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La rupture agro­écologique : le basculement radical ?

Permaculture Réseau français de

3. La honte et la culpabilité d'avoir recours à des pratiques qui sont mal vues 

2.3.2 La rupture agro­écologique : le basculement radical ?

Une troisième voie est envisagée, celle de la permanence. Le Larousse67 défini « permanant » 

comme étant quelque chose « qui dure sans intermittence ni changement, qui ne cesse pas ». Si un  exploitant  conserve  une  ligne  directrice,  sans  évolution  forte  par  rapport  à  la  situation  initiale  ni  pendant sa carrière, alors sa trajectoire peut être considérée comme permanente. Cela n’empêche  pas  les  ajustements  à  la marge,  suivant  les  évolutions  techniques et technologiques  de  l’itinéraire  choisi ; mais aucun changement majeur ne survient dans le cas de la permanence. Ce cas de figure ne  ressort  pas  comme  tel  dans  le  chapitre  précédent,  puisque  les  techniques  de  production  des  agriculteurs rencontrés ont toutes évoluées dans le temps. Il reste toutefois à savoir si ces évolutions  sont aussi fortes qu’elles y apparaissent, ou s’inscrivent plutôt dans la poursuite d’un cheminement  déjà engagé.    Ce sont donc ces trois logiques, rupture, adaptation et continuité, qui vont servir d’outils de  réflexion tout au long de ce chapitre. Elles seront étayées par des extraits d’entretiens disponibles en  annexes ainsi que par les frises présentées dans le chapitre précédent. Pour ce faire, les profils des  différents  agriculteurs  sont  analysés  et  repris  sans  considération  particulière :  les  itinéraires  identifiées dans le chapitre précédent sont écartés, et rediscutées en fin de chapitre. 

 

2.3.2 La rupture agro­écologique : le basculement radical ? 

 

  La rupture agro­écologique a lieu lorsque, sur une exploitation, un ensemble de mesures est  pris  pour  répondre  aux  injonctions  agro­écologiques  de  façon  radicale.  Dans  la  même optique,  un  changement  de  vie  marquant  un  tournant  fort  avec  la  vie  professionnelle  antérieure  peut  être  considéré  comme  une  rupture  idéologique,  selon  les  cas.  Par  exemple,  si  la  personne  avait  auparavant  un  travail  au  sein  du  régime  socio­technique  agricole  dominant  (conseiller  de  coopérative, technicien d’un institut technique, etc.) et, en s’installant s’inscrit pleinement dans une  agriculture alternative en opposition à ce régime (par exemple, en AB) alors elle est appréhendée  comme étant en rupture agro­écologique. A l’inverse, s’il s’agit d’un ancien conseiller en AB finissant  par s’installer en AB, il n’y a pas de rupture.  Les ruptures d’entrée : le rôle de la réorientation professionnelle      C’est par exemple le cas de Bio_4. Ayant d’abord travaillé pour un célèbre semencier en tant  qu’ingénieur, il s’est tout de suite désengagé des techniques de production conventionnelles pour  s’orienter  vers  l’Agriculture  Biologique,  et  s’est  inscrit  à  la  Confédération  Paysanne,  syndicat         

largement minoritaire en Île­de­France. Bio_4 explique s’être d’abord retrouvé face à un inconfort  dans son ancien métier, ne se retrouvant plus de ce qui lui était demandé de faire :  

« Je  me  suis  retrouvé  embarqué  chez  [ce  semencier],  à  mon  insu  si  on  peut  dire,  et  les  évolutions ne me plaisaient pas. Avant, je travaillais au sein d’une équipe, on sélectionnait  du colza et on avait un gros succès, même européen. On avait 60% du marché français, et  40% du marché européen. Bon, et comme ça ne me plaisait pas là où j’étais, j’ai regardé  chez les voisins, c’est logique, surtout chez le plus gros concurrent. Et en fait, la stratégie  des autres semenciers était la même, mais moins mise en avant. Ils laissent [ce semencier]  fendre la glace, puis ils suivent. Et moi, ça ne m’intéressait pas de faire la même chose  mais ailleurs, en soit, on avait une bonne équipe, ça se passait très bien, l’ambiance au  travail était sympa. » (Entretien Bio_4)    Cet inconfort a été doublé d’une mise en porte­à­faux avec l’ensemble de la profession, et  donc,  pour  Bio_4,  une  « obligation »  de  changer  de  métier ;  c’est  ainsi  qu’il  s’est  orienté  vers  la  profession agricole : 

