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Revenus et localisation : des effets parfois cumulatifs sur les dépenses

Perimètre de l'Enquête Ménages 1985 fleuves

CHAPITRE 5 : APPREHENDER LA DIMENSION SOCIALE

1. Le statut d’activité, en distinguant sept groupes :

3.1. Revenus-dépenses, localisation-dépenses : des liens étroits

3.1.4. Revenus et localisation : des effets parfois cumulatifs sur les dépenses

Les contraintes spatiales et financières peuvent entraîner des situations assez délicates lorsqu'elles viennent à se conjuguer, c'est-à-dire lorsqu'on habite loin du centre et que l'on dispose de revenus limités, à l'image de ce qui a pu être mis en évidence sur la région Ile-de- France77, et comme il a été entrevu sur la grande région lyonnaise à partir des distances domicile-travail des actifs aux recensements de 1975 et 199078.

Le Graphique 35 met en évidence l'impact du croisement de la localisation résidentielle et du revenu des ménages sur les montants (graphique de gauche) et les coefficients budgétaires. Sur les montants dépensés, la capacité financière du ménage79 apparait largement

déterminante. Quelle que soit la zone de résidence, les dépenses des bas et hauts revenus fluctuent dans un rapport de 1 à plus de 2 à Lyon et Villeurbanne et dans un rapport de 1 à près de 2 en seconde couronne. Une fois contrôlé l’effet du revenu, le saut quantitatif existant entre les montants de dépenses demeure plus important du centre à la 1ère couronne, que de la 1ère à la seconde couronne.

Quelle que soit la classe de revenu, du centre à la seconde couronne, les parts de budget dépensé pour la mobilité urbaine, augmentent d'un montant équivalent à 2,5% du revenu, et ce en dépit d'une tendance à l'augmentation du revenu par unité de consommation lorsqu'on s'éloigne du centre. Chez les revenus moyens ou hauts, la part du budget consacrée à la voiture croît du centre à la 1ère couronne, les dépenses engendrées en 2ème couronne n'étant, en proportion du revenu, guère supérieures aux valeurs observées en 1ère couronne. La situation des bas revenus se distingue des deux catégories précédentes car le poids du poste transport

77

Voir POLACCHINI A., ORFEUIL J.P., 1998. Dépenses pour le logement et pour les transports en Ile-de-France, INRETS, 91 p. + annexes.

78

Voir ANDAN O., POCHET P., ROUTHIER J.-L., SCHEOU B. 1999. Stratégies de localisation des ménages et mobilité

domicile-travail, LET, Rapport de recherche pour le compte de la DRAST, 203 p.

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urbain dans le budget continue de croître de la 1ère à la 2ème couronne et ce jusqu'à 12,5% qui constitue le maximum observé parmi ces neuf catégories de revenu - localisation.

Graphique 35 : Dépenses pour la mobilité urbaine selon le revenu et la localisation, par montants décroissants de dépenses

Montants totaux Part du revenu

0 500 1000 1500 2000 Montant (F95)

centre, bas revenus centre, revenus moyens 1e couronne, bas revenus 2e couronne, bas revenus 1e couronne, revenus moyens 2e couronne, revenus moyens centre, hauts revenus 1e couronne, hauts revenus 2e couronne, hauts revenus

0 5 10 15

% moyen du revenu centre, bas revenus

centre, revenus moyens 1e couronne, bas revenus 2e couronne, bas revenus 1e couronne, revenus moyens 2e couronne, revenus moyens centre, hauts revenus 1e couronne, hauts revenus 2e couronne, hauts revenus

Ces chiffres nous incitent à étudier plus précisément la situation du tiers des ménages ayant les plus bas revenus. Parmi cette population, les effets cumulatifs du revenu et de la localisation sur les dépenses font que les ménages motorisés localisés en périphérie sont logiquement ceux pour lesquels l’effort financier que nécessite la motorisation (et notamment la bi-motorisation) est le plus grand. Si l’on constate qu’une part croissante du budget est consacrée aux déplacements urbains lorsqu’on s’éloigne du centre, c’est essentiellement du fait des taux d’équipement en voiture très variables qu’impliquent ces localisations résidentielles. En effet, 47% seulement des ménages à bas revenus sont motorisés (dont 8% de multimotorisés) dans le centre, contre 65% (23%) en 1ère couronne et 80% (33%) en seconde couronne. La motorisation plus fréquente en périphérie est sous-tendue, au sein de cette classe, par des tailles de ménages et des revenus supérieurs : 5200 F mensuels en centre, 6900 F en 1ère couronne, 8000 F en 2ème couronne80.

