrontation?

Pages5-14 RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998

(6)

Editorial

Enfin, ladernière questionesthistorique:pourquoilessavoirsde lapratiquesesont- ils imposéscommeun thèmede réflexionobligé dans lesdébats récents sur la for¬

mation? Ou, pour poser leproblèmeà l'envers, qu'est-ce qui a pu faire quecette question soit restée si longtemps « impensée » dans l'école, c'est-à-dire posée et résolue« pratiquement»etnon « théoriquement»? C'estparcedernierpointque nousvoudrions commencer, en apportant quelques pistes de réflexion pour mieux situerles enjeuxd'unteldossier.

La

spécificité des savoirs scolaires

Dans une société aussi scolariséeque lanôtre etdepuis si longtemps, l'acquisition des savoirs est spontanément référée au modèle des apprentissages scolaires.

Puisquela missionde l'écoleestd'instruire,du niveauleplusélémentaireau niveau leplussavant, la définition même decequ'on entend par « savoir » a partie liée avecl'expérience,aujourd'hui universellementpartagée, delascolarisation. Peut-on brièvementcaractériserlessavoirsscolaires? De la Renaissance à aujourd'hui,c'est- à-direde lacréation descollèges et petitesécolesà la scolarisation secondaire de masse,on retrouveuncertainnombre deconstantesclaires. Lessavoirsscolairessont dessavoirs d'écriture, dontdes livresobjectiventmatériellement la réalité etla per¬

manence : ils ontdes références oui sont massivement des textes, maisaussi des images, des cartes, des schémas, des figures. Cesont ensuite des savoirs élaborés pour être transmis collectivement, de façon progressive, organisée, systématique, évaluée :faisant partie d'uncursuspréétabli, lessavoirs scolaires sesontconstitués en disciplines autonomes, disjointes de leurs usages sociaux, présentées de façon formelle etlinéaire. Enfin, cesont des savoirsdontlatransmissionaétéjugénéces- sairepardesinstancesde contrôle social (jadis l'Eglise,aujourd'huil'Etat)quienont chargédespersonnelslégitimésparleurpropre instruction.

Commentl'institution scolaire considère-t-elle lessavoirs horsl'école? Dèsla fin du XIXesiècle, lesanthropologuesontdécrit l'existencede corps constituésdesavoirs, transmiscollectivement degénérationsen générations, dansdessociétés sansécole niculture écrite.Maiscepartage entre oralité et écriture, entre« penséeprimitive» etrationalitéacontribuéàrenforcerencore laprégnance et lavaleurdumodèlesco¬

laire : lessavoirsdespratiques traditionnelles, transmispar« voir faire» et«ouïr dire»,nepouvaientêtrequedessavoirssuspectsoucondamnables, mêlant de façon indissociableritesetmythes,croyancesetsuperstitions,recettes magiquesetsavoir- faireroutiniers. Contrecessavoirs archaïques imposés parl'arbitraire d'une tradi¬

tionautoritaire,lessavoirsdel'école républicainesesontinstituéscommelessavoirs de la modernitécritiqueetémancipatrice:savoirsdesLumièrescontre croyancesde l'obscurantisme, savoirs scientifiques contre pratiques empiriques, savoirs laïques contre dogmesreligieux,savoirsurbains contre folkloresruraux, savoirs de la raison etduprogrèscontretraditions irrationnelles etpasséistes.

RECHERCHE etFORMATION 27 - 1998 Editorial

Enfin, ladernière questionesthistorique:pourquoilessavoirsde lapratiquesesont- ils imposéscommeun thèmede réflexionobligé dans lesdébats récents sur la for¬

mation? Ou, pour poser leproblèmeà l'envers, qu'est-ce qui a pu faire quecette question soit restée si longtemps « impensée » dans l'école, c'est-à-dire posée et résolue« pratiquement»etnon « théoriquement»? C'estparcedernierpointque nousvoudrions commencer, en apportant quelques pistes de réflexion pour mieux situerles enjeuxd'unteldossier.

La

spécificité des savoirs scolaires

Dans une société aussi scolariséeque lanôtre etdepuis si longtemps, l'acquisition des savoirs est spontanément référée au modèle des apprentissages scolaires.

Puisquela missionde l'écoleestd'instruire,du niveauleplusélémentaireau niveau leplussavant, la définition même decequ'on entend par « savoir » a partie liée avecl'expérience,aujourd'hui universellementpartagée, delascolarisation. Peut-on brièvementcaractériserlessavoirsscolaires? De la Renaissance à aujourd'hui,c'est- à-direde lacréation descollèges et petitesécolesà la scolarisation secondaire de masse,on retrouveuncertainnombre deconstantesclaires. Lessavoirsscolairessont dessavoirs d'écriture, dontdes livresobjectiventmatériellement la réalité etla per¬

manence : ils ontdes références oui sont massivement des textes, maisaussi des images, des cartes, des schémas, des figures. Cesont ensuite des savoirs élaborés pour être transmis collectivement, de façon progressive, organisée, systématique, évaluée :faisant partie d'uncursuspréétabli, lessavoirs scolaires sesontconstitués en disciplines autonomes, disjointes de leurs usages sociaux, présentées de façon formelle etlinéaire. Enfin, cesont des savoirsdontlatransmissionaétéjugénéces- sairepardesinstancesde contrôle social (jadis l'Eglise,aujourd'huil'Etat)quienont chargédespersonnelslégitimésparleurpropre instruction.

