les uns ont surtout pour but de remédier à l’indu-rationdes parois
du
trajet; les autres tendent plus spécialement à barrerle passageaux
matières ster-corales. Jeveuxdire quelques mots des principaux d’entre eux.Méthode par avivement. L’idée de fermer l’ouver-ture abdominale par
une
simple suture des paroisdu
trajet, préalablement avivées, remonte à Lecat.Plusieurs essais furent tentés par Bruns, par Lio-tard, par Blandin, mais infructueusement; Judey
et
Malcom
obtinrent cependant, paraît-il, chacunun
succès.64
—
On
s’aperçut bientôt qu’un simple avivementétait le plus souventinsuffisant. Ilfallut tailler plus largement , ce qui produisit une perte de sub-stance qu’on dut songer à combler: de là, la né-cessité d’avoir recours à l’autoplastie. Velpeau mit en
honneur
ce procédé, après lui avoirdû un
cas très-complet deguérison. Ilrecommande,
préféra-blement àl’autoplastieàlambeaux, d’exciser les pa-roisdu
trajet obliquement, de dehors en dedans, jusqu’aupéritoine. Puis il pratiqueune
large inci-sion àquelque distance de l’anus etde chaque côté;les téguments se trouvent ainsi relâchés , et les lèvres de l’anus peuvent facilement être affrontées.
Dans
cetteméthode, il est tenu peucompte, on le voit, de la nécessité de confiner les matières ster-corales dans l’intestin. Si elle obtient cependant de temps en temps quelquessuccès, on peutfacilement l’expliquer.Quand
l’induration est profonde, etqu’on est obligé d’exciser largement les parois
du
trajet, c’estque l’anusexiste depuis longtemps. Par conséquent, l’intestin a déjà opéré
un
retrait plus ou moins considérable, l’infundibulum est déjàal-longé et rétréci, en
un mot
l’anusmarche
vers laguérison spontanée; les fèces coulent fort peu au dehors, et l’obstacle réel à la cicatrisation est
de-venu
l’induration des tissus. Dans les cas heureuxl’occlusion est donc possible.
Méthode par sutures doubles.
— Chacun
des pro-cédés dont on s’est servi, serecommande du nom
—
65d’un chirurgien éminent de notre époque. Aussi, je sens que je n’ai pas
une
autorité assez fondée pour en faire la critique. Pourtant, usantdu
droit de libre examen, je ferai à leur sujet les observa-tions quime
paraissent judicieuses.Malgaigne.—Malgaigne, partant de cetteidéeque
la
muqueuse
de l’infundibulum favorisesingulière-ment
le glissement des matières stercorales dans le trajet anal, se propose de replier cettemuqueuse
sur elle-même pour changerla direction des fèces.Il dissèque les adhérences de l’intestin à la paroi abdominale. Ilobtient ainsi
un
lambeaucirculaire, sur les bords duquel il applique la suture en piqué de Gely. Puis il avive les paroisdu
trajet et les af-fronte par la suture entortillée ou la sutureenche-villée.
Là, ce qu’il importeenréalité de considérer,c’est la conséquence qu’on peutattendrede la superposi-tion de
deux
sutures. L’uneest profonde, dansun
poste avancé, en quelque sorte; elle arrête au moins temporairement les matières intestinales qui tendent à s’engager dans le trajet. L’autre, abritée derrière la première, échappe dans cet espace de temps au contact des matières, et si ce temps aété assez bien mis à profit pour que l’adhésion des
deux
parois soit solide, la guérison doit être as-surée. Espérer,comme
Malgaigne, qu’une cicatrisa-tion rapide seferaégalement auniveau de la suture profonde, entre la surfaceexterne desparoisintes-—
66—
tinales adossées à elles-mêmes , c’est toujours le
même
point de vue ; maisc’est bien ambitieux; etil est probable que les faits eonfirmeraient
rare-ment
cette espérance. Lesparois disséquées de l’in-testin ne sont pasen effet dans les conditions d’une bien riche vitalité, et la réunion parpremière in-tention est fortproblématique; dès lors, s’il se pro-duit de la suppuration, il y a grande chance pour que les points de suture se relâchent ou se dépla-cent et que les matières stercorales réussissent à s’insinuer dans les interstices.
Du
reste, je le ré-pète, il ne semble pas nécessaire que la cicatrisa-tion se fasse au niveau de lasuture profonde, pour que la suture cutanée réussisse. Il suffît seulement que la première joue bien son rôle de suture d’at-tente.L’objection sérieuse à faire à ce procédé, c’est qu’il est dangereux.
On
compte, en effet, sur des adhérences étendues,etsicettedisp<isition,que rien ne peut permettred’affirmer d’avance, vient àman-quer, ce n’est pas simplement le succès de l’opé-ration qui est compromis, c’est la vie
même du
malade.M.
