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CONTEXTE, PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS DE LA THESE

3 CONTAMINATION DES MILIEUX ET IMPACTS 55 4 REGLEMENTATION, ACTIONS DES POUVOIRS PUBLICS ET

5.3 C ONCEPT DE STRATEGIE D ’ ECHANTILLONNAGE

CHAPITRE 1

1 Définitions

- 53 - 1 DEFINITIONS

Le terme « produits phytosanitaires » (ou phytopharmaceutiques) fait référence au domaine de l’agriculture, où il désigne les substances « utilisées pour la prévention, le contrôle ou l’élimination d’organismes jugés indésirables » (Observatoire des Résidus de Pesticides, http://www.observatoire-pesticides.fr.) : on distingue principalement les herbicides, les insecticides, et les fongicides (contre les champignons).

Cette dénomination ne couvre pas les produits utilisés dans le même but, mais pour un usage non agricole, les « produits biocides », dont la mise sur le marché est régie par une autre directive européenne : directive 98/8/CE du 16 février 1998 (pour les produits biocides) et directive 91/414/CE du 15 juillet 1991 (pour les produits phytosanitaires).

On peut citer la définition des produits phytosanitaires fournie par cette dernière : les produits phytosanitaires sont définis comme « les substances actives et les préparations contenant une ou plusieurs substances actives qui sont présentées sous la forme dans laquelle elles sont livrées à l’utilisateur et qui sont destinées à :

• protéger les végétaux ou les produits vitaux des végétaux contre tous les organismes nuisibles ou à prévenir leur action ;

• exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, pour autant qu’il ne s’agisse pas de substances nutritives (régulateurs de croissance) ;

• assurer la conservation des produits végétaux, pour autant que ces substances ou produits ne fassent pas l’objet de dispositions particulières du Conseil de la Commission concernant les agents conservateurs ; • détruire les végétaux indésirables ;

• détruire les parties de végétaux, freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux. »

Le terme générique « pesticides » englobe tous les usages, agricoles, domestiques, urbains, de voirie… Nous l’utiliserons, par abus de langage, comme synonyme du terme produits phytosanitaires dans ce mémoire, qui se restreint aux usages agricoles. Nous proposons de présenter un historique, succinct, de l’utilisation de ces produits en agriculture, en France principalement.

2 HISTORIQUE DE L’UTILISATION DES PESTICIDES EN AGRICULTURE

On retrouve l’existence de pratiques phytosanitaires déjà au milieu du 19e siècle, où les échanges commerciaux, qui se multiplient, constituent un facteur important d’accroissement du nombre d’espèces nuisibles (Fourche, 2004). En 1863, la crise phylloxérique menace la viticulture et engendre l’arrachage de tous les vignobles. A partir de la fin de la Première Guerre mondiale, le doryphore, coléoptère originaire des Etats-Unis, attaque les cultures de pommes de terre, et son expansion se poursuit jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Les premiers produits sont minéraux, des dérivés arsenicaux tels les arsénicates de chaux et d’alumine, mais aussi du soufre et des pesticides à base de sel de cuivre comme la célèbre bouillie bordelaise, un fongicide utilisé dans la culture de la vigne (et de la pomme de terre) depuis 1885 contre le mildiou.

L’efficacité de ces produits, de composition variable, reste alors peu satisfaisante, à une époque où la perception de la finalité de la protection des végétaux se traduit par une éradication totale des organismes jugés nuisibles, vision qui perdure tout au long de la première moitié du 20e siècle (Fourche, 2004), voire au-delà. Dans ce

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2 Historique de l’utilisation des pesticides en agriculture

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contexte, « la mise sur le marché (à la Libération) des substances de synthèse engendre un nouvel espoir d’extermination » (Fourche, 2004). La chimie organique se développe en effet à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, avec la mise au point de produits de la famille des organochlorés.Les propriétés insecticides du dichlorodiphéyltrichloroéthane, ou DDT, peut-être le plus célèbre d’entre eux, sont découvertes en 1939 par le chimiste suisse Paul Hermann Müller, qui reçoit pour cela le prix Nobel de médecine en 1948 : la première utilisation du DDT concerne en effet la destruction des insectes porteurs du paludisme et du typhus. Il sera utilisé en agriculture après 1945 (Fourche, 2004).

Par la suite, les organophosphorés se substituent aux organochlorés, avec par exemple le malathion, un insecticide à large spectre. Notons au passage que ces premiers produits de la chimie organique sont des produits peu spécifiques, ayant un large rayon d’action, susceptible donc de toucher d’autres cibles que celle contre laquelle ils sont utilisés. A partir de 1950 se développent aux Etats-Unis les herbicides de la famille des urées substituées (diuron) et des triazines : les pesticides les plus utilisés aujourd’hui sont d’ailleurs les désherbants, et le glyphosate reste la molécule active la plus vendue dans le monde.

