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Une ritualisation du quotidien

La vie de garnison ou la matérialisation d’un corps

1. Structuration de l’espace et du temps au service de l’esprit de corps

1.2. Une ritualisation du quotidien

La notion d’esprit de corps, par le dévouement à la fois à l’institution et au chef, qu’elle implique, rend possible l’élaboration d’une hiérarchie et d’une discipline s’exprimant par des rapports d’autorité unilatéraux. Ces derniers sont source de liens spécifiques entre les militaires qui se traduisent notamment par une importante ritualité du quotidien dans le but de générer des réflexes de solidarité entre les engagés mais également de soumission à l’autorité hiérarchique. En ce sens, « l’attention au grade est maintenue par le salut, la position du garde-à-vous, les formes orales et écrites pour s’adresser respectueusement à un supérieur, les formes péremptoires pour s’adresser à des subordonnés, les règles pour entrer et quitter l’ordre du rang, l’interdiction de contacts physiques non sollicités avec des supérieurs, et l’utilisation de langage différencié selon les relations et les appartenances. »43

Ces attitudes, à la fois verbales et corporelles participent à l’intégration des valeurs caractéristiques du fonctionnement de l’institution militaire en matérialisant une forme de respect au chef dont la légitimité se fait en partie par « le pouvoir charismatique qui émane de son corps »44. Parmi ces attitudes prescrites, la posture du garde-à-vous reste primordiale. Imposée dans la plupart des actions ritualisées inhérentes au service, elle est, selon Odile Roynette, considérée « comme un miroir de l’âme de la troupe, “l’immobilité et la rigidité sont perçues comme des signes du contrôle de soi et de l’impassibilité qui pourrait leur être demandés au combat” »45.

L’une des actions ritualisées les plus courantes est la salutation des supérieurs par l’expression « mes respects mon46… », accompagné du garde-à-vous si les personnes sont

statiques ou tête découverte et du salut de la main droite paume visible portée sur la tempe si les personnes sont en mouvement ou tête couverte. L’utilisation de cette main en rapport avec la tête constitue un moyen corporel d’exprimer « les honneurs, les désignations flatteuses, les

42 Vincent Porteret, Emmanuelle Prevot-Forni, Le patriotisme en France aujourd’hui, Paris, Centre d’études en

sciences sociales de la Défense, 2004, p. 36.

43 Théodore Caplow, Pascal Vennesson, Sociologie militaire, armée, guerre et paix, op. cit., p. 27. 44

Geneviève Vinsonneau, Identité culturelle, op. cit., p. 75.

45 Stephan Audoin-Rouzeau, « Massacres, le corps et la guerre », in Jean-Jacques Courtine (dir.), Histoire du

corps, tome 3, « Les mutations du regard. Le XXe siècle », Paris, Seuil (coll. Points-histoire), 2006, p. 298.

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« Mon » étant à l’origine le diminutif de « Monsieur », suivi du grade de la personne rencontrée. En ce sens, le salut et la présentation des respects s’adressent plus au grade qu’à l’individu.

69 prérogatives. […] À la droite est associée la force, le bénéfique, le noble »47

. Dans la religion chrétienne, la main droite « désigne ce qui est bon, licite, recommandé »48. Elle est associée au bien et apparaît dans la Bible (Ps. 142, 5) comme étant « le côté du défenseur », image à laquelle le militaire français souhaite s’associer, dans la mesure où il a pour mission de « défendre la France et ses intérêts, quel qu’en soit le prix ». La droite symbolise « l’ordre, la stabilité, l’autorité, la hiérarchie, la tradition »49

. Toutes ces valeurs sont très présentes au sein de l’institution et, d’une certaine manière, peuvent être résumées dans ce geste qui se fait traditionnellement, dans le sens où il fait partie de « ce qu’il convient de savoir et de faire au sein d’un groupe »50

, dans des rapports hiérarchiques dont le but est de montrer son respect à l’autorité et à l’ordre établi. Ce geste est donc un autre moyen pour l’institution d’imposer une omniprésence des valeurs structurelles qu’elle porte et de marquer symboliquement la soumission du soldat à sa hiérarchie et aux missions qui lui sont confiées car il contribue au développement d’une composante importante de l’esprit de corps, la soumission au chef.

