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psychologique, la justice organisationnelle et l’échange leader- leader-membre

4. La satisfaction de carrière

La satisfaction de carrière est une des dimensions qui permet de prendre en considération le sentiment de réussite professionnelle. Cette dimension s’avère particulièrement pertinente à mesurer car les organisations ont eu à s’adapter ces dernières années à d’importants changements culturels. Ceux-ci redéfinissant le contrat psychologique entre l’employeur et l’employé, ce qui peut contribuer à expliquer une intention de quitter son employeur (Ballout, 2007 ; Pachulicz & al, 2008).

Ce contrat, basé jusqu’à présent sur des trajectoires de carrière verticales et ascendantes (Dries & al, 2008), laisse désormais la place à des parcours plus chaotiques et moins structurés (Arthur & al, 1996). La façon de penser et de percevoir sa réussite professionnelle connaît en conséquence de profonds changements (Hall, 2002 ; Heslin, 2005 ; Reitman & al, 2003). Comprendre ce que signifie réussir sa carrière aujourd’hui pour un manager, nécessite de se déplacer entre la vision traditionnelle d’une carrière linéaire verticale au sein d’une organisation donnée et une vision transformée, véritable alternative à ce modèle.

Le cadre théorique privilégié pour étudier la satisfaction de carrière est celui des carrières subjectives et objectives (Hugues, 1937).

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4.1. La théorie du succès de carrière

Le succès ou la réussite de carrière est ainsi défini par Arthur et ses collègues (2005) : « La réussite de carrière est le résultat des expériences liées à la carrière d’un individu. La réussite de carrière peut être définie comme l’atteinte de résultats souhaitables liés à la carrière d’un individu à un moment donné de sa vie professionnelle et tout au long de celle-ci. » Les auteurs soulignent la dualité du concept de réussite de carrière, entre d’une part les objectifs et résultats que se fixe chaque individu par rapport à sa propre carrière et d’autre part les objectifs et résultats objectifs attendus du point de vue de la société. Selon Tremblay (2009), la littérature sur le succès de carrière se partage en trois courants :

!! Une approche individuelle. Cette dernière s’appuie sur la théorie du capital humain (Becker, 1993). Elle tend à considérer que ce sont l’éducation, la formation ainsi que l’expérience professionnelle qui forment le socle de compétences sur lequel l’employé va s’appuyer toute sa carrière et qui conditionne son niveau de performance et ses réussites passées ou futures. Ces dernières se traduisent par un succès de carrière plus ou moins important selon les trajectoires individuelles (Judge & al, 2004 ; Ng & al, 2005).

!! Une approche behavioriste. Il s’agit ici d’observer et mesurer les liens interpersonnels que l’individu entretient avec son environnement. C’est notamment à cette approche que les études sur le réseau professionnel font référence. L’individu qui montre des compétences à développer un réseau professionnel aura un capital social plus avantageux pour le bénéfice de son succès objectif. De nombreux travaux ont ainsi montré un lien positif significatif entre la capacité à créer un réseau professionnel actif et le succès objectif, ceci étant un élément de distinction des carrières entre les hommes et les femmes, ces dernières accédant moins que les premiers à des réseaux professionnels influents (Eby & al, 2003). Lortie-Lussier et Rinfret (2005) soulignent, en outre, que le capital social serait une des variables les plus fortement prédictives du succès objectif.

!! L’approche organisationnelle. Elle fait référence quant à elle aux pratiques des ressources humaines au sein des organisations en étudiant les effets de la reconnaissance organisationnelle sur le succès de carrière. On peut inclure dans cette approche la prise en compte des promotions ou les augmentations de salaire.

Si ce découpage se montre pratique pour définir les grands courants de la recherche sur le succès de carrière, il est bien entendu que ces trois approches interagissent et ne sont absolument pas cloisonnées (Tremblay, 2009).