Il reste difficile d’estimer les quantités utilisées car l’estimation ne peut se faire qu’à partir des chiffres de vente des firmes, qui restent globaux (toutes utilisations confondues, agricole et domestique, agrégation par catégorie « herbicide », « fongicides », « insecticides ») et qui ne reflètent pas l’utilisation réelle sur la même année (Auberto et al., 2005). Ainsi, en 2004, 76105 tonnes de matières actives phytosanitaires ont été vendues en France, dont 57300 tonnes de produits de synthèse, avec la répartition suivante entre les trois grandes catégories : 26102 tonnes d’herbicides, 37174 tonnes de fongicides (dont cuivre et soufre), et 2469 tonnes d’insecticides (10360 tonnes de « divers ») (Sources UIPP, dans Auberto et al., 2005). En France toujours, la viticulture représente 20% de cette consommation totale, pour seulement 3% de la Surface Agricole Utile (SAU). Auberto et al. (2005) font remarquer à ce sujet que la viticulture concentre la majorité des tonnages de soufre et de cuivre, qui correspondent à des doses d’utilisation élevée. La France est le troisième consommateur mondial de pesticides et le premier en Europe (ou quatrième si l’on ramène le tonnage à la SAU) (Auberto et al., 2005).

Résultat d’une conception de la protection des végétaux qui aspire à une destruction totale, la recherche de produits à longue persistance d’action constitue le fil rouge du développement de substances de synthèse jusque dans les années 1970. Cette conception est alors remise en cause suite à l’accumulation de nombreux effets secondaires. La vision techniciste de la protection des cultures, fatalement simpliste, se heurte aux « phénomènes de résistances par une sélection de masse, de prolifération d’ennemis nouveaux par stimulation ou vacance de niche écologique, de destruction du cortège d’auxiliaires et des pollinisateurs » (extrait de Fourche, 2004) : la lutte chimique, du moins la lutte chimique seule, se retrouve alors dans l’impasse. Mais au- delà de l’impasse dans laquelle la lutte « tout chimique » plonge la protection des végétaux, le signalement de la contamination, toujours croissante, des milieux par les produits phytosanitaires et la question, toujours en suspend, de leurs impacts sur ces milieux et sur l’Homme remettent en cause l’utilisation, massive, de ces produits.

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3 Contamination des milieux et impacts Contamination des milieux et impacts

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3 CONTAMINATION DES MILIEUX ET IMPACTS

La contamination des milieux, rappelons-le ou apprenons-le, n’est certainement pas due à la seule utilisation des pesticides en agriculture. L’utilisation domestique de ces produits porte également une part de responsabilité, souvent moins négligeable que ce que le « jardinier du dimanche » se l’avoue, sans compter leur utilisation urbaine, principalement pour le désherbage de la voirie : dans ce cas particulier, l’imperméabilité des surfaces, la vitesse de ruissellement et la configuration des réseaux de collecte des eaux pluviales constitue un contexte privilégié de contamination des eaux par transfert rapide des produits vers la rivière et la nappe associée (Oberle, 2006). Mais cette source de contamination reste peu maîtrisable, avec des interlocuteurs mal identifiés, des réseaux de formations ou simplement de sensibilisation complexes, lourds, et parfois impossibles à mettre en œuvre faute de bonnes volontés. Le public des agriculteurs est au contraire facilement identifiable et intégré dans des réseaux fonctionnels.

Le problème de la contamination des milieux par l’utilisation des produits phytosanitaires est double : la pollution peut-être ponctuelle ou diffuse. Les premières actions mises en œuvre lorsque l’on se retrouve face à un problème de pollution concernent généralement la limitation des pollutions ponctuelles. Elles sont souvent bien identifiées et relativement faciles à éviter par une bonne organisation de l’aire de remplissage/vidange des cuves et de la collecte des emballages (Duhamel et Kramers, 2003). La pollution diffuse, d’origine agricole, est au contraire plus complexe à gérer et c’est celle que nous étudions dans ce travail.

Le premier état national de la contamination des eaux en France par les pesticides a été réalisé par l’IFEN en 1998, état réactualisé chaque année par compilation des nouvelles données issues de nombreux réseaux de surveillance. Le dernier en date est le rapport d’août 2006, compilant les données de 2003-2004, qui fait état de la présence dans au moins un prélèvement, dans 96% des points de mesure des cours d’eau et 61% des points de mesures des nappes souterraines, d’une des 459 (respectivement 417) substance recherchées. « On trouve des pesticides à des concentrations telles que les milieux aquatiques peuvent être perturbés ou les seuils admissibles dépassés pour la production d'eau potable6 sans traitement spécifique des

pesticides » (IFEN, 2006). On fait ainsi la distinction entre la contamination des milieux aquatiques et la contamination des eaux destinées à la consommation, ce qui donne lieu à différents seuils de qualité réglementaires : (i) les seuils sans effet pour les organismes regroupés dans le SEQ-Eau (Système d’évaluation de la qualité des cours d’eau), en cours de modification suite à la mise en oeuvre de la nouvelle Directive Cadre sur l’Eau, et (ii) les seuils relatifs aux eaux destinées à la consommation humaine à l’exclusion des eaux minérales naturelles (décret n°2001-1220 du 20 décembre 2001). En revanche, aucun seuil réglementaire n’est défini pour le compartiment « air » (ou sol). D’ailleurs, même si des réseaux de surveillance de la qualité de l’air sont mis en place depuis les années 2000, la littérature sur la contamination de l’air reste peu abondante, de même que les données actuelles sur la contamination des sols sont très fragmentaires (Auberto et al., 2005). Il n’existe pas pour le sol de dispositifs de caractérisation de la contamination équivalent à ceux relatif à l’eau, voire à l’air.

