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Partie II : Application en couches minces déposées par pulvérisation

IV- Réalisation de couches minces par pulvérisation de solutions colloïdales de nanoparticules de

IV.1. b Séchage de gouttes

Afin d’optimiser la technique de dépôt par spray, il s’est avéré pertinent de s’intéresser à la dynamique de séchage de gouttes. Assez rapidement, nous avons été confrontés à l’effet de la tâche de café. Ce phénomène empêche un dépôt homogène du soluté au cours du séchage d’une solution. Par conséquent, les couches déposées par pulvérisation seront inhomogènes. Cet aspect est assez bien documenté dans la littérature. Il sera résumé ci-dessous.

Effet tache de café : découverte

Ce qui est appelé l’effet tache de café est, par analogie, la forme que prend le dépôt de soluté après séchage d’une goutte de solution. Celui-ci a été découvert et étudié par Deegan et al. en 1997.78 Plusieurs exemples des résultats de ce processus sont indiqués en Figure 73.

Figure 73 : Mise en évidence de l'effet tache de café par Deegan et al. pour des solutions de café (a), de microbilles de polystyrène (b) et pour une solution saline (c). La barre d’échelle mesure environ 1 cm.79

Au cours de leur étude, ils se sont aperçus que des anneaux se formaient durant le séchage de différentes solutions. Une pléthore de substrats (métallique, verre, céramique…), de solvants (aqueux et organiques), de taille de solutés (moléculaire ou microniques) et de tailles de gouttes (1 mm à 15 cm) a été utilisée. De façon systématique, l’effet tache de café est présent au cours de ces séchages. De plus, les conditions de pression, d’humidité, de température, ni même la gravité ne semblent jouer de rôle…

Au cours du séchage de gouttes de solution, un effet incongru se manifeste. Celui-ci impose une organisation en forme d’anneau du soluté après dépôt d’une goutte et évaporation du solvant. Pour notre application en couches, il est clair que ces dépôts inhomogènes ne sont pas favorables. Cet effet « tache de café » semble ne pas dépendre des conditions de séchage, ni du solvant, ni du soluté. Il est donc nécessaire de comprendre ce phénomène afin de pouvoir le maîtriser.

78

R. Deegan, O. Bakajin, T. F. Dupont, G. Huber, S. R. Nagel, T. A. Witten Nature 389, 827 (1997)

Effet tache de café : explication du phénomène

Afin d’expliquer ce phénomène, il suffit d’étudier l’évaporation du solvant au sein d’une goutte. Pour commencer, un cas idéal est considéré. Un schéma de coupe d’une goutte idéale de solvant pur est dessiné sur la Figure 74. La forme de la goutte est dictée par la tension de surface et le substrat est parfaitement plan. Durant le temps dt, une fraction de solvant s’évapore (zone bleue). Il a été montré que ce flux de solvant n’était pas identique en tout point sur la goutte. Celui-ci croit lorsque l’on se rapproche du point de contact triple entre le substrat, l’air et la goutte, pour lequel il diverge.79 Les flèches bleues indiquent ce flux sortant. Par conséquent, le rayon de la goutte diminue (flèche rouge).

Figure 74 : Coupe d'une goutte idéale et processus de séchage. Durant le temps dt, la partie bleue de la goutte s'évapore. Par conséquent, le rayon de la goutte diminue (flèche rouge).

En prenant une goutte réelle de solution, le processus est différent. La forme de la goutte est toujours dictée par la tension de surface. Comme les essais expérimentaux ne semblent pas indiquer d’effet dû au substrat, il n’est pas pris en compte. Le flux d’évaporation est le même que précédemment. En revanche, le piégeage de la ligne de contact, au niveau du point triple sur la Figure 75, empêche le rayon de la goutte de diminuer. Au cours du séchage, la goutte s’aplatit. Ce point fixe peut être dû initialement à un défaut du substrat mais il est aussi lié à la présence de soluté qui agit comme un défaut à la surface en se déposant. Une goutte de solution a tendance à s’auto-piéger.

Figure 75 : Coupe d'une goutte réelle de solution et processus de séchage. Durant le temps dt, la partie bleue de la goutte s'évapore. Le point triple étant piégé, le rayon de la goutte reste fixe au cours du processus. Par conséquent, un flux de solvant (flèches rouges) se met en place.