Commentl'institution scolaire considère-t-elle lessavoirs horsl'école? Dèsla fin du XIXesiècle, lesanthropologuesontdécrit l'existencede corps constituésdesavoirs, transmiscollectivement degénérationsen générations, dansdessociétés sansécole niculture écrite.Maiscepartage entre oralité et écriture, entre« penséeprimitive» etrationalitéacontribuéàrenforcerencore laprégnance et lavaleurdumodèlesco¬

laire : lessavoirsdespratiques traditionnelles, transmispar« voir faire» et«ouïr dire»,nepouvaientêtrequedessavoirssuspectsoucondamnables, mêlant de façon indissociableritesetmythes,croyancesetsuperstitions,recettes magiquesetsavoir- faireroutiniers. Contrecessavoirs archaïques imposés parl'arbitraire d'une tradi¬

tionautoritaire,lessavoirsdel'école républicainesesontinstituéscommelessavoirs de la modernitécritiqueetémancipatrice:savoirsdesLumièrescontre croyancesde l'obscurantisme, savoirs scientifiques contre pratiques empiriques, savoirs laïques contre dogmesreligieux,savoirsurbains contre folkloresruraux, savoirs de la raison etduprogrèscontretraditions irrationnelles etpasséistes.

RECHERCHE etFORMATION 27 - 1998

(7)

Editorial

On voitceauecemodèle héritedes Lumières etde la Révolutionfrançaise,onvoit aussi cequ'iladopteducombatpolitiquepropreauXIXesièclependant lequelils'est forgé: lessavoirs scolairesdoiventproduireunenouvelle culturenationale, étatique et laïcisée, puis, avec Jules Ferry, républicaine et laïque. La IIIe République en exprime clairement la finalité politique : il fautformer descitoyens partageant les mêmesvaleurs et lamêmemorale, alorsmêmequ'ilsnepartagent pas lamême reli¬

gion et quelesystèmescolaireséparesoigneusementprimaireetsecondaire, peuple et élite. On voit généralement moins que ce modèle perpétue une « religion du livre », héritéedela Réforme. C'estparce quelestextesdel'Ecrituresont la source de toute vérité, quedansune Europe déchiréeparlesguerresdereligion, ilparaît nécessaire à toutes les Églises d'instruire les jeunes chrétiens des savoirs de la

«vraie» religion,catholique ou réforméeetdoncdecréerpartoutdesécolespour fairelire etapprendre lecatéchisme. De même, c'estparce quedesdiscoursscien¬

tifiques garantissent leur vérité,quelessavoirsscolaires laïquespeuvent êtrelelevier d'uneinstruction conçuepouréduqueretmoraliser lajeunesse.

Les

savoirs scolaires et les savoirs de la pratique

Oncommence seulementd'entrevoircequecemodèleaentérinépour longtemps : enfaisantdessavoirs livresques retenusparl'école, la pierre de touchedessavoirs légitimes, il a occulté ou disqualifié tous les savoirs sociaux non scolarisés ou mal scolarisables:lessavoirsde lapratique. Contrairement àcequis'estpassédansdes Daysvoisins, unedouble exclusion historiquemarqueainsi fortementlaspécificité de 'école française : les savoirs nécessaires à la pratique religieuse, dans un état devenu«neutre entrelesreligions»,relèventd'une transmissionhors tempsscolaire, à la décision des familles; les savoirs pratiques utilitaires, aussi nombreux que les métiers,nefontpaspartiedesmissionsprioritairesdel'école, vouéeaux savoirsuni¬

versels (lessciences,maisaussi la morale) et à la^culturenationale(la langue fran¬

çaise, l'histoire, la littérature). Le conflit entre l'Église et l'État, que notre regard rétrospectiféclaire d'autant mieux que nous connaissons la suite, produit ainsi un effetparadoxal.

Eneffet, à lafin du XIXe siècle, au momentmêmeoù se met en placeunenseigne¬

ment technique au sens moderne, les seuls enjeux pédagogiques qui vaillent sont politiques, si bien que les réflexions qui accompagnent la scolarisation desappren¬

tissages professionnels se trouvent confinés au champ des spécialistes. La loi de

1874 qui interdit letravail ouvrier desenfants, fait disparaîtredu débat public les grands courants intellectuelsquiont défendulavaleuréducativeetsocialedutravail manuel(auXVIJIe, Encyclopédistesrevalorisantlesartsmécaniques, maisaussiRous¬

seaufaisant d'Emileun menuisier;au XIXe,courantscatholiquesarticulantl'éduca¬

tion des pauvresautour de la religion etdu métier, courants libéraux refusantune instruction spéculative coupée du travail). L'obligation scolaire s'inscrit dans cettevacance conquisede hautelutte au fil du siècle, qui permet de dispenser«une

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998 K

Editorial

On voitceauecemodèle héritedes Lumières etde la Révolutionfrançaise,onvoit aussi cequ'iladopteducombatpolitiquepropreauXIXesièclependant lequelils'est forgé: lessavoirs scolairesdoiventproduireunenouvelle culturenationale, étatique et laïcisée, puis, avec Jules Ferry, républicaine et laïque. La IIIe République en exprime clairement la finalité politique : il fautformer descitoyens partageant les mêmesvaleurs et lamêmemorale, alorsmêmequ'ilsnepartagent pas lamême reli¬

gion et quelesystèmescolaireséparesoigneusementprimaireetsecondaire, peuple et élite. On voit généralement moins que ce modèle perpétue une « religion du livre », héritéedela Réforme. C'estparce quelestextesdel'Ecrituresont la source de toute vérité, quedansune Europe déchiréeparlesguerresdereligion, ilparaît nécessaire à toutes les Églises d'instruire les jeunes chrétiens des savoirs de la

«vraie» religion,catholique ou réforméeetdoncdecréerpartoutdesécolespour fairelire etapprendre lecatéchisme. De même, c'estparce quedesdiscoursscien¬

tifiques garantissent leur vérité,quelessavoirsscolaires laïquespeuvent êtrelelevier d'uneinstruction conçuepouréduqueretmoraliser lajeunesse.

