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CONTEXTE SCIENTIFIQUE ET ETAT DE L’ART

4 LES OUTILS DE L’ANALYSE D’INCERTITUDE 128 1 R EVUE DES METHODES D ’ ANALYSE DE SENSIBILITE

1.1 Propriétés du site d’étude 1 Présentation générale

Le contexte de la contamination de la nappe d’Alsace par les produits phytosanitaires appelle l’acquisition de connaissances sur les transferts de produits phytosanitaires dans les zones sensibles de transition. En effet, La nappe d’Alsace est la principale ressource en eau potable de la région ; elle assure la satisfaction de 75 % des besoins en eau domestique, de plus de 50 % des besoins en eau industrielle, et la quasi- totalité de l’eau d’irrigation. Le piémont alsacien est identifié comme une zone sensible de la contamination de la nappe et la viticulture, forte consommatrice de pesticides, y est largement présente.

Du point de vue de la pollution des eaux souterraines, les pertes par infiltration

au niveau de cette zone très faillée (Granet et al., 2000) sont évidemment mises en cause. Mais les pertes par ruissellement, qui concernent également la pollution des eaux de surface de la plaine du Rhin, ne doivent pas être négligées, même si elles ne représentent que quelques pourcents du bilan hydrique, soient 2 à 4% (Domange, 2005) et même si les flux concernés sont faibles en pourcentage des apports de produits, soient moins de 1% (Domange, 2005). Situés à l’interface zone rurale/zone urbaine, les bassins viticoles du piémont déversent en effet lors d’événements pluvieux leurs eaux de ruissellement dans le réseau de collecte unitaire de la ville, souvent via un bassin d’orage (Grégoire, 2006). Le réseau fait alors office de court-circuit, débouchant directement au niveau de la rivière et de la nappe phréatique associée, après avoir traversé la station d’épuration, qui n’est pas conçue pour éliminer les produits phytosanitaires. Il paraît donc pertinent d’étudier les mécanismes de transfert de produits phytosanitaires par ruissellement, à l’échelle de l’événement pluvieux, au sein de petits bassins versants viticoles du piémont alsacien. Sous le terme « petit bassin versant » nous désignons dans cette étude des bassin d’une superficie allant de

quelques dizaines d’hectares à quelques kilomètres carrés.

Ce contexte a mené naturellement à la mise en place du site expérimental au niveau d’un bassin versant viticole du piémont alsacien. Un bassin versant d’étude a été choisi près de la ville de Rouffach (au Sud/Sud-Ouest de Colmar) dans le Haut Rhin sur le piémont viticole vosgien.Le bassin versant de Rouffach (60 ha pour la délimitation topographique, Figure 2- 1) est situé dans le piémont alsacien au sud-ouest de Colmar latitude 47°57’9N ; Longitude 007°17’3E (Haut-Rhin, France). Les altitudes varient de 230 à 370 m. La pente moyenne est de 15%. L’orientation est Sud-Est/Nord-Ouest.Il est qualifié « sec » du fait d’un écoulement à l’exutoire non permanent et dépendant des épisodes pluvieux. Situé dans la poche « xérothermique » de Colmar, il est faiblement arrosé, avec une pluviométrie moyenne annuelle inférieure à 600mm.

Ce bassin, comme tous les bassins versants viticoles du piémont alsacien, présente des spécificités remarquables (Grégoire et Litaudon-Jouve, 2004): grandes diversités des sols et des peuplements végétaux malgré une prédominance de la vigne, rupture de pente, réseaux de failles, nappe relativement profonde au droit du piémont, etc. Parmi ces caractéristiques, nous soulignons la très forte anthropisation avec un morcellement et un quadrillage du parcellaire par des routes d’exploitation souvent imperméables, dépourvues de fossés drainant. Ces propriétés laissent augurer un

comportement hydrologique particulier qu’il est nécessaire de bien identifier comme base à l’étude des transferts de pesticides.

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Figure 2- 1 Délimitation des bassins versants topographique (en bleu) et hydraulique (en rouge) de Rouffach (Haut-Rhin, France) et emplacement de la station Météo France (étoile) ainsi que des parcelles expérimentales (croix) (d’après Domange, 2005).

