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Contraintes du clonage positionnel chez les plantes à grand génome

Liste des abréviations par ordre d’apparition

D. Clonage positionnel chez les plantes à grand génome

D.1. Contraintes du clonage positionnel chez les plantes à grand génome

Population en ségrégation Carte génétique Cartographie fine marqueurs Cartographie physique 1 BAC ~ 100 Kb Séquençage BAC Analyse de séquence

Transformation génétique Gène candidat

1-5 Kb

Pour cloner un gène dont on ne connait ni la séquence ni la fonction mais dont on sait qu’il confère un phénotype important pour des sélectionneurs ou des agriculteurs, on peut utiliser la technique du clonage positionnel ou « marche chromosomique ». Cette technique permet de rechercher la localisation chromosomique d’un gène d’intérêt en s’appuyant sur des approches de génétique formelle. Elle peut se diviser en quatre parties (Figure 1.15) :

1) Cartographie génétique fine qui consiste à obtenir des marqueurs moléculaires qui entourent et qui soient les plus proches possibles du locus d’intérêt. Cette technique repose sur les évènements de recombinaison génétiques qui se sont produits entre les marqueurs et le locus d’intérêt dans la population en ségrégation étudiée.

2) Cartographie physique qui consiste à identifier la région physique contenant le gène d’intérêt. Les marqueurs moléculaires permettent le positionnement de la carte physique sur la carte génétique. Pour les génomes non séquencés, la carte physique est matérialisée par des banques d’ADN de grands inserts clonés - YAC (Yeast Artificial Chromosomes), BAC (Bacterial Artificial Chromosomes), cosmides - qui collectivement contiennent la totalité de la région d’intérêt. La série de clones doit donc contenir des inserts chevauchants formant un ensemble complet de clones contigus que l’on appelle « contig ».

3) Identification de gènes candidats dans la région : cette étape passe par le séquençage et l’analyse du ou des BACs/YACs compris dans la fenêtre contenant le locus d’intérêt.

4) Validation du gène cloné : l’étape ultime du clonage positionnel est la démonstration que le gène identifié est bien celui qui confère le phénotype étudié. La démonstration la plus probante du clonage du gène recherché est la complémentation fonctionnelle par transformation génétique : dans le cas d’une résistance à un agent pathogène, la validation se traduira par la restauration de la résistance dans une variété sensible.

Le clonage positionnel est une stratégie longue et fastidieuse mais qui devient de plus en plus efficace chez les plantes modèles séquencées comme le riz, avec un génome diploïde de petite taille (Ueda et al., 2005; Xu et al., 2006; Saito et al., 2010). Toutefois, cette technique reste un challenge majeur chez les espèces complexes à grand génome comme le blé tendre (16 000 Mb) ou la canne à sucre (10 000 Mb) à cause de deux contraintes principales : la taille du génome et la redondance génétique chez les plantes polyploïdes.

Tableau 1.3. Exemples de banques BAC pour quelques espèces de Poacées

Espèce Taille génome (Mb) Nombre de BACs Taille moyenne des inserts (Kb) Couverture du génome (X) Référence

Riz (Nipponbare) 450 36 864 129 11 Chen et al , 2002

Sorgho (BTx623) 750 110 592 120 17 Begum, non publié

Maïs (B73) 2 500 247 680 136 13,5 Tomkins et al, 2002

Orge 5 000 313 344 106 6,3 Yu et al, 2000

Canne à sucre (R570) 10 000 103 296 130 1,3 Tomkins et al, 1999

Blé

T.monococcum 5 600 276 480 115 5,6 Lijavetzky et al,

1999

A.Tauschi 4 400 114 000 119 3,7 Moullet et al, 1999

T.turgidum 13 000 516 096 131 5,1 Cenci et al, 2003

D.1.1 La taille du génome

Dans la famille des Poacées, il existe une grande diversité de taille des génomes allant de 450 Mb pour le riz à 2 500 Mb pour le maïs, 5 000 Mb pour l’orge, 10 000 Mb pour la canne à sucre et 16 000 Mb pour le blé tendre. La variation de la taille de ces génomes peut s’expliquer par deux mécanismes :

(1) L’augmentation de taille des génomes peut être due à l’amplification/l’accumulation des éléments transposables (TE) (Bennetzen, 2005). Certains éléments transposables augmentent leur nombre de copies dans le génome lors de leur transposition par un mécanisme de « copier / coller » et ainsi augmentent la taille du génome. C’est le cas de la variété de riz diploïde Oryza australiensis (965 Mb) qui a une taille de génome deux fois supérieure au génome diploïde Oryza sativa (390 Mb). Cette variation de taille s’explique par la présence de trois familles de rétrotransposons qui représentent 605 Mb du génome d’Oryza australiensis (Piegu et al., 2006).

