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LA PROBLÉMATIQUE DE LA RECONNAISSANCE

Dans le document Les savoirs de la pratique (Page 63-67)

Dernier pointetnon le moindre : le problèmedereconnaissancedescompétences acquises. En effet, comme on l'a souligné, rienn'est formaliséen ce sensdans les actionsderequalification;ilsemblequ'elles entraînentl'adhésiondessalariésessen¬

tiellement surlabased'unintérêt renouvelédans letravail etdans la perspectivede jouer sur l'organisation. Mais peut-on se satisfaire de cette avancée qui, grosso modo, signifie un accroissementd'employabilité interne? Quid de l'employabilité externe, surtoutpourdessalariés restant fragilessur lemarché dutravail?

Le problèmeessentiel auquelseheurtela construction d'un dispositif dereconnais¬

sanceadaptéàcesactionsestladifficultéqu'ilyaàcodifierlescompétencestrans¬

férables acquisesparlesopérateurs.Touteaction donne bien lieu à uneévaluation desacquis, maisd'unepart,cesderniers,telsqu'ilssontrépertoriés, restent liésà la situationdetravailvécue(11),cequiestcohérentaveclaphilosophiemêmedel'ap¬

proche, d'autre partils se traduisentla plupartdu tempspardes listes abondantes quirenvoientd'ailleursdavantageàdenouvellescapacitésd'actionqu'àdessavoirs (12). Ainsi, concernant l'entreprise de peinture, trouve-t-on dans l'évaluation des compétencesunegrilleàneufchapitres comportantentoutunecentaine d'items(par exemple: jesais « fairechantermon empâtage »ou encore« je saisdans quelles circonstances je dois faireappel au service de maintenanceen cas dedéfaillance d'un broyeur»). Cesanalysestrèsfines et contextuellesquisonteffectuéessur leter¬

rain traduisentenfaitunedifficultéréelle à cerner le «véritable»apportdesactions derequalification;cettedifficulté renvoie à nosyeux à deux caractéristiques, déjà

11 - Mis àpartdesapprentissagesgénéraux(lecture,apprentissage de lalangue, rédaction deCRoudenotes, etc.).

12 - Cequi n'estenriencontradictoireavec lasignification delacompétencecommelégi¬

timité etpouvoir.Voir: A. Hatchuel: « Connaissanceetpouvoir: l'analyse stratégique des organisations revisitée»,dansL'analysestratégique:sagenèse,sesapplicationsetsespro¬

blèmes actuels,autour deMichel Crozier, ColloquedeCerisy, ÉditionsduSeuil, 1994.

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RECHERCHEet FORMATION 27 - 1998 Jean-ClaudeMOISDON,BenoitWEIL

Mais l'État, s'il décidaitde favoriser le développement deces dernières, pourrait avoirenl'occurrence d'autresrôlesque celuidefinanceur. Celuidecapitalisationet de communication tout d'abord, la situation actuelle étant marquée par l'absence d'unequelconquemise encommunàproposdesopérationspasséesou actuelles.Il

pourraitparailleurs envisager de recréerau niveau des tissus industrielslocauxdes acteurs susceptibles d'initierun certain nombred'actions (contacts avec lesentre¬

prises,ingénierie préalable,etc.).Cettefonctionétaitdévolueà laMission Nouvelles Qualifications,maissadisparitiona incontestablementlaissé uneplacevide dansle dispositifd'ensemble.

LA PROBLÉMATIQUE

DE LA

RECONNAISSANCE

Dernier pointetnon le moindre : le problèmedereconnaissancedescompétences acquises. En effet, comme on l'a souligné, rienn'est formaliséen ce sensdans les actionsderequalification;ilsemblequ'elles entraînentl'adhésiondessalariésessen¬

tiellement surlabased'unintérêt renouvelédans letravail etdans la perspectivede jouer sur l'organisation. Mais peut-on se satisfaire de cette avancée qui, grosso modo, signifie un accroissementd'employabilité interne? Quid de l'employabilité externe, surtoutpourdessalariés restant fragilessur lemarché dutravail?

Le problèmeessentiel auquelseheurtela construction d'un dispositif dereconnais¬

sanceadaptéàcesactionsestladifficultéqu'ilyaàcodifierlescompétencestrans¬

férables acquisesparlesopérateurs.Touteaction donne bien lieu à uneévaluation desacquis, maisd'unepart,cesderniers,telsqu'ilssontrépertoriés, restent liésà la situationdetravailvécue(11),cequiestcohérentaveclaphilosophiemêmedel'ap¬

proche, d'autre partils se traduisentla plupartdu tempspardes listes abondantes quirenvoientd'ailleursdavantageàdenouvellescapacitésd'actionqu'àdessavoirs (12). Ainsi, concernant l'entreprise de peinture, trouve-t-on dans l'évaluation des compétencesunegrilleàneufchapitres comportantentoutunecentaine d'items(par exemple: jesais « fairechantermon empâtage »ou encore« je saisdans quelles circonstances je dois faireappel au service de maintenanceen cas dedéfaillance d'un broyeur»). Cesanalysestrèsfines et contextuellesquisonteffectuéessur leter¬

rain traduisentenfaitunedifficultéréelle à cerner le «véritable»apportdesactions derequalification;cettedifficulté renvoie à nosyeux à deux caractéristiques, déjà

11 - Mis àpartdesapprentissagesgénéraux(lecture,apprentissage de lalangue, rédaction deCRoudenotes, etc.).