« Et puis faut ajouter que je me suis retrouvé plusieurs fois en tant que témoin dans les  procès des faucheurs d’OGM. Donc j’ai été grillé auprès de toute la profession, car j’ai dit  tout ce que je savais. Donc grillé auprès de l’INRA, des semenciers, etc. Et donc bah j’avais  plus  le  choix !  Fallait  changer  de  métier…Et  donc  la  solution  facile,  enfin  facile  entre  guillemet car ça ne l’est pas tant que ça, c’était de reprendre la ferme familiale, mais pas  en conventionnel, ça n’aurait pas eu de sens. J’ai fait le choix du bio, pour des questions  d’agronomie,  et  puis  parce  que  je  n’avais  pas  envie  de  manipuler  des  produits,  mais  surtout pour revenir à de l’agronomie. Car aujourd’hui, c’est le technicien qui dit tu fais ça,  tu fais ça, à telle date… L’agriculture traditionnelle, conventionnelle, c’est une agriculture  où  l’agriculteur  utilise  des  intrants  chimiques.  Bon,  après,  on  peut  discuter  le  terme  intensif,  parce  que  y’a  des  gens  qui  ne  cherchent  pas  le  rendement…  On  peut  utiliser  traditionnelle  et  conventionnelle  comme  synonyme  à  mon  sens.  Bref,  en  tout  cas,  c’est  tout ce que je ne voulais pas faire. » (Entretien Bio_4) 

Reprendre l’exploitation en conventionnel « n’aurait pas eu de sens » au regard de l’ancienne  profession, mais aussi par rapport à des raisons idéologiques. Dans cet extrait, Bio_4 explique s’être  orienté vers l’AB pour deux raisons : le retour à l’agronomie et l’absence de produits issus de l’agro­ industrie,  l’ancienne  sphère  professionnelle.  La  rupture  est  complétée  par  l’adhésion  à  la  Confédération Paysanne, syndicat altermondialiste et critique à l’égard des grandes entreprises agro­

2ème partie 

industrielles.  Bio_4  ne  déroge  pas  à  la  règle,  comme  l’illustre cet  extrait mobilisé  dans  le  chapitre  2.2 : 

« Et puis y’a eu la conf, ça a été un choix dès le départ, comme une évidence, ne serait­ce  que  parce  que  les  quelques  meetings  où  j’avais  pu  aller  lors  des  rencontres  avec  les  semenciers et les phyto, j’avais pu voir la connivence entre la FNSEA et Monsanto, et ça  m’a beaucoup interrogé qu’ils soient main dans la main. […]. Et assez rapidement, y’a eu  les élections de la chambre, personne ne voulait y aller… Donc j’y suis allé, fallait recréer  une  liste.  En  général  on  a  un  ou  deux  élus.  Là,  personne  ne  voulait  se  présenter,  fallait  constituer une liste, et au final j’ai été le seul à être élu. Depuis, on essaye de relancer le  syndicat, en Île­de­France j’entends, depuis 6­8 mois. » (Entretien Bio_4) 

  La  réorientation  professionnelle  de  Bio_4  s’est  faîte  en  marquant  une  rupture  agro­ écologique. Tout d’abord car venant du régime socio­technique dominant, il s’est orienté vers une  technique  de  production  alternative,  vers  une  niche  d’innovation :  l’AB.  Ce  simple  fait  souligne  la  rupture, puisqu’il y a un basculement fort, en passant d’une structure participant au maintien voire  au  renforcement  du  régime  à  un  investissement  conséquent  pour  le  développement  de  l’AB  francilienne  via  la  vie  syndicale  mais  aussi,  plus  largement,  à  la  déstabilisation  du  régime,  en  cherchant à s’imposer dans différentes instances régionales:   « […] y’a des réunions[régionales] auxquelles on demande à participer car on n’est pas  invité, la FNSEA verrouille tout. La coordination rurale est plus proche de la FNSEA, elle  gueule contre elle, mais sur le fond… J’ai jamais vu la coordination rurale s’opposer à la  FNSEA. Bon, mais comme nous on fait du forcing, on a pu s’imposer, mais uniquement  sur l’Agriculture Biologique. Il y a une volonté de changer la gouvernance du plan bio et  de  réduire  les  aides  sur  la  bio.  On  a  fait  des  manifestations  de  soutien  pour  le  pôle  abiosol, devant la région. » (Entretien Bio_4) 