Par conséquent, un flux net de solvant se met en place pour combler le déficit dû à l’évaporation. Il est indiqué par les flèches rouges de la Figure 75. C’est ce flux de solvant qui, en entraînant les particules colloïdales au niveau des bords de la goutte, est responsable de l’effet tache de café. La Figure 76 en est la preuve. Sur celle-ci, il est possible de voir le mouvement radial de microbilles de polystyrène. Durant le séchage, poussées par le flux de solvant, elles

s’entassent en anneau. A la fin du processus, plus de 90% de la masse des objets est dans l’anneau.

Figure 76 : Superposition de plusieurs photographies montrant le mouvement radial des microbilles au cours du séchage d'une goutte de solution. Elles vont du centre vers l'extérieur de la goutte où elles s'agglomèrent en anneau.78

Le mystère de l’effet tache de café a été élucidé pour des particules micrométriques il y a une dizaine d’années par Deegan et al. Ils ont montré qu’il était causé par un flux de solvant induit par le piégeage de la ligne de contact. Ce piégeage est automatique dès que la goutte contient des particules. La forme de la goutte étant toujours dictée par la tension de surface, elle s’aplatit au cours du séchage. Dans la section suivante, nous allons vérifier si ce processus a lieu pour des gouttes contenant des nanoparticules déposées par spray.

Effet tache de café : mise en évidence pour les gouttes déposées par spray

La plupart des travaux sur l’effet tache de café ont été réalisés pour des objets micrométriques et des gouttes pipetées. Ici, nous allons vérifier sa présence pour des gouttes de nos solutions colloïdales aqueuses de nanoparticules de TiO2 déposées par spray.

Les particules de TiO2 utilisées sont celles étudiées dans les perspectives de l’étude

mécanistique. Ces solutions commerciales très stables proviennent du fabricant Crystal Global, sous la référence S300a. Elles sont vraisemblablement stabilisées par répulsion électrostatique en milieu acide (pH1, HNO3). Ce sont des agrégats de 50 nm formés de grains primaires de

quelques nanomètres. Leur morphologie est rappelée sur le cliché MET de la Figure 77a. Après dépôt par spray de quelques gouttes de solution sur un substrat de silicium chauffé à 90°C. L’échantillon obtenu a été imagé à l’aide d’un microscope optique (Figure 77b). La présence d’arrangements en forme d’anneaux sur cette image confirme l’effet tache de café pour des gouttes de solutions colloïdales de nanoparticules déposées par spray. Chacune des gouttes

donne lieu à des dépôts inhomogènes : la grande majorité des nanoparticules sont concentrées dans ces anneaux. Le fait d’avoir une seconde goutte qui se dépose sur un premier anneau ne semble pas affecter la forme du dépôt : il y a superposition.

Figure 77 : (a) Cliché MET de nanoparticules de TiO2. (b) Image de microscopie optique d'anneaux de TiO2 déposés par

spray de quelques gouttes. (c) Image d'un échantillon du même type comportant un nombre plus important de gouttes. Avec un nombre plus important de gouttes déposées, cette tendance se confirme (Figure 77c). Le dépôt obtenu n’est pas continu, il est très rugueux. A cause de l’effet tache de café, il est donc difficile de couvrir totalement le substrat et impossible d’avoir un recouvrement homogène. Au final, un film de 2 µm d’épaisseur déposé par cette technique est très diffusant. Une image l’attestant est donnée en Figure 78. Dans le but de réaliser des dépôts de couches minces homogènes en épaisseur, il apparaît de façon plutôt claire que ces anneaux sont néfastes.

Figure 78 : Photo d'un film de nanoparticules de TiO2 de 2 µm d'épaisseur indiquant une forte diffusion de la lumière.

Initialement, nous avions dit que la technique de dépôts par spray s’apparentait à un problème de séchage de goutte. Dans cette section, la preuve expérimentale que le processus de tache de café avait aussi lieu pour nos solutions de particules déposées par spray a été obtenue. Cette concentration de matière en des anneaux au cours du séchage semble néfaste pour nos applications en couches minces. Dans la suite, nous allons voir comment il est possible de supprimer ce processus.