(2) La duplication du génome entier, c'est-à-dire la polyploïdisation, provoque une augmentation majeure de la taille du génome (Doyle et al., 2008).

Cette contrainte de taille des génomes intervient principalement lors de la construction des banques d’ADN à grands inserts. En effet, plus la taille du génome est grande, plus la banque devra contenir de clones pour avoir une couverture du génome suffisante pour trouver le caractère recherché (Tableau 1.3). Par exemple, la banque BAC de la variété Sorghum bicolor BTx623 (taille du génome de 750 Mb) contient 110 592 clones pour une couverture du génome de 17 équivalents génomes. En comparaison, la banque BAC du cultivar R570 (taille du génome 10 000 Mb) contient 103 296 clones pour une couverture du génome de 1,3 équivalent génome (Tomkins et al., 1999).

D.1.2 La redondance génétique

Par rapport au blé tendre, le génome de la canne à sucre est plus petit, mais son niveau de redondance est beaucoup plus élevé, avec douze haplotypes hom(é)ologues fortement hétérozygotes en moyenne à chaque locus par rapport à trois ensembles de paires d'haplotypes 22

Tableau 1.4. Ratio de ségrégation d'un marqueur simplex, duplex, triplex dans une descendance issue d'une autofécondation, pour différents niveaux de polyploïdie (h) et d'appariements des chromosomes (Grivet, 1995).

Type de comportement à la méiose Marqueur simplex

Marqueur duplex

Marqueur triplex Disomique (tous niveaux de

polyploïdie) 3 :1 15 : 1* 63 : 1* Polysomique ( h=12 ) 3 :1 18,4 : 1 130 : 1 Polysomique ( h=10 ) 3 :1 19,2 : 1 163 : 1 Polysomique ( h=8 ) 3 :1 21 : 1 255 : 1 Polysomique ( h=6 ) 3 :1 24 : 1 1023 : 1 Polysomique ( h=4 ) 3 :1 35 : 1 -

* Cas ou les marqueurs duplex et triplex sont sur des chromosomes appartenant à des couples hom(é)ologues différents.

fortement homozygotes dans le blé tendre. Ce niveau très élevé de redondance génétique rend difficile le suivi des loci spécifiques en cartographie génétique et dans des approches de cartographie physique. Les conséquences de cette contrainte sont :

(1) L’utilisation de marqueurs simplex pour la cartographie génétique. Chez les diploïdes, chaque allèle d’un locus donné peut être présent en une seule copie si l’individu est hétérozygote ou en deux copies s’il est homozygote. Chez les polyploïdes d’un niveau de ploïdie h, le nombre de copies d’un allèle à un locus peut varier de 1 à h. On parlera donc d’un allèle simplex lorsqu’il est présent en une copie et d’un allèle multiplex lorsqu’il est présent en deux ou plusieurs copies (Wu et al., 1992). Le ratio de ségrégation d’un marqueur varie en fonction du nombre de copies, du mode d’appariement des chromosomes à la méiose (comportement disomique ou polysomique) et du niveau de polyploïdie. Dans un comportement disomique ou polysomique, un marqueur dominant simplex ségrégera avec un ratio de 3 : 1 dans une descendance F2 (trois présences pour une absence). Le ratio de ségrégation d’un marqueur duplex dans un comportement disomique est 15 : 1 dans une descendance F2. Par contre, ce ratio pour le même marqueur dans un comportement polysomique est dépendant du niveau de polyploïdie de l’espèce (Tableau 1.4). Plus le niveau de polyploïdie est élevé et plus le ratio de ségrégation se rapprochera de 15 : 1. Pour les marqueurs multiplex, ce ratio augmente de façon importante. Pour un marqueur multiplex, la ségrégation dépend donc du type de comportement des chromosomes à la méiose et du niveau de polyploïdie. La visualisation de la ségrégation requiert un nombre de descendants d’autant plus grand que le rapport présence / absence est élevé. Par contre, les marqueurs simplex ne sont pas soumis à ces différents facteurs et sont donc plus facilement analysables.

(2) La différenciation des haplotypes hom(é)ologues sur la carte physique. Lors du criblage des banques d’ADN à grands inserts, les clones identifiés peuvent appartenir aux différents haplotypes constituant la région cible. Par exemple, pour une espèce dodécaploïde, 12 haplotypes hom(é)ologues peuvent recouvrir la région cible.