• Aucun résultat trouvé

Démonstration du bien-fondé de la géométrisation de la solution newtonienne

Dans le document Painlevé et la relativité générale (Page 37-42)

Démontrons que, dans le contexte de stationnarité que nous imposons, les géodésiques de l’espace correspondant à cette formulation sont les géodésiques de la mécanique newtonienne.70

Nous nous restreindrons au cas du champ gravitationnel généré par le corps unique à symétrie sphérique, objet de la contribution de Painlevé.

La méthode consiste à calculer la même géodésique dans deux formalismes différents.

D’une part, on la calcule dans la forme géométrique (2-4) donnée par Painlevé, par l’équation de Lagrange appliquée au lagrangien71 L géodésique, comme on le fait en relativité générale, puisque c’est une formation géométrique dont le paramètre dynamique est le paramètre affin λ de la forme géodésique.

D’autre part, on calcule la même géodésique en mécanique classique par l’équation de Lagrange appliquée au lagrangien classique, qui est simplement l’énergie cinétique moins l’énergie potentielle, dont le paramètre dynamique est le temps absolu newtonien t.

On obtient deux expressions et on détermine les conditions pour que les deux formulations produisent des équations du mouvement identiques.

Cette identité qui s’obtient par une relation particulière entre les paramètres dynamiques du phénomène, résulte simplement la conservation géodésique du hamiltonien72 d’une particule dans un champ qui ne dépend pas du temps (conservation de l’énergie), contrainte qui, comme nous l’avons indiqué, est inhérente à la méthode utilisée par Painlevé.

70On trouve une démonstration générale (dans le cas de plusieurs masses) dans l’ouvrage cité de Paul Appell (1904), mais ici nous utiliserons une autre méthode de démonstration plus simple destinée mettre en évidence une propriété intéressante, entre le paramètre affin spatial et le temps de la mécanique classique. Notons que nous traitons le cas d’une masse unique, mais comme le potentiel résultant de plusieurs masses en un point est additif, cela se généralise naturellement au cas de plusieurs masses.

71Le lagrangien est une expression, une fonction scalaire des paramètres du système, qui contient les informations permettant de déterminer, à partir de conditions initiales, le mouvement des éléments du système.

Le lagrangien géodésique, très simple, vaut ici L= ½ ds². Le ds² est celui donné par l’équation (2-4) de Painlevé.

Le lagrangien classique pour une particule unique vaut ici : L = ½ mv² – U(r). Par contre on utilise des paramètres dynamiques différents pour la mise en œuvre de l’équation de Lagrange permettant d’établir les équations du mouvement.

72Le hamiltonien est une autre expression, qui a des relations avec le lagrangien, qui décrit l’énergie totale d’un système. Dans le cas où les équations du système de dépendent pas du temps ce hamiltonien est une grandeur conservée. Ceci résulte de théorèmes très profonds (E. Noether) qui associent le temps à l’énergie, l’espace à la quantité de mouvement et au moment angulaire et les invariants par rapport aux translations, rotations aux quantités conservées correspondantes.

Cela va conduire à la relation λ = i.t, où λ est le paramètre affin de la géodésique spatiale dans l’espace conformément euclidien défini par Painlevé, t le temps (absolu) de la mécanique newtonienne et i tel que (i² =-1).

Le nombre imaginaire i qui s’introduit naturellement dans la démonstration caractérise la différence de nature entre coordonnées spatiales et temporelle dans la formulation géométrique de la théorie qu’on retrouve en relativité.

Le détail du calcul, avec exemples, donné en annexe 3 au chapitre 2, n’a pas été inséré dans le corps du texte pour ne pas l’alourdir.

Nous recommandons à ceux, que quelques équations ne dissuadent pas trop, de s’y reporter, car il explicite bien le principe invoqué.

Il met en œuvre les équations (2-5) à (2-13-1).

On pourra noter qu’à la différence de P. Appell qui utilise explicitement dans sa démonstration le principe de moindre action, nous utilisons la conservation du hamiltonien, donc implicitement ce principe, puisque il s’en déduit mais alors que P. Appell en déduit la relation entre le temps newtonien absolu t et les coordonnées spatiales, nous nous intéressons explicitement à la relation entre ce temps t et le paramètre affin de la géodésique que nous avons noté λ, ce qui est conceptuellement un autre objectif.