En dehors du suivi des niveaux de contamination des eaux, associé à la définition de seuils, uniquement pour les eaux, aucun outil réellement prédictif des impacts des pesticides sur l’environnement, et sur la santé humaine, n’existe à l’heure actuelle. D’une part, concernant les écosystèmes aquatiques, l’exposition des organismes ne peut se résumer à la concentration en pesticides dans les eaux de surface (phénomène de bioaccumulation notamment) et reste donc difficile à évaluer. D’autre part, concernant les écosystèmes terrestres, le calcul, dans le dossier d’homologation d’une substance, de concentrations

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3 Contamination des milieux et impacts Contamination des milieux et impacts

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prévisibles dans l’environnement (eaux et sol) n’est pas toujours suffisant pour déterminer l’exposition des vertébrés terrestres : il faut estimer l’exposition alimentaire à partir du régime de chaque espèce et de concentrations résiduelles prévisibles dans les aliments (Observatoire des Résidus de Pesticides, http://www.observatoire-pesticides.fr.). Pour la plupart des organismes, seules les concentrations seuil définies par des essais de toxicité en laboratoire sur des organismes de référence peuvent servir à l’estimation des impacts, avec l’estimation de l’exposition. L’impact des pesticides sur les écosystèmes terrestres est mieux étudié pour les vertébrés et les abeilles, qui font l’objet de recensement de population via des réseaux de surveillance dédiés (Auberto et al., 2005). Mais l’existence de nombreux facteurs confondants rend difficile la mise en évidence d’un lien de cause à effet entre exposition et pertes de population (Auberto et al., 2005). Concernant la santé humaine, il semblerait que l’ingestion d’aliments soit la voie principale de l’exposition aux pesticides, et l’ingestion d’eau dans une moindre mesure (Duchemin et al., 2005), excepté pour les populations professionnellement exposées comme les agriculteurs, où l’exposition directe par contact est importante. La toxicité des substances, aiguë ou chronique, est évaluée par des tests normalisés sur des animaux en laboratoire, les essais de toxicité chronique (cancérogénéité, effets sur la reproduction) permettant de définir la Dose Journalière Admissible (DJA). En France, le réseau de toxicovigilance agricole permet le repérage des effets toxiques des pesticides. On dispose pour les populations professionnellement exposées de données d’exposition (informations sur les pratiques) et de données concernant la santé des individus via la Médecine du Travail (Tron et al., 2001). Les principaux effets chroniques dégagés par les auteurs sont les troubles de la reproduction (infertilité masculine notamment), les troubles neurologiques et l’apparition de cancers, bien que la mise en évidence de relation de causalité reste délicate (facteurs confondants, délais longs entre exposition et apparition des troubles). L’impact sur la population générale quant à lui reste une question sans véritable réponse, faute de connaissances suffisantes, et le sujet de vives controverses : cinq jours après la publication, le 13 septembre 2007, du rapport sur les causes du cancer en France (Boyle, Tubiana et al., 2007), qui réaffirme les conclusions de Doll et Peto (1981) selon lesquels les principales causes de cancer résident dans nos comportements individuels, avec un très faible pourcentage de cancers liés aux pollutions environnementales (0.5%), a été rendu publique, le 18 septembre 2007, le rapport Belpomme sur la situation sanitaire aux Antilles, qui vise à estimer l’impact de l’usage des pesticides dans l’agriculture antillaise et met en avant une forte augmentation du nombre de cancers de la prostate ces dernières années (Belpomme et al., 2007). Mais la difficulté d’identifier des liens de cause à effet est invariablement mise en avant, ce qui devrait pousser au développement d’indicateurs pour des études épidémiologiques robustes, avec notamment, comme le proposent Tron et al. (2001), une détermination fiable de l’exposition de la population aujourd’hui pour posséder des éléments objectifs dans 10-20 ans.

L’objet du chapitre suivant est une revue des outils actuellement mis en œuvre pour tenter de limiter le risque associé aux produits phytosanitaires, que ce soit a priori avec les réglementations de mise sur le marché, ou a posteriori avec des actions spécifiques visant à réduire la contamination des milieux, et avec le développement de réseaux de surveillance pour essayer de construire une vision globale de la contamination.

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4 Réglementation, actions des pouvoirs publics et surveillance

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4 REGLEMENTATION, ACTIONS DES POUVOIRS PUBLICS ET

SURVEILLANCE