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CONTEXTE SCIENTIFIQUE ET ETAT DE L’ART

CHAPITRE 2 2 Processus et modèles existants

2.3 Revue des modèles de qualité d’eau existants 1 Typologies de modèles

2.3.1.1 Classification fonctionnelle

On peut distinguer les modèles de : (i) recherche, (ii) gestion, (iii) tri (Lecomte, 1999). Les premiers représentent le plus finement possible les phénomènes pour une meilleure compréhension des processus (LEACHM et SHE). Les deuxièmes aident à la décision en matière de choix de produits et d’aménagement du bassin versant (PRZM, AGNPS, ANSWER et SWATCATCH) : ils considèrent les mêmes processus que les modèles de recherche mais leur mise en équation est simplifiée (Thiollet-Scholtus, 2004). Les derniers utilisent des fonctions simplifiées et servent au classement de substances ou de pratiques agricoles viv-à-vis de la contamination des compartiments de l’environnement (SWAT). A cette classification fonctionnelle nous préférons la classification structurelle des modèles.

2.3.1.2 Classification structurelle

Du point de vue de la mise en équation des processus, on distingue les modèles : (i)mécanistes, (ii) empiriques, (iii) conceptuels. Les modèles conceptuels et mécanistes se rejoignent. Ils traduisent en effet les processus physiques, chimiques et biologiques à l’aide d’équations mathématiques, fondées sur la physique pour les modèles mécanistes (équations de Richards pour la production et équations de Barré de Saint-Venant pour le routage), conceptuelles dans le cas des modèles conceptuels (Thiollet-Scholtus, 2004, Durand et al., 2002, Perrin, 2000). Les modèles empiriques, en revanche, ne prennent pas en comte les processus internes du système étudié : ils ne font appel qu’aux variables d’entrée et de sortie du système. Le bassin versant est considéré comme une « boîte noire ». Les relations entre variables d’entrée et de sortie sont établies d’après des statistiques sur de très longues séries de données pour un bassin donné (Durand et al., 2002). Ils ne sont pas généralisables.

Du point de vue de la spatialisation des processus, un modèle peut-être global

ou distribué : le système à modéliser (bassin versant) est considéré d’un seul bloc (ou « boîte noire ») (modèle global) ou discrétisé en unités homogènes (modèle distribué). Les modèles distribués peuvent l’être selon deux approches. Dans la première approche, le bassin est divisé en mailles, régulières ou non (grille), car le système est décrit à l’aide d’équations différentielles, résolues dans chaque maille avec un schéma

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numérique. Dans la seconde approche1, le bassin est divisé en unités « fonctionnelles », ayant chacune un comportement homogènes vis-à-vis de certaines caractéristiques (hydrauliques notamment) et le système est décrit à l’aide d’équations physiques simples (Durand et al., 2002).

Toutes les combinaisons entre mise en équation et spatialisation des processus ne sont pas possibles, comme le montre la Table 2- 1.

Discrétisation spatiale du bassin

distribuée Semi-distribuée globale Modèle physique

(lois hydrodynamiques)

+ (+) -

Modèle conceptuel (+) + +

Modèle empirique - - +

+, possible, (+) possible sous certaines conditions, -, impossible

Table 2- 1 Possibilités d’association de différents niveaux de complexité de la structure d’un modèle et de différents niveaux de discrétisation spatiale du bassin versant (d’après Garfias et al., 1996).

Les modèles conceptuels peuvent être globaux ou distribués mais les modèles physiques sont nécessairement distribués (pour permettre la résolution des équations différentielles) (Refsgaard, 1997).

L’intérêt d’un modèle distribué est de pouvoir étudier les effets de changements de pratiques, de prendre en compte la variabilité spatiale des entrées et sorties du modèle et de prévoir les réponses de bassins non jaugés (en théorie). Les applications potentielles des modèles physiques distribués incluent : (i) la prévision des effets de changements dans l’aménagement du bassin versant, (ii) la détermination des mouvements de polluants et de sédiments au sein du bassin, (iii) l’utilisation sur des bassins versants non-jaugés, qui ne permettent pas de calibration (Yu et al., 2001).

