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En 1854, Riemann prononça à l’université de Göttingen son discours d’habilitation intitulé « Über die Hypothesen welche der Geometrie zu Grunde liegen ».25 Bien qu’étant d’essence

mathématique, ce texte contient certains développements philosophiques importants qui lui donnent sa place au sein du débat philosophique traditionnel opposant rationalistes, empiris- tes et kantiens. On a souvent beaucoup insisté sur l’aspect purement mathématique de ce texte. Cependant, il est important de mentionner qu’il ne fut pas prononcé devant un public de mathématiciens, mais devant l’ensemble des membres de l’université de Göttingen, ce qui lui confère une dimension mixte, à la fois mathématique et philosophique.26

Cette conférence demeura inédite jusqu’en 1867 et ne circula qu’au sein d’un petit cercle d’initiés. Elle fut traduite en français par J. Hoüel dans les Annali di matematica en 1870. À en croire Hans Freudenthal, ce travail de Riemann ne fut guère pris en compte par la communau- té mathématique dans la mesure où il fut en partie éclipsé par les travaux du physiologiste, physicien et mathématicien Hermann von Helmholtz (1821–1894).27 Peut-être faudrait-il rela-

tiviser ce jugement : même si les conceptions philosophiques (épistémologiques) de Helmholtz occultèrent effectivement les travaux de Riemann (Helmholtz était un vulgarisateur scientifi- que particulièrement efficace), elles exercèrent tout de même une certaine influence, ne serait- ce qu’en France (notamment sur Poincaré : voir page 41).

Le mémoire de Riemann porte sur les relations existant entre la géométrie pure (une branche abstraite des mathématiques) et la géométrie appliquée, et il est divisé en trois parties : dans la première, il traite de la manière dont on peut engendrer le concept de multiplicité ; dans la seconde, il s’intéresse au problème de la caractérisation métrique de la multiplicité ; enfin, pour conclure, il analyse la question des applications possibles de la géométrie des multiplici- tés à l’espace physique.

Riemann commence en faisant remarquer que le concept d’espace et les concepts fondamen- taux des constructions géométriques ont toujours été présupposés par les géomètres sans qu’ils prennent jamais la peine de clarifier la question de leurs relations :

Bekanntlich setzt die Geometrie sowohl den Begriff des Raumes, als die ersten Grundbeg- riffe für die Constructionen im Raume als etwas Gegebenes voraus. Sie gibt von ihnen nur Nominaldefinitionen, während die wesentlichen Bestimmungen in Form von Axiomen auf-

la possibilité d’imaginer quelles seraient nos sensations dans un espace doté d’autres caractéristiques que l’espace euclidien. Pour plus de détails concernant ce point, on pourra consulter le livre de Janet Folina, Poincaré and the Philosophy of Mathematics [Folina 1992].

25 On ne saurait entrer ici dans le détail d’un texte mathématique très complexe. Nous porterons donc notre attention sur

quelques points saillants des conclusions philosophiques de Riemann, en tentant de faire abstraction des diverses controverses annexes. Nous ferons ici les citations à partir du texte allemand [Riemann 1854–1990] tout en proposant en note la traduction française.

26 Dans son article « Riemann’s Habilitationsvortrag and the Synthetic A Priori Status of Geometry » Gregory Nowak fait état

d’une hypothèse interprétative : l’hypothèse de la suppression thesis, qui fut formulée par certains commentateurs (par exemple par Kline). Selon cette hypothèse, Riemann aurait voulu présenter des résultats mathématiques détaillés, mais il n’y parvint pas parce que l’assistance n’était composée que de non-mathématiciens ; il se serait donc ‘autocensuré’ et il aurait ainsi adopté un vague point de vue philosophique nuisible à la clarté de ses propos. Cependant, pour sa part, Nowak se démarque de cette interprétation : le contenu philosophique du travail de Riemann n’est pas dû à une autocensure, il n’apparaît pas de façon contingente mais de manière totalement délibérée. Comme il le remarque : « Such a view explains many features of the history of the Habilitationsvortrag – the fact that it was never published as a mathematical paper, its unusual organization, which placed most of the mathematical content in one section, and its reception, which took issue with it primarily on philosophical rather than mathematical grounds. In the Habilitationsvortrag, Riemann is functioning as more than a mathematician ; we have a better understanding of the paper if we see him speaking primarily as a philosopher, possessed of a rather powerful mathematical methodology. Riemann was tactfully suggesting that new mathematical researches might have something to say to philosophy. His attempt to criticize the Kantian view of space on mathematical grounds presented mathematics as a significant and contribut- ing component of intellectual culture ». [Nowak 1989], page 37.

