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LES VARIABLES DE PERSONNALITE

2. Les ancres de carrière

Le concept d’ancre de carrière s’appuie sur le principe que les individus définissent leur carrière de façon différenciée selon la perception du développement de leurs propres capacités, objectifs et valeurs.

2.1. Le modèle des ancres de carrière (Schein, 1990)

Elles peuvent donc être envisagées comme des variables capables d’influencer la disposition d’un individu envers son intention de quitter son organisation. Elles sont utiles pour comprendre les choix individuels et sortir du déterminisme des carrières. C’est en analysant les cheminements de carrière de 44 hommes inscrits au MIT (Massachusetts Institute of Technology) pendant une douzaine d’années que Schein a identifié huit ancres de carrière.

Les ancres de carrière sont une dimension qui permet de saisir les aspirations professionnelles des individus, ce qu’ils considèrent comme étant le plus important et non négociable dans leur carrière (Igbaria & al, 1999).

Selon Schein (1990), une ancre de carrière a trois composantes, qui représentent la perception que l’individu porte sur lui-même :

!! Les talents et habilités : c’est la perception que l’individu a de ses propres capacités, acquises et potentielles ;

!! Les motivations et les besoins relatifs à la carrière : il s’agit de ce que l’individu souhaite développer ou en retirer face à son activité professionnelle ;

!! Les valeurs personnelles que l’individu défend. 

Les huit ancres de carrière sont les suivantes : (1) compétence technique/fonctionnelle, (2) compétence managériale, (3) sécurité et stabilité, (4) créativité entrepreneuriale, (5) autonomie et indépendance, (6) dévouement à une cause, (7) défi pur, (8) style de vie (Schein, 1990). Elles permettent ainsi de définir

115 les critères de réussite et d’aspiration professionnelle de chacun (Feldman & al, 2000 ; Igbarria & al, 1999). Cette typologie des ancres peut aussi être utilisée pour comprendre et mesurer les motivations professionnelles.

D’autre part, Schein (1990) suggère que les individus modulent leur ancre de carrière à travers leurs premières expériences professionnelles. Ainsi, au fur et à mesure que l’individu progresse dans sa vie professionnelle, il identifie de façon plus précise ses domaines de compétence, ses besoins ainsi que ses valeurs (Schein, 1978).

Ces premières expériences seront fondatrices dans les orientations professionnelles futures. L’auteur considère également que chaque individu possède une seule et unique ancre de carrière. Cette ancre contraint ou guide toutes les décisions majeures de carrière et réduit par la même ses choix professionnels. Les ancres jouent le rôle de forces motrices sur le parcours professionnel. Dans le cas contraire, on peut penser que cela est le fruit d’une inexpérience professionnelle qui justifie le fait que l’ancre de carrière n’est pas encore stabilisée (El Akremi, 2006).

Ce point est contesté par d’autres auteurs qui considèrent au contraire que l’individu peut avoir deux ancres : une ancre primaire, une autre dite secondaire. Ces deux ancres peuvent également être complémentaires ou à l’inverse contradictoires (Feldman & al, 1996 ; Martineau & al, 2001). Selon eux, le fait d’étudier la multiplicité des ancres permet de prendre en compte les nouvelles formes de carrière (El Akremi, 2006).

Ce modèle est enrichi quelques années plus tard par Feldman et Bolino (1996) qui vont proposer un modèle enrichi des ancres de carrières.

2.2. L’association des ancres de carrière

Dans les années qui ont suivi les travaux de Schein (1990), des auteurs se sont efforcés d’identifier des zones de proximité entre les ancres de carrière. Feldamn et Bolino (1996) les ont regroupés selon trois modalités :

!! Une première catégorie dans laquelle les auteurs regroupent les ancres « compétence technique/ fonctionnelle », les ancres « compétence managériale » et les ancres « créativité entrepreneuriale » dans une catégorie qu’ils ont nommée « talents de l’individu » Ces ancres sont des indicateurs des types d’emploi qui conviennent le mieux aux individus pour qu’ils puissent y exprimer leur savoir-faire (Moga Carrer, 2010).

!! Une deuxième catégorie dans laquelle se trouvent les ancres « sécurité/stabilité », les ancres « autonomie/indépendance » et les ancres « style de vie ». Ces ancres ont en commun de signifier la façon dont les individus structurent leur travail, en fonction de leurs désirs et de leur vie.

116 !! Les deux dernières ancres « service à une cause » et « challenge/défi pur » regroupent les « valeurs

de l’individu » qui orientent également les choix professionnels des individus.

