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Le régiment ou la représentation d’un corps

La vie de garnison ou la matérialisation d’un corps

2. Du corps à l’esprit de corps

2.1. Le régiment ou la représentation d’un corps

Malgré sa pratique quotidienne, le déplacement en ordre serré est surtout l’apanage de rituels plus marqués. Ces derniers forment le cérémonial militaire dont les contours sont variables selon les circonstances. Celui-ci peut être public78, comme c’est le cas pour la prise d’arme et le défilé, ou privé, comme par exemple au moment des Grandes Couleurs. Ces dernières, également appelées Couleurs Régimentaires, se déroulent selon la volonté du chef de corps, soit de manière irrégulière comme au RICM, soit systématiquement, comme au 6ème BIMa. C’est une cérémonie destinée à rassembler l’ensemble du corps autour de la levée matinale des Couleurs, c’est-à-dire du drapeau tricolore. En plus d’un hommage collectif, cet événement est aussi fonctionnel en permettant la communication entre le commandement et la troupe, comme cela se fait au travers d’actions ritualisées dans de nombreuses entreprises. Toutefois, « l’expression très formalisée d’un rituel comme celui des couleurs et l’obligation pour les militaires d’y assister introduisent une grande différence, par rapport aux rituels informels tels qu’on peut les observer dans le privé. […] Sa formalisation vise aussi à rappeler

77 Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, op. cit., p. 368.

78 « Une cérémonie militaire revêt naturellement un caractère public lorsque les autorités officielles et la

représentation nationale sont associées à leur déroulement ». Esprit de corps, traditions et identité dans l’Armée

78 les valeurs qui s’inscrivent par ailleurs dans une histoire »79

, d’où la présence d’éléments symboliques comme le drapeau. Néanmoins, cette activité n’impose pas aux militaires le port d’une tenue de cérémonie. Ils se présentent avec l’un des deux uniformes quotidiens : la tenue de sport ou la tenue de travail.

Illustration 13 : Mise en place en chantant de la CCAS sur la place d’armes du 6ème BIMa pour les Grandes Couleurs, 23 juin 2008.

Les Grandes Couleurs débutent par le rassemblement des unités avec leur mise en place successive au pas cadencé, généralement en chantant. L’ordre d’installation n’est pas institutionnellement prédéfini et ne respecte pas de logique particulière, bien qu’il suive plus ou moins une norme dans la pratique. La marche est porteuse de sens puisqu’elle donne à voir le groupe et permet une unification par un même mouvement fait simultanément par tous. En plus de favoriser le collectif, cette unicité ne laisse aucune place aux initiatives personnelles et facilite donc la soumission. C’est peut-être également pour cette raison qu’elle est entretenue quotidiennement dans les unités de combat. Par contre, pour les compagnies de soutien, c’est plus compliqué car elles ne se déplacent en ordre serré qu’occasionnellement. C’est ainsi que le commandement et les autres unités présentes ont considéré que la CCAS du 6ème BIMa avait mal défilé (chant mal interprété et perte du pas) lors de sa mise en place pour les Grandes Couleurs au camp De Gaulle, trois semaines de suite, en octobre 2006, se dévalorisant aux yeux des autres formations. Cet état de fait a poussé le commandant d’unité à

79

Luc Chelly, Jacques Capdevieille, Marc Lebret, Civilianisation de l’Armée de Terre, Centre d’étude en sciences sociales de la Défense, 2000, p. 20.

