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Partie I : Étude du mécanisme de formation des nanoparticules d’YVO 4 :Eu

III.3. c Organisation des grains en structure hiérarchique

Jusque-là, nous avons obtenu des informations uniquement sur les grains primaires. Aucune information concernant la formation de la structure à plus grande échelle n’a pu être montrée. Nous pensons que l’hypothèse d’agrégation est la plus probable. Il s’agit ici de le prouver en suivant l’apparition et la structuration des grains et des particules par diffusion de rayons X aux petits angles (SAXS).

Le temps d’acquisition habituel en laboratoire étant bien supérieur aux temps caractéristiques de synthèse, il est impossible de suivre la cinétique de formation standard des particules d’YVO4:Eu

par cette technique. En général, lorsqu’il s’agit de suivre une cinétique de formation, le flux de photons est trop faible. Il faut donc se tourner vers une source de rayonnement plus puissante comme un synchrotron. Néanmoins, grâce à la méthode de ralentissement de cinétique, il est envisageable de suivre la formation de type C600 en laboratoire. En général, les mesures réalisées à l’aide de la ligne SAXS au cuivre du LIONS ont des temps d’acquisition de l’ordre d’une heure. Le vanadate d’yttrium possédant un contraste important, ce temps peut être considérablement réduit. Il y a ensuite un temps de lecture du détecteur de 4 minutes qui, celui- ci, est incompressible. En ce qui concerne les mesures USAXS et WAXS, les temps de comptage ne peuvent pas être suffisamment réduits : ils sont rédhibitoires.

Résolution temporelle

Une première étape de choix du temps d’acquisition est donc nécessaire. Il faut qu’il soit suffisamment long pour obtenir un signal résolu mais pas trop long pour ne pas intégrer les variations de structure. La Figure 43 regroupe les signaux de diffusion enregistrés pendant un temps d’acquisition variable pour un même échantillon. La courbe de référence correspond à 30 minutes. Sur une large gamme de Q, toutes les courbes sont en accord. Puis, la mesure en 5 minutes décroche un peu en dessous de Q = 2.10-1 Å-1 ; elle est suivie de peu par les deux autres.

Figure 43 : Comparaison des signaux SAXS enregistrés pour un même échantillon et des temps de comptage différents (5 min en bleu foncé; 10 min en rouge; 15 min en noir et 30 min en bleu clair)

Au vu de cette figure, il a été décidé de choisir le temps d’acquisition le plus court. Bien que la courbe correspondante soit un peu moins bonne que les autres, cela est uniquement dû à la statistique. Si nécessaire, il sera toujours possible d’effectuer ultérieurement un regroupement deux à deux des courbes enregistrées afin de l’augmenter. De plus, l’extraction des propriétés structurales à partir du traitement des données se fait pour des valeurs de Q allant jusqu’à 0.2 Å-1. Ce choix a donc été fait pour privilégier la résolution temporelle. Elle vaut 9 minutes dans

ce cas.

Montage expérimental

Afin de pouvoir suivre correctement l’évolution de notre synthèse, il est nécessaire de ne pas en modifier le déroulement. Il a donc été décidé de réaliser un circuit fermé liant le réacteur au capillaire de mesure. La longueur des tuyaux utilisés est choisie de telle sorte que la fraction volumique dans les tuyaux est faible par rapport au volume total. Une pompe péristaltique assure un renouvellement rapide du volume de solution irradié. Le schéma du montage est présenté en Figure 44.

Figure 44 : Schéma du montage pour le suivi SAXS in situ de la réaction C600. La solution, maintenue sous agitation dans le réacteur, est injectée dans un circuit fermé de tuyaux connectés au capillaire grâce à une pompe. Pendant ce temps, le signal diffusé est mesuré perpendiculairement au flux.

Le sens de circulation est indiqué par la direction des flèches. Celui-ci a été choisi afin d’entrer par le bas du capillaire et donc d’éviter un dépôt de particules avec le temps. Dans le même genre d’idée, une forte agitation est maintenue dans le réacteur tout du long de la mesure. Au bout de 15 heures de réaction, un dépôt de particules sur les parois du capillaire a été observé.

Mesure en solution de l’organisation en structure hiérarchique

Dans la pratique, la solution de précurseurs d’yttrium et d’europium est ajoutée à celle d’orthovanadate d’un seul trait. Cela correspond au t0 du début de synthèse et de l’acquisition

des diagrammes SAXS. Après avoir corrigé les données enregistrées en intensités absolues, elles peuvent être tracées.

Figure 45 : Mesure SAXS du précipité initial à t0 (rouge) et un ajustement correspondant de pente fractale -2.73.

