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Une hiérarchie pyramidale rigide

Histoire et identité d’une arme d’élite

2. Les Troupes de Marine, une organisation particulière

2.2. Une hiérarchie pyramidale rigide

L’arme se divise en vingt-et-une unités (régiments ou bataillons, sans compter les unités de service militaire adapté). Treize d’entre elles sont stationnées en France métropolitaine64 et huit sont dans les DOM TOM et à l’étranger65.

Comme dans l’ensemble de l’institution militaire, chaque régiment s’organise d’une manière dite pyramidale avec « la hiérarchie des grades et la centralisation des décisions »66 où le grade traduit « un ensemble complexe de droits, de devoirs et d’attentes »67. Cette façon de fonctionner structure l’organisation des tâches entre les personnes par des rapports indispensables d’autorité et de discipline, puisque cette dernière « réunit dans son concept l’idée de régularité et celle d’autorité [qui] permet l’intériorisation des normes »68

. Les Troupes de Marine forment un vaste ensemble qui, pour mener à bien ses missions et s’assurer de son bon fonctionnement a opté pour un mode de régulation garantissant des comportements conformes à certaines règles afin que chacun œuvre à la réalisation d’un but commun. L’adhésion à ces règles est montrée comme nécessaire à la construction sociale du groupe, dans la mesure où elle est utile à la vie communautaire. En effet, ces normes permettent l’édification d’une discipline particulière car « sans discipline, pas de vie sociale, l’harmonie collective exige qu’on ne “résiste” pas »69

et qu’on se plie à l’ordre social, notamment en se soumettant à l’autorité du chef. Ce dernier, par sa supériorité statutaire légitime, incarne un modèle qui conduit au respect de la discipline dont il est l’exemple, sans nécessairement recourir à la contrainte. L’Armée de Terre est uniquement composée de volontaires qui ont fait le choix de ce mode de vie particulier, quelles qu’en soient leurs motivations. En effet, même les militaires qui ont intégré l’armée pour des raisons matérielles (stabilité financière et sociale) cherchent, pour la plupart, à honorer leur engagement et à s’intégrer socialement. Bien souvent, ces jeunes « opportunistes » ou « réfugiés »70

sont à la

régimentaire. Sur le bras droit, on devine l’insigne de brigade et sur le bras gauche, on observe l’insigne d’arme au-dessus duquel figure le drapeau tricolore, uniquement porté par les soldats en opération extérieure.

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Parmi elles, l’École Militaire de Spécialisation de l’Outre-mer et de l’Étranger (EMSOME).

65 Nombre d’unités pouvant être revu à la baisse, compte tenu des restructurations débutées en 2009.

66 Renaud Sainsaulieu, Sociologie de l’organisation et de l’entreprise, Paris, Presses de la fondation nationale

des sciences politiques & Dalloz, 1987, p. 18.

67 Pascal Vennesson, Théodore Caplow, Sociologie militaire, armée, guerre et paix, Paris, Armand Colin, 2000,

p. 28.

68 Gérard Cahen, Résister, Paris, Autrement (coll. Morales), 2002, p. 134. 69 Ibid., p. 123.

70

Cf. Odile Benoît-Guilbot, Jean-Vincent Pfirsch, La décision d’engagement volontaire des militaires du rang :

48 recherche d’un système fortement réglementé : « J’en avais ras-le-bol du civil. J’avais besoin de règles. »71 Sauf lorsqu’elle se révèle insuffisante à l’assimilation de la norme, cette acceptation de l’autorité permet d’éviter un recours à la contrainte punitive. Celle-ci est néanmoins acceptée par les militaires qui peuvent, dans le cas contraire, quitter l’institution. L’autorité militaire est montrée comme un principe d’organisation sociale, c’est-à-dire « l’arrangement global de tous les éléments qui servent à structurer l’action sociale, en une totalité présentant une image, une figure particulière, différente de ses parties composantes et différente aussi d’autres arrangements possibles »72