Face aux temps de calculs importants de ces modèles les modèles globaux ou semi-distribués sont souvent préférés. Ciarapica et Todini (2002) assimilent d’ailleurs les modèles semi-distribués à des modèles « boîte noire » en cascade. Le développement des possibilités de couplage entre modèles (semi-)distribués et systèmes d’information géographique va dans le sens d’une plus grande utilisation de ces modèles.

En théorie, les modèles physiques (mécanistes) affranchissent l’opérateur de la calibration des paramètres car, les paramètres de ces modèles ayant une signification physique, ils sont mesurables sur le terrain.Mais comme nous le détaillons plus loin, les effets d’échelle constituent un verrou à cet affranchissement (Blöschl et Sivapalan, 1995) et la calibration reste souvent nécessaire même pour les modèles mécanistes. Les avantages théoriques des modèles physiques semblent donc réduits en pratique du fait du nombre important de paramètres requis, de l’hétérogénéité spatiale de leurs valeurs (Wheater et al., 1993) et du manque de données pour la validation interne du fonctionnement de ces modèles. Perrin (2000) conclut donc que ces modèles doivent rester dans le domaine de la recherche.

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Les modèles mécanistes et conceptuels traduisent les processus en jeu dans le système étudié, tandis que les modèles empiriques établissent des relations issues de statistiques entre les variables d’entrée et de sortie du système. Du point de vue de la spatialisation des processus, les modèles conceptuels peuvent être globaux ou distribués mais les modèles physiques sont nécessairement distribués.

Les modèles conceptuels semi-distribués s’avèrent être des outils adéquats pour explorer un système tout en assurant une relative simplicité d’utilisation. Les modèles globaux ne permettent pas d’explorer le système mais peuvent s’avérer efficaces pour réaliser des prévisions dans un cadre opérationnel.

Les modèles conceptuels semi-distribués sont donc des outils d’exploration d’un système (bassin versant) très attrayants, particulièrement dans notre contexte d’étude, où nous cherchons un modèle relativement simple à utiliser et à paramétrer. Les modèles globaux ne permettent pas d’explorer le système mais peuvent s’avérer efficaces pour réaliser des prévisions, très souvent de débits à l’exutoire d’un bassin versant, plutôt dans un cadre opérationnel. A la lumière de cette typologie structurelle, nous présentons les modèles existants en matière de transfert de produits phytosanitaires, en précisant les échelles de temps et d’espace auxquelles ils correspondent (événement/année, parcelle/bassin versant) et les processus qu’ils prennent en compte.

2.3.2 Modèles de qualité d’eau existants

Parsons et al. (2001, mis à jour en 2004) proposent une revue de modèles de qualité d’eau concernant les pollutions diffuses d’origine agricole. Le groupe de travail FOCUS a également procédé à une revue des modèles de qualité des eaux de surface utilisés dans le cadre de la réglementation européenne en matière de protection des végétaux (Adriaanse et al., 1997). Enfin, la United States Environmental Protection Agency (USEPA) a proposé dès 1991 une revue des modèles de qualité d’eau concernant les pollutions diffuses en zones urbaine et non-urbaine (Dorigian et Huber, 1991). La revue proposée ici provient en grande partie de ces trois références et du site « pesticide fate models » (http://www.pfmodels.org/links.html). De nombreux modèles simulent le transfert des pesticides dans les zones non saturée et saturée du sol. Entre autres CHEMRANK, CMLS, HYDRUS-2D, LEACHM, LEACHP, MACRO, PEARL, SIMULAT, TRANSOL, VARLEACH, WAVE.

