CHAPITRE III : LIS1, UNE MOLECULE INDISPENSABLE DANS LA VIE CELLULAIRE 67
I. Effets physiologiques associés à la perte ou au gain d’expression de Lis1 67
La variation d’expression de Lis1, qu’il s’agisse d’une perte ou d’un gain d’expression conduit à des effets neurologiques graves. Il s’agit, à ce jour, des conséquences physiologiques les plus décrites suite à un défaut d’expression de Lis1. En outre, la perte d’expression spontanée de Lis1 ou la présence de SNP au sein du gène pourraient aussi être à l’origine de développement tumoral.
1. Conséquences neurologiques
Les conséquences neurologiques associées à des défauts d’expression de Lis1 peuvent être dues à différents types de mutation. En effet, il peut s’agir d’une perte hétérozygote de Lis1 parce que le gène est tronqué ou excisé, d’un gain de fonction par dérégulation de son expression et enfin de mutations ponctuelles sur le gène pouvant affecter la structure et la fonction de la protéine résultante (354-358).
Les lissencéphalies et microcéphalies sont des maladies neurologiques graves se caractérisant par la mauvaise organisation du cortex cérébral au cours du développement neural. Elle touche 1 nouveau-né sur 100000 et il n’existe pas de traitement curatif. Les enfants naissant avec ces maladies ont une espérance de vie d’environ dix ans dans les cas les plus graves. Les patients atteints de lissencéphalies présentent une texture lisse du cerveau, sans sillons cérébraux (agyrie). Dans le cas de microcéphalies, les sillons sont présents mais réduits (pachygirie) (Fig. 18A). Le syndrome Miller-Dieker correspond à l’excision au niveau du locus 17p13.3 contenant le gène pafah1b1 (359) (Fig. 18B). D’autres formes de lissencéphalies, ou microcéphalies, peuvent être dues à des mutations ponctuelles conduisant soit à la perte d’expression de pafah1b1, soit à l’expression d’une protéine tronquée ou inactive (360) (Fig. 18C). D’autres formes de lissencéphalies, plus rares, sont dues à l’expression exacerbée de pafah1b1. La taille du cerveau de ces patients est considérablement diminuée suggérant que l’expression de ce gène doit être précisément régulée (357).
Cependant, le gène pafah1b1, n’est pas seul responsable des cas de lissencéphalies et microcéphalies. En effet, ces maladies peuvent survenir par excision ou mutation d’autres gènes spécifiques comme tubg1, dync1h1, kif5c et kif2a (361).
Figure 18 : Lis1 dans la lissencéphalie
(A) IRM de patients sains, atteints de microcéphalie et de lissencéphalie. Adapté de « New
insights into genotype–phenotype correlations for the doublecortin-related lissencephaly spectrum » par Bahi-Buisson et al., 2013. (B) Schématisation non à l’échelle du locus 17p13.3. Les gènes présentés ne représentent qu’une liste exhaustive. Adapté de Ensembl genome browser 92 (https://www.ensembl.org/). (C) Schématisation non à l’échelle du gène
pafah1b1 présentant quelques mutations retrouvées chez des patients atteints de
lissencéphalie ou microcéphalie. Adapté de « LIS1-related isolated lissencephaly: spectrum
of mutations and relationships with malformation severity » par Saillour et al., 2009
2. Développement tumoral
La perte d’hétérozygotie est une perte d’un locus ou d’une région de locus conduisant à la perte d’expression des gènes présents dans ce locus. Ce phénomène est retrouvé dans de nombreuses formes de cancer. La perte d’hétérozygotie au niveau du locus 17p13.3 est récurrente (362) et a été détectée dans des cas de leucémie, cancers du sein, cancers des ovaires (363), tumeurs astrocytaires (364). Le rôle exact de cette perte de locus dans le développement des cancers n’a pas été étudié en détail. L’analyse de médulloblastomes résultants de cette perte d’hétérozygotie ne conduit pas à la perte d’expression de Lis1 (365). Cependant, dans le cas du carcinome hépatique, elle s’accompagne de la diminution d’expression de Lis1. La transfection de sh-ARNm dirigé contre le transcrit Lis1, dans une lignée de cellules hépatiques conduit à des développements de colonies tumorales in vitro.
L’injection à des souris de cellules traitées par ce sh-ARNm entraine le développement de tumeur hépatique, suggérant que la perte hétérozygote de Lis1 peut conduire au développement tumoral (366). En revanche, la surexpression de Lis1 dans ces lignées tumorales ne conduit pas au développement de tumeurs chez la souris.
Une étude a aussi révélé la présence de SNP dans le gène pafah1b1 retrouvés chez de nombreux patients présentant des leucémies myéloïdes. Il n’y a aucune donnée vérifiant que le développement tumoral chez ces patients résulte d’une variation d’expression de Lis1 ou d’un problème fonctionnel lié à cette protéine (367).
3. Conséquences immunitaires de la perte d’expression de Lis1
Les conséquences immunitaires de la déficience en Lis1 n’ont jamais été rapportées à ce jour. Cependant, il existe un cas de patient pour lequel la lissencéphalie s’accompagne d’une diminution des LT CD4+ et CD8+. L’analyse étant faite en 1989, il s’agissait du phénotype de
la lissencéphalie sans certitude que Lis1 soit affectée chez ce patient, ou même que ce défaut ne soit dû qu’à un seul gène (368).
II. Fonctions moléculaires
Lis1 est exprimée par le gène pafah1b1 localisé sur le chromosome 17 chez l’homme et sur le chromosome 11 chez la souris. La protéine Lis1, d’une taille de 47KDa, est constituée d’un domaine de dimérisation N-terminal LisH et d’une région de 7 domaines WD40 formant une structure tridimensionnelle en hélice . Lis1 agit sous forme homodimère justifiant l’importance du domaine LisH pour ses fonctions (Fig. 19). Des expériences de compétition démontrent que la surexpression de la région N-terminale de la protéine affecte la croissance des colonies d’Aspergillus nidulans (369). Par ailleurs, la délétion du domaine LisH chez la souris affecte le développement neural. L’absence de dimérisation ne permet plus l’interaction de Lis1 avec la dynéine ou le complexe PAFAH-1B (370). L’expression d’un dimère artificiel de Lis1 dépourvu du domaine LisH (GST-LisH) restaure la capacité de Lis1 à réguler la dynéine (371). L’hélice formée par les 7 domaines WD40, permet l’association de Lis1 avec ses partenaires (Fig. 19C). L’analyse structurale par cristallographie du complexe PAFAH-1B, démontre que des interactions ioniques sont engagées entre cette région et les autres sous unités de ce complexe (372). Certains patients atteints de lissencéphalies, présentent des mutations ponctuelles dans leur génome conduisant à la substitution d’un résidu chargé par un résidu neutre. L’analyse de ces mutations dans des