27 « Au dix-neuvième siècle les espaces de Riemann étaient au mieux acceptés comme théorie mathématique abstraite. En tant

que philosophie de l’espace, ils n’ont pas eu d’effet. En ce qui concerne les idées révolutionnaires de l’espace, Riemann a été éclipsé par Helmholtz, du mémoire duquel le titre, Über die Tatsachen, die der Geometrie zum Grunde Liegen, marque sa critique de Riemann : faits versus hypothèses ». Hans Freudenthal cité dans [Boi 1995], note 5, page 129. Il faudrait cependant mentionner la reprise par Beltrami des travaux de Riemann.

treten. Das Verhältniss dieser Voraussetzungen bleibt dabei im Dunkeln ; man sieht weder ein, ob und in wie weit ihre Verbindung nothwendig, noch a priori, ob sie möglich ist.28

Il se propose donc d’étudier cette question en prenant pour point d’appui une analyse du concept général de grandeurs étendues de dimensions multiples – les multiplicités (Mannigfaltigkeiten) – qui sont des ensembles de toutes les valeurs possibles de n variables x1,x2, ... ,xn, appelées coordonnées. Ces grandeurs de dimensions multiples incluent, entre

autres, comme cas particuliers, les magnitudes spatiales ; son projet est, en quelque sorte, de construire ces grandeurs à partir des notions générales de quantité.

Comme nous l’avons vu, en construisant des géométries niant le postulat euclidien des paral- lèles, les fondateurs des géométries non euclidiennes posèrent les bases d’une série de boule- versements radicaux qui touchèrent aussi bien les sciences mathématiques que les sciences physiques. Les conceptions kantiennes d’un espace conçu comme forme a priori de la sensibili- té se trouvèrent atteintes par cette révolution : car s’il était possible de construire d’autres géométries que la géométrie euclidienne, comment pouvait-on être sûr que les phénomènes apparaissaient bien dans un espace euclidien ? Face à ce nouveau problème, les inventeurs des géométries non euclidiennes se déclarèrent favorables à une forme d’empirisme géométrique, stipulant qu’au-delà de nos facultés à construire des géométries cohérentes et non contradic- toires, il existe une géométrie et une seule susceptible de s’appliquer à l’espace physique. Cette géométrie devait être découverte expérimentalement par le biais de triangulations et de mesu- res de parallaxes stellaires (Gauß procéda ainsi à de telles expériences de mesure des paral- laxes).

Riemann adhère à cette conception empiriste de la géométrie. Il se pose la question de savoir quelle est la vraie géométrie de l’espace physique. Il pense que ce problème peut se résoudre en partie si on accepte de considérer l’espace physique comme une instance particulière d’un tout qui serait l’espace métriquement amorphe.29 L’espace physique, en tant qu’instance particu-

lière de ce tout, possède une géométrie qui lui est propre, et qu’il faut découvrir empirique- ment :

Hiervon aber ist eine nothwendige Folge, dass die Sätze der Geometrie sich nicht aus all- gemeinen Grössenbegriffen ableiten lassen, sondern dass diejenigen Eigenschaften, durch welche sich der Raum von anderen denkbaren dreifach ausgedehnten Grössen unterschei- det, nur aus der Erfahrung entnommen werden können.30

Pour mener à bien son programme empiriste, il s’appuie sur une analyse de l’espace en deux niveaux distincts : le premier correspond à une propriété topologique amorphe (qualitative) ; le second correspond à une opération mathématique (quantitative) consistant à doter ce conti- nu topologique amorphe d’une structure métrique.31 Il ajoute à cela une distinction impor-

tante : la tridimensionnalité de l’espace est a priori dans la mesure où elle précède toute spéci- fication quantitative, alors que la caractérisation métrique de l’espace s’appuie sur des faits empiriques.32 Il lui faut donc chercher les faits les plus simples qui caractérisent les relations