« On  a  mené  quelques  actions  de  terrain,  comme  sur  le  terrain  de  formule  1  à  Flein.  Sur  ce  coup­là,  on  avait  été  rejoint  par  la  FNSEA.  On  arrive  à  se  retrouver  sur  les  dossiers  fonciers.  Donc  y’a  pas  de  guerre  ouverte  mais  bon,  j’ai  demandé  à  être  dans  la  commission  environnement,  mais  on  me  l’a  refusé  car  je  n’étais  pas  adhérent  de  la  fédé !  Enfin,  ça  ne  changeait pas grand­chose que j’y sois, mais ça mettait l’opposition dedans. » (Entretien Bio_4)    Dans le cas de Bio_4, la rupture est d’autant plus forte qu’elle est doublée d’un engagement  politique  alternatif,  revendiquant  un  changement  de  régime.  En  cherchant  à  s’imposer  dans  le  paysage  politique  agricole  francilien,  Bio_4  opère  un  changement  de  direction  par  rapport  à  son  ancien  statut  d’ingénieur  agronome  semencier.  Que  ce  soit  par  ces  choix  techniques,  prônant  un 

retour à l’agronomie et au travail paysan, sur l’exploitation, ou politique et idéologique, Bio_4 illustre  parfaitement la rupture agro­écologique concomitant à un changement de situation professionnelle.  La rupture est brusque et radicale, l’ensemble de ces changements s’étant fait en 3 ans, le temps de  la certification. La reprise de l’exploitation est actée en 2001, et en 2004 l’ensemble des surfaces est  certifié  AB.  Tout  au  long  de  son  parcours,  Bio_4  accroît  la  méfiance  qu’il  nourrit  à  l’égard  des  structures et organismes du régime, et s’inscrit de plus en plus dans une démarche « AB », avec le  développement d’un atelier de maraîchage bio, l’emploi de salarié et la vente via une AMAP, le tout  en moins de 10 ans (cf frise Bio_4). 

  De façon moins marquée, puisque sans engagement politique, Bio_2 s’inscrit dans la même  dynamique : travaillant d’abord pour un organisme du régime socio­technique dominant (technicien  dans  un  institut  technique),  il  s’est  orienté  par  la  suite  vers  des  techniques  de  production  alternatives, en cherchant à aller toujours plus loin dans cette logique, soulignant une réelle volonté  de s’éloigner des techniques conventionnelles et de mettre en place une agriculture agro­écologique.  De même que Bio_4, le choix se fait dès le départ, et tout va ensuite assez vite : de 2004 à 2007, des  éléments  typiques  de  la  stratégie  AB  sont  mis  en  place  (conversion,  création  d’un  atelier  de  maraîchage,  vente  en  AMAP),  et  une  fois  ce  système  stabilisé,  Bio_2  s’est  intéressé  aux  TCS,  à  la  stratégie AC : 7 ans après son installation en AB, il menait les premiers essais en TCS (cf frise Bio_2). Il  importe de souligner que l’installation s’est faite hors cadre familial, sur une petite surface ; le choix  du bio correspond sans doute à une motivation idéologique et de conviction, mais assure aussi une  valorisation plus forte de la production.    Le cas d’AC_11 est légèrement différent, puisque son ancien emploi n’étant pas en lien avec  le monde agricole. Elle est cependant liée au monde agricole par son contexte familial : « je suis fille  d’agriculteur, je suis dans une exploitation familiale qui est là depuis plusieurs générations, donc je  me suis logiquement installé ici, dans le cadre familial. » (Entretien AC_11). L’exploitation familiale  était menée de façon conventionnelle, sans remise en cause de la manière de travailler, ce qui a pu  amener des conflits au moment de la transmission : 

« Je  me  suis  installée  il  y  a  9  ans,  et  dès  le  début  je  me  suis  mise  au  non­labour,  par  conviction, avant mon père n’avait pas trop cette philosophie, il n’était pas forcément  pour.  Moi  j’y  suis  allée  car  je  pense  que  c’est  meilleur  pour  l’environnement,  pour  la  qualité du sol, la biodiversité, les vers de terre ! » (Entretien AC_11) 

Dépassant l’avis de son père, AC_11 a opté pour le non­labour dès son installation, marquant  une rupture agro­écologique avec ce qui était fait jusqu’alors dans la ferme. Les motivations agro­ écologiques sont explicitées dans l’extrait précédent, avec un discours uniquement tourné vers les 