Outre ces trois approches, la littérature distingue le succès de carrière intrinsèque du succès de carrière extrinsèque (Gunz & al, 2005 ; Ballout, 2007). Le succès extrinsèque correspond au volet objectif du succès, à ce qui est observable, mesurable et vérifiable comme le sont, par exemple, les promotions, le niveau hiérarchique occupé ou encore le salaire (Dries & al, 2008 ; Hall & al, 2002 ; Nicholson & al,

95 2005). En revanche, le succès intrinsèque correspond au volet subjectif du succès. Il se réfère à la perception que l’individu peut avoir de son succès (Dries & al, 2008 ; Greenhaus & al, 1990). De l’ordre des perceptions, ce succès subjectif est étudié de plusieurs manières, notamment en tant que satisfaction que l’individu peut avoir face à sa carrière, élément que nous mesurerons dans le cadre de ce travail de recherche.

4.2. La réussite de carrière objective et subjective

La réussite de carrière peut être définie comme la somme des « résultats ou accomplissements positifs psychologiques ou relatifs au travail qu’un individu retire de ses expériences au travail » (Judge & al, 1995). Ces auteurs mettent également l’accent sur l’aspect évaluatif de ce concept et donc sur

l’importance du « qui » porte le jugement

.

Elle peut être définie comme étant l’importance que l’individu accorde à son parcours professionnel et aux choix personnels qui y sont liés. Elle décrit la perception d'un individu de sa réussite professionnelle. Elle peut être envisagée comme une succession d’expériences professionnelles variées et de buts atteints.

La réussite de carrière objective fait référence aux évolutions de poste, aux progressions hiérarchiques, avec les différentes positions occupées par un individu ainsi qu’aux augmentations de salaire. Ce sont des critères facilement observables par un tiers. Ces éléments factuels permettent d’évaluer la « réussite de carrière objective ». La carrière objective peut être donc vue comme étant l’évaluation externe de la carrière d’un individu par des éléments objectifs.

La réussite de carrière subjective fait appel à la perception et jugement de l’individu de sa propre carrière, à sa satisfaction face au parcours professionnel accompli. Elle peut donc être perçue comme étant l’évaluation par l’individu de sa propre carrière (Arthur & al, 2005).

La recherche empirique s’est d’abord principalement consacrée à l’étude de la réussite de carrière objective, opérationnalisée à travers l’utilisation de critères objectifs relatifs au salaire et aux évolutions hiérarchiques des individus comme l’ont montré Arthur et al (2005) dans leur méta-analyse.

Les auteurs soulignent les éléments suivants :

!! La réussite de carrière objective reste encore l’axe principal de recherche : 90 % des articles y font référence dans la définition retenue, 85 % des articles l’opérationnalisent ainsi et 28 % y font même exclusivement référence, la majorité d’entre eux ayant cependant été rédigés avant les années 2000. !! La réussite de carrière est considérée de façon subjective par 78% des articles, 72 % des articles

96 !! Concernant la relation entre réussite de carrière objective et subjective, 37 % des articles s’intéressent à l’influence de la réussite de carrière objective sur la réussite de carrière subjective, considérant ainsi que la perception de la réussite de carrière (la réussite de carrière subjective) s’établit notamment sur la base de l’évaluation de critères objectifs de réussite, tels que le salaire ou le niveau hiérarchique (Judge & al, 1995). Une proportion beaucoup plus faible d’articles aborde l’influence de variables subjectives sur la réussite de carrière objective, faisant l’hypothèse de relations entre la personnalité, les attitudes et les comportements des individus et le niveau objectif atteint dans leur carrière. A ce sujet, certains ont soulevé la complexité pour les chercheurs de faire consensus sur les liens existant entre succès objectif d’une part d’autre part, succès subjectif (Gunz & al, 2005).