28 [Riemann 1854–1990], page 304. Cf. Traduction : « On sait que la géométrie admet comme données préalables non seulement

le concept de l’espace, mais encore les premières idées fondamentales des constructions dans l’espace. Elle ne donne de ses concepts que des définitions nominales, les déterminations essentielles s’introduisant sous forme d’axiomes. Les rapports mu- tuels de ces données primitives restent enveloppés de mystère ; on n’aperçoit pas bien si elles sont nécessairement liées entre elles, ni jusqu’à quel point elles le sont, ni même a priori si elles peuvent l’être ».

29 Voir à ce sujet [Coleman / Korté 1992-1993], page 5 : « Riemann considers physical space as a determinate instance of the

genus ‘multiply extended magnitude’ (mehrfach ausgedehnte Größe) and proposes to construct the genus from general magnitudi- nal notions in order to establish that it does not itself involve the specifications of metric relationships. Thus the mathematical representation of a continuous three-fold extended magnitude admits of different metrical structures, and physical space repre- sents a specific instance of it by being endowed with a specific determinate metric relationship ».

30 [Riemann 1854–1990], pages 304-305. « Or, il s’ensuit de là nécessairement que les propositions de la Géométrie ne peuvent se

déduire des concepts généraux de grandeur, mais que les propriétés, par lesquelles l’espace se distingue de toute autre grandeur imaginable de trois dimensions, ne peuvent être empruntées qu’à l’expérience ».

31 Cf. le livre de Luciano Boi, Le problème mathématique de l’espace – Une quête de l’intelligible [Boi 1995], pages 130-131.

32 Comme le fait remarquer Georges Lochak dans son livre La géométrisation de la physique [Lochak 1994], pages 70-71 : « Son

idée première fut de comprendre qu’on doit distinguer, en géométrie, entre ce qui est général et se rapporte à la topologie, et ce qui particularise une géométrie et se rapporte à la métrique. Ce qui veut dire qu’on doit d’abord s’interroger sur la notion de figure,

métriques de l’espace ; cette tâche n’est pas des plus aisée dans la mesure où plusieurs systèmes de faits simples sont susceptibles de caractériser les relations métriques de l’espace. L’espace primor- dial est en effet amorphe (sans géométrie définie) et plusieurs métriques sont susceptibles de lui être appliquées. Or, si on se fixe comme but de trouver les faits les plus simples qui permet- tent de déterminer au mieux les relations métriques de l’espace, on se trouve confronté au problème de la multiplicité des systèmes de faits simples susceptibles de s’appliquer à l’espace. C’est à ce niveau que l’élément empirique intervient : le choix du système de faits simples s’appuie sur l’expérience ; ces faits sont des hypothèses empiriques.33

Le choix du terme ‘hypothèse’ n’est pas gratuit. La détermination de la métrique de l’espace se fait via la formulation d’hypothèses empiriques : on choisit une métrique parmi la multitude de métriques susceptibles d’être appliquées sur une multiplicité à n dimensions. Elle a un caractère objectif puisque la métrique qui caractérise notre espace (euclidien) peut permettre d’interpréter l’expérience.34 En d’autres termes, pour Riemann, l’espace est un espace mathé-

matique abstrait dans la mesure où il s’agit d’une grandeur de dimension multiple (Mannigfaltigkeit). L’espace physique est ainsi un cas particulier d’espace, susceptible d’accueillir plusieurs rapports métriques. Il n’y a pas de géométrie liée intrinsèquement à la notion d’espace et il est donc nécessaire de choisir une géométrie en faisant des hypothèses. L’ancien concept d’espace euclidien se trouve donc singulièrement mis à mal.35