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dimensions  environnementales.  Le  fait  de  bénéficier  d’un contexte  favorable  à  l’AC,  à  travers  la  présence  d’autres  exploitations  engagées  dans  cette  démarche,  est aussi  mis en  avant  comme  un  gage  de  sûreté :  des  exemples  de  réussite  existent  dans  le  voisinage.  Une  fois  la  rupture  initiale  amorcée, au niveau des techniques de production via une stratégie AC, AC_11 a conservé des liens  étroits avec le régime, notamment à travers des implications syndicales au sein de la FDSEA 77 (cf.  frise AC_11). La rupture agro­écologique initiale n’a pas abouti, à l’inverse de Bio_2 et Bio_4, à une  remise en question profonde du régime socio­technique : les techniques de production alternatives  sont jugées intéressantes et pertinentes, mais les mêmes encadrements sont globalement conservés.  Dans les faits, des conseils techniques issus des niches d’innovation sont aussi reprises, montrant là  encore une hybridation régime­niche :  

« Depuis  6  ans,  on  est  entré  dans  un  club  TCS,  et  avant  on  était  déjà  dans  un  groupement  technique, via un ingénieur privé qui navigue sur le département. Puis on a rencontré des gens  spécialisés,  comme  [l’un  des  rédacteurs  de  la  revue  TCS]  que  vous  devez  connaître,  qui  ont  montré  l’intérêt  de  l’agriculture  de  conservation.  Ces  groupes­là  sont  vraiment  importants.  Avant, y’avait déjà des groupes créés par les chambres d’agriculture, y’a 30 ans de ça. Puis les  chambres  ont  arrêté  l’activité  de  conseil,  mais  les  groupes  ont  résisté, avec  un  appui  privé.  Dans la Seine­et­Marne, y’en n’a quand même pas mal. Parce que ce qu’il faut voir, c’est que  l’amélioration technique vient du terrain, du bas quoi, pas du haut. » (Entretien AC_11)    C’est bel et bien une rupture agro­écologique qui marque le choix initial de l’AC, mais par la  suite c’est une adaptation entre encadrement technique du régime et des niches qui se met en place.  D’un côté, AC_11 s’inscrit pleinement dans le régime, par son rôle au sein de la coopérative et ses  fonctions d’élue de la Chambre d’Agriculture 77. De l’autre, elle s’appuie sur des groupes de travaux  autonomes,  encadrés  par  des  techniciens  privés,  pour  faire  évoluer  son  exploitation  vers  une  meilleure intégration des piliers de l’AC. Et, par sa posture d’élue, elle participe à l’intégration de l’AC  au sein du régime ou, tout du moins, à la visibilité de cette niche d’innovation au sein d’un organisme  du régime, en en faisant la promotion au sein de la chambre d’agriculture et en amenant le sujet au  sein de la FDSEA 77. 

  Pour  AC_13,  c’est  peu  après  la  reprise  de  l’exploitation  familiale  que  la  rupture  a  eu  lieu.  Rencontrant  des  voisins  en  AC,  il  a  été  séduit  par  ces  techniques  et  a  alors  décidé  de  s’engager  pleinement dans cette démarche, tout en reprenant progressivement l’exploitation. S’inscrivant dans  la niche AC à plusieurs égards (échanges avec des agriculteurs en AC, abonnement à TCS), il franchira  le  cap  quatre  ans  après  ses  débuts.  En  2001,  les  premières  expériences  en  TCS  sont  testées  sur  l’exploitation. La rupture se confirme alors, avec un engagement syndical à la CR et la revente des 

outils de travail du sol. En 2006, l’ensemble de l’exploitation répond aux exigences des trois piliers de  l’AC. Il prend alors un cheminement alternatif au sein même de l’AC, en cherchant à combiner AC et  agriculture de précision, cette hybridation étant pour lui plus agro­écologique que l’AB. AC_13 porte  un regard très critique sur l’AB, n’y voyant pas une alternative réaliste pour les céréaliers français. La  rupture ne s’est donc pas faite à proprement parler par l’entrée dans la carrière, mais très peu de  temps  après  ses  débuts,  amenant  à  le  rapprocher  des  autres  profils  de  ce  groupe.  Par  ailleurs,  la  rupture a été rapide avec le régime, et presque complète à partir de 2013, AC_13 n’ayant plus de lien  avec les techniques d’encadrement du régime depuis 2001 et appartenant à une petite coopérative,  indépendante. 