. Cette organisation est le fruit « de la synthèse des éléments culturels et structurels »73 du groupe et répond aux exigences institutionnelles tout en lui donnant une identité particulière. Ce principe facilite la soumission au chef jugée utile par l’institution, comme en cas de conflit74, et n’autorise pas, en temps de paix, une organisation fondée sur un modèle démocratique ou libéral. En effet, un changement dans le mode de fonctionnement ne serait pas souhaitable au moment même où les engagés ont besoin de repères sociaux et identitaires pour surmonter les situations vécues. Par ailleurs, l’intégration de cette organisation est bien trop longue pour envisager de l’instaurer uniquement dans des situations dangereuses ou d’urgence. C’est parce qu’il est librement intériorisé par tous, bien en amont de ce type de contexte, que ce principe est efficace et qu’il permet une bonne coordination des personnes dans des environnements instables ou extrêmes. En outre, ce système vertical garantit l’intégration des modes de penser et d’agir souhaités par l’institution desquels découlent une particularisation et une uniformisation du groupe puisque « les attitudes et les comportements des personnes changent sous l’effet d’une pression réelle ou imaginaire de la part d’autres personnes »75

. La discipline est particulièrement importante pour le militaire du rang faiblement gradé dont la position ne lui donne aucun rôle décisionnaire. Elle exerce sur lui une pression normative qui implique la soumission et l’obéissance, c’est-à-dire la modification de « son comportement afin de se soumettre aux ordres directs d’une autorité légitime »76. Aux yeux de l’institution, la discipline est fondamentale pour mener un conflit armé car elle contribue à la prévisibilité des comportements et, par conséquent, réduit le désordre et les tensions internes. L’absence de

C2SD), 1998.

71 Caporale féminine, 26 ans, secrétaire, régiment parachutiste. Cité par Sébastien Jakubowski, Claude Weber,

Être militaire dans l’armée de terre, op. cit., p. 66.

72 Guy Rocher, Introduction à la sociologie générale, t. 2, « L’organisation sociale », Montréal, HMH, 1968, p.

12.

73 Ibid.

74 Cf. infra chapitre 4. 75

Serge Moscovici (dir.), Psychologie sociale, Paris, PUF, 1998, 7e édition mise à jour [1984 1ère éd.], p. 25.

49 responsabilité conférée aux personnes qui seront les plus exposées lors d’un conflit trouve son intérêt dans le fait que « les gens sont moins susceptibles d’obéir à l’ordre d’infliger une souffrance s’ils se sentent personnellement responsables des souffrances de la victime que dans le cas contraire »77. En supprimant ce niveau de responsabilité, l’institution fait de ces volontaires des éléments susceptibles de répondre à la problématique guerrière de donner la mort à autrui pour une cause dont on inculque qu’elle est supérieure et qu’elle peut nécessiter l’emploi de la force. Toutefois, dans la réalité du terrain, c’est plus le désir de venger la mort d’un de ses camarades qui pousse les hommes à ce type de comportement.

En fonction de son ancienneté, le militaire monte en grade et, peu à peu, se voit autorisé à certaines prises d’initiatives mais ce passage par une forte soumission lui permet d’intérioriser certaines valeurs, c’est-à-dire « des normes de référence par lesquelles le sens est apprécié – implicitement sinon explicitement – par les individus concernés »78. Ainsi, les valeurs induisent des comportements particuliers et influencent de manière importante la personnalité des marsouins. Elles constituent, pour le groupe, une mémoire commune, un ensemble de signes de reconnaissance qui « alimentent les jugements de ses membres, et qui en même temps donnent à celui-ci sa raison d’être identitaire »79. En conséquence, l’acquisition de ces valeurs permet à l’engagé de s’intégrer à la communauté militaire en lui apportant notamment les clés d’acceptation d’un système hiérarchique où la notion de grade confère à chaque personne une place dans la structure pyramidale, cette dernière correspondant, selon Jean-François Léger, non pas à « un niveau social mais à un niveau de responsabilité »80. En effet, c’est l’ancienneté qui confère aux engagés un niveau social, c’est par son expérience que le militaire acquiert la considération de ses pairs. Toutefois, ces deux notions sont liées dans la mesure où elles impliquent un rapport de supériorité-infériorité qui détermine inévitablement les individus d’un point de vue social. Chacun se définissant par sa position dans l’environnement dans lequel il évolue, le grade, tout comme l’ancienneté, joue un rôle dans les relations sociales des marsouins. Du point de vue de sa structure, le régiment est dominé par le chef de corps, officier supérieur, colonel ou lieutenant-colonel, qui travaille

77

Harvey A. Tilker, « Socially responsible behavior as a function of observer responsability and victime feedback », Journal of Personality and Social Psychology, n° 14, p. 95-100. Cité par Serge Moscovici (dir.),

Psychologie sociale, op. cit., p. 43.