79 planifier une séance de marche en ordre serré afin de réorganiser la troupe, à la fois physiquement, pour faire en sorte qu’elle s’accorde pour marcher d’un même pas, et psychologiquement pour susciter un regain d’intérêt de chacun pour le groupe. Il a attribué « la médiocrité de ces représentations »80 à la venue du « 9 Charlie », c’est-à-dire la relève des personnels en mission de courte durée qui ne connaissaient pas forcément le chant et qui, selon leur arme d’origine ne défilent pas tout à fait au même tempo. En effet, bien que le pas dans l’Armée de Terre soit réglementé à 120 pas par minute (plus ou moins 10), sauf pour la Légion Étrangère qui va à 88 pas81, les Troupes de Marine ont tendance à défiler trop lentement, ce qui est une manière pour eux de se rapprocher de la Légion Étrangère et de marquer leur élitisme, mais aussi une manière de se distinguer et de donner à leur représentation plus de solennité, cette dernière s’exprimant « alors par la lenteur, aussi bien dans les déplacements (processions, défilés) que dans le tempo musical lui-même (Launay 1993 : 79) »82. Cet exemple montre à quel point la performance du défilé en chantant est dépendante de l’unité du groupe et de la normalisation de chacun de ses membres. Ainsi, l’acte de représentation mobilise les corps « dans le seul but d’en faire un membre compétent et efficace de la société. Embrigadé, surveillé et contrôlé dans les institutions sociales, le sujet façonne ses mouvements selon les codifications et les ritualisations qui lui sont imposées. Il intériorise la surveillance et le contrôle exercé d’abord de dehors, de sorte qu’il fonctionne ensuite à l’intérieur de l’individu, dans sa propre régie »83

. Dans le même temps, cette marche matérialise symboliquement l’intégration de nouveaux venus dans le groupe. En ce sens, les déplacements ritualisés « confirment et intensifient les sentiments d’homogénéité »84.

En outre, le fait de chanter permet à la troupe de faire savoir qui elle est et qu’elle se déplace vers la place d’armes puisqu’à chaque unité est associée une pièce en particulier.

80 Propos recueillis auprès du Commandant d’unité à l’issue de la séance d’ordre serré au 6ème BIMa, Libreville,

26 octobre 2006. Il a ajouté à ce propos les éléments qui l’ont incité à organiser cet exercice : « Par ailleurs, on passe pour des “cons” avec notre mise en place en chantant mal faite, il fallait donc y remédier. Personne n’est content lorsque la mise en place ne se fait pas correctement car c’est notre image qui apparaît au travers de cette prestation, on est en représentation devant les autres compagnies. Et puis, les Grandes Couleurs le lundi matin c’est un moyen de réunir toute la compagnie ou presque, puisque environ 95% des personnels y sont présents, seuls ceux qui sont d’astreinte en sont dispensés. C’est donc un moment propice à la réunification des sections très spécialisées et scindées dans une Compagnie de Commandement où il est difficile de créer un esprit de corps. »

81 Cf. Directive sur les traditions et le cérémonial, EMAT, Paris, juillet 2001, p. 8, en ligne :

http://fr.scribd.com/doc/31808004/Directives-sur-les-traditions-et-le-ceremonial-dans-l-armee-de-terre-France- 2001.

82 Luc Charles-Dominique, Musiques savantes, musiques populaires, op. cit., p. 79.

83 Gunther Gebauer, Christoph Wulf, Jeux rituels gestes, Les fondements mimétiques de l’action sociale,

Economica (coll. Anthropos), 2004, p. 268.

80 Selon Paul Zumthor, le chant valorise « la présence physique du locuteur »85, « dans le chant elle [l’unité] s’affirme, revendique la totalité de son espace » 86

et sa légitimité à servir. Lorsque les unités chantent pour se mettre en place, une forme de joute musicale s’instaure car l’interprétation consiste en une véritable représentation87. L’installation des unités produit une chaîne de performances dans la mesure où le chant apparaît comme un système de communication entre les différents escadrons (ou compagnies). Ainsi, l’unité ayant le mieux réussi son interprétation, selon les critères imposés par le groupe, est considérée comme étant la plus opérationnelle car elle a su montrer une unité parfaite où chacun aura donné le meilleur de lui-même. Les militaires interrogés précisent qu’une personne qui n’est pas disposée à « se donner à fond pour chanter n’est pas digne de confiance sur un théâtre d’opération car on n’est pas sûr qu’elle sera prête, à ce moment-là, à tout donner pour son groupe »88. C’est l’investissement de chacun pour le collectif qui est évalué au travers de cette performance. En effet, la posture, la puissance vocale montrent, non seulement une certaine capacité physique, mais surtout un état d’implication plus ou moins important du militaire qui constitue un moyen d’évaluation de son dévouement. Ce jugement n’est pas fait par le chef mais bien par l’ensemble des soldats qui n’hésitent pas, après le défilé, à faire remarquer l’impression d’un manque d’investissement ou, au contraire, une interprétation qui a su procurer émotion et « les frissons dans le dos »89. Les militaires font donc un rapprochement entre la performance chantée et l’aptitude au combat car cet investissement dans le chant est synonyme, à leurs yeux, d’une intégration de leurs valeurs, dont le don de soi est omniprésent90. Ainsi, la façon de représenter son corps détermine le degré d’acquisition des normes et les gestes sont le moyen de les communiquer.