  Bio_4,  Bio_2,  AC_11  et  AC_13  marquent  une  rupture  agro­écologique  dès  leur  entrée  (ou  très peu de temps après) dans le métier d’agriculture. Ils ont choisi, dès l’installation, des techniques  de production alternatives et s’inscrivent dans des stratégies agro­écologiques. Mais de cette même  rupture d’entrée, différentes orientations suivent : Bio_4 a poussé le plus loin possible le système AB,  Bio_2 cherche l’hybridation technique et AC_11 fait le pont entre une niche d’innovation (l’AC) et le  régime socio­technique dominant, tandis qu’AC_13 ouvre une nouvelle voie entre AC et agriculture  de précision. Ces quatre cas ne dessinent donc pas de trajectoire totalement commune : la rupture  d’entrée agit comme un déclencheur qui impulse une démarche agro­écologique mais qui laisse libre  cours, une fois lancée, aux quatre trajectoires présentées dans le chapitre 2.2.  La rupture choc : l’accident comme stimulus      La rupture peut aussi faire suite à un évènement douloureux, à un choc. Dans ce genre de  situation,  l’exploitation  est  conduite  de  façon  conventionnelle  jusqu’à  l’accident  ou  l’incident  qui  amène à se questionner en profondeur sur le métier et la façon de travailler.  

  C’est le cas de Bio_5 (cf. frise Bio_5) : de 1997 à 2001, l’exploitation suit un modèle classique  de grandes cultures franciliennes. Les agricultures alternatives n’existent pas dans le référentiel, ne  sont ni questionnées ni observées. Pendant ces 4 années, il n’y a aucune remise en cause du régime  et de ces techniques d’encadrement et de production. En 2001, un accident sur l’exploitation, suite à  la  manipulation  de  produits  phytosanitaires,  a  de  lourdes  conséquences  physiques  pour  Bio_5.  Le  déclic est radical, et en quelques semaines Bio_5 se sépare des conseillers des coopératives et rejette  la  faute  de  son  accident  sur  les  organismes  du  régime  (la  chambre,  les  instituts  techniques,  les  coopératives  et  les  industriels).  Si  la  rupture  avec  le  régime  est  brutale,  le  cheminement  pour  en  sortir  se  fait  sur  un  temps  plus  long.  Suite  à  cet  accident,  Bio_5  fait  face  à  une  série  de  questionnements, cherchant une réponse satisfaisante à la sortie du régime. De 2001 à 2009, Bio_5 a  continué  à  travailler  de  façon  conventionnelle,  tout  en  cherchant  à  limiter  le  contact  avec  les 

2ème partie 

produits  phytosanitaires  et  en  s’intéressant  à  l’AB,  perçue  comme  une  alternative  fiable  car  bien  organisée et surtout financièrement aidée pour la conversion et valorisée à la vente de la production.  Durant cette période, une partie de la production de légumes de plein champ est vendue en direct, à  la ferme et sur certains marchés. Lors des échanges avec les clients, ceux­ci demandent de plus en  plus expressément des produits labellisés AB. C’est donc au bout de 7 ans que Bio_5 a franchi le pas,  timidement, de l’AB en convertissant une partie de ses parcelles, celles de légumes de plein champ. A  partir de ce moment, une fois lancé dans la stratégie AB, tout va s’accélérer puisque quatre ans plus  tard, en 2013, il monte avec neuf autres agriculteurs une AMAP, convaincu par plusieurs années de  vente en direct de l’intérêt de cette démarche. Ce sont finalement les circuits­courts qui séduisent le  plus Bio_5, qui développe ainsi un partenariat avec plusieurs écoles locales pour écouler une autre  partie  de  sa  production.  Convaincu  de  l’intérêt  de  communiquer  entre  consommateurs  et  producteurs, et surtout de l’obligation morale de fournir des aliments de qualité et peu traités voire  bio  aux  enfants,  c’est  dans  cette  dimension  qu’il  puise  sa  motivation  et  retrouve  un  goût  à  son  travail.  Toutefois,  au  moment  de  l’entretien,  la  conversion  complète  de  l’exploitation  n’était  pas  envisagée, le risque financier étant jugé trop grand dans un contexte économique tendu. Le cas de  Bio_5  montre  une  rupture  ayant  des  conséquences  sur  un  temps  plus  long  que  les  ruptures  d’entrée :  le  rejet  du  régime  est  immédiat,  mais  les  techniques  de  production  sont  partiellement  conservées jusqu’à maintenant. 

  La situation est différente pour AC_7 (cf. frise AC_7). Ce n’est pas lui en personne, mais ses  parents  qui  sont  touchés  par  une  maladie  qui  serait  liée  à  la  manipulation  des  produits  phytosanitaires. Le doute initial sur la dangerosité des produits est confirmé par les mesures liées à la  PAC de 1992, qui sous­entend que l’utilisation trop forte de certains produits serait nocive pour la  santé humaine. Dès lors, une démarche de réduction de l’utilisation des produits est engagée avec un  technicien privé, démarche intimement liée à la réduction du travail du sol. Alors qu’AC_7 a suivi une