Certains modèles simulent le comportement de la molécule dans un bief mais pas le transfert jusqu’à ce bief (il faut pour cela faire appel à d’autres modèles en amont). C’est le cas du modèle TOXSWA (ou encore ABIWAS, EXAMS, SLOOTBOX, WASP). D’autres modèles sont spécialisés dans la simulation du transfert des pesticides vers les eaux de surface par les systèmes de drainage et font donc intervenir le transfert dans le sol jusqu’au drain. Ce sont CHAIN_2D1.1, CRACK_P1.0, PESTLA, PESTRAS, MACRO, OPUS. Certains modèles simulent la dérive atmosphérique des pesticides lors de l’application (IDEFICS, MODEP, PEDRIMO, PSMDRIFT).

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Les modèles qui nous intéressent sont ceux qui modélisent le transfert des pesticides vers les eaux superficielles par le ruissellement de surface. On trouve AGNPS, (ANSWERS_2000), CREAMS, GLEAMS, HSPF, OPUS, PELMO, PRZM, RZWQM, SWAT, SWRRBWQ. Parmi ces modèles, CREAMS (Chemicals, Runoff, and Erosion from Agricultural Management Systems) (Knisel, 1980), GLEAMS (Groundwater Loading Effects of Agricultural Management Systems ) (Leonard et al., 1987), PRZM (Pesticide Root Zone Model) (Carsel et al., 1984), PELMO, OPUS et RZWQM (Root Zone Water Quality Model) travaillent à l’échelle de la parcelle et sont donc hors de notre domaine d’investigation, qui concerne uniquement les modèles événementiels à l’échelle du bassin versant.

Parmi les modèles de qualité des eaux de surface à l’échelle du bassin versant, SWRRBWQ (Simulator for Water Resources in Rural BasinsWater Quality) de l’USDA, inclus dans SWAT (Soil and Water Assessment Tool), AGNPS (Agricultural Non-Point Source model) et AnnAGNPS (Annualized Agricultural Non-Point Source model) sont éliminés car ce sont des modèles continu dont le pas de temps de calcul est au moins égal à un jour.

HSPF (Hydrological Simulation Program – FORTRAN) (Johanson et al, 1980) est donc le seul modèle événementiel de qualité des eaux de surface modélisant le transfert par ruissellement à l’échelle du bassin versant. Mais c’est un modèle qui prend en compte un nombre très important de processus dont la majeur partie ne nous intéresse pas et nécessite donc un effort de paramétrisation démesuré face à notre choix de ne prendre en compte que le ruissellement Hortonien et un comportement conservatif du soluté. Son utilisation en modélisation inverse est fortement compromise car il est très sensible à la non-unicité (des dizaines de paramètres, calibration impossible), l’interface est peu conviviale, et l’absence de personne ressource rendrait son utilisation laborieuse.

Borah et Bera (2003) proposent également le modèle MIKE SHE pour une modélisation pluie-débit continue ou événementielle à l’échelle du bassin versant prenant en compte le transfert de solutés conservatifs. Mais le même constat quand à l’utilisation d’un modèle d’un tel niveau de complexité peut être fait.

ANSWERS possède une version fonctionnant à l’échelle de l’événement (Borah et Bera 2003) mais ne permet pas de modélisation dynamique des événements, pas de modélisation des pics (seulement un volume total ruisselé et une concentration moyenne pour l’événement), de même que STREAM (Sealing and Trasfert by Runoff and Erosion in relation with Agricultural Management) (Lecomte, 1999), qui ne peut pas être actuellement utilisé pour des quantifications absolues mais dans le cadre de comparaisons de différents scénarios d’aménagement.

