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Liste des abréviations par ordre d’apparition

A. La canne à sucre

A.4. Evolution et domestication de la canne à sucre

La domestication de la canne à sucre aurait eu lieu en Papouasie-Nouvelle-Guinée environ 2 500 ans avant notre ère (Figure 1.2). La ligne de Wallace est une frontière théorique qui sépare l'empire biogéographique indomalais (Asie du Sud-Est, Java, Sumatra) de l'empire biogéographique australien (Papouasie-Nouvelle- Guinée et les îles voisines), empires restés séparés par les eaux pendant plus de trois millions d’années. Les espèces sauvages de Saccharum se seraient différenciées de part et d’autres de cette ligne : S. spontaneum du côté indomalais et S. robustum du côté australien. Ces deux espèces ont été clairement différenciées par marquage moléculaire en utilisant des sondes RFLP (Restriction Fragment Length Polymorphism) (Lu et al., 1994b). La domestication de S. officinarum s’est probablement déroulée en Papouasie-Nouvelle-Guinée à partir de l’espèce S. robustum. C’est dans cette région que nous trouvons la plus grande diversité morphologique des clones S. officinarum (Daniels & Roach, 1987). Des analyses moléculaires avec des marqueurs RFLP ont montré que l’espèce S. officinarum était très proche de S. robustum (Lu et al., 1994b). De plus, D’Hont et al, (1998) ont montré que le nombre de chromosomes de base de S. officinarum est de x = 10 comme S. robustum et que cette espèce est octoploïde comme un des cytotypes prédominants (2n = 80) de S. robustum. Ces clones nobles auraient ensuite été diffusés vers la partie indomalaise (Inde et Chine) et vers les îles du Pacifique lors de migration humaine entre 1 500 et 1 000 ans avant notre ère. C’est à cette même période que les espèces S. barberi et S. sinense seraient apparues en Inde et en Chine respectivement. Les analyses moléculaires utilisant les marqueurs RFLP montrent que ces deux espèces sont issues d’une hybridation naturelle entre les espèces S. spontaneum et S. officinarum (Figure 1.3). Ces données ont été confirmées par des expériences de cytogénétique moléculaire (Genomic In Situ Hybridization - GISH) (D'Hont et al., 2002) (Figure 1.4).

La canne à sucre a été propagée vers les pays occidentaux par les Perses vers l’an 500 de notre ère (Figure 1.2), puis par les Arabes qui ont développé la culture en Afrique et dans les îles de la méditerranée entre le VIème et le VIIIème siècle. Au XVème siècle, les Espagnols et les Portugais ont introduit la canne à sucre dans leurs possessions africaines. Christophe Colomb installe des plants de canne à sucre dès son second voyage dans les îles Caraïbes et vers 1505, ces îles exploitent le sucre de la canne pour la première fois. C’est le début d’une production prospère et lucrative. Au cours du XVIème et début du XVIIème siècle, la culture de la canne

Figure 1.3. Scénario d’évolution et de domestication de la canne à sucre (Grivet et al., 2006).

Figure 1.4. Hybridation génomique in situ (GISH) d'un clone de S. barberi (2n = 82) en utilisant l'ADN génomique de S. officinarum (marqué en vert), l'ADN génomique de S. spontaneum (marqué en rouge) et l'ADNr 18S-26S (marqué en bleu). Les flèches blanches représentent les échanges de chromosomes interspécifiques (D'Hont et al., 2002).

apparaît en Amérique du Sud (Mexique, Pérou et Brésil). A la moitié du XVIIIème siècle, la culture de la canne va s’intensifier avec son introduction aux Antilles (Guadeloupe et Martinique). L’industrie de la canne à sucre commence vers la fin du XVIIIème siècle avec l’utilisation de clones provenant de S. officinarum dits clones « nobles ». On pratiquait la substitution clonale qui consistait à remplacer des variétés nobles par des formes naturelles de la même espèce plus productives. Les clones les plus utilisés jusqu’en 1880 étaient des mâles stériles et on pensait que la canne à sucre se reproduisait seulement par multiplication végétative. Mais, vers le milieu du XIXe siècle, dans les îles de La Barbade, Stevenson (1965) a observé pour la première fois des plantules issues de graines.

Les premières variétés commerciales (POJ 100 et EK 28) issues de la multiplication sexuée de la canne à sucre ont été produites à partir de croisements de deux variétés nobles. Cependant, la variabilité génétique de S. officinarum ne permettait pas d’obtenir des variétés améliorées pour certains caractères agronomiques comme l’adaptation aux stress biotiques et abiotiques. Ainsi, d’autres espèces du genre Saccharum ont été introduites dans les programmes de sélection : S. spontaneum et S. barberi. Ces procédures d’introgression portent le nom de « nobilisation ». Elles consistent à croiser un clone noble (S. officinarum), riche en sucre, avec un clone d’une espèce parentée, puis de recroiser l’hybride avec un clone noble parental (backcross). Le clone noble n’est pas forcement le même à chaque génération de croisement, ceci afin de maintenir une vigueur élevée.

Les cultivars modernes sont tous issus de croisements entre ces premiers clones « nobilisés ». Selon Arcenaux (1965), la généalogie des cultivars modernes repose sur un nombre restreint de clones. Seuls 19 clones de S. officinarum, quelques clones de S. spontaneum, un clone de S. barberi et un clone de S. robustum auraient participé à l’élaboration des cultivars modernes. Ce rétrécissement potentiel de la variabilité en amont de la sélection des cultivars modernes a été considéré comme responsable du ralentissement du progrès génétique observé dans les années 1960. Mais une étude de diversité réalisée sur 109 variétés modernes et 53 clones de S. officinarum a montré que les cultivars modernes ont conservé une grande partie de la variabilité observée chez S. officinarum (Jannoo et al., 1999).

(S. officinarum) 2n = 80 (S. spontaneum) 2n = 112 Kassoer 2n = 136 = (2 x 40) + 56 POJ 100 2n = 89 POJ 2364 2n =148 ≈ 2 x (89/2) + 68 EK 28 (S. officinarum) 2n = 80 POJ 2878 2n = 119 56 (41 %) 28 (19 %) 14 (12 %) S. spontaneum Première nobilisation Deuxième nobilisation Troisième nobilisation

Figure 1.5. Transmission des chromosomes au cours de la nobilisation pour l’obtention du clone POJ 2878 (Bremer, 1961).

S. spontaneum S. officinarum recombinants S. spontaneum S. officinarum recombinants A) B) Génome monoploïde : 950 Mb Chromosomes hom(é)ologues

Figure 1.6. Structure du génome du cultivar R570 (2n = ca 115).

A) Hybridation génomique in-situ (GISH) de chromosomes du cultivar R570 en utilisant l'ADN génomique de S. officinarum (marqué en jaune) et l’ADN génomique de S. spontaneum (marqué en rouge) (D'Hont et al., 1996).

B) Représentation schématique du génome de R570. Chaque trait vertical représente un chromosome. Les chromosomes issus du parent S. officinarum sont représentés en jaune et ceux du parent S. spontaneum en rouge. Les chromosomes présents sur une même ligne appartiennent au même groupe d’hom(é)ologie. Les chromosomes présents sur une même colonne appartiennent au même génome monoploïde.