Le geste du salut ne s’adresse toutefois pas exclusivement à une personne physique mais peut aussi être destiné à des symboles de la nation, c’est-à-dire « un lignage guerrier auquel chacun peut désormais proclamer son appartenance. Avec la démocratisation de la gloire, tout citoyen ou citoyenne est encouragé à se penser comme membre d’une noble filiation. […] Et, de même que chaque lignage noble avait son blason propre, chaque nation a son drapeau. Au vu de son drapeau, un (ou une) patriote ressent une exaltation qui correspond, en partie, à la fierté tirée du lignage imaginaire auquel tout citoyen appartient désormais : “Ceux qui nous ont précédés” et “ceux qui donnèrent leur vie pour que…” »51. La nation est considérée comme la cause supérieure pour laquelle le militaire est prêt au sacrifice suprême. Elle est principalement symbolisée par le drapeau tricolore qui constitue également la base du drapeau régimentaire, marque de l’existence d’un corps, régiment ou bataillon puisque sa capture par un ennemi est synonyme de dissolution de l’unité. Ainsi, le drapeau caractérise l’unité, microcosme social représentant la première nation pour laquelle le soldat agit. En effet, le drapeau régimentaire, par son fond tricolore, symbolise la France, mais par les inscriptions et décorations qui lui sont apposées, fait référence à l’unité en particulier. Il

47 David Le Breton, La sociologie du corps, Paris, PUF (coll. Que sais-je ?), 5e éd. 2004 [1e éd. 1992], pp. 86-87. 48 Luc Charles-Dominique, Musiques savantes, musiques populaires. Les symboliques du sonore en France

(1200-1750), Paris, CNRS édition, 2007, p. 28.

49

Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures,

couleurs, nombres, Paris, Robert Laffont-Jupiter (coll. Bouquins), 2e éd. 1982 [1e éd. 1962], p. 428.

50 Pierre Bonte, Michel Izard (dir.), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, op. cit., p. 710. 51

Barbara Ehrenreich, Le sacre de la guerre, Essai sur les passions du sang, Paris, Calmann-Lévy, 1999, p. 225.

70 représente le « courage », « l’héroïsme », « la gloire » et « les actions mémorables »52 de la troupe. En ce sens, cette dernière est unie derrière les valeurs, forgées par les différentes batailles qui la caractérisent. Par l’inscription des noms de ces conflits marquants, le drapeau « représente une autorité, une histoire, l’existence objective et subjective »53 du groupe. Il est « un point de ralliement, un signe de reconnaissance »54 pour chacun des soldats rattachés à l’unité qu’il représente. « Le drapeau est très fortement investi et acquiert un statut d’emblème sacré à préserver.

Illustration 10 : Drapeau du RICM et sa garde lors d’une remise de fourragères, 9 mars 2006.

Le drapeau représente la Nation, la collectivité et ses idéaux. Il est un symbole au nom duquel un guerrier est prêt à se sacrifier et à déployer le maximum de son énergie combattante. »55 Le drapeau représente aussi l’État, c’est-à-dire le pouvoir politique auquel l’armée est soumise. Saluer le drapeau, c’est donc également montrer son infériorité et sa soumission aux volontés étatiques. Cette ritualité est déterminée par la position sociale de chacun des acteurs et fait l’objet d’une norme précise visant en premier lieu à son efficacité signifiante. À l’armée, la position des mains, le placement de la tête, le regard sont autant d’éléments corporels qui, associés, expriment la salutation et le respect. L’organisation de ces mouvements induit donc une communication gestuelle entre les personnels. Elle génère un

52 Line Sourbier-Pinter, Au-delà des armes, le sens des traditions militaires, op. cit., p. 95. 53 Ibid.

54

Ibid., p. 96.

