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Saisir les mécanismes de la transition : de l’intérêt de la démarche qualitative

Permaculture Réseau français de

1.3.2   Saisir les mécanismes de la transition : de l’intérêt de la démarche qualitative

 

L’un des objets de cette thèse étant de décrire les processus de transition agro­écologique,  c’est  autour  de  cet  enjeu  que  s’est  construite  la  démarche  de  ce  travail.  Pour  cela,  une  enquête  auprès des agriculteurs s’est avérée indispensable. Il est bien entendu qu’ils ne sont ni isolés et ni  indépendants, puisqu’ils sont en interactions avec des conseillers, lisent, écoutent et regardent les  médias, peuvent appartenir à un syndicat, discutent entre voisins (agriculteurs ou non), etc. Mais ce  sont bien eux qui, en dernier recours, font ou ne font pas la transition agro­écologique, en mettant  en place des innovations dans leurs champs, dans leur façon de travailler. En les interrogeant, il est  possible de comprendre ce qui les a amenés à choisir telle pratique plutôt qu’une autre, et de voir  les différentes étapes de ce processus.  

Pour mener à bien cette enquête, une approche qualitative a été préférée au quantitatif. En  effet,  pour  saisir  les  facteurs  amenant  un  agriculteur  à  se  positionner  en  faveur  de  telle  ou  telle  mesure, il est intéressant de se demander quels sont les moments de rupture ou au contraire de  continuité dans les techniques mobilisées ; de saisir le cheminement d’un agriculteur. Dès lors, le  choix d’une enquête qualitative s’avère plus pertinente, en décrivant le parcours professionnel mais  aussi personnel de l’agriculteur.   Percevoir et comprendre les trajectoires par le récit de vie    L’entretien de recherche est un outil méthodologique largement mobilisé dans les sciences  sociales :  un  état  de  l’art  réalisé  en  2008  indique  qu’il  existait  plus  de  250  écrits  portant  sur  l’entretien de recherche (Guillemette, 2008, in Baribeau et Royer, 2012).Pour reprendre les mots de  Baribeau  et  Royer  (2012) :  « l’entretien  peut  être  tenu  comme  une  méthode  de  collecte  d’informations  (Boutin,  2006;  Mucchielli,  2009)  qui  se  situe  dans  une  interaction  entre  un  intervieweur et un interviewé (Boutin, 2006; Poupart, 1997; Savoie­Zajc, 2009) en vue de partager un  savoir expert et de dégager une compréhension d’un phénomène (Savoie­Zajc, 2009). ». Il existe de  multiples  formes  d’entretiens :  l’entretien  non­directif,  l’entretien  en  profondeur,  l’entretien  d’explication, l’entretien individuel et enfin l’entretien de récit de vie. Nous ne reviendrons pas sur  l’ensemble de ces formes, ce travail ayant déjà été largement effectué dans l’ouvrage de Gabrium et  Holstein, Handbook of Interview Research (2001). 

Parmi  ces  différentes  possibilités,  c’est  l’entretien  de  récit  de  vie  qui  a  été  retenu.  Il  faut  entendre  le  récit  de  vie  comme  « le  produit  d'une  démarche  globale  et  cohérente  par  laquelle  le 