Les auteurs illustrent les relations entre ces catégories en proposant un modèle octogonal qui illustre les proximités amis aussi les incompatibilités entre les ancres (Figure 11). Selon ce modèle, il existerait une proximité de certaines ancres dites « compatibles » ou « complémentaires » (ancres connexes de l’octogone) ainsi qu’une opposition entre d’autres ancres dites « incompatibles » (ancres diamétralement opposées de l’octogone).

Dans leurs travaux, Feldman & Bolino (1996) avancent également l’idée qu’une personne pourrait avoir une ancre de carrière dominante pour chacune de ces trois catégories, ce qui expliquerait l’existence de plusieurs ancres pour chacun à savoir, une ancre dominante, mais aussi une ou plusieurs secondaires.

Figure 11 : La structure orthogonale des ancres de carrière (Feldman & al, 1998)

Ce modèle, quoique séduisant car il offre une lecture enrichie et originale du modèle de Schein (1990) essuie un certain nombre de critiques notamment car il souffre de contradictions entre le modèle conceptuel et les résultats obtenus lors des recherches empiriques (Nordvik, 1996 ; Igbaria & al, 1999). Ainsi, Tremblay et ses collègues (2006) ont démontré que l’emplacement de l’ancre « compétence technique / fonctionnelle » est non compatible avec les résultats empiriques de plusieurs études ce qui remet en question la validité du modèle octogonale des ancres de carrières.

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2.3. Les quatre ancres sélectionnées : management, technique,

autonomie, qualité de vie

Dans le cadre de cette recherche, nous avons privilégié trois ancres traditionnellement utilisées pour les populations de managers :

!! La compétence management. Les individus ancrés “management” souhaitent atteindre les postes les plus élevés de direction générale. En effet, l’exercice de hautes responsabilités constitue pour eux le moyen de mettre en œuvre leur large éventail de compétences. Ces personnes montreront une tendance à fuir la spécialisation pour préférer les fonctions qui leur confèrent du pouvoir et leur permettent de s’élever hiérarchiquement dans leur organisation. La décision de quitter son employeur pourra par exemple être motivée par une absence de perspective d’évolution ou une opportunité extérieure attractive qui se présenterait.

!! L’ancre compétence technique/fonctionnelle. Les personnes ancrées « compétence technique / fonctionnelle » organisent leur carrière autour d’une spécialisation et cherchent avant tout à être reconnues pour leur expertise. Leur identité est construite autour du contenu de leur travail. Les formations les intéressent et les changements réguliers de postes ou de fonctions également quand ils ouvrent la voie à de nouveaux apprentissages. Leurs décisions de mobilité dépendent alors de l’opportunité perçue de se perfectionner et/ou de rester un spécialiste reconnu par ses pairs (Schein, 1978).

!! L’autonomie / indépendance. L’individu ancré “autonomie” a un besoin primordial d'indépendance. Les personnes qui ont une orientation vers l’ancre autonomie cherchent un lien minimal de subordination et peuvent éprouver de vraies difficultés à travailler dans des organisations qu’elles jugent restrictives. Elles recherchent la possibilité de travailler à leur propre rythme et selon leur propre organisation. Toute mobilité sera alors bien considérée à condition qu'elle ne menace pas l’autonomie ou bien encore si elle l’accroît (Cerdin, 1999).

A ces trois ancres, nous avons fait le choix d’explorer l’ancre « qualité de vie ». Ce choix peut en effet permettre, en complément du conflit famille→travail, d’identifier si la qualité de vie et les interférences supposées entre la vie professionnelle et la vie personnelle peuvent pousser les managers à envisager leur départ, notamment pour les femmes qui représentent 50% de notre échantillon.

!! L’ancre « style de vie ou qualité de vie ». Les personnes ancrées « qualité de vie » s’efforcent d’établir ce qu’elles jugent être un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Il s’agit pour elles de trouver un moyen d’intégrer leurs besoins propres ainsi que ceux de leur famille dans leurs choix de carrière. La qualité de la vie touche directement à la manière dont une personne conçoit son mode de vie.

118 Nous avons retenu ces quatre ancres de carrières car elles permettent de saisir les aspirations individuelles. Elles peuvent donc être envisagées comme des variables capables d’influencer la disposition d’un individu envers l’intention de départ.

Après avoir présenté dans la revue de littérature l’ensemble des variables de notre modèle de recherche, le chapitre suivant est consacré à la rédaction du modèle ainsi qu’à la présentation des hypothèses.

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CHAPITRE 4