!! Par ailleurs, il est à noter que, malgré les avancées de la théorie des carrières qui soulignent la nécessité d’intégrer les aspects subjectifs aux côtés des aspects objectifs de la réussite de carrière, de nombreuses études empiriques continuent à n’étudier qu’un seul de ces deux aspects (Arthur & al, 2005). Cette approche est à mettre en relation avec la conception traditionnelle de la carrière organisationnelle, telle que décrite par Hall (1976), où la « performance » de la carrière se mesure par la position dans l’organisation et le niveau de salaire. Ce phénomène peut également s’expliquer par le fait que les critères de réussite objectifs sont aussi ceux qui sont les plus facilement mesurables par le chercheur qui peut avoir facilement accès à ces informations dans les entreprises. Les critères de réussite des managers aujourd’hui, tels que la globalisation du marché de l’emploi, l’émergence de nouveaux métiers et de nouvelles organisations du travail avec notamment le développement du travail indépendant11 nécessitent probablement d’interroger ces critères objectifs. Si ces critères n’ont pas disparu et sont encore retenus dans la recherche empirique sur le succès de carrière, la prise en compte de critères subjectifs joue un rôle complémentaire en permettant de d’intégrer les spécificités des parcours professionnels individuels. Gattiker & Larwood (1988) vont ouvrir un champ d’expérimentation en théorisant la conceptualisation et à l’opérationnalisation de la réussite de carrière subjective. Un des résultats notables de leur étude est que la réussite de carrière subjective comprend plusieurs dimensions qui peuvent être différenciées entre dimensions organisationnelles et non organisationnelles. Les auteurs concluent ainsi à la nécessité de situer les recherches sur la réussite de carrière dans le contexte plus large de la vie en général et d’étudier notamment l’impact possible des aspects et des rôles non-professionnels sur la réussite de carrière subjective.

Greenhaus et ses collègues (1990) ont proposé une échelle de mesure de la satisfaction de carrière que nous utiliserons dans le cadre de ce travail de recherche, qui fait office d’outil de mesure de référence de la réussite de carrière subjective. Cette échelle mesure la satisfaction des individus à la fois par rapport à des critères objectifs et subjectifs. Dans cette conception, les individus évaluent notamment leur réussite de carrière à l’aune d’objectifs qu’ils sont censés s’être fixés parmi lesquels figurent la carrière,

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97 le salaire, l’avancement hiérarchique, mais également le développement de nouvelles compétences ce qui constitue un élément nouveau par rapport aux conceptions antérieures (Bastid, 2009).

Par ailleurs, la dimension de satisfaction de carrière peut avoir des construits assez proches. Ces dimensions réunies permettent d’obtenir une vision complète du sentiment de réussite professionnelle. Les principales sont la satisfaction de carrière, la satisfaction au travail et la satisfaction dans la vie en général. La satisfaction au travail mesure la réussite perçue en termes de choix professionnels. Il s’agit de « l’attachement d’un individu à l’égard de son emploi, que ce soit de façon globale ou par rapport à différentes facettes de celui-ci ou encore comme un état émotionnel positif ou agréable découlant de l’évaluation qu’un individu fait de son travail (Tett & al, 1993) ». La perception de la satisfaction dans la vie en général mesure quant à elle, la satisfaction quant à l’organisation de l’emploi du temps professionnel et personnel. Les modèles de turnover intègrent, comme nous l’avons vu précédemment, très largement la variable de satisfaction professionnelle. Nous conserverons donc dans notre travail de recherche une variable ayant trait à la satisfaction mais en choisissant de privilégier la satisfaction de carrière et ce, pour deux raisons : il nous semble intéressant de garder une variable de satisfaction en accord avec la littérature tout en explorant d’autres nuances de la satisfaction car les relations entre satisfaction professionnelle et intention de quitter ne sont plus à démontrer (Brayfield & al, 1955 ; Vroom, 1964 ; Mobley, 1977 ; Cotton & al, 1986 ; Hom & al, 1991 ; Tett & al, 1993). D’autre part, la satisfaction de carrière est une variable intéressante car les sentiments subjectifs de succès peuvent aider à prédire la performance des employés, leurs attitudes et leurs comportements professionnels, et même les résultats organisationnels (Abele & al, 2009 ; Ng & al, 2005).

Si les variables d’attitude au travail font traditionnellement consensus dans les modèles de turnover, l’introduction de variables de personnalité sont plus récentes. Il nous a paru intéressant d’intégrer dans notre modèle de recherche deux variables de personnalité, le locus de contrôle et les ancres de carrière.

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CHAPITRE 3