Nous étudions les mécanismes de transfert de produits phytosanitaires par ruissellement vers les eaux de surface, à l’échelle de l’événement pluvieux, au sein de petits bassins versants viticoles du piémont alsacien.

Sous le terme « petit bassin versant » nous désignons dans cette étude des bassins d’une superficie allant de quelques dizaines d’hectares à quelques kilomètres carrés. Sans mention spécifique de superficie, le terme « bassin » seul fait référence à de petits bassins versants.

Le site expérimental auquel se rapporte cette étude est le bassin versant de Rouffach (Haut-Rhin, France), représentatif des bassins versants viticoles du piémont alsacien.

1.1.2 Le contexte climatique

Le climat de Rouffach correspond aux grandes tendances climatiques de la région Alsace, avec une influence continentale, caractérisée par des hivers froids (1°C en moyenne en janvier), et des étés chauds (20°C en moyenne en juillet) accompagnés d’orages. Les températures moyennes annuelles se situent autour de 10-11°C, avec une amplitude forte de 18°C caractéristique de la tendance continentale. Colmar et ses alentours (dont Rouffach) présentent un microclimat ensoleillé et sec du à l’effet de foehn : la pluviosité y est plus faible que dans le reste de la région. La pluviométrie totale annuelle est de 599,3 mm en moyenne à Rouffach, contre 600 à 800 mm en Alsace.

CHAPITRE 2 1. Contexte de

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Afin de suivre la pluviométrie, le bassin versant de Rouffach dispose d’une

station météorologique automatique Météo France située au cœur du bassin versant (Figure 2- 1) (station de « Rouffach-Hohrain », altitude 284 m). Nous disposons pour cette station de mesures de hauteurs de pluie au pas de temps horaire depuis 1991, ainsi que de mesures à 6 minutes (Domange, 2005). Les totaux pluviométriques mensuels permettent d’étudier la répartition des pluies à l’intérieur de l’année. Deux saisons hydrologiques se distinguent, un été de mai à octobre et un hiver de novembre à avril (Pasquet, 2003).

1.1.3 Bilans hydriques et hydrologie de la parcelle

Un bilan hydrique a été réalisé par Tournebize (2001) au niveau de deux parcelles expérimentales situées au sein du bassin (Figure 2- 1), correspondant à trois itinéraires techniques employés sur la surface du sol (désherbé tous les interrangs, enherbé un interrang sur 2, enherbé tous les interrangs) pour la période 01/10/99 au 30/09/00. Rappelons que l’itinéraire technique classique dans le vignoble alsacien correspond à un désherbage chimique (emploi d’herbicides) sous le rang de vigne, un interrang sur deux demeurant en herbe toute l’année, l’autre étant désherbé mécaniquement (Figure 2- 2).

Figure 2- 2 Schématisation de l’itinéraire technique classique dans le vignoble alsacien.

Tournebize (2001) a établi le bilan hydrique sur une année complète avec un état initialcorrespondant à l’état hydrique minimal du sol.Il apparaît que la transpiration

avec plus de 45% de la pluviométrie est le terme majoritaire, suivi, selon l’itinéraire technique : (i) par l’évaporation du sol pour la parcelle désherbée, (ii) pour la parcelle enherbée par l’évapotranspiration du sol et de l’herbe (29,7% et 41,2% respectivement pour l’enherbement un interrang sur deux et tous les interrangs).

Concernant l’hydrologie à la parcelle, Domange (2005) a tenté d’analyser le fonctionnement hydrologique des placettes avec un appareillage fin, comme celui de l’exutoire du bassin versant (canal Venturi, sonde bulle-à-bulle et débitmètre, préleveur automatique). Mais cette chaîne d’acquisition ne semble pas adaptée aux faibles débits (problèmes de batillage) et après deux années de mesure (2003, 2004), il reste impossible de faire un bilan des volumes ruisselés à l’échelle de la saison avec ce type de matériel. Ainsi depuis avril 2004 des bacs répartiteurs de débit (voir figure chapitre III-2) sont utilisés à l’exutoire des placettes expérimentales (désherbée tous les

Rangs de vigne Enherbement 1 interrang sur 2 Désherbage mécanique 1 interrang sur 2

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interrangs et enherbée un interrang sur deux) pour acquérir des données intégratrices à l’échelle de la placette (volume d’eau total ruisselé lors de l’événement et concentration (1 seule) assimilée à la concentration moyenne de l’événement (Madier, 2004). Le ruissellement des placettes n’est détecté que sur 12 événements en 2004 (probablement 5 en 2003), les valeurs de coefficient de ruissellement des deux placettes ne dépassent généralement pas 2 % par événement (ponctuellement 5 %) et 1 % à l’échelle de l’année (Domange, 2005).