narrateur se posant comme sujet, tente de conférer un sens à son expérience vécue, en l'organisant  dans  une  structure  narrative  propre. »  (Chanfrault­Duchet,  1987).  Le  récit  de  vie  repose  sur  la  mémoire de l’informateur, qui va lui­même structurer son récit autour d’éléments retenus comme  marquants.  Cette méthode  permet  de  faire  ressortir  les  moments  de  rupture  ou,  au  contraire,  de  continuité.  Comme  le  souligne  Roselyne  Orofiamma  (2008) :  « l’intérêt  du  récit  de  vie  réside  précisément dans la capacité, à travers lui, à saisir les univers sociaux qui façonnent les identités, la  manière  dont  ils  se  sont  construits  et  le  sens  que  leur  attribue  le  narrateur.  On  a,  dans  cette  perspective,  recours  au  discours  autobiographique  pour  mieux  comprendre  ce  qui  détermine  les  appartenances et les engagements, les systèmes de valeurs et les croyances. ». Dans le récit de vie, le  narrateur se met en scène, mobilise des éléments de son parcours et les positionnent par rapport à  son statut au moment de l’entretien (Orofiamma, 2008). En cela, l’interviewé met en cohérence un  ensemble d’événements dispersés temporellement ; il faut alors garder à l’esprit que le « narrateur  raconte toujours une histoire parmi tant d’autres possibles » (Orofiamma, 2002). Toutefois, pour Paul  Ricœur,  si  le  récit  de  vie  est  nécessairement  fictionnel  puisque  reconstruit  (Ricœur,  2007),  il  n’en  demeure pas moins une reproduction fiable de l’action (Ricœur, 2006). Pour le philosophe, il existe  une  « identité  narrative », mouvante,  qui  permet  de capter  à  un moment  donné  la  façon  dont  un  individu  se  positionne  par  rapport  à  son  environnement  (Ricœur,  2007).  Cette  construction,  se  positionnement  serait  plus  porteur  de  sens  que  des  données  objectives  (Ricœur,  2007).  Tout  le  travail du chercheur est alors de comprendre, à travers son analyse, comment l’interviewé construit  son identité narrative.

Il  existe  une  multitude  d’approches  et  d’analyses  relatives  au  récit  de  vie  en  sociologie,  regroupées sous le nom générique d’approches biographiques (Bertaux 2010). Pierre­Yves Sanséau  (2005) identifie les huit suivantes : 

1. L’analyse diachronique. Elle met l’accent sur la succession d’événements marquants qui se  sont  succédés  dans  le  temps  et  tente  d’éclairer  les  relations  avant/après  entre  ces  événements.  

2. L’analyse  compréhensive.  Il  s’agit  de  se  former  une  représentation  des  rapports  et  des  processus  qui  sont  à  l’origine  des  phénomènes  dont  parle  le  récit  recueilli.  Cette  dernière  demande d’associer, dans sa mise en œuvre imagination et rigueur  

3. L’analyse thématique. Appliquée aux récits de vie, elle consiste à identifier dans chaque récit  les  passages  touchant  à  différents  thèmes  afin  de  comparer  ensuite  les  contenus  de  ces  passages d’un récit à l’autre.  

4. L’analyse comparative. Elle consiste à élaborer progressivement un modèle de plus en plus  précis et riche faisant apparaître des récurrences entre différentes situations.  

1ère partie 

5. L’analyse structurale. Développée par les linguistes et les sociologues, elle a pour postulat  que le sens subjectif recherché dans le récit n’est que la structure de l’ordre catégoriel qui  organise la production du récit et la dynamique de son inscription dans cet ordre. Le sujet  structure  le  sens  de  son  monde  social  et  le  chercheur  doit  pouvoir  procéder  à  son  interprétation méthodique. 

6. L’analyse psychique. Cette approche tente de saisir l’articulation du psychique et du social  mais également leur transmutation réciproque. 

7. L’analyse  des  parcours  biographiques.  Elle  a  pour  objet  d’élaborer  des  catégories  biographiques tels que les « carrefour » ou les « moments charnières », « événements » ou «  catastrophes ». 

8. L’analyse  lexicale.  A  partir  des  mots,  des  expressions  et  des  groupes  de  mots,  ce  type  d’analyse permet de repérer la façon dont sont construits les discours autour d’un thème ou  d’un sujet. 

L’approche par les parcours biographiques est privilégiée dans ce travail. Afin de faire ressortir  des moments de rupture, de discontinuité ou à l’inverse de résilience, elle apparaît comme idéale  dans  la  mesure  où  le  récit  de  vie  met  en  lumière  une  suite  d’évènements  amenant  à  la  situation  présente. 

