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L’agro­écologie, un modèle applicable en Île­de­France ?

Permaculture Réseau français de

2.1.2 L’agro­écologie, un modèle applicable en Île­de­France ?

lieu  que  si  des  niches  d’innovations  existent,  en  définir  les  techniques  de  production  et  d’encadrement s’avère être un enjeu de taille. Les techniques de productions varient en effet d’une  niche  à  l’autre  (cf  chapitre  1.2).  Elles  sont  donc  plus  facilement  identifiables  que  les  techniques  d’encadrement  qui,  elles,  ne  se  donnent  pas  à  voir  directement.  Elles  sont  comprises  dans  des  tensions  et  interactions  entre  acteurs  de  la  niche,  régime  socio­technique  et,  dans  une  certaine  mesure,  contexte  exogène.  Les  réflexions  de  Pierre  Gourou  nous  éclairent  sur  le  mode  de  fonctionnement  d’un  régime  et  d’une  niche.  Elles  mettent  en  lumière  des  interactions  (certaines  techniques d’encadrement) qui permettent l’application de techniques de production. Cette capacité  à gérer des techniques de productions sur un ensemble d’acteur peut aussi être interprétée comme  l’une  des  caractéristiques  permettant  à  une  niche  d’innovation  de  prétendre  soit  au  statut  de  nouveau régime socio­technique, si les conditions le permettent, soit de s’intégrer au régime sans  perdre son originalité initiale. En d’autres termes, plus une niche d’innovation est à même de gérer  des relations complexes et un nombre grandissant d’usagers, plus elle a de chance de prendre de  l’importance pour le régime socio­technique. 

En  suivant  la  théorie  de  Frank  Geels,  l’un  des  autres  grands  critères  nécessaires  à  la  réalisation d’une transition réside dans les pressions exercées par le contexte exogène sur le régime  socio­technique.  De  ces  pressions  surviennent  différents  scénarios,  préalablement  présentés.  A  l’échelle  francilienne,  il  convient  donc  de  regarder  dans  un  premier  temps  si  les  injonctions  agro­ écologiques évoquées dans la première partie ont des conséquences visibles dans le paysage agricole  francilien.  Il  est  pour  cela  nécessaire  d’examiner  si  le  régime  socio­technique  prend  en  compte  l’exigence agro­écologique d’un côté, et de l’autre si des niches d’innovations sont présentes sur le  territoire francilien. Parallèlement, il est intéressant de dégager les différentes structures maitresses  des  différents  niveaux  identifiés,  et  de  les  rattacher  à  des  techniques  de  production  et  d’encadrement, pour mieux saisir leur fonctionnement et leur capacité à mobiliser. 

 

2.1.2 L’agro­écologie, un modèle applicable en Île­de­France ? 

 

  L’agro­écologie  apparaît  désormais  comme  le  nouveau  virage  à  prendre  pour  l’agriculture  française, bien qu’elle soit loin d’être appliquée partout (cf. chapitre 1.1). Le sens donné à ce terme,  comme il a déjà été dit dans la première partie, varie d’un acteur à l’autre bien qu’une définition  semble  peu  à  peu être  retenue  en  France  autours  du  projet  agro­écologique de  Stéphane  Le  Foll.  Cette  acception  soumise  à  discussion  permet  à  divers  mouvements  et  pratiques  agricoles  de  se 

2ème partie 

reconnaître voire de se revendiquer de l’agro­écologie, permettant ainsi de répondre aux injonctions  du contexte exogène (cf chapitre 1.1).  