« Grâce à l’acquisition mimétique d’une compétence gestuelle, l’homme intériorise les normes et les valeurs institutionnelles, et les rapports de force sociaux. Les gestes aident à mettre les mouvements, les espaces ainsi que les positions des corps en forme, et à mettre les relations avec les autres en scène. D’un côté, ils sont les gardiens des traditions et du pouvoir ; et de l’autre, ils sont ouverts à la créativité et à une nouvelle mise en forme. Les rituels sont des actes symboliques et scéniques du corps. En tant

85 Paul Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris, Seuil, 1983, p. 178. 86 Ibid.

87

Cf. infra chapitre 4.

88 Témoignage d’un militaire du 3ème RPIMa en mission au 6ème BIMa, Libreville, 5 octobre 2006.

89 Expression utilisée par les militaires pour qualifier les sensations ressenties lors d’une interprétation

« réussie » d’un chant.

81 qu’expression d’un savoir rituellement acquis, ils mettent en scène, organisent et structurent l’agir social. Ils canalisent l’agressivité et procurent de la sécurité. Dans leur arrangement scénique, ils expriment les hiérarchies et les rapports de force. Les rituels donnent une expression physico-sensible aux valeurs et aux normes sociales. »91

L’installation des unités sur la place d’armes est sous la responsabilité de l’officier supérieur adjoint (OSA). Lorsque celle-ci est faite, le chef de corps arrive, l’OSA se met au garde-à-vous et lui signifie « mise en place terminée, à vos ordres mon Colonel ». Ils se saluent mutuellement, avant que l’OSA aille prendre place dans son rang. C’est seulement après que peut débuter la cérémonie des Couleurs. Cette dernière se fait en présence des unités au garde-à-vous et se traduit par la levée du drapeau par les personnels de garde, accompagnée de la sonnerie qui lui est associée, directement suivie par l’interprétation du premier couplet et du refrain de La Marseillaise par l’ensemble des militaires présents sur la place d’armes. Parfois, le chef de corps demande d’enchaîner avec le chant régimentaire, moyen d’affirmation identitaire collective et de solennité qui permet de montrer symboliquement une certaine solidarité au sein de la troupe, à l’origine du renforcement de l’esprit de corps. Le chant régimentaire peut également être interprété à l’arrivée du chef de corps92.

« Il est toujours chanté au Garde-à-vous et est quelque chose de très respecté. Il constitue un symbole, à un degré moins élevé que le drapeau mais il reste quelque chose d’important. Il est identitaire et historique, il est le seul chant qui parle du 8 [8ème

RPIMa]. Il a été écrit dans les années 1970. Il est important aussi parce que les compagnies n’ont pas de chant propre. »93

Son interprétation est donc une action commune à tous les membres du régiment. Elle leur permet d’atténuer les clivages marqués entre les unités lors de leur installation, au profit d’une expression des valeurs qui contribuent « à fortifier l’image du régiment et l’identité dans laquelle il se reconnaît »94. Ce genre de pratique est mis en œuvre pour favoriser une certaine proximité, également pour faire en sorte que les individus se sentent plus impliqués

91 Gunther Gebauer, Christoph Wulf, Jeux rituels gestes…, op. cit., p. 26 92

Les utilisations de ce chant, bien que normalement réglementées, sont variables d’une unité à une autre. Ainsi, au 8ème RPIMa, il peut être interprété à la fin des Grandes Couleurs, ce qui n’est pas le cas au RICM. Il peut également être chanté à la fin des grands rassemblements, après l’hymne des Troupes de Marine.