D’autre part, Sandra Nossik souligne que deux approches s’opposent : d’un côté une volonté de  simplement mettre en avant le parcours d’individus n’ayant pas accès à la parole sans intervention et  de  l’autre  une  conception  interactionnelle,  reconnaissant  que  l’intervention  du  chercheur  joue  nécessairement  un  rôle  et  influence  la  narration  de  l’interviewé  (Nossik,  2011).  Cette  seconde  approche semble plus juste dans le cadre de cette thèse. En effet, les entretiens ont pour la grande  majorité été menés sur l’exploitation et ont une durée de plus de deux heures en moyenne, parfois  complétés par un tour de plaine ou des moments informels une fois l’entretien fini. Ces moments  prennent place dans ce travail, mais dépassent le cadre du récit de vie, puisqu’ils interviennent sur  des points évoqués hors de la narration et de ce qu’elle implique : hiérarchisation des évènements,  omission volontaire, justification a posteriori, etc. (Bertaux, ibid).  

  Dans  le  cadre  de  l’analyse  des  parcours  biographiques,  l’ensemble  des  entretiens  recueilli  lors  de  la  phase  d’enquête  a  été  mis  en  perspective.  Pour  se  faire,  les  entretiens  ont  été  « transformés » sous forme de frises chronologiques, afin de faire ressortir de façon « visuelle » les  moments forts de chacun des interviewés. L’analyse a procédé de façon inductive. Cette façon de  faire permet (1) de condenser des données brutes, variées et nombreuses dans un format résumé ;  (2)  d’établir  des  liens  entre  les  objectifs  de  la  recherche  et  les  catégories  découlant  des  données 

brutes ; et enfin (3) de développer un modèle à partir des nouvelles catégories émergentes (Thomas,  2006).  De  l’analyse  inductive  découlent  des  catégories,  c’est­à­dire  « une  production  textuelle  présentant  sous  forme  d’une  brève  expression  et  permettant  de  dénommer  un  phénomène  perceptible  à  travers  une  lecture  conceptuelle  d’un  matériau  de  recherche »  (Paillé  et  Mucchielli,  2003). L’analyse inductive amène à formuler des hypothèses et théories à la lumière de l’expérience  (Blais  et  Martineau,  2006),  et  s’inscrit  dans  la  logique  plus  large  de  l’analyse  des  parcours  biographiques. 

  Présentation de l’enquête auprès des agriculteurs 

 

Au total, ce sont 27 agriculteurs qui ont été rencontrés, en 2017. Ces 27 entretiens auront  permis de s’immerger dans le monde agricole francilien, au contact des agriculteurs. Il a été possible  de  voir  plusieurs  informateurs  à  différentes  reprises.  De  façon  plus  pragmatique,  cette  visibilité  auprès  des  différents  individus  rencontrés  a  parfois  facilité  les  rencontres,  la  présence  d’un  chercheur pouvant se savoir assez vite sur les territoires agricoles.  

  Les  rencontres  se  sont  effectuées  selon  trois  modalités.  Dans  un  premier  temps,  des  recherches préalables sur internet ont permis d’identifier des individus ressortant comme pionniers  ou moteurs dans la presse spécialisée ou sur des sites dédiés (France Agricole, Terre­Net, revue TCS,  etc.).  Ces  premiers  entretiens  ont  ensuite  abouti  à  des  prises  de  contacts  amenant  à  rencontrer  d’autres  informateurs  recommandés  par  les  premiers.  Cette  modalité  de  rencontre  rend  possible  l’approfondissement de la dimension de niche de certaines alternatives. Elle permet aussi d’observer  des  façons  assez  différentes  de  travailler,  les  recommandations  pouvant  porter  sur  des  personnes  jugées originales par les premières. Enfin, des entretiens ont été réalisés par opportunisme. Dans ce  dernier  cas,  il  s’agissait  de  profiter  d’une  rencontre  en  bord  de  champ  ou  bien  de  la  visite  d’une  exploitation  croisée  sur  la  route.  Cette  dernière  façon  de  procéder  fait  sortir  du  réseau  des  agriculteurs préalablement choisis et amène à des parcours plus « conventionnels ».     Sur les 27 agriculteurs rencontrés, toutes les sensibilités syndicales sont représentées, ainsi  que toutes les tranches d’âge, allant de moins de 30 ans à plus de 70 ans. Les adhérents aux FDSEA  (77 et Île­de­France) sont majoritaires, assez logiquement dans la mesure où ce syndicat domine le  paysage agricole francilien (cf. tableau 3). Les adhérents à la Coordination Rurale sont surreprésentés  dans le panel des entretiens au regard des chiffres régionaux (ministère de l’agriculture, 2013). Enfin,  la Confédération Paysanne est largement minoritaire, reflet de la situation plus générale du syndicat  à l’échelle régionale (ministère de l’agriculture, 2013). 