12 - Cequi n'estenriencontradictoireavec lasignification delacompétencecommelégi¬

timité etpouvoir.Voir: A. Hatchuel: « Connaissanceetpouvoir: l'analyse stratégique des organisations revisitée»,dansL'analysestratégique:sagenèse,sesapplicationsetsespro¬

blèmes actuels,autour deMichel Crozier, ColloquedeCerisy, ÉditionsduSeuil, 1994.

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Larequalificationàl'épreuvedesfaits et des institutions

évoquées, et liées,deces actions : d'une partlesapprentissages sontd'abord col¬

lectifsavantd'être individuels,et,pourlecoup, lacompétencedugroupeestenfin d'action supérieure à la somme des compétences des salariés qui le composent;

d'autre part, si l'on accepte la pertinencede la nomenclature savoir-faire, savoir-comprendre, savoir-combinerpourcomprendreledéplacementdesapprentissages du premier terme de cette trilogie vers ledernier, alors on arrive également à la constatation quel'onpasse à dessavoirsdemoinsenmoinsformatables: le savoir-combinernesecapitalise que dans lecollectifqui lefaitvivre(13) et lecernerpar desdescriptifsopérantsestextrêmement difficile.On retrouve làlesdifficultésqu'ont

les spécialistes des sciencesdel'éducationetde laformationdesadultesà spécifier etmêmeànommerlescompétencesrequisesparl'évolutiondes systèmesproductifs autrement quepardestermestropvaguesetabstraits pour constituer la based'une svstème de reconnaissance (capacités d'abstraction, de formalisation, réactivité devant l'événement,capacités relationnellesetc.),etcela malgrédes progrèsincon¬

testables en lamatière (14).

Dans l'état actuel, ils'agitlàd'uneperspectiveouverte: rien n'estprévu surce cha¬

pitreà courtterme. Osons en la matière une idéesans doute quelque peu hétéro¬

doxe:nefaut-il pas, pourtenterderésoudre ceproblème,sedébarrasser du terme mêmede compétence?entoutcaséviterdetraiterlaquestionde la reconnaissance par un listage, quasi-infini a priori et malgré toutlacunaire, des acquis? L'État ne doit-il pas inventerdesdispositifsd'évaluation fondéssurl'analysedesactions elles-mêmesdavantage que sur lepositionnementdesopérateurssur desgrilles decom¬

pétences ayantpeudesensparrapportauxapprentissages effectifs?

Deuxinterrogationspourargumentercetteproposition :

Peut-onvraimentcroirequ'un opérateur ayantvécu uneaction comme celle que nousavonsrésuméeci-dessusn'a acquisaucunecompétencetransférable?

Sepréoccupe-t-on, de listerlescompétencesd'un ingénieur,au-delà desa sortie del'école?

L'existenced'un tel systèmede reconnaissance, on le conçoit facilement, pourrait donnerun nouvel élan aux actions de requalification. L'enjeu est important; il ne concernepasseulementlesméthodesdelaformation permanente.Au-delà,onaura

13 - Nousavonsdéveloppécepoint à propos d'une recherche concernant une situationtota¬

lement différente, sinon opposée, puisqu'il s'agissait des problèmes de capitalisation des savoirschezlesconcepteursd'automobiles.Voir à ce sujet :J.CMoisdon, B.Weil, «Dyna¬

miques des savoirsdanslesactivitésdeconception:faut-il compléterlagestiondeprojet?» RevueFrançaisedeGestion Industrielle, vol. 15, n°3-4,1996.

14 - Voirpar exemplelestravauxdeP. Pastré: «Lerôledes schemeset desconceptsdans la formation des compétences », PerformancesHumaines & Techniques, n° 71 juillet-août 1994.