78 Raymond Firth cité par Pierre Bonte, Michel Izard, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris,

PUF, 2007, p. 733.

79

Patrick Charaudeau, « Langue, discours et identité culturelle », Revue de didactologie des langues-cultures, 2001/3-4, n°123, p. 345.

80 François Gresle (dir.), Sociologie du milieu militaire, les conséquences de la professionnalisation sur les

armées et l’identité militaire, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 89. Il sera montré, dans les chapitres suivants, que la

50 avec son équipe directe et donne des ordres aux escadrons, dirigés par les commandants d’unités, des officiers subalternes au grade de capitaine. Chacune des unités se divise en plusieurs pelotons, commandés par des chefs de peloton, officiers subalternes (lieutenant) ou sous-officiers supérieurs (adjudant, adjudant-chef, major). La dépendance à un seul chef direct est plus fluctuante dans ce dernier niveau. En effet, au sein des pelotons, on trouve à la fois des sous-officiers subalternes et des militaires du rang. Ces derniers peuvent recevoir des ordres, à la fois du chef de peloton, des sous-officiers et des militaires du rang au grade supérieur, généralement des caporaux-chefs, les caporaux et premières classes étant considérés uniquement comme des exécutants81. Le fait qu’il n’y ait pas unicité du chef au niveau hiérarchique le plus bas est nécessaire pour minimiser les lourdeurs administratives mais aussi pour susciter la prise d’initiative des militaires ayant acquis une certaine ancienneté. Le caporal-chef étant amené à être chef de groupe lors de manœuvres, il doit asseoir son autorité vis-à-vis de ses subordonnés. Le respect de ce modèle hiérarchique induit une impossibilité de discussion des ordres et une limitation maximum de l’émergence de conflits internes. En outre, il permet une valorisation du rôle du caporal-chef. En effet, bien qu’étant un militaire du rang, donc un exécutant, son ancienneté et son expérience sont mis en avant par l’attribution de certaines responsabilités qui peuvent apparaître comme un facteur de motivation.

La logique d’évolution professionnelle dans les différentes catégories de ce système pyramidal est fondée sur un système de reconnaissance : un travail bien fait, associé à un respect des règles, implique une bonne notation qui permet une progression hiérarchique. De cette dernière découle une augmentation des responsabilités et un accroissement du pouvoir de réflexion sur les situations vécues. La notion de grade reste donc prédominante dans le sens où elle est associée à « un ensemble de droits et de devoirs »82. Toutefois, ces derniers sont parfois incompatibles avec l’ancienneté et l’expérience. Ils provoquent un malaise au sein de l’institution par une remise en question de l’organisation militaire car l’avancement plus lent dû à la professionnalisation induit aujourd’hui la présence de caporaux expérimentés, avec cinq à six ans de service et plusieurs opérations extérieures à leur actif, dont la carrière au sein de l’institution n’est pas garantie. En effet, « une armée professionnelle est une armée

81

Un proverbe militaire dit « réfléchir, c’est déjà désobéir », Chants et traditions des Troupes de Marine,

op. cit., p. 207.

82 Marlène Belly, « Grandir Ici ou Là-bas, Un passage de grade à Ambrym », in Catalogue de l’exposition

Vanuatu/Poitou, signes extérieurs de rituels, Musée municipal de Parthenay, Musée du sous-officier,juil. 2008, p. 30.