Pressée  de  « produire  autrement »  sans  que  cet  « autrement »  soit  clairement  défini,  l’agriculture  se  voit  contrainte  de  se  justifier  et  de  se  repenser  à  l’échelle  nationale  voire  supra­ nationale  (cf. chapitre  1.1).  D’une  part,  une  partie  des  consommateurs est  en attente  de  produits  locaux,  respectueux  de  l’environnement,  sans  pour  autant  être  trop  onéreux.  D’autre  part,  les  politiques  agricoles  donnent  de  grandes  orientations  amenant  à  réduire  l’utilisation  des  produits  phytosanitaires,  que  ce  soit  par  un  encouragement  financier  à  travers  les  MAE,  par  un  système  d’obligation  via  l’éco­conditionnalité  de  la  PAC  ou  encore  l’interdiction  progressive  de  certaines  substances. Cette dernière façon de procéder n’est pas sans apporter un débat dépassant largement  la  sphère  agricole,  comme  le  montre  le  projet  d’interdiction  du  glyphosate,  matière  active  du  RoundUp. Cet exemple illustre bien la dynamique de l’agriculture française. Alors que l’interdiction  du célèbre désherbant pourrait avoir des conséquences lourdes pour les pratiques de non­labour et  de  travail  superficiel  du  sol  selon  les  acteurs  clefs  de  l’AC5455,  la  question  de  son  interdiction 

passionne  la  société  civile  et  les  médias.  Symbole  d’une  entreprise  (Monsanto)  prônant  une  agriculture  se  reposant sur  des  intrants  de  synthèse  et  à  la  réputation  sulfureuse  (Grau,  2017),  le  glyphosate sort du débat d’expert pour s’inscrire dans le débat politique. Ces exemples montrent que  l’agriculture, au sens de régime socio­technique dominant, est sous la pression du contexte exogène.  Dès  lors,  les  niches  d’innovations  deviennent  autant  de  possibilité  d’évolution  du  modèle  agricole  dominant. 

Comme expliqué dans le chapitre 1.2, il existe une multitude de pratiques et de mouvements  pouvant se revendiquer de l’agro­écologie car proposant un modèle agricole intégrant avec plus ou  moins  de  force  la  triple  exigence  sociale,  environnementale  et  économique.  Elles  peuvent  être  conçues comme des niches d’innovation au regard du régime socio­technique actuel de l’agriculture.   Dans le cas de l’Île­de­France, le régime correspond à un modèle agricole largement dominé  par  les  exploitations  de  grandes  cultures  conventionnelles.  La  large  majorité  des  exploitations  se  retrouve  dans  cette  orientation  technico­économique  (cf.  chapitre  1.3).  L’utilisation  des  produits  phytosanitaires  est  banalisée  sur  l’ensemble  du  territoire,  avec  une  contamination  des  eaux  superficielles plus forte que la moyenne nationale (DRIEE, 2017). Le régime socio­technique agricole  francilien repose donc sur un référentiel technique d’agriculture conventionnelle, alors même que  certaines  politiques  locales,  qu’elles  soient  régionales  ou  départementales,  invitent  au  développement d’une agriculture différente et qu’une partie de la population soit dans l’attente de         

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produits  bio,  locaux  (régionaux)  et  si  possible  issus  de  circuits  courts  (un  seul  intermédiaire  maximum).  Si  l’AB  est  visible  dans  les  politiques  publiques,  l’Agriculture  de  Conservation  connait  aussi un développement qui peut être compris comme une réponse aux nouvelles injonctions par les  agriculteurs eux­mêmes. Ces deux cas, AB et AC, méritent d’être examiné plus en profondeur, car ils  ressortent comme les plus documentés et les plus développés sur le territoire francilien d’après nos  investigations.   

2.1.3 L’Agriculture Biologique en Île­de­France : état des lieux 

  Les trajectoires de l’agriculture biologique dans la littérature   

Le  chapitre 1.2  présentait dans  les  grandes  lignes  les  différentes  agricultures  alternatives,  sans  aborder l’ensemble des composantes de ces alternatives. L’AB est un cas bien étudié, et avant de se  pencher  sur  la  situation  francilienne  au  regard  des  données  disponibles  sur  cet  espace,  un  rapide  détour par quelques travaux scientifiques sur la question de la transition en AB permet de situer le  travail à venir par rapport à d’autres recherches.  

Dans  un  article  de  2014,  Alavoine­Mornas  et  Madelrieux  identifient  4  types  de  transitions  du  conventionnel à l'AB : 

1. L'officialisation.  L’exploitant  agricole  pratique  transformation  et  vente  directe,  avec  un