• Aucun résultat trouvé

Le Roux témoin de la position de l’Académie vis-à-vis de la théorie d’Einstein

Dans le document Painlevé et la relativité générale (Page 194-199)

Géométrie euclidienne Géométrie non euclidienne

Les 4 coordonnées sont de type espace sous l’horizon : quid de trajectoires temporelles ? Changement de type des coordonnées sur l’horizon

J. Le Roux témoin de la position de l’Académie vis-à-vis de la théorie d’Einstein

J. Le Roux restera un témoin des temps qui reflète bien l’état d’esprit dominant de l’'Académie”, à cette époque, soutenu fin 1922 et début 1923 par E. Picard qui jouait un rôle important à l’Académie des sciences et qui après une première attitude prudente et plutôt objective en 1921 avait “rappelé à l’ordre” certains auteurs de communication qui contestaient un peu trop vivement l’autorité et l’argumentation de J. Le Roux.

Rappelons que quand Einstein est venu en France début avril 1922, à la demande de P.

Langevin, il s’est abstenu d’aller à l’Académie des Sciences par crainte d’essuyer un camouflet dont P. Langevin avait eu vent.

Une polémique qui a abouti sur une dialectique constructive et de brillantes analyses Cette contestation, avec son caractère polémique, a confirmé l’intérêt de la méthode dialectique dont il a résulté des réponses très argumentées, d’une grande clarté sur un problème pourtant difficile, de M. Brillouin, A. Bulh, J. Haag, Levinson et G. Darmois montrant qu’à cette époque, contrairement à la plaisanterie habituelle il n’y avait pas que

“deux” personnes qui comprenaient quelque chose à la théorie d’Einstein.

Des interrogations fondées sur la théorie d’Einstein

Le problème de l’existence d’un ds² capable de rendre compte d’une situation générale de N corps en interaction a divisé de nombreux scientifiques, pourtant très compétents par ailleurs.

Ce qui a troublé bon nombre de scientifiques c’est que, autant cela paraissait conceptuellement simple en gravitation newtonienne, linéaire vis-à-vis des potentiels qui sont donc additifs, chaque corps étant soumis au potentiel qui est la somme des potentiels des N-1 autres corps et dont la variation est “instantanée” ce qui permet de considérer l’évolution du système à N corps dans un espace fixe euclidien (même si la solution exacte des équations pose problème, mais c’est un problème technique), autant le ds² ne pouvait être pensé que globalement en relativité générale, sachant que de plus (mais cela n’a pas été relevé par les auteurs) la variation de la configuration n’est pas “perçue” instantanément du fait d’une vitesse limite, des ondes gravitationnelles émises dans le processus.

On comprend que cela ait été de nature à troubler des esprits aussi avisés et cela nous incite à nous interroger avec modestie sur la manière dont toute nouvelle approche est perçue.

À cet effet, nous avons vu que le cas de l’avance du périhélie de Mercure, confirmation éclatante de la relativité générale, a été un sujet récurrent et édifiant à cet endroit, car il a stigmatisé les énergies de part et d’autre, et a permis aussi de comprendre la nature des interrogations, puisque l’interprétation du résultat est hybride.

Rappelons que la valeur de 43'' d’arc est un reliquat calculé en mécanique classique à partir d’observations en déduisant l’effet des perturbations connues. En Relativité on suppose que pour les perturbations le calcul de la mécanique classique est égal au premier ordre à celui de la relativité. On constate que ce reliquat est sensiblement égal à la prédiction du modèle où seul le Soleil est pris en compte.

Pour être rigoureux, il faudrait regarder ce que donnent les perturbations en relativité pour s’assurer que cela ne diffère pas beaucoup de celui calculé en mécanique classique.

M. Brillouin répond bien à l’interrogation de J. Le Roux en indiquant que, compte tenu que seul le potentiel associé à dt² était significatif au premier ordre lorsque v << c, la loi de Poisson était alors applicable. La réponse de M. Brillouin est satisfaisante sur le plan épistémologique mais elle n’a pas convaincu Le Roux qui se place au niveau formel.

Un déficit d’information sur les concepts de la théorie générant une confusion certaine

Nous avons constaté un déficit d’information manifeste, en particulier sur la définition de concepts comme le décalage spectral, ce qui était pourtant facile à décrire mais aussi sur ce qu’est le ds² beaucoup plus délicat à expliciter.

La difficile émergence de toute nouvelle théorie

Comme nous l’avons mentionné, Einstein dans son article de synthèse de 1916 n’est pas très rigoureux sur la définition du ds² prêtant le flanc à des critiques comme celles de J. Le Roux.