71 système, pouvant être considéré comme symbolique, qui contribue aux repères culturels du groupe. Mais le salut est aussi, de manière tout à fait pragmatique, un moyen de communication. Il permet à deux militaires de grades différents qui se rencontrent pour la première fois dans la journée de se dire bonjour. Ainsi, il n’est, en principe, échangé qu’une seule fois par jour avec la même personne. Dans ce rituel de salutations, « le moi du destinataire est perçu comme “social”, c’est-à-dire qu’il renvoie à la position de celui-ci sur l’échelle des positions sociales »56

. Dans le même sens, lors de son entrée au foyer, le militaire est tenu de saluer avant d’ôter son béret et de pénétrer dans la pièce afin de dire bonjour à l’ensemble des militaires qui s’y trouvent et de « présenter ses respects » à tous ceux dont le grade est supérieur au sien. Ce geste ne le dispense pas de saluer individuellement les personnes avant d’avoir un échange avec elles.

La démonstration d’une soumission à l’autorité n’est pas la seule représentation du salut qui n’est pas uniquement l’apanage des subalternes. En effet, le chef, se doit d’être entièrement dévoué à ses hommes et c’est parce qu’il se montre à la fois différent et qu’il fait preuve d’égalité de traitement avec tous les membres de son groupe qu’il parvient à avoir leur adhésion. Il doit conjuguer ces deux composantes avec une autorité suffisante qui montre sa capacité à réagir face à une situation d’urgence pour installer une confiance réciproque nécessaire à la gestion d’un conflit puisque « l’identification au corps du chef est d’autant plus forte que le pouvoir incarné par celui-ci est répressif »57.

En retour, le lien entre les militaires et leur chef, symbolisé par cet échange gestuel, permet une « manifestation collective d’attachement et de dévouement [qui] constitue l’esprit de corps »58. Ce dernier résulte d’une très forte solidarité entre les membres du groupe qui est un élément déterminant du dépassement de soi. En situation conflictuelle, le militaire agit en premier lieu « au nom de la solidarité absolue avec le groupe militaire auquel il appartient et pour lequel sa mission revêt une importance vitale »59. De ce fait, il est primordial, pour le bon fonctionnement des unités, de maintenir un esprit de corps fort qui passe par la ritualisation du quotidien et par la conduite d’actions collectives, mais aussi par un ensemble d’actions particulières dont l’analyse fera l’objet des chapitres suivants.

Ces échanges gestuels concrétisent l’importance accordée par les Troupes de Marine au don de soi, au sens du service, à l’abnégation ou à l’héroïsme. En outre, le maintien de

56

Claude Javeau, Sociologie de la vie quotidienne, op. cit., p. 71.

57 Geneviève Vinsonneau, Identité culturelle, op. cit., p. 75.

58 André Thiéblemont (dir.), « Le fait culturel militaire : premiers repérages », in Cultures et logiques militaires,

op. cit., p. 4.

72 l’ensemble de cet état d’esprit repose sur un fonctionnement institutionnel particulier qui se traduit par des rapports hiérarchiques et par une organisation rituelle du quotidien en garnison. Cette organisation favorise la continuité d’une vie sociale en structurant le temps et les espaces. Dans la mesure où le chant accompagne certaines de ces actions ritualisées, il convient de les détailler afin de mieux percevoir leur sens.

La journée débute systématiquement par un rassemblement des groupes autour de leur chef, à l’échelle de l’escadron et/ou du peloton, pendant lequel les objectifs de la journée et de la période sont présentés ; c’est ce que les militaires appellent « le rapport ». C’est également le moyen pour le chef de saluer collectivement ses hommes. D’un point de vue visuel, les personnes se placent en ordre serré, qui désigne « l’organisation des mouvements individuels des soldats dans un cadre statique ou dynamique »60, devant le bâtiment de l’unité. Ils se mettent au garde-à-vous pour la venue du commandant d’unité jusqu’à ce qu’ils reçoivent l’ordre de se mettre au repos, après quoi le chef fait son discours. Cette mise en place induit une perte des marques individuelles au profit du collectif. Elle montre une totale soumission du groupe envers le chef et contribue à la matérialisation de l’esprit de corps. La fin du rapport est, elle aussi, marquée par le garde-à-vous puis par l’expression du capitaine « à disposition des chefs de pelotons »61 qui font à leur tour leur rapport avant de dire « rompez les rangs », expression à laquelle les militaires répondent « marsouins », cri de reconnaissance des unités des Troupes de Marine. Ces modes d’expression ritualisés « constituent une sorte de “marché social et culturel” des comportements langagiers »62