Les

savoirs scolaires et les savoirs de la pratique

Oncommence seulementd'entrevoircequecemodèleaentérinépour longtemps : enfaisantdessavoirs livresques retenusparl'école, la pierre de touchedessavoirs légitimes, il a occulté ou disqualifié tous les savoirs sociaux non scolarisés ou mal scolarisables:lessavoirsde lapratique. Contrairement àcequis'estpassédansdes Daysvoisins, unedouble exclusion historiquemarqueainsi fortementlaspécificité de 'école française : les savoirs nécessaires à la pratique religieuse, dans un état devenu«neutre entrelesreligions»,relèventd'une transmissionhors tempsscolaire, à la décision des familles; les savoirs pratiques utilitaires, aussi nombreux que les métiers,nefontpaspartiedesmissionsprioritairesdel'école, vouéeaux savoirsuni¬

versels (lessciences,maisaussi la morale) et à la^culturenationale(la langue fran¬

çaise, l'histoire, la littérature). Le conflit entre l'Église et l'État, que notre regard rétrospectiféclaire d'autant mieux que nous connaissons la suite, produit ainsi un effetparadoxal.

Eneffet, à lafin du XIXe siècle, au momentmêmeoù se met en placeunenseigne¬

ment technique au sens moderne, les seuls enjeux pédagogiques qui vaillent sont politiques, si bien que les réflexions qui accompagnent la scolarisation desappren¬

tissages professionnels se trouvent confinés au champ des spécialistes. La loi de

1874 qui interdit letravail ouvrier desenfants, fait disparaîtredu débat public les grands courants intellectuelsquiont défendulavaleuréducativeetsocialedutravail manuel(auXVIJIe, Encyclopédistesrevalorisantlesartsmécaniques, maisaussiRous¬

seaufaisant d'Emileun menuisier;au XIXe,courantscatholiquesarticulantl'éduca¬

tion des pauvresautour de la religion etdu métier, courants libéraux refusantune instruction spéculative coupée du travail). L'obligation scolaire s'inscrit dans cettevacance conquisede hautelutte au fil du siècle, qui permet de dispenser«une

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Editorial

éducation »aux enfantsdupeuple,commeaux fils debourgeois.Danslesécritsdes réformateurs du premierXXe siècle (Lapie, Jean Zay, Langevin-Wallon), on lit ce souci permanent de préserver le consensus fragilequi a fini par établir, entre les deux guerres, une relative paix scolaire autourdesvaleurs « humanistes » univer¬

sellesde l'enseignement laïque, voué à donnerauxjeunes générations uneculture générale scientifique et littéraire (quiassume lepatrimoine chrétien),à produiredes espritscritiques, ouverts, curieux,rigoureux, bref, à formerdeshommeslibres.

Dela Libérationauxannées 1960,cediscours nefaitque croîtreetprospérer,deve¬

nantun toposde la résistanceenseignanteauxsirènes du grand capital. Onveut une politique de « démocratisation » de l'enseignement : faireaccéder toute une classe d'âgeaux savoirs fondamentauxde laculturescolaire,quiestlaCulturetout court, pourréparer l'injustice sociale qui éloigne tant d'élèves d'un primaire supé¬

rieur tropsélectifoudusecondaire socialementréservé.Ondénoncela«massifica¬

tion »quiobéità desimpératifs économiques, asservitl'école au marché del'emploi etconsidèrelesétudescomme un investissement encapitalhumainproductif.Certes, chacun sait bien « enpratique »qu'en cesannéesdecroissancelediplôme est un passeportpourl'emploi. Chacun saitbien«en pratique»quel'universitéquiforme depuis toujoursdescontingentsdemédecins,de juristes et de professeurs, n'est pas seulementlelieudu savoirdésintéressé etque les filières d'élite(les classesprépa¬

ratoires scientifiques) ouvrentsur des écoles professionnelles. Iln'empêche : l'école revendiquelagratuité desesfinscommeunegloireet neveut rienavoiràfaireavec l'utilitarismedu monde social.

Comment, danscecontextebrossé àgrandstraits,pose-t-onlaquestion dessavoirs pratiques? Deuxapprochessontenconcurrence,selonqu'onoppose classiquement scienceetart, ouqu'onchercheàarticuler théorie etpratique.L'exempledelapéda¬

gogie est une mine inépuisable pour tester les deux modèles. Tantôt on la définit comme une réalité composite, qui faitcoexister des contenus (les savoirsdiscursifs qui s'enseignent) efuneforme(l'artd'enseignerqui relève du don et del'expérience singulière, intransmissibles).Tantôt,onyvoitunepratiqueencoreempirique maisen passededevenirune scienceappliquée.Lasciencemobiliséeaudébutdu siècleétait lasociologie, c'est, depuis l'entre-deuxguerres, la psychologie de l'enfant, capable dedéterminer à la foisdescontenusenseignablespour chaque âge (correspondants aux capacités opératoires des différents stades) et des méthodes (les « méthodes actives » qui stimulent etaccompagnent l'activité mentale de l'enfant). Le premier modèle,traditionnel,estplutôt«secondaire». Ilpréserve à la foisl'identité discipli¬

naire de spécialistes,letalentsingulierdesacteursdansunmétier conçu comme une activité « libérale » etconçoitl'initiationau métiercomme un compagnonnage. Le secondmodèle, moderniste,estplutôt«primaire »:enindiquantqueTapédagogie pourraitdevenir une« scienceappliquée», ildonneà la formation professionnelle en écolenormale un corpsde référencesthéoriquesqui la sort de « l'empirie» et aux militantsdespédagogiesnouvelles unecaution scientifiquequi leslégitime.

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998 Editorial

éducation »aux enfantsdupeuple,commeaux fils debourgeois.Danslesécritsdes réformateurs du premierXXe siècle (Lapie, Jean Zay, Langevin-Wallon), on lit ce souci permanent de préserver le consensus fragilequi a fini par établir, entre les deux guerres, une relative paix scolaire autourdesvaleurs « humanistes » univer¬

sellesde l'enseignement laïque, voué à donnerauxjeunes générations uneculture générale scientifique et littéraire (quiassume lepatrimoine chrétien),à produiredes espritscritiques, ouverts, curieux,rigoureux, bref, à formerdeshommeslibres.