Comme nous le verrons ultérieurement, le mémoire de Riemann exercera une influence cer- taine sur Poincaré puisqu’il se permettra d’en reprendre le titre dans sont premier article phi- losophique. À ce stade, on pourrait être tenté de voir dans la conception riemannienne une anticipation du conventionnalisme géométrique poincaréien. Ainsi, dans son ouvrage Philoso- phical Problems of Space and Time, Adolf Grünbaum devait affirmer que le conventionnalisme n’est rien d’autre qu’une élaboration épistémologique des conceptions de Riemann sur le caractère amorphe du continu spatial.36 À Riemann serait revenu le mérite d’avoir posé les

bases d’un conventionnalisme pour la métrique et d’avoir sapé le concept newtonien d’espace absolu en critiquant implicitement la notion d’une métrique intrinsèque de l’espace. À Poinca- ré serait revenu le mérite d’avoir utilisé les vues de Riemann dans ses travaux mathématiques et d’en avoir développé les conséquences philosophiques à travers l’élaboration d’une théorie générale de la connaissance. Il va de donc soi que pour Grünbaum le conventionnalisme géo- métrique trouve sa source principale dans les travaux de Riemann et qu’il se résume à un empirisme affirmant que la stipulation d’une métrique s’apparente à l’énoncé d’une propriété structurale de l’espace physique. Nous n’entrerons pas dans le détail des débats concernant cette interprétation et nous aurons d’ailleurs l’occasion de décrire, dans la suite de ce chapitre, l’opposition évidente de Poincaré à la thèse de l’empirisme géométrique que Grünbaum sem- ble vouloir lui faire défendre. Nous nous contenterons ici de formuler deux critiques d’ordre méthodologique : d’une part, la thèse de Grünbaum est centrée sur les passages les plus connus de La science et l’hypothèse (principalement les chapitres 3, 4 et 5) et elle néglige les

considérée comme un ensemble de points dont on ne considère que des propriétés générales de situation dans l’espace, les unes par rapport aux autres, ou de proximité plus ou moins grande. Ces propriétés sont éventuellement soumises à diverses transfor- mations, continues dans un sens large : les homéomorphismes, qui conservent les propriétés en question mais ne font pas intervenir la notion plus précise de distance entre deux points. Celle-ci ne vient qu’au deuxième stade de la géométrie, celui de la métrique, qui permet de préciser la forme des figures […] et de particulariser les transformations […]. Quant à savoir si telle géométrie ainsi construite a une utilité pratique, autrement dit si une métrique est plus apte qu’une autre à décrire les phénomènes naturels, ce n’est pas aux mathématiques d’en décider, mais à l’expérience ».

33 [Riemann 1854–1990], page 305. 34 [Boi 1995], page 131.

35 Voir cette citation du mathématicien L. Libois : « Riemann est passé de l’espace d’Euclide à ‘l’Espace’ et plus généralement

aux ‘Espaces de Riemann’ par un double processus d’abstraction et de concrétisation. Il passe de l’espace euclidien à la grandeur triplement étendue par abstraction, par ‘démétrisation’, et ensuite, par le processus inverse – concrétisation – il ajoute à la variété triplement étendue une métrique. L’avantage du double processus est évident : la métrique ajoutée est plus générale que la métrique enlevée. Riemann, en concevant la possibilité de concrétisations diverses, créait, aux côtés de l’espace d’Euclide, une gamme infinie d’espaces de types nouveaux ». Cité dans [Boi 1995], page 155.

36 [Grünbaum 1963/73], page 115 : « […] The central theme of Poincaré’s so-called conventionalism is essentially an elaboration

autres travaux de Poincaré, ce qui lui confère un tour relativement partial. D’autre part, son interprétation est presque totalement centrée sur la question de l’origine mathématique et tech- nique de la philosophie poincaréienne; elle ne tient pas compte de son contexte historique global de formulation, de ses relations avec la philosophie traditionnelle ou de l’insertion de Poincaré au sein dans un réseau philosophique dépassant le cercle restreint de la communauté scientifique. Nous espérons pouvoir montrer que si les conceptions de Riemann et de Helm- holtz sont essentielles pour comprendre la pensée de Poincaré, elles n’expliquent cependant pas tout.

