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1. Cadre et définition

1.4. Le risque sismique

Dans l’imaginaire collectif, les tremblements de terre sont liés au risque sismique entrainant potentiellement des catastrophes à grande échelle. Il faut donc distinguer l’aléa sismique du risque sismique. Ce dernier est l’impact de l’aléa sur l’activité humaine. L’aléa sismique est la probabilité qu’un séisme d’une certaine magnitude34 affecte une région pendant une période déterminée. Le risque

sismique (noté R) est ainsi le produit d’un aléa (noté A) et de la capacité -de personnes, de biens matériels, de finances, etc.- à résister à cet aléa (soit la vulnérabilité, notée V). Le risque sismique s’exprime ainsi par la formule mathématique : R = A x V. Cette distinction est fondamentale, car une région où l’aléa sismique est élevé n’est pas nécessairement une zone sismique à risque. Une zone déserte ne comporte pas de risque pour l’homme, tandis qu’une autre soumise au même aléa mais avec une densité de population et d’installations élevées comporte, elle, un risque bien supérieur. Pour déterminer l’aléa, deux approches sont généralement utilisées : probabiliste et déterministe. L’approche probabiliste considère le temps et l’occurrence. Elle s’appuie sur la variation du taux de sismicité sur le territoire. Une question type pourrait être : « Quelles sont les chances de dépasser une accélération du sol de 2 m.s-2 à Aix-en-Provence dans les cinquante prochaines années ? ». L’approche déterministe permet quant à elle l’élaboration de scénarios lorsque la plupart des paramètres sont connus. La question type serait cette fois : « Quelles seraient les accélérations du sol attendues à Aix- en-Provence dans le cas d'un séisme de magnitude 6 sur la faille de la chaîne de la Trévaresse ? ».

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DELUMEAU J., LEQUIN Y., Les malheurs des temps : histoire des fléaux et des calamités en France, coll. Mentalités, Larousse, Paris, 1988.

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Dictionnaire de l’Académie française, 1ère édition, 1694, p. 412 : risque. 34

Paramètre caractéristique d'un séisme, indépendant du point de mesure et pouvant se rapporter à l'énergie totale libérée par celui-ci. Elle est calculée à partir d'une valeur enregistrée par un sismographe. Il existe plusieurs échelles suivant le type d'onde considéré : échelles de Richter, de Gutenberg-Richter (www.Larousse.fr).

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A bien y regarder, les deux approches se basent sur les données de la sismicité historique, la première prend en compte le nombre de séisme à travers le temps tandis que la deuxième considère l’ensemble des données disponibles. Disposer de données fiables et robustes est donc primordial. Ces modélisations mathématiques ne prennent cependant pas en compte la perception du risque par l’Homme. Ce dernier perçoit et évalue le risque selon le sens général du rapport au risque, les dégâts locaux potentiels et les solutions de prévention, le tout déterminé par le niveau de maturité collective35. Ce dernier paramètre vaut également pour les périodes historiques.

Très souvent les scientifiques semblent comme « aveuglés » par les calculs et n’entendent que peu ou prou l’intérêt de la recherche documentaire. Il est vrai qu’une augmentation du nombre de documents a tendance à augmenter l’incertitude lié à l’évènement. Néanmoins il n’existe pas encore de seuil fixant le nombre de documents nécessaire à une étude fiable. L’étude d’un séisme portant sur l’analyse d’une dizaine de documents de seconde main ou peu fiables36 sera en définitive moins robuste qu’une étude ne comportant que quelques documents de première main et considérés comme fiables. De même les sources37 négatives -qui doivent être distinguées de l’absence de sources- dans certaines zones représentent une incertitude conséquente. Les scientifiques rencontrent des difficultés à réduire ce type d’incertitude. C’est en effet une bonne connaissance des archives historiques, du contexte et de la recherche en archives qui permet de statuer sur les causes les plus probables de ces absences de sources ou des sources dites « négatives38 ».

Des tremblements de terre surviennent chaque jour à de nombreux endroits sur la planète39. Cependant tous ne sont pas vécus et perçus comme des catastrophes naturelles, de même que les dégâts engendrés. Afin d’estimer la « puissance40 » de ces phénomènes telluriques, on fait appel à des échelles spécialisées41 : l’échelle d’intensité macrosismique (Mercali, MSK 64, EMS98…) pour la perception par les humains, l’échelle de Richter par exemple pour la magnitude (donnée instrumentale). Des critères s’appliquent selon les degrés considérés afin d’estimer la puissance du tremblement de terre. Ainsi on attribuera à un tremblement de terre de faible puissance une faible intensité, car il n’aura été que faiblement perçu, voire pas du tout. Les aires isoséistes (Figure 2) permettent quant à elles de représenter spatialement le phénomène. L’intensité du séisme étant plus forte à son point d’origine (l’épicentre), elle s’atténue peu à peu à mesure que l’on s’en éloigne.

