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D- La marge nord ligure

3. La séquence sismique du 23 février 1887

C’est l’événement connu le plus important qui secoua la région. Il fit plus de 600 morts et 2000 blessés et généra de nombreuses destructions sur l’ensemble du littoral et de l’arrière-pays d’Imperia à Menton (Figure I-11 ; Capponi et al., 1980 ; Ferrari, 1991). Un tsunami avec un run-up de 2 m fut aussi enregistré quelques instants après et il est considéré comme un effet induit (Eva et Rabinovich, 1997).

Données italiennes Données françaises

Localisation 43,75°N-8,10°E 43,70°N-7,85°E

Magnitude équivalente 6,6 7,1

Tableau II-1 : Localisation et magnitude équivalente de la séquence sismique de 1887 en mer ligure déterminée avec la loi d’atténuation de Bakun et Scotti (2006), d’après Charlier (2007).

L’événement de 1887 correspond en réalité à une séquence de trois séismes : le choc principal se produisit à 5:21:50 GMT, il fut suivi par deux très fortes répliques à 5:29:00 GMT et à 7:51:00 GMT (Boschi et al., 1995). L’intensité épicentrale donnée par SISFRANCE est IX MSK (Figure II-51). Les

Figure II-51 : Carte des intensités épicentrales pour l’événement de 1887 (d’après la base de données SISFRANCE,

http://www.sisfrance.net).

caractéristiques de la source sont bien sur mal connues : (i) Eva et Rabinovtch (1997) ont proposé une cinématique en faille normale mais cette proposition est peu argumentée et (ii) Charlier (2007) a calculé deux magnitudes équivalentes suivant la méthode proposée par Bakun et Scotti (2006), en supposant un hypocentre à 12 km et en utilisant séparément les données françaises et les données italiennes (Tableau II-1).

Figure II-52 : Détermination du couple magnitude-localisation pour la séquence sismique de 1887 en mer Ligure pour un hypocentre situé à 12 km. Les ronds de couleurs correspondent aux valeurs d’intensité observées et les cercles verts à la localisation de l’épicentre la plus probable. A, A partir des données historiques françaises ; B, à partir des données historiques italiennes (d’après Charlier, 2007).

La magnitude équivalente serait donc comprise entre 6,6 et 7,1. Cependant cette magnitude est estimée à partir du cumul des dégâts observés à la suite des trois chocs, elle est donc probablement

surévaluée sans qu’on puisse donner plus de précision. La localisation de l’épicentre est clairement en mer, à quelques kilomètres de la côte, juste à l’ouest du promontoire d’Imperia (Figure II-52 et Figure II-54).

Dans le cadre de stage de M2 de Sabine Charlier (Charlier, 2007), nous avons tenté de retrouver les caractéristiques de la source (localisation, magnitude, mécanisme) du choc principal en utilisant les données du tsunami et en supposant qu’il en soit la cause. Une vingtaine de minutes après le choc principal (5:21:50 GMT) de nombreux témoignages ont rapporté des mouvements d’eaux sur le littoral et ceux-ci ont été enregistrés par les marégraphes de Gênes et de Nice. La cartographie de ces mouvements permet de montrer qu’un tsunami d’importance régional, avec des runup de 2 m au maximum, s’est produit mais qu’il n’a pas été généralisé à l’ensemble de la Méditerranée occidentale (Figure II-53). Les indices se situent

essentiellement sur le littoral nord, ce qui est cohérent avec un épicentre proche de la côte franco-italienne.

Figure II-53 : Cartographie des runup observés après la séquence sismique de 1887 (d’après Charlier, 2007).

La simulation du tsunami a été réalisée avec Mansour Ioualalen en testant plusieurs scénarii (des glissements sous-marins et différentes sources sismiques) afin de reproduire le déclenchement, la propagation et l’inondation du tsunami du 23 février 1887 (Charlier, 2007) :