Pour compléter cette revue, nous devons mentionner le modèle MHYDAS

(Modélisation Hydrologique Distribuée des AgroSystèmes), dédié au transfert de produits phytosanitaires dans le ruissellement de surface à l’exutoire d’un petit bassin versant durant un événement pluvieux. MHYDAS a été développé par Moussa et al. (2002) afin de comprendre et de simuler les processus de transferts d’eau en milieu agricole. C’est un modèle événementiel de crue basé sur une segmentation de la surface du bassin versant en unités hydrologiques. Sur chaque unité hydrologique le modèle MHYDAS utilise un modèle d’infiltration 1D pour la fonction de production du ruissellement, à base physique (Richards) ou conceptuel (Horton) (au choix), et le modèle de l’onde diffusante résolu par la méthode d’Hayami (Moussa, 1996) pour le transfert du ruissellement vers le réseau hydrographique. Le processus de transfert du ruissellement à travers le réseau hydrographique est mis en équation à l’aide du modèle de l’onde diffusante. Concernant les processus chimiques propres aux pesticides, le

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processus de dissipation des molécules dans le sol est pris en compte par une cinétique de premier ordre pour calculer la quantité de polluant dans les deux premiers centimètres du sol sur une unité. La désorption est le principal processus pris en compte pour la mobilisation des pesticides au niveau de chaque unité hydrologique avec l’hypothèse d’un mélange instantané entre couche superficielle du sol et lame ruisselante. Aucun processus de dégradation ou d’adsorption-désorption n’est pris en compte lors du transfert des pesticides dans le réseau hydrographique, les seuls pertes possibles étant dues à des réinfiltrations dans le réseau. Ce modèle est certes très intéressant puisqu’il travaille aux échelles de temps et d’espace qui concernent notre étude et prend en compte les processus sélectionnés dans le chapitre précédent 2.2. Mais son utilisation sur le bassin versant de Rouffach est compromise par l’utilisation des équations de Saint-Venant pour le transfert du ruissellement à l’exutoire du bassin, dont nous avons dit qu’elles étaient en limité de validité pour l’écoulement en nappe observé sur le bassin. De plus, la définition de la géométrie des biefs (hauteur, largeur) est délicate dans le contexte d’un écoulement en nappe, qui n’intervient pas sur toute la largeur de la route et peut se concentrer localement sur un côté de la route.

Zehe et al. (2001) ont également développé un modèle physique distribué pour le bassin de Weiherbach (6,3 km2), CATFLOW, qui prend en charge les pesticides et est basé sur le modèle hydrologique HILLFLOW (Bronstert, 1999), mais nous n’avons pas accès à l’exécutable de ce modèle.

Les seuls modèles existants correspondant à notre contexte d’étude (transfert de pesticides via le ruissellement de surface à l’exutoire d’un bassin versant au cours d’un événement pluvieux) sont donc HSPF (Johanson et al, 1980), MHYDAS (Moussa et al., 2002) et CATFLOW (Zehe et al., 2001).

Mais d’une part, HSPF prend en compte un nombre démesuré de processus par rapport à ceux que nous retenons (production et transfert de ruissellement de surface, mobilisation des pesticides) et l’absence de personne ressource pour un modèle aussi complexe à paramétrer rend son utilisation laborieuse. D’autre part, MHYDAS, dont la sélection de processus correspond quasiment à ceux que nous retenons, utilise l’onde diffusante pour mettre en équation le transfert du ruissellement de surface à travers le réseau hydrographique. Or ces équations de transfert à surface libre sont en limite de validité sur le bassin versant de Rouffach, où l’écoulement est essentiellement un écoulement en nappe sur les routes. Enfin, l’exécutable du modèle CATFLOW n’est pas disponible.

Parmi les modèles de transfert de produits phytosanitaires existants, aucun ne répond à la fois à notre échelle d’étude (exutoire d’un petit bassin versant durant un événement pluvieux), à la sélection de processus que nous avons réalisée (production et transfert du ruissellement de surface, mobilisation des pesticides à la parcelle et aucun processus de dégradation ou de rétention durant le transfert), et à la mise en équation des processus qui nous semble la plus réalisable au vu de la nature de l’écoulement et des données disponibles à Rouffach (approche conceptuelle). Nous devons donc développer nos propres modèles pour cette étude.

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3 MODELISATION