Dela Libérationauxannées 1960,cediscours nefaitque croîtreetprospérer,deve¬

nantun toposde la résistanceenseignanteauxsirènes du grand capital. Onveut une politique de « démocratisation » de l'enseignement : faireaccéder toute une classe d'âgeaux savoirs fondamentauxde laculturescolaire,quiestlaCulturetout court, pourréparer l'injustice sociale qui éloigne tant d'élèves d'un primaire supé¬

rieur tropsélectifoudusecondaire socialementréservé.Ondénoncela«massifica¬

tion »quiobéità desimpératifs économiques, asservitl'école au marché del'emploi etconsidèrelesétudescomme un investissement encapitalhumainproductif.Certes, chacun sait bien « enpratique »qu'en cesannéesdecroissancelediplôme est un passeportpourl'emploi. Chacun saitbien«en pratique»quel'universitéquiforme depuis toujoursdescontingentsdemédecins,de juristes et de professeurs, n'est pas seulementlelieudu savoirdésintéressé etque les filières d'élite(les classesprépa¬

ratoires scientifiques) ouvrentsur des écoles professionnelles. Iln'empêche : l'école revendiquelagratuité desesfinscommeunegloireet neveut rienavoiràfaireavec l'utilitarismedu monde social.

Comment, danscecontextebrossé àgrandstraits,pose-t-onlaquestion dessavoirs pratiques? Deuxapprochessontenconcurrence,selonqu'onoppose classiquement scienceetart, ouqu'onchercheàarticuler théorie etpratique.L'exempledelapéda¬

gogie est une mine inépuisable pour tester les deux modèles. Tantôt on la définit comme une réalité composite, qui faitcoexister des contenus (les savoirsdiscursifs qui s'enseignent) efuneforme(l'artd'enseignerqui relève du don et del'expérience singulière, intransmissibles).Tantôt,onyvoitunepratiqueencoreempirique maisen passededevenirune scienceappliquée.Lasciencemobiliséeaudébutdu siècleétait lasociologie, c'est, depuis l'entre-deuxguerres, la psychologie de l'enfant, capable dedéterminer à la foisdescontenusenseignablespour chaque âge (correspondants aux capacités opératoires des différents stades) et des méthodes (les « méthodes actives » qui stimulent etaccompagnent l'activité mentale de l'enfant). Le premier modèle,traditionnel,estplutôt«secondaire». Ilpréserve à la foisl'identité discipli¬

naire de spécialistes,letalentsingulierdesacteursdansunmétier conçu comme une activité « libérale » etconçoitl'initiationau métiercomme un compagnonnage. Le secondmodèle, moderniste,estplutôt«primaire »:enindiquantqueTapédagogie pourraitdevenir une« scienceappliquée», ildonneà la formation professionnelle en écolenormale un corpsde référencesthéoriquesqui la sort de « l'empirie» et aux militantsdespédagogiesnouvelles unecaution scientifiquequi leslégitime.

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998

(9)

Editorial

Le

retour des pratiques, entre culture, école et monde du travail

Resteà comprendrecequi,en un quartde siècle, va produire leretournement de problématique que nous constatonsaujourd'huietmettrelaquestiondes pratiques au

ceur

dudébat intellectuel.Trois phénomènesnoussemblentavoirjoué de façon disjointe mais convergente. D'abord lesurgissementde nouveaux débats(ou com¬

bats) politiques sur les relations entre culture et société; ensuite, la question de l'échecscolaire;enfin, lesmutations danslemondedutravail et,decefaitdans la formation professionnelle. Sur ces trois chantiers, les travaux conduits par les sciencessocialesontbrouillé la belle simplicitédu modèlerépublicain etébranlé la foi sans faille dansla valeurémancipatrice dessavoirs scolaires. L'intérêt pourles savoirsde la prafique provient donc tout autant desourcesextérieuresàl'écoleque des incertitudesd'unsystèmescolaireen crise.

Culture et société

Dès lesannées 1960, deuxdéfinitions de laculturesetrouventen concurrence. La

définition classique fait de la culture au singulier le privilège de ceux que leurs études,leursloisirs etleursréseauxde sociabilitéontmis enposition deconnaître et aimerleschefs-d'uvre,triésparlessiècles,qui représententlemondeenlui don¬

nant forme,sens etvaleur:beaux-arts, littérature, théâtreet même,pourles péda¬

gogues d'avant-garde, cinéma. Toutcomme ily ades savants et des ignorants, il existedoncdespersonnescultivéesetd'autres incultes. Pour ceuxqui revendiquent plusdedémocratie culturelle, lespolitiques publiques (théâtres nationaux, maisons de la culture) doivent étendre au plus grand nombre la fréquentation des uvres confisquéesparlesprivilégiés etfairedel'écolelacheville ouvrière decesinitiations.

Cependant,unedeuxièmedéfinition,celledesanthropologues, s'imposepeu à peu:

lesculturessontplurielles. Prises de consciencepolitiques néesdes luttescoloniales etdesrevendications régionalistes; inquiétudesnéesdevantla«culturede masse» internationale, qui, par cinéma, disque, radio ou petit écran interposés, court-cir- cuite lesmédiateurs légitimeset n'a quefairedesclassiquesnationaux. Tandisque deschercheurs(sociologues,historiens, anthropologues), reconstituent commentont pu et peuvent s'imposer à une société entière les normes culturelles d'un groupe dominant, d'autres décriventlavie perpétuéedesculturespopulaires.Celles-civivent augrandjour,mais restentinvisiblesaux yeuxsavantspuisqu'ellesne«produisent»

aucune

uvre.