¾ Dans les premiers scénarii, on considère que, quelle que soit son influence sur le mouvement du fond marin, le séisme est à l’origine d’un glissement sous-marin et on cherche à tester si le volume déplacé par le glissement est suffisant pour générer le tsunami observé. Les deux glissements pris comme référence sont ceux qui ont été repérés dans la zone épicentrale (Figure II-42B). Les tests ont été réalisés en faisant glisser les volumes de chacun des glissements séparément et en les combinant. Dans les simulations réalisées, ni la séquence, ni la période, ni l’amplitude des vagues observées n’ont pu être reproduites. On peut donc exclure une source purement gravitaire comme origine du tsunami de 1887. ¾ Pour les scénarii sismiques, les tests imposent une combinaison de la localisation de l’épicentre et de

l’hypocentre, de la direction et du pendage de la faille, de la longueur de la faille, de la direction et de l’amplitude du déplacement sur la faille. Quinze simulations ont été réalisées mais pour l’instant il n’est pas possible de conclure. Différents scénarii, fondés sur un mouvement en faille inverse ou un

mouvement en faille normale, produisent des résultats cohérents avec les observations mais ce travail doit être considéré comme préliminaire. Les éléments communs qui ressortent sont un hypocentre situé à au moins 10 km de profondeur, une faille d’au moins 45 km de longueur orientée parallèlement à la côte et le soulèvement ou la subsidence d’un bloc d’au moins 10 km de largeur. Les conclusions du rapport (Charlier, 2007) doivent être étudiées avec circonspection et faire l’objet d’une validation par un travail ultérieur (Mansour Ioualalen, com. pers.).

Tous les séismes de magnitude ~6,5 ne produisent pas nécessairement des ruptures en surface même si leur foyer est crustal (e.g. Triep et al., 1995 ; Arjannikova et al., 2004 ; Toda, 2007). Néanmoins, la profondeur de 12 km proposée pour le séisme de 1887 est assez superficielle pour que des traces de rupture

en surface soient recherchées. L’analyse préliminaire des données de la campagne MALSAR n’a pas permis de mettre en évidence des structures indiscutablement produites par cet événement. Mais les structures que j’ai décrites précédemment, la faille Marcel et les failles limitant le promontoire d’Imperia, constituent un ensemble de failles en échelon dont j’ai montré que certains segments ont été activés récemment. La

direction de ces segments ainsi que leur longueur totale (>80 km) sont cohérentes avec un événement tel que celui de 1887 si plusieurs de ces segments sont activés conjointement (Figure II-54). La position des

épicentres proposés impose à ce faisceau de failles un pendage raide vers le nord. Concernant la géométrie en profondeur, on peut envisager soit le branchement de ces failles sur une structure telle que la zone de chevauchement ligure (Figure II-11) avec un pendage vers le nord, soit un système de failles qui reste indépendant et conserve un fort pendage en s’amortissant en profondeur. Suivant ces observations

structurales, la cinématique la plus probable lors de l’événement de 1887 serait un mouvement inverse avec sans doute une composante décrochante. Cette proposition est en contradiction avec l’hypothèse de Eva et

Figure II-54 : Bathymétrie EM 300 de la campagne MALISAR 1. Le faisceau de failles obliques à la marge est surligné en rouge. Les symboles rose et jaune correspondent aux épicentres possibles du séisme de 1887 déterminés par Charlier (2007), à partir des données françaises et italiennes respectivement.

Rabinovich (1997) mais elle prend en compte les structures connues et leur activation possible dans le champ de contrainte actuel (Madeddu et al., 1996 ; Baroux et al., 2001).

Au stade actuel il n’est pas possible de conclure si un ou plusieurs segments des failles repérées a été activé ou non durant l’événement de 1887. Le travail d’analyse des données structurales est en cours dans le cadre de la thèse de Virginie Hassoun avec comme objectif de dater les glissements sous-marins et

d’analyser leurs relations possibles avec les séismes qui ont secoués la marge nord ligure (Hassoun, 2008). Le point essentiel de l’analyse actuelle est la mise en évidence de ce faisceau de faille oblique à la marge. Son activité récente et sa longueur en font l’une des sources potentiellement actives majeures à l’échelle de la région. Dans le champ de contrainte actuel, l’activation de l’ensemble de ces structures en faille inverse-décrochante est susceptible de produire un événement de magnitude bien supérieure à celui de 1887. Le choix de la faille Marcel comme source potentielle pour les modélisations des mouvements du sol du projet QSHA (http://qsha.unice.fr/WEB_WP2/index_Failles.php) est donc à priori une hypothèse basse.