1ère partie  Tableau 1­3 : indications quantitatives sur les entretiens 

Nombres  d'agriculteurs  Zones 

d'étude  Seine­et­Marne Vexin Français  13 6 

Essonne  8  Syndicats  FNSEA  10  Jeunes Agriculteurs  1  Coordination Rurale  6  Confédération Paysanne  2  Non spécifié  6  Pratiques  agricoles  Agriculture Biologique  6  Agriculture de Conservation  15  Réduction d'intrants  6   

  La  part  des  hommes  est  nettement  supérieure  à  celle  des  femmes :  24  hommes  pour  3  femmes. Cela tient principalement à deux raisons. Tout d’abord, en Île­de­France comme ailleurs, la  majorité  des chefs  d’exploitation  sont  des  hommes :  les  femmes  ne  représentent  qu’un  quart  des  chefs  d’exploitation  franciliens  (Agreste,  2017).  Ensuite,  si  des  épouses  ont  été  rencontrées,  elles  s’effaçaient souvent pour laisser la parole à leur mari, notamment dans le cadre des entretiens en  couple,  où  leurs  interventions  n’étaient  que  ponctuelles  pour,  par  exemple,  préciser  une  date  ou  revenir sur un fait.   De même, les situations personnelles sont variées : installations dans ou hors cadre familial,  activité professionnelle antérieure sans rapport avec l’agriculture ou vie consacrée au travail de la  terre, absence de diplôme ou niveau d’étude élevé, etc. L’ensemble de ces éléments sera repris dans  la seconde partie de cette thèse.  Ces récits de vie d’agriculteurs ont été complétés par des entretiens semi­directifs auprès de  représentants de structures para­agricoles. Ce type d’entretien repose sur une grille préalablement  établie, composée des grands thèmes à aborder, sans pour autant hiérarchiser les informations ni  définir  à  l’avance  quand  doit  être  abordé  tel  ou  tel  axe  (Combessie,  2007).  Cette  méthode  est  intéressante  car  elle  permet  de  récolter  des  informations  sur  des  points  plus  précis  que  lors  d’un  récit de vie, en ciblant des thématiques. Elle présente aussi l’avantage non négligeable d’être moins  chronophage que le récit de vie, dimension importante dans le cadre d’entretiens menés auprès de  personnes  à  l’emploi  du  temps  contraint.  Par  ailleurs,  le  statut  « expert »  de  ce  second  type  d’informateurs oblige à centrer l’entretien sur leurs connaissances, leurs visions et leurs analyses de  la  situation  au  moment  présent,  en  gardant  à  l’esprit  que  leurs  discours  sont  intimement  liés  à 

l’organisme qu’ils représentent. Il convient toutefois de prendre le temps de poser le contexte et de  laisser  l’interviewé  développer  par  lui­même  les  thèmes  préalablement  identifiés  mais  aussi  ceux  apparaissant en cours de l’entretien, ces derniers apportant l’originalité et la richesse de la démarche  semi­dirigée (Imbert, 2010).  