1.1.4 Comportement hydrologique du bassin versant

L’exutoire du bassin prend place en bordure de route sur un fossé bétonné, en amont d’un des bassins d’orage de la ville de Rouffach, au niveau d’un point où il n’existe plus de mélange d’eau provenant de différentes zones mais seulement un acheminement. La délimitation topographique du bassin versant est définie à partir d’une carte topographique IGN classique (ligne de crête) (Domange, 2005). Cependant, dans de nombreux bassins les chemins de l’eau diffèrent des chemins directement issus de la topographie par l’influence de facteurs anthropiques, comme les routes et les fossés drainants qui sont permanents dans le temps. Les facteurs dus aux pratiques agricoles (traces de roues par exemple) sont par contre non pérennes (Souchère et al., 1998). La délimitation topographique du bassin versant de Rouffach est représentée Figure 2- 1 ainsi que la première délimitation hydraulique réalisée par Domange (2005) d’après des observations de terrain.

Cependant, cette délimitation du bassin versant hydraulique n’est basée que sur l’observation des routes quadrillant le bassin et de leur pente : la délimitation de Domange inclut toutes les routes susceptibles d’acheminer le ruissellement à l’exutoire choisi du bassin versant (d’après leur pente moyenne) et toutes les parcelles bordant ces routes. Même si une première distinction de parcelles non contributives au ruissellement à l’exutoire est disponible, il est indispensable, dans l’optique de la modélisation du comportement hydrologique du bassin versant de Rouffach, d’affiner sa délimitation hydraulique.

La délimitation du bassin versant topographique et une première délimitation du bassin versant hydraulique sont disponibles.

Mais les critères de détermination des routes et des parcelles contributives à l’exutoire sont peu discriminants :

- Pente (vers l’exutoire) pour les routes ;

- Existence d’une connexion avec une route contributive pour les parcelles.

Or il est indispensable, dans une optique de modélisation spatialisée des débits à l’exutoire du bassin versant de Rouffach, d’affiner la détermination des routes et des parcelles contributives à l’exutoire (cf. chapitre III-1).

En plus de la délimitation fine du bassin versant hydraulique, c’est- à-dire des surfaces contributives à l’exutoire du bassin versant de Rouffach, il nous apparaît nécessaire de préciser le fonctionnement hydrologique de ce bassin, qui possède les caractéristiques remarquables déjà énoncées.

CHAPITRE 2 1. Contexte de

- 87 - 1.2 Importance des routes

Le quadrillage du parcellaire par des routes d’exploitation souvent imperméables, dépourvues de fossés drainant, est une spécificité remarquable des petits bassins versants viticoles du piémont alsacien, qui doit avoir son importance dans la