Elles sont du lien social, des façons de dire et de faire qui ne s'écriventpas : cultures ouvrière ou paysanne contre culture bourgeoise, cultures régionales contre culturejacobine, culturesoralescontre culture écrite, cultures pra¬

tiques contre culturethéorique, cultures résistantes contre culturedominante. Résis¬

tance des contenus : des savoirs, des valeurs et des traditions se transmettent, se recomposentou s'inventent à l'insu des autorités ou des institutions. Résistance des formes: lesgroupessociauxdominés,alorsmêmequ'ilssemblentadopterlesconte¬

nus qu'on leur impose (à l'église, à l'école, à la télévision), en usent « à leur

RECHERCHEetFORMATION 27 - 1998 Editorial

Le

retour des pratiques, entre culture, école et monde du travail

Resteà comprendrecequi,en un quartde siècle, va produire leretournement de problématique que nous constatonsaujourd'huietmettrelaquestiondes pratiques au

ceur

dudébat intellectuel.Trois phénomènesnoussemblentavoirjoué de façon disjointe mais convergente. D'abord lesurgissementde nouveaux débats(ou com¬

bats) politiques sur les relations entre culture et société; ensuite, la question de l'échecscolaire;enfin, lesmutations danslemondedutravail et,decefaitdans la formation professionnelle. Sur ces trois chantiers, les travaux conduits par les sciencessocialesontbrouillé la belle simplicitédu modèlerépublicain etébranlé la foi sans faille dansla valeurémancipatrice dessavoirs scolaires. L'intérêt pourles savoirsde la prafique provient donc tout autant desourcesextérieuresàl'écoleque des incertitudesd'unsystèmescolaireen crise.

Culture et société

Dès lesannées 1960, deuxdéfinitions de laculturesetrouventen concurrence. La

définition classique fait de la culture au singulier le privilège de ceux que leurs études,leursloisirs etleursréseauxde sociabilitéontmis enposition deconnaître et aimerleschefs-d'uvre,triésparlessiècles,qui représententlemondeenlui don¬

nant forme,sens etvaleur:beaux-arts, littérature, théâtreet même,pourles péda¬

gogues d'avant-garde, cinéma. Toutcomme ily ades savants et des ignorants, il existedoncdespersonnescultivéesetd'autres incultes. Pour ceuxqui revendiquent plusdedémocratie culturelle, lespolitiques publiques (théâtres nationaux, maisons de la culture) doivent étendre au plus grand nombre la fréquentation des uvres confisquéesparlesprivilégiés etfairedel'écolelacheville ouvrière decesinitiations.

Cependant,unedeuxièmedéfinition,celledesanthropologues, s'imposepeu à peu:

lesculturessontplurielles. Prises de consciencepolitiques néesdes luttescoloniales etdesrevendications régionalistes; inquiétudesnéesdevantla«culturede masse» internationale, qui, par cinéma, disque, radio ou petit écran interposés, court-cir- cuite lesmédiateurs légitimeset n'a quefairedesclassiquesnationaux. Tandisque deschercheurs(sociologues,historiens, anthropologues), reconstituent commentont pu et peuvent s'imposer à une société entière les normes culturelles d'un groupe dominant, d'autres décriventlavie perpétuéedesculturespopulaires.Celles-civivent augrandjour,mais restentinvisiblesaux yeuxsavantspuisqu'ellesne«produisent»

aucune

uvre.

Elles sont du lien social, des façons de dire et de faire qui ne s'écriventpas : cultures ouvrière ou paysanne contre culture bourgeoise, cultures régionales contre culturejacobine, culturesoralescontre culture écrite, cultures pra¬

tiques contre culturethéorique, cultures résistantes contre culturedominante. Résis¬

tance des contenus : des savoirs, des valeurs et des traditions se transmettent, se recomposentou s'inventent à l'insu des autorités ou des institutions. Résistance des formes: lesgroupessociauxdominés,alorsmêmequ'ilssemblentadopterlesconte¬

nus qu'on leur impose (à l'église, à l'école, à la télévision), en usent « à leur

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Editorial

manière», defaçon distanciée ou hétérodoxe, déviante ou subversive. Les

de la culture légitime, les produits des industries culturelles ne sont ni consommés passivementnirejetés enbloc, mais réinterprétés, horsdes visées desauteursou des prescripteurs. C'estlemoded'appropriationqui signel'appartenanceculturelled'un individu à ungroupe, au moinsautantque la désignation du produit. Si la culture au singulierestun capital ayant une valeur dans le marchédeséchanges symbo¬

liques,lesculturesauplurielsontdesartsdefaireayantd'abordunevaleur(sociale) d'usage.

Débatsautourde l'échec scolaire

Tantquel'écoleestperçue commeune écolede la réussite (elle estparvenueà sco¬

lariser toutle monde,c'est-à-dire à faireentrer l'obligation dans les

m!urs

etelle promeut sesmeilleurs élèves, liantréussite scolaire et ascension sociale), personne n'a finalement besoin de savoir commentseconstruisent précisémentlesapprentis¬

sagesindividuels : lepartage collectif delaculture scolairesuffit. Le regard change quand la scolarité s'allonge pour tous. Les enquêtes statistiques mesurent l'échec sélectifdesenfantsde milieupopulairedevant lesecond degré, repèrentl'écartdes réussites dès leprimaire, c'est-à-diredèsl'apprentissagedeFalecture.Cetteprisede conscience a deuxeffets. Premiereffet, les débats pour expliquerces inégalités se centrentsur lescapacités langagières orales des élèves. Contre l'opinion pédago¬

gique, qui oppose trop simplement richesse etpauvreté lexicale, les sociolinguistes décriventlesusagessocialement contrastésdulangageoral.Qu'oninterprèteLéchée entermededéficienceouaucontraire derésistanceauxexigencesscolaires est fina¬

lement moins important quel'accorddes partissur unpoint: pourréussir à l'école, il ne suffit pas d'engranger des savoirs pour passer de l'état d'ignorance à celui

1 d'instruction, il faut maîtriserlespratiquesdel'écrit, bref,construiredessavoir-faire