Denonvilliers.—
M. Denonvilliers, en cher-chant à disséquer le goulotjusqu’au péritoine ex-clusivement, décollalamuqueuse
de la musculeuse dansune
certaine étendue.Dans
ce cas parti-culier,comme
cela se voit quelquefois, lamuscu-leuse était très-hypertrophiée etne tenait plus à la
—
67—
muqueuse
que par des adhérences très-lâches.On
eutune
bonne
longueur de cettemuqueuse
qu’on put replier sur elle-même par la suture de Gely.La
suture profonde oud’attente fut ainsi réalisée.Moins encore que le précédent, ce procédé peut être érigé en principe.
On
ne peut pas, en effet,fonder une
manœuvre,
qui est la base de toute l’opération, surune
disposition anatomique aléa-toire.Avec les
deux
procédés précédents , on peut encore se contenter, à moins d’induration trop épaisse, d’aviver et d’affronter simplement, pourétablir lasuture cutanée.
Dans
les suivants, il faut,en outre, après l’occlusion profonde, recourirà des délabrements autoplastiques plus ou moins consi-dérables.
M.
Nèlaton.—
L'opération de M. Nélaton com-prend trois temps : 1° une incision est pratiquée à 0,01 centimètre de distance de l’ouverture tégu-mentaire; elleestcontinuée enprofondeurjusqu’au péritoine exclusivement, etdonne un
ruban circu-lairede peau et de muscles; 2° le ruban épais est renversé de dehors en dedans aumoyen
de la su-ture de Gély,comme
on avait procédé pour lamuqueuse
dans l’opération de M. Denonvilliers;3° on recouvretoutes essurfacessaignantes avecles
téguments voisins.
Pour
cela, il faut disséquerlar-gement
la peau et la couche sous-cutanée etl’atti-rer jusqu’à affrontement.
Pour
peu quela première—
68-incision ait
une
certaine étendue, on nepeutgalère se dispenser de pratiquer, en outre, les incisions latérales de Velpeau.On
voit, par cette simple description, que, dans ceprocédé, le bistouri fonctionne largement, etqueles tissus sont entamés dans
une
vaste étendue.Mais il est difficile, à lalecture, de sefaire
une
idée exacte des difficultésdu manuel
opératoire pour la confection de la suture de Gély. Rien n’est plus facile que d’adosserdeux membranes
minces en repliant leurs bords. Mais,quand
cesmembranes
sont représentées par d’épais
lambeaux
de tissus hétérogènes,quand
ceslambeaux
ne sontlibresetmobiles que dans une étendue très-limitée, que l’espace qui les sépareest souvent moins largeque chacun d’eux, les difficultés prennent des propor-tions inquiétantes, etsouvent lebutnepeutpas être atteint. Quelque adresse que l’on emploie, on ne peut parfois jamais replier exactement en dedans
les bords de l’ouverture, et la suture reste incom-plètement achevée. Alors, pour arriver à l’occlu-sion voulue, on ajoute séparément des fils; on en ajouteun, deux, parfoistrois, au hasard de l’impro-visation. Et après cette première opération labo-rieuse, qui a pris déjà de longs
moments,
il reste encore à tailler, à disséquer et à coudre leslam-beaux
autoplastiquesdonton recouvriralapremière suture!Au
prixdecessacrifices pénibles,non
pourle chi-rurgien, mais pour le patient, achète-t-onfréquem-69
—
ment
au moins la guérison?Dans
le cas deM.
Né-laton, bien choisi, habilement opéré, il subsiste
une
fistule stercorale, qui
met
ensuiteun
certain temps pour se guérir.Le
résultat est souvent moins favo-rable encore; surdeux
cas, dans l’un,j’aivu
l’ori-fice garder à peu près ses dimensions premières;dans l’autre, il est resté
une
fistule rebelle qui a né-cessité encoreun
longtraitement.Il faut ajouter aussi que ce procédé n’est guère applicable qu’aux anus de petite dimension; sans quoi les
lambeaux
autoplastiques atteindraient des dimensions effrayantes.M.
Gosselin.— M.
