CHAPITRE II : LE DEVELOPPEMENT TARDIF DES LYMPHOCYTES T 51
II. La sélection négative au sein de la médulla 56
Figure 14 : Différenciation des cellules doubles positives en simples positives CD4 ou CD8
Au sein du cortex thymique, la reconnaissance d’un complexe pCMH par le TCR conduit à la sélection positive si le signal est modéré. Cette reconnaissance conduit à la diminution d’expression de CD8 et d’expression du récepteur de l’IL-7. Si le signal est persistant, alors les cellules expriment GATA-3 et TOX qui activent l’expression de ThPOK, qui entraine l’expression de gènes spécifiques à la différenciation des CD4 SP. Dans le cas contraire, si le signal TCR est interrompu, le signal IL-7 conduit à l’expression de Runx3 qui réprime l’expression de ThPOK et induit l’expression de gènes pour la différenciation en CD8 SP. Adapté de « CD8+ thymocyte differentiation: T cell two-step » par Gascoigne 2010)
II. La sélection négative au sein de la médulla
La signalisation induite par la sélection positive, conduit à l’expression de CCR7 qui entraîne le chimiotactisme des cellules vers la médulla dont les cellules épithéliales thymiques médullaires (mTEC) sécrètent CCL21 et CCL19 (314-317) (Fig. 15). Au sein de cette région, les mTEC présentent à leur surface des CMH associés à un panel de peptides du soi, appelés TRA, représentatifs des tissus de l’organisme. Cette expression est possible grâce aux facteurs de transcription spécifiques Aire et Fezf2 (318, 319). Les mTEC sont essentielles au développement des LT. De manière intéressante, les LT auto-réactifs régulent l’activité et le développement des mTEC. La forte affinité des TCR pour les complexes pCMH sur les mTEC entrainent des voies de signalisation bilatérales pouvant conduire à l’apoptose des LT et à la maturation des mTEC qui favorisent ce processus (320).
Figure 15 : Migration des cellules et évènements de sélection au sein du thymus
Les TSP entrent au sein du thymus sous forme ETP/DN1 par la jonction cortico-médullaire puis progressent vers le stade DN2 et DN3 jusqu’atteindre la zone sub-capsullaire. Dans cette zone se déroule la -sélection et les thymocytes prolifèrent. La différenciation en DN4 et ISP s’accompagne de l’expression des récepteurs aux chimiokines CCR9 et CXCR4 leur permettant de rejoindre le cortex thymique sécrétant le CCL25 et CXCL12. Au sein du cortex thymique se déroule la sélection positive permettant la survie des thymocytes ayant une affinité suffisante avec le complexe pCMH. La sélection positive permet la survie des cellules. Suite à la signalisation, ces dernières expriment CCR7 leur permettant de migrer vers la médulla sécrétant CCL21 et CCL19. Au sein de la médulla se déroule la sélection négative suite à l’expression par les mTEC de peptides du « soi » spécifiques des tissus de l’organisme. L’affinité trop forte des TCR pour le pCMH conduit à l’apoptose des cellules par le mécanisme de sélection négative. Suite à la sélection négative les cellules persistantes expriment SP1R leur permettant de rejoindre la circulation sanguine. Adapté de « Signal integration and crosstalk during thymocyte migration and emigration. » par Love et
Bhandoola 2015.
1. Expression des TRA (tissue-restricted antigens)
Les facteurs de transcription Aire et Fezf2 conduisent à l’expression de protéines exprimées par différents tissus de l’organisme. Suite à cette expression, les protéines seront dégradées et apprêtées au CMH des mTEC. La déficience en Aire chez l’Homme conduit au syndrome
polyendocrinopathie de type I (APS-1) aussi connu sous le nom APECED (auto-immune polyendocrinopathy-candidiasis–ectodermal-dystrophy/dysplasia) (321). Aire a été longuement étudié dans l’expression d’antigène du soi spécifique des tissus au sein de mTEC. Cependant, de nombreuses données suggèrent que Aire ne peut être le seul facteur de transcription conduisant à l’expression d’antigène du soi. En effet, alors qu’environ 20000 gènes sont exprimés par les mTEC, Aire ne contrôle l’expression que d’environ 4000 TRA (322). Fezf2 a été découvert comme étant un autre facteur de transcription impliqué dans l’expression et l’apprêtement d’antigènes du soi à la surface de mTEC. Tout comme la déficience en Aire, la perte de Fezf2 chez la souris, conduit à des symptômes auto-immuns (319).