I spécifiques.Or,la culture scolaire, littéraireetscientifique, n'estpas«socialement» laïque, puisqu'ellenesedonnejamaissibienqu'àceuxquienontdéjàpratiquéles formes discursives dans leur milieu familial. De cefait, les apprentissages fonda¬

mentaux (lire, écrire, compter) sontdéfinisclairement comme des savoir-faire, des compétences culturelles,bref, despratiquesetnon dessavoirs. Deuxième effet, les innovations pédagogiques conduites pour mettre en place les réformes de pro¬

gramme (rénovation de l'enseignementdufrançais, réforme des maths modernes) invententlesdidactiques.Cettedidactisation marque la secondarisationduprimaire, obligédesecalersurlescatégoriesdisciplinairesdu collège.Lesmouvements péda¬

gogiques qui continuentdecroireà unepédagogie générale alternative au modèle traditionnel (pédagogie coopérative, institutionnelle,etc.)setrouventdecefaitvoués à une progressivemarginalisation. Maisellemarqueaussi une«primarisation »des disciplinespourleseconddegré:longtemps centrésur les seuls contenus dessavoirs, l'intérêtsedéplaceà lafoissurl'élèveet sur lemaître. Lesprocessusde construction dessavoirs(que faitl'élève?), les procédures(commentfait-il?) etlescompétences (que sait-il faire seul?), plus encore quelesavoir produit (quesait-il?), deviennent l'enjeu desobservations,des innovationsetdes prescriptions didactiques. Lemaître didadicienestcelui qui«faitfaire »,conçoitlessituationsdidactiques,faitexplici-

RECHERCHE etFORMATION 27 - 1998 Editorial

manière», defaçon distanciée ou hétérodoxe, déviante ou subversive. Les

de la culture légitime, les produits des industries culturelles ne sont ni consommés passivementnirejetés enbloc, mais réinterprétés, horsdes visées desauteursou des prescripteurs. C'estlemoded'appropriationqui signel'appartenanceculturelled'un individu à ungroupe, au moinsautantque la désignation du produit. Si la culture au singulierestun capital ayant une valeur dans le marchédeséchanges symbo¬

liques,lesculturesauplurielsontdesartsdefaireayantd'abordunevaleur(sociale) d'usage.

Débatsautourde l'échec scolaire

Tantquel'écoleestperçue commeune écolede la réussite (elle estparvenueà sco¬

lariser toutle monde,c'est-à-dire à faireentrer l'obligation dans les

m!urs

etelle promeut sesmeilleurs élèves, liantréussite scolaire et ascension sociale), personne n'a finalement besoin de savoir commentseconstruisent précisémentlesapprentis¬

sagesindividuels : lepartage collectif delaculture scolairesuffit. Le regard change quand la scolarité s'allonge pour tous. Les enquêtes statistiques mesurent l'échec sélectifdesenfantsde milieupopulairedevant lesecond degré, repèrentl'écartdes réussites dès leprimaire, c'est-à-diredèsl'apprentissagedeFalecture.Cetteprisede conscience a deuxeffets. Premiereffet, les débats pour expliquerces inégalités se centrentsur lescapacités langagières orales des élèves. Contre l'opinion pédago¬

gique, qui oppose trop simplement richesse etpauvreté lexicale, les sociolinguistes décriventlesusagessocialement contrastésdulangageoral.Qu'oninterprèteLéchée entermededéficienceouaucontraire derésistanceauxexigencesscolaires est fina¬

lement moins important quel'accorddes partissur unpoint: pourréussir à l'école, il ne suffit pas d'engranger des savoirs pour passer de l'état d'ignorance à celui

1 d'instruction, il faut maîtriserlespratiquesdel'écrit, bref,construiredessavoir-faire

I spécifiques.Or,la culture scolaire, littéraireetscientifique, n'estpas«socialement» laïque, puisqu'ellenesedonnejamaissibienqu'àceuxquienontdéjàpratiquéles formes discursives dans leur milieu familial. De cefait, les apprentissages fonda¬

mentaux (lire, écrire, compter) sontdéfinisclairement comme des savoir-faire, des compétences culturelles,bref, despratiquesetnon dessavoirs. Deuxième effet, les innovations pédagogiques conduites pour mettre en place les réformes de pro¬

gramme (rénovation de l'enseignementdufrançais, réforme des maths modernes) invententlesdidactiques.Cettedidactisation marque la secondarisationduprimaire, obligédesecalersurlescatégoriesdisciplinairesdu collège.Lesmouvements péda¬

gogiques qui continuentdecroireà unepédagogie générale alternative au modèle traditionnel (pédagogie coopérative, institutionnelle,etc.)setrouventdecefaitvoués à une progressivemarginalisation. Maisellemarqueaussi une«primarisation »des disciplinespourleseconddegré:longtemps centrésur les seuls contenus dessavoirs, l'intérêtsedéplaceà lafoissurl'élèveet sur lemaître. Lesprocessusde construction dessavoirs(que faitl'élève?), les procédures(commentfait-il?) etlescompétences (que sait-il faire seul?), plus encore quelesavoir produit (quesait-il?), deviennent l'enjeu desobservations,des innovationsetdes prescriptions didactiques. Lemaître didadicienestcelui qui«faitfaire »,conçoitlessituationsdidactiques,faitexplici-

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(11)

Editorial

terlesdémarches àtraverslesquellesseconstruisent descatégories etdesconcepts 3uirestenttoujours à distancedescatégoriesetconcepts scientifiquesdesdisciplines e référence. La façon dontse conçoit la formation des enseignants, primaires et secondaires, en estsubstantiellementmodifiée.

Mutationsdans le monde dutravailet dans laformafionprofessionnelle,enfin...

Jusqu'à la fin desannées 1960, lesecteur dela « promotion sociale »,commeon dit alors, partage les mêmes modèles que l'école. D'un côté, le secteur militant (comme Peupleet Culture), adepte des pédagogies actives, viseà procurerà des adultesvolontaires,trop tôtsortis de l'école,lesenrichissementsintellectuels etcultu¬

relsqui permettrontdesprisesde responsabilitésaussisouventmilitantes (syndicales, associatives,électives)que professionnelles. Del'autre, lesecteurdiplômant(comme lesArtsetMétiers)adopte la pédagogiela plustraditionnelle (mémorisation,exer¬

cicesécrits,entraînementintensif)pourconduire ceuxquirésistentaudurrégimedes cours du soirjusqu'aux diplômes de technicienou d'ingénieur. Leschosesbougent dèslesannées 1960, maisleschangements s'accélèrentquand,en 1970,laforma¬

tionpermanentedevientundroit.Aufuretàmesurequelesstagessemultiplient,les

«formateurs»définissent leur nouveau métierenécart,voireenopposition critique par rapportàceluid'enseignant et cherchentdenouveauxmodèlesde transmission.