  Ces  entretiens  ont  été  l’occasion  d’aborder  quatre  grands  thèmes :  le  rôle  joué  par  l’interviewé et la structure qu’il représente au sein du monde agricole francilien (1), une description  de la situation actuelle de l’agriculture francilienne (2), les clefs de compréhension de cette situation  (3)  et  enfin  le  sens  donné  à  la  notion  d’agro­écologie  (4).  L’entretien  se  déroulait  autour  de  ces  quatre axes. Dans un premier temps, le cadre de la rencontre était précisé, en abordant le sujet de la  thèse.  Pour  cela,  une  présentation  volontairement  succincte  était  donnée,  afin  d’éviter  que  l’interviewé  n’oriente  trop  son  propos.  L’entretien  pouvait  ensuite  commencer,  avec  la  même  première question pour l’ensemble des acteurs rencontrés : « Pourriez­vous me définir en quelques  mots  votre  structure  et  le  rôle  que  vous  y  jouez ? ».  Suite  à  cette  accroche,  soit  la  personne  rencontrée  s’avérait  loquace,  auquel  cas  quelques  interventions  pour  recadrer  l’entretien  étaient  nécessaires  sans  pour  autant  avoir  à  trop  intervenir,  soit  des  relances  voire  des  questions  plus  précises devaient être posée pour aborder certains points : qu’est­ce que l’agro­écologie selon vous,  comment définiriez­vous la situation actuelle de l’agriculture francilienne, etc. (cf annexes). 

Ces  entretiens  ont  duré  en  moyenne  une  heure,  sur  14  représentants  d’organismes  rencontrés. Il convient de préciser que certains étaient aussi agriculteurs, auquel cas deux entretiens  ont été menés, en commençant par le récit de vie pour terminer sur l’entretien semi­directif. Cette  approche  permet  de  recueillir  dans  un  premier  temps  le  parcours  de  l’interviewé,  sans  nécessairement endosser le rôle institutionnel. La plupart des informateurs ayant des rôles en sus de  leur métier d’agriculteur ont volontairement départagé les deux, souhaitant d’abord s’exprimer sur  leur situation personnelle avant d’exprimer un point de vue plus politique ou expert. Dans d’autres  cas,  l’entretien  semi­directif  n’était  pas  nécessaire,  le  récit  de  vie  se  mêlant  aux  différentes  implications (syndicales, associatives, etc.).  

Ces  entretiens  semi­directifs  ont  permis  de  rencontrer  les  représentants  des  différents  syndicats agricoles franciliens (FDSEA IDF, FDSEA 77, Coordination Rurale, Confédération Paysanne),  des représentants des Directions Départementales des Territoires (DDT) du Val d’Oise et de Seine­et­ Marne,  des  élus  des  chambres  d’agricultures,  une  chargée  de  mission  au  sein  du  PNR  du  Vexin  Français, un journaliste et agronome de la revue spécialisée TCS, des présidents d’associations (BASE,  APAD),des chargés de mission au sein de structures associatives (Terre de Liens, GAB IDF) ainsi qu’un  sénateur de la Seine­et­Marne (figure 1). 

1ère partie 

Ces  données  ont  pour  rôle  de  venir  compléter,  appuyer  certains  faits  marquants  de  la  situation  agricole  francilienne.  Elles  apportent  aussi  des  informations  sur  le  fonctionnement  des  niches (syndicats, acteurs de l’Agriculture Biologique et de l’Agriculture de conservation), ainsi que  sur  le  régime  (chambre  d’agriculture,  syndicat  majoritaire)  mais  aussi  sur  le  contexte  exogène 

(service départementaux, sénat). Les catégories qui découlent de ces analyses viennent soit appuyer  celles des récits de vie, soit mettre en avant des phénomènes non perçus auprès des agriculteurs.  Elles apportent aussi de nouvelles informations, par la vision plus large que portent ces structures sur  l’agriculture  en  général  et  la  situation  francilienne  en  particulier.  Par  la  dimension  politique  de  certains  de  ces  acteurs  ou  tout  simplement  par  leur  positionnement  historique,  ils  peuvent  venir  souligner des sous­entendus présents dans les récits de vie, et aider à leur compréhension. 

 

Comprendre les transitions agro­écologiques : questionnements et démarches 

 

Trois  terrains  ont  donc  été  pressentis  comme  espace  d’intérêt  pour  notre  enquête ;  ces  terrains  ont  fait  l’objet  d’une  enquête  qualitative,  reposant  sur  le  récit  de  vie  des  agriculteurs  et  complétée  par  des  entretiens  semi­directif  auprès  d’experts,  d’acteurs  majeurs  de  l’agriculture  francilienne. 