Gosselin a publié trois obser-vations dans lesquelles il mit en usageun
procédé qui lui fut suggéré par la disposition des parties malades elles-mêmes.Là
il y avaitune
complica-tion :un
renversement de 1intestin, peu considé-rable, mais irréductible. Voici
comment
il rend comptedu manuel
opératoire : «1° Ablation de lamuqueuse
sur toute la partie renversée de l’in-testin; 2° Incision circulaire de la peau à 1-centi-mètre et
demi du
contour de l'ouverture, et abla-tion de toutelapeau comprise entre cette ouvertureet l’incision; 3° Les surfaces avivées de la paroi abdominale sont infléchies l’une vers l’autre, d’un côté à l’autre, etmaintenues par
un
aide.La
dispo-sition donnée ainsiaux
surfaces avivées est telleque les parties saignantes accolées forment en réa-lité
deux
plans,un
superficiel, au niveau duquel la1870. *. Goyard. 9
—
70paroi abdominale est en contact avec elle
-même, un
autre profond , au niveau duquel le contact a lieu entre cettemême
partie et l’intestin dépouillé de sa muqueuse. Cinq pointsde suture enchevillée sont alors placés; j’ai soin de neleur faire traverser que la paroi abdominale, oumieux
le plan superfi-cielde la plaie. J’avais songé à passerun
oudeux
demes
filsà travers l’intestin renversé pourassurer son adhésion avec les téguments; mais j’ai craint,
en agissant ainsi, de traverser le péritoine et d’ex-poser le malade à
une
péritonite; 4° Incisions laté-rales de6 à 7 centimètres, tracées àdeux
travers de doigtde lasuture. »C’est làencore
une
réunion par double occlusion, l’accolement entre les surfaces abdominales et l’in-testin avivé , représentant un premier obstacle à l’écoulement des matières. Toutefois cette occlusion profonde est imparfaite, aussi le malade ne guérit qu’incomplétement; il conservedeux
fistules, dont l’une disparaît quinze jours; et l’autre deux mois après.Dans un
second cas, chezune femme,
ce procédé d’autoplastie échoua.La
guérison fut obtenue parune
seconde opération, où l’autoplastie à lambeaufut substituée à l’autoplaslie par inflexion.
Dans
le troisième cas, à la suite de l’opération,un
érysipèle se déclara etemporta le malade.Dans
ces cas, M. Gosselin a su tirerpartihabile-ment
d’une disposition anatomique anormale etpathologique. Leprocédéne peut doncêtre
généra-—
71—
lisé. Toutefois, il estutile de remarquer que cet in-testin renversé a été
un
obstacle au passage des matières slercorales et ajouéun
rôle utile dans la réussite de la cicatrisation cutanée.Reybard.
—
Voicicomment
Reybard opéraun
anus contre nature surun
maladedu
service de Velpeau : Il mit d’abord à profit l’exubérance de lamuqueuse
qui fut attirée au dehors, et serréedans uneforte ligature. Puis la peau fut disséquée tout autour de l’orifice, dans unelargeur de 3 centimè-tres à peu près, et il se disposa à appliquer sa su-ture spéciale. Pourceladeux
petites attelles métal-liques, rembourées d’agaric,etrecouvertes de taffe-tas, étant préparées, toutesdeux
percées dedeux
rangées de trousparallèles etvoisinsde leurs bords, trous à travers lesquels étaient passées des anses defilarméesd’aiguilles àchacune deleurs extrémi-tés (une seule desdeux attellesdoit être armée) ; lesbords disséquésfurentaffrontés de
champ
et main-tenus dans cette position parune
double suture, l’une profonde, l’autre superficielle, correspondant àchacune des rangées de trous,marquant
les ou-vertures d’entrée et de sortie des aiguilles àtravers chaque petite attelle,lesquelles soutenaient et com-primaient légèrement leslambeaux
cutanés.Les matières stercorales nese montrèrent pas au niveau de la suture cutanée. Mais il yeut au-des-sous de la peaudisséquée, des épanchements san-guins,
une
suppuration abondante, desdécolle-—
72ments étendus.
On
futobligé de pratiquer des con-tre-ouvertures, et celles-ci devinrent plus tard des trajets fistuleux.Tous ces procédés
me
paraissent présenter deux graves inconvénients : le premier, c’est de ne pas opposer au passage des matières stercorales une barrière assez infranchissable; le second, de néces-siter des délabrements trop étendus.
Aucune
des sutures profondes de ces divers pro-cédés, si ce n’est peut-être la ligature de la mu-queuse par Reybard, ne réussit parfaitement à arrêter les fèces.En
effet, les tissus profondément sectionnés, et dans de mauvaises conditions de vi-talité, n’arrivent jamais à se réunir par première intention dans toute la surface de la plaie; il se produit toujoursuneinflammation suppurativeplus ou moins étendue, quelquefoisdu
pus en grande abondance. Sous cette influence, la suture pro-fonde devient insuffisante: en admettantmême
queles tissus gonflés ne soient pas sectionnés par les fils, ceux-ci peuvent servirdeconducteurs aux
ma-tières intestinales et leur faire franchir l’obstacle.
Quant
à l’espèce de suture en bourse que Reybard pratique sur la muqueuse, elle clôt l’infundibulum aussi complètement que possible. Seulement, pour qu’on puisse procéderainsi, ilfautque lamuqueuse
intestinale fasse suffisamment hernie dans le trajet anal; or, cette disposition est loin d’être constante.