L'épreuvedevérité vientavec lamontéedu chômage,quandilsdoivent encadrer de nouveaux publics, nonplus desvolontairesmotivés,maisdesouvriers nonqualifiés, dontles « remisesàniveaux» sont imposéespar lesactionsde reconversionoules politiques de réinsertion.Les mutationsde l'emploiontaussi deseffets en retoursur l'éducation nationale qui aencharge la«qualification »initialedes jeunes généra¬

tions etnepeutcontinuerd'ignorerlessoucisd'insertion desesélèvesdanslemonde du travail : allongementdes formations techniques et remodelagedes filières pro¬

fessionnelles,avecde nouveauxCAP,BEPetBacs-pro. Lesanciens«professionnels» (ouvriers, techniciens) qui après unelongue expérience du monde du travail assu¬

raientl'encadrementdu travailen atelier,sontpeu à peu remplacéspardes«pro¬

fesseurs ». Ce mouvementde « scolarisation » desapprentissages professionnels, danslesstages etdansl'école,s'accompagne d'une production écriteintense: péda¬

gogieparobjectif, référentiels decompétences,élaboration d'épreuves d'évaluation critériées, standardisation des nomenclatures, descriptions détaillées des plans de formation et desdispositifs. Lessavoir-fairequi setransmettaient dans l'exercicedu travail (modèle que perpétue la formation des apprentis en alternance) sont contraints à l'explicitation institutionnelle: tout un appareildedésignation,descrip¬

tion, catégorisationdes gestesprofessionnelsdoitêtreforgé pour écrirelespratiques detravail.Setrouveainsi redoublée une évolutiondéjàencoursdans lesentreprises enrestructuration:lesbureauxdesméthodes,pour«rationaliser»lachaînede pro¬

duction, produisent eux aussi des descriptifs despostes de travail qui cherchentà schématiser les opérations des agents, à hiérarchiser leurs actions, à expliciter et normaliserles gestes detravail. L'ergonomie industrielleestdevenue un secteurflo¬

rissant dela rechercheen psychologie appliquée.

RECHERCHEet FORMATION N° 27 - 1998 11 Editorial

terlesdémarches àtraverslesquellesseconstruisent descatégories etdesconcepts 3uirestenttoujours à distancedescatégoriesetconcepts scientifiquesdesdisciplines e référence. La façon dontse conçoit la formation des enseignants, primaires et secondaires, en estsubstantiellementmodifiée.

Mutationsdans le monde dutravailet dans laformafionprofessionnelle,enfin...

Jusqu'à la fin desannées 1960, lesecteur dela « promotion sociale »,commeon dit alors, partage les mêmes modèles que l'école. D'un côté, le secteur militant (comme Peupleet Culture), adepte des pédagogies actives, viseà procurerà des adultesvolontaires,trop tôtsortis de l'école,lesenrichissementsintellectuels etcultu¬

relsqui permettrontdesprisesde responsabilitésaussisouventmilitantes (syndicales, associatives,électives)que professionnelles. Del'autre, lesecteurdiplômant(comme lesArtsetMétiers)adopte la pédagogiela plustraditionnelle (mémorisation,exer¬

cicesécrits,entraînementintensif)pourconduire ceuxquirésistentaudurrégimedes cours du soirjusqu'aux diplômes de technicienou d'ingénieur. Leschosesbougent dèslesannées 1960, maisleschangements s'accélèrentquand,en 1970,laforma¬

tionpermanentedevientundroit.Aufuretàmesurequelesstagessemultiplient,les

«formateurs»définissent leur nouveau métierenécart,voireenopposition critique par rapportàceluid'enseignant et cherchentdenouveauxmodèlesde transmission.

L'épreuvedevérité vientavec lamontéedu chômage,quandilsdoivent encadrer de nouveaux publics, nonplus desvolontairesmotivés,maisdesouvriers nonqualifiés, dontles « remisesàniveaux» sont imposéespar lesactionsde reconversionoules politiques de réinsertion.Les mutationsde l'emploiontaussi deseffets en retoursur l'éducation nationale qui aencharge la«qualification »initialedes jeunes généra¬

tions etnepeutcontinuerd'ignorerlessoucisd'insertion desesélèvesdanslemonde du travail : allongementdes formations techniques et remodelagedes filières pro¬

fessionnelles,avecde nouveauxCAP,BEPetBacs-pro. Lesanciens«professionnels» (ouvriers, techniciens) qui après unelongue expérience du monde du travail assu¬

raientl'encadrementdu travailen atelier,sontpeu à peu remplacéspardes«pro¬

fesseurs ». Ce mouvementde « scolarisation » desapprentissages professionnels, danslesstages etdansl'école,s'accompagne d'une production écriteintense: péda¬

gogieparobjectif, référentiels decompétences,élaboration d'épreuves d'évaluation critériées, standardisation des nomenclatures, descriptions détaillées des plans de formation et desdispositifs. Lessavoir-fairequi setransmettaient dans l'exercicedu travail (modèle que perpétue la formation des apprentis en alternance) sont contraints à l'explicitation institutionnelle: tout un appareildedésignation,descrip¬

tion, catégorisationdes gestesprofessionnelsdoitêtreforgé pour écrirelespratiques detravail.Setrouveainsi redoublée une évolutiondéjàencoursdans lesentreprises enrestructuration:lesbureauxdesméthodes,pour«rationaliser»lachaînede pro¬

duction, produisent eux aussi des descriptifs despostes de travail qui cherchentà schématiser les opérations des agents, à hiérarchiser leurs actions, à expliciter et normaliserles gestes detravail. L'ergonomie industrielleestdevenue un secteurflo¬

rissant dela rechercheen psychologie appliquée.