51 qui se doit d’être jeune »83

, surtout au niveau des exécutants dont la jeunesse et la capacité physique sont déterminantes dans l’efficacité opérationnelle. Ces militaires aspirent alors à un traitement qui ne s’accorde pas avec leur grade, ni avec leur évolution statutaire dans la vie civile, comme l’explique Jean-François Léger :

« Cette remise en question de l’appréciation de la discipline peut également être induite par les changements de statut personnel des militaires du rang dans le cadre de leur vie privée. […] L’acceptation de la discipline, d’un encadrement très directif, se trouve facilitée dans bien des cas par le fait que les engagés arrivent avec un statut privé de “fils” ou de “fille”. Ils se situent alors dans une logique de subordination à une autorité paternelle, qu’ils peuvent légitimer sans se sentir blessés par le fait qu’ils n’aspirent à aucune responsabilité. Ce n’est plus le cas, par exemple, lorsque les garçons deviennent des maris, et plus encore des pères potentiels. » 84

Le changement du statut familial de ces militaires, lorsqu’il ne s’accompagne pas d’une évolution hiérarchique au sein de l’institution, peut être générateur de conflits internes fondé sur un plus grand besoin de reconnaissance. Ces discordances ont pour conséquences une baisse de moral et un manque d’investissement qui se résolvent soit par une évolution en grade rapide, soit par un départ prématuré de l’institution. Ces renoncements permettent à l’armée de garder des militaires de grades subalternes jeunes, plus à même de répondre aux exigences physiques de leurs tâches, mais également plus enclins à l’obéissance. En outre, ils ne sont, pour la plupart, pas chargés de famille. De ce fait, ils n’ont que peu de contraintes extérieures et sont donc plus disponibles pour l’exercice de leur fonction.

Cette structure hiérarchique est marquée par des mouvements de personnels, plus ou moins importants selon les catégories85, qui influencent inévitablement la stabilité identitaire des unités. Ils sont plus fréquents chez les officiers qui, après avoir suivi une formation initiale en école, sont mutés systématiquement tous les deux à trois ans86. Ils peuvent ainsi débuter leur carrière dans les Troupes de Marine, puis être affectés dans un régiment d’une autre arme et être ensuite amenés à servir à nouveau dans les Troupes de Marine, parfois

83 Sébastien Jakubowski, Claude Weber, Être militaire dans l’armée de terre, op. cit., p. 77. 84 François Gresle (dir.), Sociologie du milieu militaire, op. cit., p. 92.

85 Les trois grandes catégories de grades sont les militaires du rang, les sous-officiers et les officiers. 86

Ce peut être une mutation interne à la brigade afin de limiter les changements de résidence. En effet, l’institution préconise « une stabilité minimum de quatre ans ». Cf. circulaire n° 612069/DEF/RH-AT/CCM, relative à la gestion de la mobilité du personnel militaire de l’Armée de Terre pour 2010 (année A), du 14 mai 2009, Bulletin officiel des armées, édition chronologique n° 20, 12 juin 2009, partie temporaire, Armée de Terre, texte n° 26, p. 15.

52 même dans un régiment où ils ont déjà été affectés auparavant. C’est ainsi que les derniers chefs de corps du RICM connaissaient le régiment et ses valeurs pour y avoir précédemment commandé un escadron ou un peloton. La haute fréquence de ces mutations implique un faible attachement des militaires à leurs officiers et des liens assez superficiels entre les membres de cette catégorie. Selon l’institution, « la mobilité des officiers répond à des contraintes statutaires (temps de troupe, temps de commandement ou de responsabilité) et aux spécificités de l’enseignement militaire supérieur (EMS). Elle s’inscrit aussi dans une logique de métier et de parcours professionnel »87. Ces mesures visent également à éviter tout complot ayant pour but de défaire les autorités gouvernementales et à préserver une certaine impartialité dans le commandement.