. Après cela, le service débute généralement par une séance de sport nécessaire à la bonne condition physique qu’exige le métier, mais également moment propice au resserrement des liens de fraternité par un soutien mutuel dans l’effort63

.

La fin de la journée est marquée par un nouveau rapport faisant le bilan des actions effectuées et donnant les ordres pour le lendemain, en précisant la tenue à revêtir, un éventuel changement d’horaire ou un déplacement hors du régiment (séance de tir…). Ainsi, le groupe est réuni au moins trois fois dans la journée autour d’une action commune et stéréotypée qui peut être considérée comme un rite puisqu’elle met « en œuvre des symboles et des valeurs

60 Extrait du TTA 104, cité par André Thiéblemont, Christophe Pajon, Le métier de sous-officier dans l’Armée

de terre aujourd’hui, Paris, C2SD (coll. Les documents du C2SD), 2004, p. 85.

61 Cette expression implique que la supériorité du capitaine est transmise aux chefs de pelotons à qui les

militaires de grades inférieurs doivent alors se soumettre.

62

Patrick Charaudeau, « Langue, discours et identité culturelle », op. cit., pp. 344-345.

73 signifiants au niveau collectif »64, de la vie quotidienne dans le sens où elle est « donnée comme structure de la quotidienneté, et de son intrinsèque “socialité” »65. Enfin, ce type de rassemblement peut aussi être observé à d’autres moments de la journée, lorsque le commandant d’unité a besoin de communiquer avec ses hommes, par exemple avant le début ou au retour d’une mission.

Illustration 11 : Rapport devant le 2e escadron du RICM. Les soldats sont de retour d’OPEX et écoutent les dernières consignes de leur commandant d’unité avant de partir en permission. Sur la vignette de gauche, ils sont

au « garde-à-vous », marque du début du rapport. Au centre, ils sont en position du « repos » pendant l’intervention du commandant d’unité. À droite, ils saluent et crient « marsouin » avant de se « disperser », 19

mai 2013 (collection du RICM).

Par ailleurs, les unités (escadrons et pelotons) sont systématiquement formées en ordre serré pour leurs mouvements à pied et en groupe, dans l’enceinte du régiment. Ce mode de déplacement très structuré se fait soit en silence, soit accompagné du chant, selon la volonté du chef de groupe et des circonstances. C’est par exemple le cas pour se rendre au réfectoire. Ce rite est généralement réservé aux « marsouins »66 et aux caporaux des escadrons de combat, les militaires ayant un grade de caporal-chef ou plus n’y sont plus contraints, excepté le « personnel de service »67, tout comme les membres de l’Escadron de Commandement et de Logistique (ECL), spécialistes non combattants dont les exigences de soumissions sont moins exacerbées, sans pour autant être moins importantes, mais elles passent par d’autres vecteurs propres aux différentes spécialités. Dans les unités de combat, où le rapport supérieur-subordonné est strictement unilatéral, les clivages hiérarchiques sont affirmés par un encadrement très poussé des moins gradés afin d’être tout à fait sûr de leur soumission, de leur intégration au corps militaire et de leur dévouement pour le groupe, en partie favorisés

64 Martine Roberge, « En guise de conclusion, pour une relecture de nos rituels dans la société contemporaine »,

Ethnologies, vol. 28, n° 2, 2006, p. 214, cité dans Sidney-Eve Matrix et Pauline Greenhill (dir.), Ethnologies,

2006, vol. 28, n° 2, « Les noces en vrai », p. 214.

65 Grégori Jean, « Fonctions du corps dans la ritualisation de la vie quotidienne », Noesis, n° 12, 2007, en ligne :

http://noesis.revues.org/index1333.html.