Interprétation épistémologique et physique de la solution géométrique de Painlevé

Interprétation épistémologique

Comment une géodésique purement spatiale, peut-elle décrire un phénomène spatio-temporel ?

Cela est structurellement possible, car d’une part l’espace, structure tridimensionnelle, et le temps unidimensionnel sont “indépendants” dans la représentation de la mécanique classique, et, car d’autre part la contrainte de stationnarité réduit le nombre de degrés de liberté à trois.

Il est possible, comme la mécanique newtonienne le fait, d’établir séparément la courbe géodésique spatiale dans un espace euclidien et la loi du mouvement sur cette courbe.

Si on considère les équations de la mécanique classique on s’aperçoit que le paramètre affin de la géodésique spatiale n’est pas utilisé puisque c’est le temps absolu newtonien qui est le paramètre dynamique.

Cette courbe spatiale, plane dans ce cas, est définie par ses coordonnées.

Le paramètre affin est donc libre.

Sa mesure naturelle est celle de la longueur d’arc évaluée en métrique euclidienne mais rien ne nous interdit de la modifier en introduisant, en facteur, une fonction scalaire de l’espace réalisant une transformation de jauge, ce qui compte tenu du caractère scalaire de la gravitation newtonienne (condition essentielle) est adéquat73, et d’utiliser cette métrique conformément équivalente (conformément euclidienne) pour évaluer le paramètre affin.

C’est ce que fait la formulation géométrique proposée par Painlevé. Ce point conceptuellement fondamental aurait mérité d’être explicité, car présenté ainsi il fait figure de simple procédé technique alors qu’il est beaucoup plus que cela.

L’analyse montre que cela va conduire à introduire le temps newtonien comme paramètre affin, mais nous en verrons les limites quand Painlevé voudra l’utiliser en relativité générale.

73Le fait que la théorie dérive d’un potentiel gravitationnel scalaire est essentiel. Pour une théorie non scalaire comme la relativité générale cette méthode est vouée à l’échec ne serait-ce que pour cela.

Interprétation physique

Rappel : représentation paramétrique d’une courbe

En pratique on représente souvent une courbe Γ dans un espace euclidien par un diagramme cartésien en coordonnées cartésiennes spatiales (x, y, z) ou en coordonnées sphériques (r, θ, φ) par une fonction entre les coordonnées. La métrique euclidienne (dans ce cas) permet de calculer la longueur infinitésimale de l’arc de courbe et la longueur de la courbe Γ par intégration en utilisant la métrique.

Rappelons que comme les géodésiques spatiales en mécanique newtonienne sont planes, cela prend une forme particulièrement simple du type y = f(x) en coordonnées cartésiennes ou r = f(φ) en coordonnées polaires, souvent les plus utilisées, comme nous le rappelons ci-dessous.

Mais, toujours en la représentant dans un diagramme cartésien par exemple, on peut aussi définir une courbe Γ de manière paramétrique où, en utilisant la “longueur” de l’arc de courbe λ qu’on appelle alors paramètre “affin”, on définit les coordonnées xi de la courbe par des fonctions fi (λ), de ce paramètre affin.

On a alors, pour les coordonnées (x, y, z) par exemple, des relations du type :

x1 = x = fx (λ) = f1 (λ), x2 = y = f y (λ) =f2 (λ), x3 = z = fz (λ)= f3 (λ)

L’intérêt de ces coordonnées paramétriques c’est que la définition de la tangente à la courbe Γ est immédiate et on peut définir un vecteur tangent de composantes

Vi = dxi/dλ

qui peut caractériser une vitesse, en particulier la vitesse d’un corps se mouvant sur cette courbe puisque ce vecteur y est tangent. Cette définition s’étend à l’espace-temps à quatre dimensions de la relativité générale, quadri-vitesse, où le temps propre est le paramètre affin.

Cette définition montre que pour une courbe donnée, représentée sur un diagramme en coordonnées cartésiennes par exemple, si la direction du vecteur est déterminée, le module de cette vitesse dépend du paramétrage du paramètre affin λ qui, comme nous venons de le voir, dépend la métrique de l’espace qu’on utilise pour le calculer à partir des coordonnées.

