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Partie I : Étude du mécanisme de formation des nanoparticules d’YVO 4 :Eu

II.3. a Nanoparticules brutes

Afin de faciliter l’entrée en matière, une première courbe de diffusion en intensité absolue des nanoparticules brutes est tracée sur la Figure 25.

Figure 25 : Diagramme de diffusion des rayons X d'une solution stabilisée de nanoparticules d’YVO4:Eu brutes.

Cette courbe de diffusion correspond au résultat de trois mesures réalisées sur trois équipements différents. La zone de plus bas angle est appelée USAXS, la zone intermédiaire SAXS et la

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W. Cai, H. Li, Y. Zhang Colloids and Surfaces A: Physicochem. Eng. Aspects 295, 185–192 (2007)

dernière WAXS. Les deux premiers équipements sont localisés au CEA Saclay (LIONS) tandis que le dernier est à Orsay (LPS). Sur la Figure 25 sont indiqués les différents impacts de la microstructure sur l’intensité diffusée. L’épaulement indiqué par la flèche rouge est dû à l’enveloppe externe de la nanoparticule, celui pointé par la flèche bleue est causé par les grains primaires. Les trois premiers pics de diffraction sont eux aussi résolus (flèche noire). Pour les plus bas angles, l’intensité est presque constante. Il s’agit du régime de Guinier de la nanoparticule. Puisqu’il est résolu, cela signifie qu’il n’existe pas, en solution, d’objets diffusants plus gros.

A partir de cette courbe, il est possible d’obtenir de nombreux paramètres structuraux de nos particules en solution. La première étape du traitement est d’appliquer les théorèmes généraux.44 Le théorème de l’invariant relie l’intensité diffusée à la fraction volumique et au contraste de longueur de diffusion (équation (7)).

∫ ( )

( )( )

(7)

La limite de

( ⃗ )

quand

s’appelle le régime de Guinier. Elle est de la forme suivante.

( )

( ⃗ ) ⁄

(8)

L’équation (8) permet d’extraire le rayon de giration des objets diffusants à partir des données de plus bas angles ( ). Finalement, le dernier théorème général utilisé est la limite de Porod de ( ) quand . Il permet d’estimer le rapport surface sur volume de l’échantillon testé (équation (9)).

( )

( )

(9)

Ces trois équations ne nécessitent aucune hypothèse sur la géométrie des objets diffusants. Elles supposent uniquement que l’échantillon est constitué d’un mélange binaire. Il s’agit ici de solvant aqueux et de nanoparticules. Le contraste est donc égal à la différence de densité électronique entre YVO4:Eu et le solvant multiplié par la longueur de Thomson (lT). 

2.4.1011 cm-2.

Dans notre cas particulier, il y a deux tailles caractéristiques bien définies : les nanoparticules et les grains primaires qui les constituent. Ces deux objets sont suffisamment différents en taille pour être résolus séparément sur la courbe de la Figure 25. Il est donc possible d’utiliser les théorèmes généraux sur les deux objets. Pour commencer, les deux régimes de Porod de ces deux tailles sont identifiables sur le tracé de ( ) (Figure 26). Pour chacun de ces deux plateaux (traits pointillés rouges), l’équation (9) se vérifie. Sur cette figure, le régime de Porod

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O. Spalla, Neutrons, X-Rays and Light : Scattering Methods Applied to Soft Condensed Matter Chapitre 3, éditions North-Holland (2008)

le plus haut est moins marqué pour cause de bruit de fond. Les valeurs de surfaces développées de l’enveloppe des particules et des grains peuvent en être extraites (Tableau 4).

Figure 26 : Tracé de IQ4 pour les nanoparticules brutes. Les deux traits pointillés rouges indiquent les régimes de Porod de la nanoparticule et du grain primaire.

Ensuite, il est possible de définir un invariant partiel ne prenant en compte que la diffusion des nanoparticules. Elles sont alors vues comme étant des objets homogènes de densité électronique moyenne. En supposant que la porosité de la nanoparticule est remplie de solvant, le contraste utilisé ici est réduit d’un facteur multiplicatif * représentant la fraction volumique de grains primaires par particule ( = *). La zone sur laquelle cet invariant partiel est calculé est indiquée en hachuré bleu en diagonal sur la Figure 27.

Figure 27 : Délimitation des zones pour lesquelles l'origine majoritaire de la diffusion est la nanoparticule (hachuré bleu en diagonal) et du grain primaire (hachuré orange horizontal). Les traits rouges représentent les extrapolations de Guinier (petits Q – trait horizontal) et de Porod (grands Q – traits obliques) utilisées.