93

Témoignage d’un militaire du 8ème RPIMa en mission au 6ème BIMa, Libreville, 15 novembre 2006.

82 dans leurs actions et plus à même de se dévouer pour leur groupe. Après cette action collective et unificatrice, le chef de corps fait son rapport en faisant le bilan de la période passée et en indiquant les objectifs pour celle à venir, puis termine en disant « personnels à disposition des commandants d’unités », ces derniers faisant ensuite rapidement le point avec leur groupe avant d’entreprendre leurs activités militaires mais, le plus souvent, le rapport est suivi d’une séance de sport où l’unité élémentaire est au complet alors qu’habituellement, elle se fait par unité primaire.

En outre, les Grandes Couleurs permettent de resituer les actions de chacun dans la tâche globale du groupe et de répondre à « une quête de sens » des militaires. Par ailleurs, elles mettent fin à une période et marquent le commencement d’une nouvelle par un processus stéréotypé et systématique. Enfin, elles s’apparentent au rituel « par le morcellement qui en caractérise les procédures »95, par l’utilisation d’un certain nombre de symboles, mais également par le fait que le rituel est « initiatique et éducatif. Il transmet des modes de faits et de pensées, des identités précises par la transmission de connaissances, mais aussi de règles de vie, de savoir vivre ou encore de présentation de soi »96. Ces rassemblements ne peuvent donc pas être assimilés à une simple réunion de travail. Dans le même temps, les Grandes Couleurs ne peuvent être considérées comme des cérémonies proprement dites, même si elles font partie intégrante de la ritualité militaire, dans le sens où les cérémonies « sont destinées à impressionner les hommes, et les revues, à leur donner confiance par l’importance des rassemblements qu’elles provoquent »97

. En outre, la cérémonie revêt un caractère plus solennel et intègre la notion de représentation à un public extérieur au régiment. Les militaires qui y participent sont en tenue de tradition ou de défilé sur lesquelles l’ensemble des éléments symboliques caractérisant les individus sont présents : attributs d’armes, de régiment et d’unité, grade, décorations personnelles et régimentaires, ceinture écarlate (seulement sur la tenue de tradition) et épaulettes couleur jonquille pour les militaires du rang. Ils sont en armes, d’où l’appellation « prise d’armes ». Cette dernière est « l’expression d’un hommage rendu par les armes aux grands événements de la vie nationale »98 et représente, avec le défilé, le type de cérémonie militaire le plus courant.

Les circonstances de la prise d’armes peuvent être variables. Les raisons les plus fréquentes de sa tenue sont la venue d’une personnalité importante et la commémoration où

95 Pierre Bonte, Michel Izard (dir.), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, op. cit., entrée « Rite », p.

631.

96 Arnold Van Gennep, Les rites de passage, op. cit., p. 62.

97 André Corvisier, Dictionnaire d’art et d’histoire militaire, op. cit., p. 598. 98

Jacques Fouchier, « En prendre pour son grade », in La Boulite, Coutumes en Deux-Sèvres, La Crèche, Geste, 1994, p. 96.

