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La rouille brune chez la canne à sucre : Puccinia melanocephala 1 Historique et distribution

Liste des abréviations par ordre d’apparition

B. Les champignons de la rouille

B.2. La rouille brune chez la canne à sucre : Puccinia melanocephala 1 Historique et distribution

Il existe deux types de rouilles chez la canne à sucre : la rouille brune et la rouille orange dont les agents pathogènes sont P. melanocephala et P. kuehnii respectivement. Bien que les spores de ces deux pathogènes aient une morphologie qui permette de les différencier, ils ont souvent été confondus car les symptômes qu’ils provoquent sur les feuilles sont très semblables (Virtudazo et al., 2001). La répartition géographique de P. melanocephala s’étend aujourd’hui dans pratiquement tous les pays producteurs de canne à sucre. P. kuehnii quant à

outgroups

Puccinia de Poacées

outgroups

Puccinia de Poacées

Figure 1.11. Arbre phylogénétique d’un échantillon de champignons appartenant au genre Puccinia.

L’encadré noir correspond au champignon responsable de la rouille brune chez la canne à sucre : P. melanocephala (d'après Dixon et al, 2010).

lui, a été décrit en Asie et en Australie. Des rapports récents ont confirmé la présence du champignon en Amérique du Nord et en Amérique du Sud (Comstock et al., 2008; Flores et al., 2009).

La rouille brune causée par le champignon P. melanocephala a été signalée pour la première fois en Inde dans les années 1950 quand une épidémie s’est développée sur un clone de canne à sucre cultivé depuis quelques années (Ryan & Egan, 1989). La maladie ne gagne une importance mondiale qu’en 1978 quand elle est signalée pour la première fois en Australie et dans la région des Caraïbes puis l’Amérique du Nord et le Mexique (Comstock & Raid, 1994). La maladie s’est propagée très vite et a causé de nombreuses pertes économiques (Comstock et al., 1992b). Purdy et al, (1983) ont enregistré au Mexique des pertes de 1,5 à 21,7 tonnes par hectare entre 1978 et 1979 pour le cultivar B4362, qui occupait 28 % des sols pour la production de canne à sucre. L’industrie sucrière cubaine a estimé une perte de un million de tonnes de sucre en 1979.

B.2.2 Races de P. melanocephala

Lors de l’épidémie de rouille brune en Inde en 1950, il a été noté que certains cultivars avaient des niveaux de résistance différents suivant la région où ils étaient cultivés (Srinivasan & Muthaiyan, 1965). Dean et Purdy (1984) décrivent trois cultivars dont la réaction vis-à-vis de la rouille est subitement passée de résistante à sensible dans certaines parcelles. Après avoir écarté les possibilités de variation des conditions environnementales entre les parcelles, les auteurs ont interprété ce phénomène comme une variation du niveau de résistance des cultivars et donc l’existence de différentes races de P. melanocephala avec des pouvoirs pathogènes plus ou moins importants.

Plusieurs études suggèrent la présence de différentes races en comparant les niveaux de résistance d’un cultivar résistant. Afin de se soustraire des facteurs environnementaux, les études citées ci-dessus ont été réalisées en conditions contrôlées :

- Six isolats collectés en Inde ont provoqué des réactions différentes sur 18 cultivars (Srinivasan & Muthaiyan, 1965).

- Deux isolats collectés à Hawaï ont provoqué une réaction différente sur le cultivar H65-7052 (Comstock, 1985).

a) c)

b)

Figure 1.12. Exemples de symptômes causés par l’agent de la rouille brune P.

melanocephala chez la canne à sucre.

a) symptômes sur feuille de canne à sucre et b) en champ. c) pustule de P. melanocephala sur feuille de canne à sucre.

- Cinq isolats collectés en Floride ont donné une réaction différente sur six cultivars (Comstock & Raid, 1994). Shine et al, (2005) ont réalisé le même type d’étude avec ces cinq isolats. Les auteurs suggèrent qu’il existe au moins trois races différentes en Floride.

Par contre, Taylor (1992), a utilisé une collection d’urédospores de P. melanocephala récoltées entre 1978 et 1986 (15 échantillons) en Australie et les ont testés sur 12 cultivars résistants. Aucune réaction différentielle n’a été observée sur les 12 cultivars testés. Les auteurs ont déduit qu’il existait qu’une seule race physiologique de P. melanocephala en Australie.

B.2.3 Symptômes et transmission de la rouille brune

Le développement de la maladie commence par l’apparition de tâches jaunâtres visibles sur les deux faces de la feuille. Ces tâches s’allongent, deviennent marron à marron-rouge, et un halo chlorotique se forme autour de la lésion (Figure 1.12). Des pustules contenant les urédospores (de 2 à 20 mm de long pour 1 à 3 mm de large) se développent sur la face inférieure de la feuille. Sur les feuilles les plus sévèrement touchées, les pustules coalescent et forment de grandes surfaces nécrotiques. A maturité, les pustules produisent de nombreuses urédospores de couleur marron-orangé. Ces urédospores se déposent sur d’autres feuilles et germent pour coloniser les tissus de la feuille. Douze à 14 jours plus tard, d’autres urédospores seront formées et iront coloniser une autre feuille.

Les urédospores sont essentiellement propagées par le vent et, dans une moindre mesure, par l’eau et l’homme, entre parcelles de canne à sucre par exemple. Le mode de transmission de cette maladie expliquerait son aptitude à se propager rapidement.

Le spectre d’infection de P. melanocephala est principalement constitué des différentes espèces du genre Saccharum spp. mais certaines lésions ont déjà été observées chez Erianthus nulvus et Narenga porphyrocoma (Ryan & Egan, 1989).

Les symptômes de la maladie sont évalués visuellement grâce à une échelle de notation graduelle inspirée de celle proposée par Tai et al, (1981), allant de 1 à 9. Les individus dont la note est inférieure à 2 sont résistants (absence de pustules). Les individus notés de 2 à 9 sont sensibles à des degrés différents. Un individu noté 2 présente quelques pustules tandis qu’un individu noté 9 présente un très grand nombre de pustules.

Figure 1.13. Modèles biochimiques de la relation gène-pour-gène (Dangl & Jones, 2001). A. Modèle ligand-récepteur. La protéine de résistance R se fixe sur la protéine d’avirulence AVR. L’interaction entre ces deux protéines déclenche la cascade de signalisation aboutissant à l’activation des gènes de défenses.

B. Modèle de garde. La protéine AVR se fixe sur une protéine cible (C), interaction qui induit un changement de conformation. Ce changement de conformation est détecté par la protéine R et conduit à l’activation des gènes de défenses.

Il existe deux moyens pour lutter contre la rouille brune de la canne à sucre :

- l’utilisation de fongicides. Cette méthode est très efficace mais reste très onéreuse sur les grandes superficies de culture de la canne à sucre et est donc très peu utilisée.

- l’utilisation de cultivars résistants est le moyen le plus utilisé. Le développement rapide de cultivars résistants qui a permis d’enrayer la première épidémie de rouille est essentiellement dû à la forte héritabilité du caractère rouille (Taylor et al., 1982; Comstock et al., 1992a; Daugrois et al., 1996).