RECHERCHE etFORMATION 27 - 1998

Larequalificationàl'épreuvedesfaits et des institutions

évoquées, et liées,deces actions : d'une partlesapprentissages sontd'abord col¬

lectifsavantd'être individuels,et,pourlecoup, lacompétencedugroupeestenfin d'action supérieure à la somme des compétences des salariés qui le composent;

d'autre part, si l'on accepte la pertinencede la nomenclature savoir-faire, savoir-comprendre, savoir-combinerpourcomprendreledéplacementdesapprentissages du premier terme de cette trilogie vers ledernier, alors on arrive également à la constatation quel'onpasse à dessavoirsdemoinsenmoinsformatables: le savoir-combinernesecapitalise que dans lecollectifqui lefaitvivre(13) et lecernerpar desdescriptifsopérantsestextrêmement difficile.On retrouve làlesdifficultésqu'ont

les spécialistes des sciencesdel'éducationetde laformationdesadultesà spécifier etmêmeànommerlescompétencesrequisesparl'évolutiondes systèmesproductifs autrement quepardestermestropvaguesetabstraits pour constituer la based'une svstème de reconnaissance (capacités d'abstraction, de formalisation, réactivité devant l'événement,capacités relationnellesetc.),etcela malgrédes progrèsincon¬

testables en lamatière (14).

Dans l'état actuel, ils'agitlàd'uneperspectiveouverte: rien n'estprévu surce cha¬

pitreà courtterme. Osons en la matière une idéesans doute quelque peu hétéro¬

doxe:nefaut-il pas, pourtenterderésoudre ceproblème,sedébarrasser du terme mêmede compétence?entoutcaséviterdetraiterlaquestionde la reconnaissance par un listage, quasi-infini a priori et malgré toutlacunaire, des acquis? L'État ne doit-il pas inventerdesdispositifsd'évaluation fondéssurl'analysedesactions elles-mêmesdavantage que sur lepositionnementdesopérateurssur desgrilles decom¬

pétences ayantpeudesensparrapportauxapprentissages effectifs?

Deuxinterrogationspourargumentercetteproposition :

Peut-onvraimentcroirequ'un opérateur ayantvécu uneaction comme celle que nousavonsrésuméeci-dessusn'a acquisaucunecompétencetransférable?

Sepréoccupe-t-on, de listerlescompétencesd'un ingénieur,au-delà desa sortie del'école?

L'existenced'un tel systèmede reconnaissance, on le conçoit facilement, pourrait donnerun nouvel élan aux actions de requalification. L'enjeu est important; il ne concernepasseulementlesméthodesdelaformation permanente.Au-delà,onaura

13 - Nousavonsdéveloppécepoint à propos d'une recherche concernant une situationtota¬

lement différente, sinon opposée, puisqu'il s'agissait des problèmes de capitalisation des savoirschezlesconcepteursd'automobiles.Voir à ce sujet :J.CMoisdon, B.Weil, «Dyna¬

miques des savoirsdanslesactivitésdeconception:faut-il compléterlagestiondeprojet?» RevueFrançaisedeGestion Industrielle, vol. 15, n°3-4,1996.

14 - Voirpar exemplelestravauxdeP. Pastré: «Lerôledes schemeset desconceptsdans la formation des compétences », PerformancesHumaines & Techniques, n° 71 juillet-août 1994.

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Jean-ClaudeMOISDON,Benoit WEIL

reconnudanscesactionsl'émergenced'un nouveausystèmesocio-productif, mettant l'accent sur l'affaiblissement du lien hiérarchique, l'autonomisation des lignes de production, la flexibilité et la réactivité assuréespar des collectifs de salariés. Les diverses tribulations des actionsde requalification montrentd'ailleurs quece nou¬

veausystèmeexisteencoredavantage dansleslivresque danslaréalité.Or,finale¬

ment, ces actionsne constituent-ellespas lechaînon manquant, lepassage obligé vers cenouveau systèmeproductif, etn'en fournissent-elles pas unedesconditions dedéveloppementessentielles:quel'activitédesopérationnels soit vue etorganisée commecomportantdeux dimensionsconnectéesen permanence : uneactivité pro¬

ductiveproprementditeet uneactivité reflexive,doncaxée surlesapprentissages?

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RECHERCHEetFORMATION N° 27 - 1998 Jean-ClaudeMOISDON,Benoit WEIL

reconnudanscesactionsl'émergenced'un nouveausystèmesocio-productif, mettant l'accent sur l'affaiblissement du lien hiérarchique, l'autonomisation des lignes de production, la flexibilité et la réactivité assuréespar des collectifs de salariés. Les diverses tribulations des actionsde requalification montrentd'ailleurs quece nou¬

veausystèmeexisteencoredavantage dansleslivresque danslaréalité.Or,finale¬

ment, ces actionsne constituent-ellespas lechaînon manquant, lepassage obligé vers cenouveau systèmeproductif, etn'en fournissent-elles pas unedesconditions dedéveloppementessentielles:quel'activitédesopérationnels soit vue etorganisée commecomportantdeux dimensionsconnectéesen permanence : uneactivité pro¬

ductiveproprementditeet uneactivité reflexive,doncaxée surlesapprentissages?

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