Si l’on s’intéresse maintenant à la dimension philosophique du travail de Riemann, on cons- tate que faire de la géométrie revient pour lui à se donner une ou des métriques. De plus, on s’aperçoit que la distinction philosophique classique entre forme et matière semble s’appliquer à sa conception de l’espace. Il y a une matière qui préexiste : cette matière c’est l’espace, conçu comme une multiplicité (Mannigfaltigkeit), c’est-à-dire une grandeur étendue à n dimensions ; en tant que multiplicité, l’espace est amorphe, il n’a aucune caractéristique métrique (on est à un niveau topologique). La forme de cet espace c’est la métrique : le choix d’une métrique (puisqu’il s’agit d’un choix) va donner une forme à cet espace amorphe et engendrer un type de géométrie bien défini.37 Suivant la métrique on aura soit une géométrie euclidienne, soit

une géométrie non euclidienne.38

La référence à un espace physique continu est importante ici. Si on pose l’hypothèse d’un es- pace physique discret, on admet implicitement qu’il a une métrique intrinsèque qui est déjà contenue dans le concept même de multiplicité. Par contre, si on pose l’hypothèse d’un espace physique continu, la métrique doit être recherchée en dehors de la multiplicité, c’est-à-dire dans l’expérience (ce qui n’est pas sans conséquences du point de vue philosophique). Ceci explique pourquoi Riemann insiste beaucoup sur la libre mobilité des figures et sur l’idée d’un espace homogène, sans points privilégiés.39

Pour conclure, notons que le point nodal de la conférence de Riemann est certainement l’importance accordée à la notion d’hypothèse. En effet, pourquoi le système de faits communs aux trois géométries (euclidienne, elliptique et hyperbolique) se résume-t-il, en dernière ana- lyse, à des hypothèses ? Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, mais le plus fondamen-

37 À l’inverse, Poincaré soutiendra que la forme existe avant la matière, que la notion de groupe est antérieure au nombre de

dimensions. Ainsi dans « Les fondements de la géométrie » [Poincaré 1898k], Poincaré écrira, page 61 : « Pour moi au contraire la forme existe avant la matière. Les différentes manières dont un cube peut être superposé à lui-même et les différentes manières dont les racines d’une certaine équation peuvent être échangées constituent deux groupes isomorphes. Elles ne diffèrent que par la matière. Le mathématicien regarderait cette différence comme superficielle et il ne distinguerait pas davantage entre ces deux groupes qu’entre un cube de verre et un cube de métal. Sous cet aspect le groupe existe antérieurement au nombre des dimen- sions ».

38 S’il est possible d’appliquer différentes formes à l’espace, la question est alors de savoir laquelle de ces formes s’applique le

mieux à l’espace physique. Selon Riemann, la réponse à cette question ne peut être trouvée dans le concept même de multiplicité (qui demeure purement mathématique et abstrait), mais doit être recherchée dans l’expérience. C’est elle, en effet, qui doit permettre de décider, parmi la multitude de métriques applicables à la multiplicité amorphe, laquelle semble correspondre à la structure métrique effective de l’espace physique. Ce recours à l’expérience se fait par le biais de la formulation d’hypothèses dont la valeur n’est qu’approchée et qui ne sauraient être considérées comme des nécessités logiques. Voir à ce sujet [Coleman / Korté 1992-1993], page 9 : « The geometry of continuous physical space cannot be established purely on the basis of the concep- tual level of a general metrical manifold. Rather, the restrictive conditions, which single out the specific metrical structure of physical space from other possible metrical structures compatible with the manifold topology, must be taken from experience. It is at this juncture that those ‘hypotheses’ in the title of the address emerge. As we saw, Riemann points out already in the Intro- duction that the system of facts (Tatsachen) both of Euclidean and of ordinary non-Euclidean geometries are ‘not necessary, but only of empirical certainty, they are hypotheses…’ ».

39 [Riemann 1854–1990], pages 317-318.

Cette thèse de Riemann est définie par Coleman et Korté comme une Thèse Conceptuelle de Séparation (Conceptual Separation Thesis), [Coleman / Korté 1992–1993], pages 5-6 :

« Riemann’s Conceptual Separation Thesis states that the concept of a continuous manifold does not by itself involve the speci- fication or existence of a metrical structure. That is, a specific metric cannot be defined on the basis of the topology of a continu- ous manifold.

It should be noted that Riemann takes it as given whether a manifold is continuous or discrete and addresses himself to the