Les mTEC sont essentielles à la tolérance centrale car elles expriment des TRA. Mais d’autres cellules présentatrices d’antigènes professionnelles entrent dans le thymus et jouent aussi un rôle dans ce processus. La déplétion des cellules dendritiques thymiques contribue au développement de réponses auto-immunes chez la souris. L’absence de cellules dendritiques au sein du thymus entraîne une augmentation du nombre de cellules CD4 SP montrant ainsi l’implication de ces cellules dans la sélection négative (323). Les cellules dendritiques peuvent conduire à la présentation de TRA provenant des mTEC par échange de matériels mais aussi à la présentation d’auto-antigènes non exprimés par les mTEC afin d’augmenter l’efficacité de la sélection négative. L’injection du peptide OVA issu de l’ovalbumine ou de cellules dendritiques chargées par ce peptide entraîne la sélection négative dans des souris exprimant le TCR OTII spécifique de ce peptide (324). L’entrée des cellules dendritiques et des macrophages au sein du thymus est régulée par les chimiokines CCL2 sécrétées par les mTEC. CCL2 est le ligand de CCR2 exprimé par les macrophages et les cellules dendritiques (325). Les mTEC peuvent sécréter CCL2 suite à la signalisation induite par leurs interactions avec les thymocytes. L’augmentation de macrophages et de cellules dendritiques au sein du thymus favorise l’augmentation de la sélection négative clonale et centrale conduisant à la diminution du nombre de DP et CD4 SP (326).
2. Régulation de la survie cellulaire par la force du signal
La reconnaissance des peptides du soi par les thymocytes entraîne des signaux intenses et brefs déclenchant l’apoptose des cellules par activation des caspases par Bim. La signalisation induite par la reconnaissance d’un pCMH conduit à l’expression de Nur77, Trail et Bim. La sélection négative est défectueuse en absence de Nur77 dans un modèle de souris transgéniques pour le TCR OTII croisées avec des souris exprimant le peptide OVA
dans la médulla thymique (327). Les souris déficientes en Nur77 exprimant un TCR OTI et le peptide OVA dans la médulla thymique entraîne le développement d’un diabète auto- immun (328). Le même résultat a été obtenu dans un modèle similaire déficient pour Bim (329). Le facteur de transcription NCor1 protège les cellules de la sélection négative en réprimant l’expression de Bim. L’activation de la caspase 3 est fortement augmentée dans les cellules SP de souris déficientes pour Ncor1 et s’accompagne d’une diminution du nombre de thymocytes CD4 SP et CD8 SP (330).
L’intensité de la signalisation au sein de la médulla peut aussi déterminer la capacité des CD4 SP à se différencier en Treg (331). La déficience en Aire ou Fezf2 conduit à la diminution
de Treg démontrant que la présentation des TRA et la signalisation des TCR résultant de la
reconnaissance de ces peptides contribuent à la différenciation de ces cellules lorsqu’elles n’induisent pas l’apoptose (319, 332). La force du signal favorise la formation d’un précurseur de Treg FoxP3- CD25+. La maturation de ce précurseur en Treg nécessite les cytokines IL-2 et
IL-15 exprimées par les cellules dendritiques et les mTEC respectivement. Ces cytokines entrainent l’activation de la voie Jak3-STAT5 favorisant l’expression de FoxP3 (333). Suite au processus de sélection négative dans la médulla, les thymocytes SP restants expriment le récepteur à Sphingosine-1-Phosphate (S1PR) leur permettant de rejoindre la circulation sanguine (334-336) (Fig. 15).