66 Marsouin désigne également, dans le langage militaire, les soldats de 2e et de 1e classes. C’est cette définition

qu’il faut ici prendre en compte.

67

C’est le sergent de semaine, qui, dans les faits, est souvent un caporal-chef (sauf lorsque l’escadron est de service, c’est-à-dire lorsque c’est lui qui assure la garde) qui emmène l’escadron à l’ordinaire.

74 par ce biais. En outre, la ritualisation de ces déplacements semble également répondre à une volonté de ne laisser aucun temps libre et « de rompre les communications dangereuses »68 par une structuration précise de l’espace et du temps afin d’avoir un contrôle permanent sur les subalternes. L’institution prévient toute tentative de contestation ou de désordre par un « contrôle minutieux des opérations du corps »69. Ainsi, elle assure « l’assujettissement constant de ses forces et leur impose un rapport de docilité-utilité, c’est cela qu’on peut appeler les “disciplines” »70.

Illustration 12 : Déplacement en ordre serré en chantant dans l’enceinte régimentaire, 1e escadron du RICM, 19 mai 2013 (collection du RICM).

En outre, cette pratique quotidienne de l’art du défilé met en évidence une volonté, de la part des différents groupes, de montrer leur puissance et leur efficacité aux autres unités par une suprématie du collectif sur l’individu, ce dernier acceptant de s’astreindre à un ensemble de « conduites d’entretien, qui visent la conservation du groupe comme réalité physique et comme image idéale »71. C’est donc une démonstration interne au régiment, avec une dépersonnalisation de ses membres, qui permet le jugement de la valeur des différentes unités sur la base des qualités esthétiques du défilé mais aussi du chant qui, s’il est énoncé selon certaines normes, inspire respect et humilité. En ce sens, il conviendra, dans la seconde partie

68 Michel Foucault, Surveiller et punir, op. cit., p. 169. 69 Ibid., p. 161.

70

Ibid.

75 de ce chapitre, d’analyser plus en détail ces règles d’interprétation. Les répertoires associés à ces mouvements sont des « chants de marche », c’est-à-dire des pièces destinées à être chantées pendant une marche, bien que certaines d’entre-elles soient plus généralement entonnées au garde-à-vous.

Dans une acception large, on appelle « chant de marche » tout chant mesuré, pouvant accompagner ce mode de déplacement. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette expression désignait l’ensemble des chants qui étaient interprétés lors des mouvements à pied, de quelque nature que ce soit. Ils servaient à maintenir la cadence de mouvement, à faire passer le temps et à rendre l’exercice moins fastidieux. Cette expression désignait alors un répertoire de soutien à l’effort constitué de pièces très variées, allant de la chanson traditionnelle au chant militaire, en passant par les airs à la mode. Il ne correspond plus à ce qui est aujourd’hui désigné par ces termes au sein de l’institution et est devenu peu à peu obsolète depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, période marquée par de grands changements, aussi bien tactiques que sociaux, au sein de l’Armée de Terre. En effet, cette dernière s’est plus amplement motorisée à partir des années 1950 et les déplacements pédestres ont considérablement diminué, ces derniers étant alors peu à peu faits uniquement pour des raisons opérationnelles de discrétion interdisant toute manifestation sonore et entraînant la disparition de cette pratique. Le répertoire de représentation était, au début du

XXe siècle, exclusivement réservé à la musique instrumentale, désignée comme seule capable

de retranscrire le faste de l’institution. En l’absence d’une musique, le défilé se faisait alors dans le plus grand silence.

Cet art vocal étant central dans la problématique de ce travail, il semble important d’analyser plus en détail les techniques qui lui sont associées dans ce contexte de représentation. En effet, son interprétation suit certaines règles. Afin de procurer au chant solennité, gravité et émotion, mais aussi afin de faire ressortir la masculinité de chacun des chanteurs par un timbre sombre, en opposition avec le timbre clair de la voix de tête, à connotation féminine72, les chanteurs doivent chanter fort, d’une voix de poitrine, en ouvrant