Comme les données mesurées ne s’étendent pas entre 0 et + , il est nécessaire d’extrapoler les valeurs pour pouvoir calculer l’invariant (équation (7)). A petits , les données sont prolongées par un régime de Guinier (équation (8)). A grands , c’est un régime de Porod qui est utilisé

(équation (9)). Le rapport de l’invariant partiel (zone hachurée en bleu) sur l’invariant total (zones hachurées en bleu et en jaune) correspond à la fraction volumique de grains par nanoparticule *. Soit NGP le nombre total de grains primaires dont  x NGP sont inclus dans

des nanoparticules et (1 - ) x NGP sont isolés. Si  = 1, alors tous les grains primaires sont

dans des nanoparticules ; aucun n’est isolé en solution. La porosité de la particule vaut

*. Si  < 1, ce n’est plus le cas et est surestimé. A partir de nos données, = 60 %. Cette valeur élevée peut être le signe de la présence grains isolés en solution.

Sv GP (cm-1) 1.9.10-7 Sv NP (cm-1) 2.0.10-6

60 %

Rg (nm) 36

Tableau 4 : Rapports surface sur volume des nanoparticules (Sv NP) et des grains primaires (Sv GP), porosité (p) et rayon de giration (Rg) des nanoparticules.

La mesure de porosité mise à part, toutes ces valeurs ont été obtenues sans faire d’hypothèses sur la forme des objets diffusants. En prenant l’hypothèse de nanoparticules et de grains sphériques, des valeurs de rayons peuvent être obtenues à partir du Guinier ( √ ⁄

) et du rapport ⁄ ( ) . Une différence importante entre ces deux valeurs de rayon des nanoparticules est constatée, elle peut être due à la présence de gros objets en solution (forte dispersion en taille). Il est aussi possible d’estimer la surface spécifique des particules ( en divisant simplement la valeur de Sv GP par la densité du matériau  = 4.31 g/cm³). De la même façon, la surface spécifique réduite à la surface externe de la nanoparticule vaut ( )⁄ . Ces valeurs sont intéressantes à comparer avec des mesures BET réalisées précédemment sur les particules à plus gros grains primaires.2,41 Deux valeurs sensiblement différentes avaient été obtenues (206 et 83 m²/g). La différence s’explique simplement : la première mesure rend compte de la porosité totale alors que la seconde uniquement de l’enveloppe.

En utilisant les expressions limites de l’intensité diffusée (équations (7) et (8)), Beaucage a introduit une méthode d’ajustement de courbes de diffusion d’échantillons présentant plusieurs tailles caractéristiques.45 L’idée sous-jacente est de dire que l’intensité diffusée est simplement la somme de termes de Guinier ( ( )) et de Porod (

)

pour chacun des objets.

Dans notre cas, il y aura donc quatre termes qui seront prépondérants dans quatre zones différentes. La Figure 28 représente un tel ajustement sur une courbe de diffusion de nanoparticules brutes aux petits angles. Parmi les paramètres ajustés, des rayons de giration de 34 nm et de 2 nm ont été obtenus pour les nanoparticules et les grains primaires.

Il est aussi possible de calculer un nombre moyen de grains primaires par particule ainsi que des indices de polydispersité des grains primaires et des particules à partir des paramètres de

l’ajustement.46 Ces calculs introduits par Beaucage nécessitent plusieurs hypothèses. Tout d’abord, les dispersions en taille sont présumées en loi log-normale. Ensuite, tous les grains primaires doivent faire partie de nanoparticules pour pouvoir en estimer un nombre moyen par particule en faisant directement le rapport des intensités diffusées au niveau des deux régimes de Guinier ( ⁄ ). Une autre manière d’estimer ce nombre est de faire le rapport des

volumes moyens des nanoparticules et des grains primaires, obtenus à partir des rayons de giration ( ( ) x *). Ces calculs, détaillés dans la référence 46, sont revus et adaptés en annexe. Les résultats obtenus pour ces particules brutes sont regroupés dans le Tableau 5.

Figure 28 : Ajustement de la courbe de diffusion aux petits angles de particules brutes.

σ_GP σ_NP Z1 Z2

0.41 0.44 2400 2000

Tableau 5 : Paramètre σ des distributions log-normales des tailles des grains primaires (σ_GP) et des nanoparticules (σ_NP) ; nombre de grains par particule estimé à partir des intensités au niveau des régimes de Guinier (Z1) et des rayons de giration (Z2).

En conclusion, la caractérisation microstructurale en solution par diffusion des rayons X est en accord avec les analyses effectuées sur les échantillons séchés (microscopie, diffraction). A partir des informations extraites de l’ajustement de la courbe de diffusion, les nanoparticules ont un rayon de giration de 34 nm. Elles sont formées d’environ 2000 grains (Rg 2 nm), soit 12-13 dans chaque direction. Les tailles des sphères équivalentes obtenues à partir des régimes de Porod sont inférieures à ces valeurs ; elles indiquent plutôt 500 grains par particule. Cet écart peut s’expliquer par la forte dispersion en taille des objets en solution ainsi que leur forme non sphérique.