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Editorial

Pendant ce temps,aeulieu uncurieuxchassé-croisé determes. L'expression« édu¬

cation permanente » des débuts est devenue « formation permanente ». Mais employésansadjectif,leterme«formation»,typique du secteurprofessionnel,s'est misà désignerglobalementtouslesprocessusd'apprentissage, initiauxetcontinus, scolairesetnonscolaires,concernantlessavoirstechniquesaussibien que la culture générale,leniveaudequalificationaussi bienquel'expérience personnelle. Comme lesmotsinstructionetéducation,ildésigneàlarois leprocessusetsonrésultat.Mais enpassantdu domaine professionnel(si bienque,dans l'école,il était réservéà la

« formation » des maîtres) au domaine scolaire former » les élèves et les étu¬

diants), ilmarquelepoidsqu'ont pris lemondedutravailetses impératifs contrôlés de compétenceindividuelle,dans un lieudéfini traditionnellement comme celui dela

« scholè »,c'est-à-dire du loisir studieuxetgratuit.

Les

savoirs de la pratique dans

les

sciences humaines et la formation

Nouspouvons dès lors situer lesdifférentescontributions dece dossier. Ellesabor¬

dent différentsaspects dessavoirsdelapratique selon despointsde vue contrastés.

Pourquoi les «praticiens » n'ont-ils pas d'emblée toute facilité à décrire ce qu'ils saventfaireetfontsi naturellement? Sur une question centrale dans sa probléma¬

tique, Bernard Lahireapporteuneréponsesociologique, nourrie desesenquêtes sur lespratiques scripturairesenmilieu scolaireetpopulairemaisaussisurlespratiques detravail intellectuel desétudiants. Ilmontreainsi lesenjeux de méthodedel'entre¬

tien, selonquecelui-ciestconduit ounon dans lecontexted'action.Onnerecueille lesmêmesdonnéesselon on un ' dans saclasseou hors

Endehors del'école, commentseconstruisent lesapprentissages? PatrickWilliams répondparuneétudedecas en milieu tzigane, àpartird'unesériededescriptions emboîtées,dontilsoulignelestraitscommunsplutôt quelesdifférences:dans lapra¬

tiqueautodidactedelaguitareparlesjeunes,lapratiqueutilitaire de la chineoules pratiques langagièresdes enfantsapprenant une langue rom, c'est la forcedu lien socialqui donneenpermanencevaleuretsensà l'effortdes«pratiquants » débu¬

tants.

Comment,àtraverstantdesituationshétérogènes, s'effectuelagestiondesappren¬

tissages? Pour illustrer comment la psychologiecognitive définit l'acted'apprendre dans sagénéralité, MichelFayolopposelesapprentissagesdelaviequotidienne et ceuxde Fécole,mettantledoigtsurles conflitspossibles entreunmodèled'appren¬

tissageinformel,quivise uneadaptation réussieaux situationset lemodèlescolaire quiveutconstruireaussi une «explication-compréhension »dumonde. Maisil sou¬

lignel'importance, dans les deux cas, dessavoirs procéduraux automatisés, donc devenus inconscients et trèsdifficilesà modifier, même lorsqu'ilssontinefficaces ou erronés.

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Pendant ce temps,aeulieu uncurieuxchassé-croisé determes. L'expression« édu¬

cation permanente » des débuts est devenue « formation permanente ». Mais employésansadjectif,leterme«formation»,typique du secteurprofessionnel,s'est misà désignerglobalementtouslesprocessusd'apprentissage, initiauxetcontinus, scolairesetnonscolaires,concernantlessavoirstechniquesaussibien que la culture générale,leniveaudequalificationaussi bienquel'expérience personnelle. Comme lesmotsinstructionetéducation,ildésigneàlarois leprocessusetsonrésultat.Mais enpassantdu domaine professionnel(si bienque,dans l'école,il était réservéà la

« formation » des maîtres) au domaine scolaire former » les élèves et les étu¬

diants), ilmarquelepoidsqu'ont pris lemondedutravailetses impératifs contrôlés de compétenceindividuelle,dans un lieudéfini traditionnellement comme celui dela

« scholè »,c'est-à-dire du loisir studieuxetgratuit.

Les

savoirs de la pratique dans

les

sciences humaines et la formation

Nouspouvons dès lors situer lesdifférentescontributions dece dossier. Ellesabor¬

dent différentsaspects dessavoirsdelapratique selon despointsde vue contrastés.

Pourquoi les «praticiens » n'ont-ils pas d'emblée toute facilité à décrire ce qu'ils saventfaireetfontsi naturellement? Sur une question centrale dans sa probléma¬

tique, Bernard Lahireapporteuneréponsesociologique, nourrie desesenquêtes sur lespratiques scripturairesenmilieu scolaireetpopulairemaisaussisurlespratiques detravail intellectuel desétudiants. Ilmontreainsi lesenjeux de méthodedel'entre¬

tien, selonquecelui-ciestconduit ounon dans lecontexted'action.Onnerecueille lesmêmesdonnéesselon on un ' dans saclasseou hors

Endehors del'école, commentseconstruisent lesapprentissages? PatrickWilliams répondparuneétudedecas en milieu tzigane, àpartird'unesériededescriptions emboîtées,dontilsoulignelestraitscommunsplutôt quelesdifférences:dans lapra¬

tiqueautodidactedelaguitareparlesjeunes,lapratiqueutilitaire de la chineoules pratiques langagièresdes enfantsapprenant une langue rom, c'est la forcedu lien socialqui donneenpermanencevaleuretsensà l'effortdes«pratiquants » débu¬

tants.

Comment,àtraverstantdesituationshétérogènes, s'effectuelagestiondesappren¬

tissages? Pour illustrer comment la psychologiecognitive définit l'acted'apprendre dans sagénéralité, MichelFayolopposelesapprentissagesdelaviequotidienne et ceuxde Fécole,mettantledoigtsurles conflitspossibles entreunmodèled'appren¬

tissageinformel,quivise uneadaptation réussieaux situationset lemodèlescolaire quiveutconstruireaussi une «explication-compréhension »dumonde. Maisil sou¬

lignel'importance, dans les deux cas, dessavoirs procéduraux automatisés, donc devenus inconscients et trèsdifficilesà modifier, même lorsqu'ilssontinefficaces ou erronés.

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