Mais il faut rappeler que le point fort d’Einstein c’est sa démarche épistémologique et que même s’il a appris à maîtriser les outils mathématiques nécessaires à la construction de sa théorie, il n’est pas un pur mathématicien de la stature de Hilbert ou Weyl par exemple.

C’est d’ailleurs un aspect qui peut difficilement échapper lorsqu’on étudie ces débats. Face à l’élite scientifique représentée à l’Académie des Sciences en France et son équivalent à l’étranger, Einstein fait figure d’autodidacte voire d’amateur342.

Pourtant c’est lui qui va apporter l’innovation essentielle dans l’analyse de la gravitation.

Mais c’est aussi souvent ainsi que progresse la science, certains tracent les grandes lignes343 des découvertes, la rigueur et une compréhension plus profonde vient (éventuellement) après.

Quelquefois des connaissances très précises dans un domaine, peuvent être un handicap pour admettre de nouvelles idées dans ce domaine.

La théorie a permis de produire de brillantes contributions

Un autre courant, en marge des polémiques, plus technique s’est investi dans des travaux importants de formalisation des éléments de la théorie d’Einstein, en particulier d’étude de la structure de l’espace-temps associé à la théorie par des mathématiciens.

Nous avons noté deux articles qui n’ont pas eu le retentissement qu’ils auraient dû avoir, celui de Cartan du 27 mars 1922 sur les espaces conformes et celui de Chazy du 1er mai 1922 qui étaient très en avance sur leur temps.

Concernant E. Cartan on sait le rôle considérable qu’il a joué dans la formalisation mathématique de la relativité générale, préfigurées dans les communications qu’il a faites dans cette période.

Citons aussi, l’article de Sauger du 10 avril 1922 “sur une coïncidence remarquable dans la théorie de la relativité” qui peut permettre de comprendre comment Painlevé a pu proposer sa solution et montre le caractère très particulier du problème du corps unique à symétrie sphérique.

342Amateur génial, même s’il a échoué à l’examen d’entrée à l’école polytechnique de Zurich, un stage préparatoire lui permit d’y entrer postérieurement. A l’issue de ses études après quelques emplois temporaires, il obtient un simple poste d’employé de bureau des brevets de Zurich. Son cursus scientifique paraît bien modeste par rapport à ceux des scientifiques qu’il a été amené à fréquenter. Mais comme nous le revendiquerons, ceci n’a pas été un obstacle dans son apport considérable à la science, au contraire une révolution ontologique de cette ampleur ne pouvait sans doute venir que d’un profil aussi atypique que le sien.

343Rappelons qu’Einstein n’a jamais vraiment accepté certaines conséquences de sa théorie, comme les trous noirs, la théorie du big-bang. C’est sans doute un des attributs irrationnels caractéristique du génie.

Une querelle des anciens et des modernes à l’Académie des Sciences

On peut observer que ses détracteurs, (J. Le Roux, E. Picard, ..), étaient en moyenne plus âgés que ses soutiens (P. Langevin, M. Brillouin, ..) pour ne citer que les plus actifs.

Cela procède d’un besoin, bien naturel et général, pour les générations montantes d’explorer d’autres voies que celles tracées par leurs prédécesseurs pour faire progresser le savoir. Bien que cela n’ait rien d’original, il était utile de le mentionner.

Comment positionner Painlevé sur ce critère, lui qui était entre deux âges (mais plus près du second). Nous avons noté son évolution au cours du débat, donc ceci serait plutôt à verser au crédit d’une ouverture d’esprit qui, au moins sur ce critère, s’est révélée bénéfique.

Un manque de communication entre les membres de la communauté scientifique

Tous ces débats ont montré la qualité de bon nombre d’intervenants. Il n’est pas douteux qu’ils avaient la compétence et la capacité de résoudre une bonne partie des problèmes que posait la nouvelle théorie. A l’époque la communication entre scientifiques n’était pas aussi facile qu’aujourd’hui, ceci étant aggravé par le contexte de l’époque.

Cela peut expliquer que autant d’intelligences n’aient pas abouti à une synthèse qui aurait permis de contribuer à l’essor de la science à la mesure de la somme des connaissances qui étaient contenues dans leurs publications.

En particulier, on ne peut que regretter que la mine de connaissances contenues dans les comptes rendus de l’Académie des Sciences n’ait pas été mieux valorisée à l’époque.