Pour ce qui est des sous-officiers, les mutations s’appliquent pour les mêmes raisons que celles des officiers mais à une fréquence moindre, avec un maintien moyen de sept ans sur la garnison. Du point de vue de leur statut, certains sont issus directement de l’ENSOA (École Nationale des Sous-officiers d’Active), d’autres se sont engagés comme militaires du rang avant de devenir sous-officiers. Après leur passage obligatoire à l’ENSOA88, ces derniers reviennent dans leur régiment initial avec une différence vis-à-vis de leurs anciens camarades. D’égaux, ils passent à supérieurs et doivent « obtenir la pleine reconnaissance de leur existence aux yeux de la majorité et dans l’esprit de ceux qui la composent »89

en faisant accepter ce changement et ses implications. En effet, il n’est pas évident de devoir donner des ordres à des personnes qui ont été sur un même niveau hiérarchique que soi. Afin de limiter ce type de situation, l’institution favorise les mutations, du moins internes au régiment90

, lors du changement de catégorie. Dans tous les cas, les sous-officiers qui arrivent dans un régiment des Troupes de Marine sans jamais avoir servi au sein de l’arme doivent rapidement s’adapter et intégrer ses modes de penser et d’agir pour être acceptés. Pour ce faire, ils adoptent généralement une stratégie identitaire par assimilation puisqu’ils « vont non seulement tenter de faire admettre leur appartenance, mais faire en sorte qu’elle ne puisse plus être mise en cause »91. Si ces engagés mettent en évidence une autre identité, elle sera inévitablement

87

Ibid.

88 Le passage au rang de sous-officier par la filière semi-directe impose une formation de quatre mois à

l’ENSOA, contre huit en engagement direct. Pour les caporaux-chefs qui passent sous-officiers par « le rang », ils n’y font qu’un stage de quelques semaines.

89 Joseph Kastersztein, « Les stratégies identitaires des acteurs sociaux : approche dynamique des finalités », op.

cit., p. 38.

90 Le sergent issu du rang sert alors dans un autre escadron que celui où il était affecté lorsqu’il était militaire du

rang.

91

Joseph Kastersztein, « Les stratégies identitaires des acteurs sociaux : approche dynamique des finalités », op.

53 considérée comme inférieure et incompatible avec les valeurs du groupe. Dans ce cas, ces « cadres »92 voient leur intégration refusée, ce qui les empêche d’exercer l’autorité nécessaire à leur position.

Enfin, la plupart des militaires du rang ont débuté au RICM mais ne l’ont pas forcément choisi lors de leur engagement, seule la spécialité faisant l’objet d’un choix et non l’unité d’affectation93

. Ainsi, une faible part des engagés n’adhère pas complètement à l’esprit de l’arme. Afin de garantir leur intégration au sein de leur unité, ils « mettent en place des comportements conformes aux attentes, ce qui ne veut pas dire qu’ils les acceptent psychologiquement »94, alors que la majorité s’intègre au groupe en s’appropriant ses valeurs. Seuls quelques militaires du rang ont intégré tardivement le RICM. C’est le cas par exemple des militaires mutés suite à une restructuration, un retour de l’étranger ou un rapprochement familial. Ces derniers, s’ils viennent d’un autre régiment de l’arme sont rapidement intégrés. S’ils sont issus d’une unité métropolitaine, leur mutation au sein des Troupes de Marine résulte d’un choix personnel. Ils doivent alors montrer leur capacité à être membre du régiment par une dénégation « des caractéristiques historiques et culturelles qui les rendaient distincts et accepter l’ensemble des valeurs et normes dominantes »95

sans être sûrs d’être totalement acceptés. En effet, le maintien ou la revendication de ces attributs entraînerait immédiatement « un déclassement de l’individu ou […] un discrédit plus ou moins considérable »96. Dans tous les cas, un temps d’adaptation est nécessaire à l’intégration des nouveaux personnels. Celui-ci est ponctué d’« épreuves que les soldats imposent aux nouveaux venus parmi eux. Il s’agit de tester leur esprit de camaraderie et leur courage »97

. Certains militaires, quel que soit le moment où ils sont arrivés au régiment, considèrent leur contribution trop importante par rapport à ce que l’armée leur apporte et ne parviennent pas à s’assimiler totalement à leur groupe d’appartenance. De ce fait, ils développent des stratégies identitaires négatives sous « des formes de rejets et d’exclusion. D’un côté, le groupe peut chercher à marginaliser ou à exclure ceux qui semblent par leurs attitudes, leurs opinions ou leurs comportements difficiles à intégrer. […] D’un autre côté, le fait que le sujet ne trouve pas sa place et ait le sentiment de ne pouvoir être reconnu pour ce qu’il est dans sa différence