génération du ruissellement de surface et de sa charge en sédiment. En effet, dans de nombreux autres contextes, l’importance des routes est reconnue. A l’échelle d’un bassin versant tropical de 233 km2, les routes, qui représentent 5% de la surface totale du bassin, contribuent à la charge total en sédiment à l’exutoire à hauteur de 40% (Rijsdijk et al., 2006). Mc Donald et al. (2001) observent l’initiation du ruissellement sur les routes (non pavées) à partir de 6mm de pluie, tandis que les versants végétalisés ne contribuent généralement au ruissellement que pour le pic de débit de l’événement pluvieux et produisent peu de sédiments. Les routes non pavées semblent d’ailleurs la source principale de sédiment, d’autant plus que le passage de machines sur les routes sont fréquentes (Rijsdijk et al., 2006, Mc Donald et al. 2001). Le même constat est réalisé par Ziegler et al. (2004) sur un bassin versant expérimental de 93,7 ha au nord de la Thaïlande : les routes (non pavées) (0,5% de la surface totale du bassin) contribuent de manière disproportionnée au ruissellement et à la charge en sédiments à l’exutoire du bassin par rapport aux parcelles agricoles. En effet, les routes ont une capacité d’infiltration faible comparée aux autres surfaces d’un bassin et sont donc des sources importantes de production du ruissellement Hortonien (Ziegler et Giambelluca, 1997). D’ailleurs, les auteurs montrent sur leur bassin d’étude que les conductivités hydrauliques à saturation pour les différentes occupations de sol, en dehors des routes, ne sont généralement pas dépassées par les intensités de pluie. Le ruissellement Hortonien est généré sur les surfaces compactées des routes à partir d’une faible hauteur d’eau et les particules détachées par les véhicules produisent des sédiments facilement transportables. L’impact des routes sur l’hydrogramme observé à l’exutoire du bassin peut-être mis en évidence par simulation, comme l’ont fait Loague et Vanderkwaak (2002) pour un petit bassin versant de 0,1 km2 dans l’Oklahoma, avec deux modèles pluie-débit événementiels, conceptuel basé sur le ruissellement Hortonien et physique. La Marche et Lettenmaier (2001) ont également quantifié l’effet des routes sur le pic de l’hydrogramme à l’exutoire de petits sous-bassins de 2,2 à 21 km2 (bassin versant de Deschutes, Washington) avec un modèle hydrologique distribué événementiel et concluent que l’influence des routes augmente avec la période de retour de l’événement. Ziegler et Giambelluca (1997) montrent quant à eux que la part du ruissellement Hortonien à l’exutoire de leur bassin d’étude (Sam mun, 9600 ha, nord de la Thaïlande) est très importante pour les événements pluvieux fréquents (c'est-à-dire de petite et moyenne intensité pour le contexte d’étude). En plus du ruissellement Hortonien, les routes peuvent augmenter le volume ruisselé à l’exutoire d’un bassin versant par interception de l’écoulement de subsurface pour les routes perpendiculaires à la pente générale du bassin versant (Mc Donald et al., 2001, Jones et Grant, 1996, Ziegler et Giambelluca, 1997) : il y a exfiltration au niveau de ces routes, qui transforment donc l’écoulement de subsurface en ruissellement de surface). Les surfaces tassées par les passages fréquents de véhicules, ce que nous appelons les traces de roue, ont un comportement, et donc une influence sur le ruissellement et la génération de sédiments, similaire aux routes (Ziegler et Giambelluca, 1997, Croke et al., 2005).

Dans notre contexte d’étude, l’influence des routes sur le volume produit à l’exutoire du bassin versant peut donc être importante, même si les routes ne couvrent que 5390 m2 pour les routes appartenant à la délimitation hydraulique du bassin versant proposée Figure 2- 1, car par rapport aux études mentionnées, la majorité des ces routes est imperméable (routes goudronnées ou bétonnées), ce qui accroît leur potentiel de

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production de ruissellement Hortonien. En revanche, l’interception d’un éventuel écoulement hypodermique ne nous semble pas un mécanisme pertinent à prendre en compte sur notre bassin d’étude puisque les routes ne sont pas encaissées. De plus, la surface des routes étant imperméabilisée, il ne peut y voir de production de particules depuis les routes. Cependant, il peut y avoir détachement de particules facilement transportable par les machines agricoles au sein des parcelles, pouvant être déposées sur les routes et facilement remobilisées avec la génération du ruissellement Hortonien.

L’abondance de routes d’exploitation imperméables au sein des bassins versants viticoles alsaciens doit avoir une importance dans la production de ruissellement de surface. Nous envisageons donc d’estimer l’influence de ces routes sur les débits et volumes produits à l’exutoire du bassin versant de Rouffach lors d’un événement pluvieux.

La précision du fonctionnement hydrologique du bassin est un préalable indispensable à l’étude des transferts de produits phytosanitaires à l’exutoire du bassin. Les molécules analysées à l’exutoire du bassin et les molécules retenues pour notre étude sont présentées ci-dessous.