83 elle est jugée comme un « instrument et [une] expression du pouvoir »99. Les fins et les significations de la cérémonie sont donc différentes de celles des Grandes Couleurs bien que les sollicitations corporelles soient plus ou moins les mêmes. Lors des rassemblements internes, les militaires cherchent à montrer leurs valeurs au travers des déplacements et du chant, tandis que lors des représentations publiques, « ils théâtralisent la scène militaire tout en développant des effets de masque : ils captent le regard et le fixent sur des apparences »100. Afin de donner une image conforme aux volontés institutionnelles, la prise d’arme et le défilé sont très réglementés et suivent une organisation stéréotypée où l’aspect visuel tient une place centrale : « Un régiment défile en compagnies, chaque compagnie défile en “carrés”, comportant autant de rangs que de colonnes. » 101 Les officiers et sous-officiers se placent au premier rang de chaque carré. Les soldats forment le « toit », c’est-à-dire qu’ils se positionnent du plus grand au plus petit, afin que leurs têtes forment une pente de l’avant vers l’arrière et du milieu vers le côté. Pour cela, ils se réfèrent à l’« homme de base », c’est-à-dire à « l’homme du premier rang faisant face à une direction déterminée et sur laquelle une troupe qui se rassemble fixe son alignement. L’homme de base est choisi soit à gauche, soit à droite »102. C’est généralement cette même personne qui sert de « guide »103 lors de la mise en mouvement.

Les défilés publics, successifs à une prise d’armes, se font, le plus souvent, accompagnés d’une musique militaire, enregistrée ou non, plus rarement en chantant. Toutefois, cette pratique tend à se développer, comme en a témoigné la cérémonie du 14 juillet 2011 sur les Champs-Élysées à Paris, où quatre unités104, ont défilé pour la première fois en chantant. Néanmoins, ce développement est tout relatif puisque l’expérience n’a pas été renouvelée les années suivantes. Selon les circonstances, le défilé est pratiqué dans un but de démonstration ou de déplacement, par exemple du lieu de la prise d’arme au monument aux morts. Le 14 juillet est l’occasion du défilé le plus important, mettant en avant l’ensemble des armes, des armées et des écoles militaires présentant les nouveaux matériels et les forces

99 André Corvisier, Dictionnaire d’art et d’histoire militaire, op. cit., p. 162.

100 André Thiéblemont (dir.), « Les paraîtres symboliques et rituels des militaires en public », in Culture et

logique militaire, op. cit., p. 164.

101 Ibid., p. 188.

102 Extrait du TTA 104, Règlement de l’ordre serré et des prises d’armes, titre 2 : L’école de l’ordre serré, p. 7,

en ligne : http://www.adjsp67.com/LinkClick.aspx?fileticket=BvCuTxksVQ8%3D&tabid=158.

103 Le « guide » est « l’homme du premier rang, marchant dans une direction déterminée et sur lequel une unité

qui se déplace fixe son alignement et son allure. », Ibid.

104 Les unités qui ont défilé en chantant sont l’ENSOA, l’EMIA (École Militaire Interarmes), le 1e REI

(Régiment Étranger d’Infanterie) et le 2ème RIMa, soit deux écoles où le chant est un élément de formation des

militaires (notion abordée dans la troisième partie de ce présent travail), un régiment de la Légion Étrangère, dont le concours dans l’adoption de cette pratique a été déterminant et une unité des Troupes de Marine.

84 militaires opérationnelles, faisant prévaloir le prestige de l’institution. Les cérémonies du 11 novembre et du 8 mai ne peuvent « en revanche accueillir durablement de grandes démonstrations militaires : [elles] symbolisent en effet la paix plus que la victoire sur un adversaire devenu allié et partenaire »105. Plus que la démonstration armée, ce rapport à la paix est surtout un hommage aux morts pour la France et aux valeurs qu’ils ont défendues106 avec la présence des symboles institutionnels : uniforme, attributs, insignes et drapeau. Ces cérémonies rappellent la mémoire des héros militaires et les honorent. Dans le quotidien des engagés, ces héros ne sont pas considérés comme étant fondamentaux, surtout pour les jeunes107. Néanmoins, y faire référence joue un rôle important dans la construction identitaire du groupe. En effet, par cette composante, la prise d’armes, en plus de permettre un regroupement des engagés et ainsi de favoriser l’esprit de corps, fait « exister concrètement un espace quasi familial fondé sur un imaginaire de l’ancestralité »108

, lui-même générateur de l’entraide essentielle dans ce métier. Par ailleurs, la prise d’armes rappelle les valeurs associées à la mort de ces hommes.

Quelle que soit la raison qui motive un déplacement ou un positionnement en ordre