La cosmologie relativiste ignorée

Il est surprenant que la cosmologie relativiste qu’Einstein avait élaborée vers 1918 ait été autant ignorée. Bien que ce soit une solution également à symétrie sphérique elle incorporait (homogénéité, isotropie, tenseur énergie-impulsion non nul) des éléments complémentaires qui aurait peut-être permis d’ouvrir d’autres perspectives, alors que la solution de Schwarzschild, trop proche des solutions newtoniennes, était de nature à brouiller le débat.

Une grande absente du débat : la forme de la métrique de Painlevé

Mais surtout, on peut regretter l’absence de référence et même de discussion sur la forme de la métrique qu’avait proposé Painlevé dans son premier article, découverte pourtant capitale qu’il avait certes reniée, mais que d’autres auraient pu exhumer.

On voit que les esprits n’étaient pas vraiment prêts dans cette approche physique du problème considéré.

On peut aussi noter, mais cela est sans doute corrélé, que la singularité sur l’horizon n’a pas ému grand monde et n’a pas été opposée à la théorie pour mettre en doute son caractère physique, point d’autant plus surprenant qu’on sait combien cela a traumatisé les relativistes Au sujet de l’autre contribution de Painlevé concernant la formulation géométrique de la mécanique classique le seul écho qu’on en trouve, c’est dans l’article tardif de J . Le Roux (1924) où il présente cela (en se référant à P. Appell) comme un avantage de la mécanique classique par rapport à la relativité.

Et Painlevé dans ce débat ?

L’évolution de la position de Painlevé vis-à-vis de la théorie d’Einstein

Nous avons vu sa position évoluer d’une attitude très critique et plutôt désagréable vis-à-vis d’Einstein dans sa première communication du 24 octobre 1921 à une attitude neutre plutôt respectueuse dans le dernier article du 1er mai 1922.

Même s’il n’a pas tout compris dans la relativité, il a essayé et même s’il a été critique il a été constructif, proposant une forme originale et tentant de rebondir sur d’autres contributions intéressantes lorsqu’on l’a incité et poussé à renoncer (à tort) à sa proposition initiale.

On peut regretter que ces discussions ne se soient pas déroulées dans un contexte suffisamment serein pour permettre de mettre en lumière ce qui était vraiment original dans la première contribution de Painlevé, alors que les scientifiques en présence avaient toutes les capacités requises pour la comprendre.

Mais nous avons vu que d’une part la relativité n’a pas été accueillie à bras ouverts par l’élite scientifique et que d’autre part les relativistes étaient sur la défensive avec les problèmes de singularité associés à la solution de Schwarzschild, ce qui n’a pas facilité le dialogue chacun craignant de se mettre “en faute”.

Ceci conclura cette première partie344 destinée à éclairer le contexte houleux et la nature des débats à cette époque et à comprendre la réticence et la confusion des milieux scientifiques

“autorisés” à l’égard de cette nouvelle théorie, plus sensibilisés aux aspects techniques des théories qu’à leur contenu épistémologique comme nous l’avons vu.

La forme de Painlevé à redécouvrir aujourd’hui

Pour approfondir l’analyse et apprécier ce que Painlevé a apporté à la relativité générale nous devons nous intéresser aux conséquences de son article du 24/10/1921. La forme originale de la métrique qui y figure apporte un éclairage très original et innovant à cette solution de la relativité générale qui a pourtant été très largement commentée et critiquée comme nous l’avons vu. Mais faute d’en avoir reconnu le caractère physique, (ce qui lui a été dénié), les commentateurs ont glissé sur la compréhension du problème sans y pénétrer.

Pour ce faire, nous allons devoir mettre en œuvre quelques aspects techniques, simples en général que nous illustrerons autant que possible, par des diagrammes. Lorsque nous utiliserons des résultats connus, nous les rappellerons avec des références en les commentant éventuellement.

Pour des résultats originaux ou méconnus, spécifiques en général à cette forme de Painlevé, nous pourrons être amenés à faire certains calculs simples en général mais nous nous efforcerons de les illustrer également par des diagrammes ce qui permet d’en tirer plus aisément les aspects phénoménologiques ou épistémologique. Pour ne pas léser ceux qui ne sont pas familiers avec les équations, nous avons divisé la deuxième partie en deux corpus complémentaires dont le deuxième traite essentiellement des aspects épistémologiques.

Nous allons tenter de réparer le déni scientifique qui a conduit au rejet de la proposition de Painlevé en montrant comment son approche révèle, avec une simplicité surprenante, les propriétés physiques et la phénoménologie de cette solution.

344Et qui n’est pourtant qu’un résumé très condensé et partiel des différentes communications.

Dans le document Painlevé et la relativité générale (Page 194-199)