Cette phase d’investigation a été rendue nécessaire par la nature des questionnements qui  fondent cette thèse. Parti d’un constat sur l’évolution générale de l’agriculture française, avec une  volonté  de  prendre  un  virage  agro­écologie,  nous  avons  ensuite  mis à  jour  un  certain  nombre  de  réponses techniques et politiques à cette situation. Les agricultures alternatives sont en effet autant  de  pistes  d’évolution  plus  ou  moins  radicale  de  l’agriculture  telle  qu’elle  est  aujourd’hui  majoritairement pratiquée. Pourtant, toutes ces formes d’agricultures ne sont pas pratiquées sur le  territoire français, et n’occupent pas la même place en fonction des espaces agricoles.   C’est donc pour saisir en premier lieu quelles sont les caractéristiques, les facteurs amenant  une agriculture alternative à se déployer sur un espace agricole qu’a été mené cette investigation.  L’Île­de­France est un espace agricole intéressant à plusieurs niveaux, comme présenté au début de  ce chapitre ; principalement valorisées par des exploitations céréalières conventionnelle, ces mêmes  exploitations  franciliennes  ne  semblent  pas  avoir  pris  le  virage  agro­écologique  alors même  qu’un  ensemble  de  pression  sociale  et  politique  pèse  fortement  sur  elles.  Pour  autant,  des  formes  d’agricultures agro­écologiques sont présentes, comme nous le verrons dans les chapitres suivants. Il  est  alors  apparu  nécessaire  d’identifier  ces  initiatives  agro­écologiques  et  de  comprendre  ce  qui  permet leurs déploiements. 

Or, pour bien saisir ces phénomènes, il faut aller chercher l’information auprès de ceux qui  font l’agriculture francilienne : les agriculteurs et certains acteurs clefs. Pour les agriculteurs ayant  fait le choix d’une démarche agro­écologique dans le contexte francilien, il importe d’aller chercher  les détails, les évènements qui amènent à cette situation. C’est en cela que le récit de vie s’impose  comme  méthode  d’enquête,  permettant  de  dessiner  des  trajectoires,  des  itinéraires ;  de  faire  ressortir les processus des transitions agro­écologiques chez les agriculteurs.  

Une  fois  ces  trajectoires  identifiées,  et  les  différentes  modalités  agro­écologiques  mises  à  jour,  le  travail  d’identification  des  processus  de  transition  agro­écologique  se  poursuit  en  se  demandant quelles sont justement les grandes formes de transitions. En d’autres termes, après avoir  identifié  les  agricultures  alternatives  présentes  en  Île­de­France  et  analysé  ce  qui  amène  un  agriculteur  à  opérer  un  virage  agro­écologique,  il  s’agit  de  regarder  en  détail  les  formes  de  ces  transitions : sont­elles brusques voire brutale, ou au contraire continue, s’inscrivant dans un temps  plus long, comme un fil directeur sur l’évolution de l’exploitation ? Sont­elles le fruit d’un parcours  individuel, d’influences diverses, de rencontres, d’incidents ? Voit­on se dessiner différents types de  transition en fonction des agricultures alternatives ?  

Enfin,  comme  le  laisse  entendre  le  choix  d’investir  trois  terrains  en  Île­de­France,  la  dimension territoriale est à interroger. L’enquête se déroule sur trois espaces de l’Île­de­France ; dès 

1ère partie 

lors, voir s’il existe des différences entre la Seine­et­Marne, le Vexin Français et l’Essonne s’impose.  Mais  au­delà  du  simple  constat  il faut  regarder  en  quoi,  si  différences  il  y  a,  le  territoire  joue  véritablement.  Peut­on  voir  des  effets  de  regroupements,  indépendant  de  toutes  politiques  régionales ou départementales ? Ces politiques jouent­elles au contraire un rôle ? Si oui, lequel et à  travers quels organismes, structures ? Des pionniers sont­ils présents sur ce territoire ? Différentes  agricultures  alternatives  coexistent­elles  à  proximité  immédiate ?  En  d’autres  termes,  et  plus  largement, comment expliquer la situation que donne à voir l’enquête au niveau spatial. 

C’est  en  réponse  à  l’ensemble  de  ces  questionnements  que  répondent  les  parties  2  et  3.