Comme seul le module du vecteur est concerné, une transformation qui modifie seulement l’échelle de la métrique en tout point en la multipliant par une fonction h(x, y, z) = h(xi) modifiant l’échelle en tout point, ce que réalise une transformation conforme, convient.

Le tenseur de métrique euclidienne δμν où δμν= 1 si μ = ν et δμν = 0 si μ ≠ ν devient alors gμν

qui est le tenseur métrique non euclidien tel que : gμν = h(xi) δμν.

C’est cette propriété que Painlevé utilise pour que ce vecteur caractérisant la vitesse corresponde à la vitesse définie en mécanique classique.

Géodésiques newtoniennes en représentation paramétrique dans la métrique conforme.

Considérons l’espace euclidien à trois dimensions où les géodésiques liées aux lois du mouvement dans un champ à potentiel central, en mécanique classique, sont des coniques, courbes planes, qu’on représente dans cet espace euclidien.

La méthode pour établir que ces géodésiques sont des coniques utilise les lois régies par les équations de la mécanique classique, celles qu’à citées Painlevé au début de cet article.

Ces équations sont des équations aux dérivées partielles d’ordre deux par rapport au temps (absolu de la mécanique classique) qui font intervenir deux constantes du mouvement r²dφ (conservation du moment angulaire) et l’énergie E (conservation de l’énergie).

Pour obtenir l’équation d’une conique qui est une courbe purement spatiale, à partir d’équations faisant intervenir le temps il faut évidemment l’éliminer.

Sans refaire les calculs assez laborieux, donnons le résultat qui peut s’exprimer par l’équation74

1

r=1+ecos(f)

p ,avec ,e=

1+2Cµ22E , p=Cµ2, f=φ −ω (2-13-2)

où C = r²(dφ/dt) est la constante du mouvement correspondant à la conservation du moment angulaire, E l’énergie totale, µ la masse du corps central dans notre cas et ω une constante d’intégration de la variable angulaire φ.

Ceci donne la courbe spatiale (ellipse, hyperbole, parabole, selon un paramètre d’énergie totale et des conditions initiales) mais ne dit rien sur le mouvement d’une particule de test qui sont données par d’autres lois et équations indépendantes (lois des aires, de Kepler, conditions aux limites).

Nous avons besoin de deux descriptions indépendantes et complémentaires pour décrire le phénomène, une spatiale et l’autre spatio-temporelle pour établir le lien avec le temps, ce qui est bien conforme à l’approche classique.

Dans cette représentation purement spatiale dans l’espace euclidien, le temps n’est évidemment pas concerné puisqu’il est extérieur et indépendant de cet espace, la représentation ne décrivant qu’une courbe spatiale où le paramètre affin est la longueur (spatiale) curviligne d’un arc de la courbe.

En espace euclidien les géodésiques géométriques spatiales étant des droites, ces coniques ne sont pas des géodésiques géométriques de cet espace.

Sur une de ces coniques, prenons une ellipse par exemple, le mouvement suivi par un corps d’épreuve n’est pas régulier. La longueur d’arc d’ellipse parcourue pendant un intervalle de temps donné, sa vitesse, est plus grande quand le corps est au périhélie que lorsqu’il est à l’aphélie (loi des aires en mécanique classique).

74Voir par exemple : Perez Jérôme : gravitation classique, ENSTA, IAP pour l’établissement de cette équation.

La numérotation tient compte des équations (2-5) à (2-13-1) données en annexe d’où le saut.

Quant à la période pour décrire l’orbite, qui est un autre paramètre temporel, elle est donnée par une autre loi de Kepler.

Pour définir des intervalles de temps nous avons fait référence au temps qui est un paramètre indépendant dans une “autre dimension” indépendante de l’espace.

Comme cette vitesse n’est pas constante on ne peut pas utiliser le temps, tel quel, comme paramètre affin en géométrie euclidienne.

Pour illustrer cela par un diagramme utilisons la propriété que nous avons rappelée au paragraphe sur la définition paramétrique d’une courbe. Représentons symboliquement le cas d’une orbite elliptique en coordonnées cartésiennes.

L’équation de l’ellipse est du type y = ± f(x).

Figure 2-1. Géodésique elliptique représentée sur un support euclidien. La demi-ellipse supérieure, y = + f(x)est en géométrie euclidienne, la demi ellipse inférieure y = - f(x) en

y

Dans le document Painlevé et la relativité générale (Page 37-42)