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VERRHIEST G., WINTER Th., « Séisme, aléa sismique, vulnérabilité sismique et risque Sismique », présentation Power point du 1er février 2007, disponible en ligne (consulté en 2015) :

www.planseisme.fr/IMG/pdf/Formation_Seismes_Alea_Vulnerabilite_et_Risque_sismique-2.pdf 36

Pour ces notions se reporter à la partie correspondante. 37

Les sources représentent les documents historiques dans le jargon historique. 38

Sur les sources négatives et leur traitement, voir la partie correspondante et l’article d’ALEXANDRE P., « Critique des sources et séismicité historique : le problème des sources perdues », Expertise de séismicité

historique, no 1, 2010, p. 1‑12.

39 Il suffit de consulter le site du Rénass pour s’en rendre compte : http://renass.unistra.fr (consulté en 2015). 40

Le terme de puissance est préféré à celui de force qui désigne un pouvoir mécanique alors que la puissance est l’énergie fournie à un système par unité de temps.

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Il en existe plusieurs, différentes selon les pays et les époques considérées. L’EMS98 qui est aujourd’hui utilisée en Europe.

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Figure 2 : Carte isoséiste du tremblement de terre de 1759 dans l’Entre-Deux-Mers (Iepc=VII-VIII).

Source : SisFrance 2015.

De nos jours les stations de mesures équipées de sismographes et autres instruments qui couvrent en grande partie le pays permettent aux scientifiques d’acquérir des données fiables, complétées par les témoignages recueillis sur internet42. Plusieurs réseaux se superposent selon le but recherché ou les institutions considérées (Figure 3). Il est possible d’en dénombrer trois au niveau national : RéNass (Réseau National de Surveillance Sismique), LDG (Laboratoire de Détection Géophysique du CEA/DASE) et le RAP (Réseau Accélérométrique Permanent), tandis qu’il est possible de dénombrer neuf réseaux régionaux (GéoAzur, RSSP, SISMALP, TGRS, RSP, OPGC, CLDG, Guadeloupe, Nouvelle Calédonie, plus deux pour la Réunion et deux pour la Martinique43).

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Le Bureau Central Sismologique Français (BCSF) basé à Strasbourg détient l’ensemble des formulaires d’enquête macrosismique depuis sa création en 1919 (alors intitulé Institut de physique du globe de Strasbourg). Pour toute question relative à ces formulaires, contacter : Christophe SIRA (christophe.sira@unistra.fr).

43 GéoAzur : Centre de données du Laboratoire GéoAzur (Nice) ; RSSP : Réseau de surveillance sismique des Pyrénées ; SISMALP : Réseau de surveillance sismique des Alpes ; TGRS : Réseau de stations sismologiques 3 composantes, large-bande Sud-Est de la France (Université de Nice) ; RSP : Réseau Sismique de Provence ; OPGC : Réseau Sismologique d'Auvergne ; CLDG : Réseau régional de surveillance sismologique Poitou- Charente-Vendée ; Réunion 1 & 2 : Observatoire volcanologique de la Réunion ; Martinique 1 & 2 : Observatoire volcanologique et sismologique de la Martinique, Conseil Général de la Martinique ; Guadeloupe : Observatoire volcanologique de la Guadeloupe ; Nouvelle Calédonie : IRD séisme. Données issues du site web www.franceseisme.fr/autres.html (consulté en 2015).

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Figure 3 : Emplacements des stations du RéNass pour les localisations et les courtes périodes. Source : RéNass. Il n’en a cependant pas toujours été ainsi ! Deux périodes principales forment la chronologie : l’ère pré-instrumentale (qui nous préoccupe ici, soit avant le XXe siècle) et l’ère instrumentale (à partir du XXe siècle). Grâce aux instruments et aux formulaires récoltés par le BCSF (Bureau Central Sismologique Français) et son ancêtre l’Institut de Physique du Globe de Strasbourg (IPGS) dirigé initialement par Edmond Rothé, les séismes survenus tout au long du XXe siècle sont relativement bien connus, bien que certaines archives issues des instruments tiennent encore parfois tête aux sismologues ! Il leur faut alors faire appel à des machines exposées dans le musée dédié à la sismologie de Strasbourg44. Aussi ancienne qu’elles peuvent l’être, elles le sont toutefois moins que certains documents auxquels les chercheurs sont confrontés lorsqu’ils souhaitent étudier les tremblements de terre du passé. Nous reviendrons sur cette problématique plus tard, pour l’heure, place à l’Histoire actuelle.