Le signal correspondant au t0 et donc au précipité initial est tracé en Figure 45. Celui-ci apparait

avec une pente en Q-2.73 dans une gamme allant de 10-2 à 10-1 Å-1. L’analyse de cette pente indique un caractère de fractal en masse de dimension Dm = 2.73.56,57 La masse ainsi que la

surface de ce type d’objet ont des propriétés fractales. Une image de cet amorphe serait donc une sorte de polymère réticulé peu dense. Il est vrai que la gamme de Q correspondante est assez courte pour parler de caractère fractal mais c’est la limite de nos données. L’inflexion pour les plus petits angles peut être due à une saturation et ne reflète pas forcément la fin de l’invariance d’échelle. Quant au plancher présent aux plus grands angles, il correspond aux atomes présents dans l’échantillon. C’est donc une vraie limite physique à la fractalité.

Lors du passage de données brutes à données en intensité absolue, il faut renormaliser par rapport à l’intensité incidente. Pour cette série de mesures, cette valeur a été mesurée en début et en fin d’expérience. Nous devons donc utiliser un facteur de correction pour nos courbes permettant d’annuler la fluctuation de l’anode. Ce facteur est obtenu à partir du bruit de fond de la première courbe, pour laquelle l’intensité incidente est connue. La Figure 46 présente cette série de mesures dans un espace à trois dimensions incluant le temps.

56

P. W. Schmidt J. Appl. Cryst. 24, 414-435 (1991)

57 K. Malekani, J. A. Rice, J. S. Lin Clays and Clay Minerals, 44, 5, 677-685 (1996)

10

-2

10

-1

10

-2

10

0

10

2

Q (Å

-1

)

I(

cm

-1

)

t

0

ajustement

Q-2.73

Figure 46 : Représentation de l'évolution du signal SAXS au cours de la synthèse C600.

Par souci de lisibilité, la première courbe, la dernière, ainsi qu’une courbe intermédiaire ont été mises en rouge. Il est clair que nous passons continument de courbes semblables à la Figure 45 à des courbes présentant deux épaulements, caractéristiques des particules finales.

Figure 47 : Diagrammes SAXS en IQ4 pour les temps correspondant à l'apparition des signaux caractéristiques des nanoparticules (NP) et des grains primaires (GP).

Afin de pouvoir déterminer laquelle de ces deux oscillations apparait en premier, il convient de tracer les courbes encadrant temporellement leurs apparitions. Pour ce cas, il était plus facile de déterminer des changements de pentes dans le tracé d’IQ4 en fonction de Q et de normaliser

10

-2

10

-1

10

0

10

-8

10

-6

10

-4

10

-2

10

0

Q(Å

-1

)

IQ

4

(cm

-1

Å

-4

)

0 min

1h58min25s

2h40min42

2h57min36

3h14min29

10h51min02

Apparition GP Apparition NP

aux petits Q. Une telle superposition est présentée en Figure 47. Sur celle-ci, il est possible de voir un écart à la référence conséquent entre Q = 0.02 et 0.08 Å-1 à partir de 2h40. Cette zone en Q correspond au plateau de Porod des nanoparticules finales. A ces temps-là, il n’est pas possible de voir quoi que ce soit concernant les grains primaires mais les données souffrent d’une statistique trop faible. En revanche, à t=2h57, un décrochement indiquant la présence de grains primaires est visible. Il semblerait donc que l’apparition des deux tailles caractéristiques sur le signal SAXS soit concomitante. L’écart entre le temps d’induction vu en fluorescence (2h) et d’apparition des premiers grains primaires (3h) est imputé à une variabilité de la synthèse à ces forts pH. En effet, des temps d’induction allant d’1h30 à 3h ont été mesurés pour différentes synthèses C600.

Chacune de ces techniques de caractérisation nous a permis d’accroître nos connaissances sur le mécanisme de formation des nanoparticules d’YVO4. Pour commencer, la taille des domaines de

cohérence mesurés en diffraction des rayons X n’évolue pratiquement pas au cours de la synthèse. Dès leur formation, ils mesurent environ 5 nm. De plus, ils correspondent aux tailles observées sur les clichés MEB à tous temps. Ces images MEB indiquent clairement une première étape durant laquelle des grains primaires sont formés, puis, longtemps après, c’est au tour des nanoparticules. Cependant, la détection simultanée des signaux SAXS caractéristiques des deux tailles implique plutôt une formation en parallèle. Deux résultats apparemment contradictoires concernant la chronologie des objets structurés ont été obtenus. Une des explications possibles est la présence en solution d’agrégats de grains primaires bien définis en taille mais qui seraient friables. Ceux-ci pourraient donc se désassembler facilement durant la préparation des échantillons MEB. En ce sens, les mesures SAXS seraient plus fiables, si elles ne souffraient pas d’un manque de statistique. Les résultats de diffusion obtenus montrent la structuration des nanoparticules mais ne sont pas suffisants pour étudier la vitesse de formation, ni le nombre d’objets, etc. En effectuant le suivi de cinétique ralentie avec les moyens du laboratoire, il n’a pas été possible d’identifier le mécanisme de formation des nanoparticules. Il est donc nécessaire de se déplacer sur synchrotron pour répondre à nos questions mécanistiques.

III.4 Vers une résolution du mécanisme de formation : expériences sur