Les ménages à bas revenus consacrent une part élevée de leur budget pour les déplacements urbains. Logiquement, cette part s’élève encore lorsqu’on ne considère que ceux d’entre eux qui sont motorisés, et avoisine ou dépasse les 20% chez les foyers bimotorisés dans les trois zones mais est déjà de l’ordre de 13 à 16% chez les foyers possédant une seule voiture (Tableau 87). De façon moins intuitive, il apparaît que, à niveau d’équipement donné et proportionnellement au revenu, les ménages centraux à bas revenus dépensent tout autant sinon plus pour leurs déplacements urbains que les ménages résidant en périphérie. Un usage un peu plus fréquent des transports en commun, mais aussi et surtout, un revenu plus limité, constituent les raisons de cette situation moins favorable pour les ménages à bas revenu du centre.

En part de budget, le coût moyen pour les ménages à bas revenus du passage de 0 à 1 voiture, et de 1 à 2 voitures ou plus (soit la différence des parts de revenu affectées aux déplacements urbains par les ménages non-motorisés, mono et bimotorisés) apparaît assez stable quel que soit le lieu de résidence :

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Mesurés en revenu par unité de consommation, les écarts sont encore 20% à l’avantage des ménages de seconde couronne par rapport aux ménages centraux et de 10% par rapports à ceux résidant en 1ère couronne.

par rapport aux dépenses des ménages non motorisés, la possession d’une voiture et son usage urbain coûtent entre 10 et 11% supplémentaires de part de revenu ;

le passage d’une à deux voitures renchérit moins fortement les dépenses de (4 à 6% du revenu), car le second véhicule est dans ce cas sans doute acheté d’occasion, moins bien assuré et roule moins.

Tableau 87 : Revenu moyen et part moyenne du budget affecté et aux déplacements urbains chez les ménages à bas revenus, selon la localisation et le nombre de voitures possédées

Pas de voiture 1 voiture 2 voitures Tous

Revenu (F95) Dépenses (%) Revenu (F95) Dépenses (%) Revenu (F95) Dépenses (%) Revenu (F95) Dépenses (%) Centre 4 070 5,0 6 270 15,8 8 450 19,0 5 250 10,2 1ère couronne 4 880 4,1 7 720 14,4 9 410 20,6 6 940 11,6 2ème couronne 4 860 2,1 8 130 13,0 10 280 18,8 8 030 12,6 Ensemble 4 350 4,4 7 170 14,6 9 610 20,4 6 360 11,1

Certes, quel que soit le lieu de résidence, les différents niveaux d’équipement correspondent à des tailles de ménage ainsi qu’à des revenus bien hiérarchisés 81. Chez les catégories à bas

revenu, au côté des effets d’âge et surtout de génération, la décision de s’équiper dépend étroitement des contraintes financières, mais ce choix implique un effort conséquent, puisque le recalcul d'un revenu disponible "net" (une fois déduites les dépenses de transport urbain) par unité de consommation montre que le surplus de revenu a été en quasi-totalité affecté à la voiture. Ce mécanisme paraît très général, quel que soit le lieu de résidence, et chez les bas revenus, le revenu moyen par unité de consommation affectable à d'autres usages que les transports urbains est très proche quel que soit le niveau d'équipement. L'accès à la motorisation constitue l'un des postes de consommation que les ménages à bas revenus considèrent comme prioritaires dès lors qu'ils disposent d'un minimum de revenus, le recours au marché de l'occasion permettant sans doute de faire rentrer la voiture dans des budgets très serrés 82. Cette tendance de la voiture à absorber le revenu disponible n’est pas réservée aux

ménages à bas revenus, puisqu’elle existe aussi chez les revenus médians et hauts, mais elle est bien évidemment plus contraignante lorsque les ressources financières sont faibles.

Graphique 36 : Revenu total par UC et revenu "net" (hors dépenses de transport urbain) par UC chez les ménages à bas revenu, selon le nombre de voitures possédées

a) Tous b) Résidants du centre

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L'effet propre du niveau de vie du ménage (mesuré en revenu par unité de consommation) est bien réel : chez les bas revenus, les ménages bi-équipés disposent encore, du centre à la seconde couronne, de revenus supérieurs de 21 à 28% à ceux des ménages non-équipés. Une analyse précise de l'impact du revenu sur les taux d'équipement à partir de la même enquête- ménages lyonnaise, montre la prédominance des effets de revenu dans l’explication des différences de motorisation, une fois contrôlés les effets liés à la localisation, à la taille du ménage, à l'âge et à la génération de la personne de référence du ménage. Voir G. CLAISSE et al., Inégalités de déplacements et équité sociale. Revenus, indices et inégalités d’accès à la VP,

résultats provisoires, 2ème rapport intermédiaire pour le compte de la DRAST (PREDIT-PUCA), LET, 68 p.

82

Voir J. FROUD et al., "Les dépenses de motorisation comme facteur d'accentuation des inégalités et comme frein au développement des entreprises automobiles : une comparaison franco-anglaise", in G. DUPUY, F. BOST, L'Automobile et

1000 2000 3000 4000 5000 Revenu par UC ( F 95) 0 1 2 Nombre de voitures 0 1000 2000 3000 4000 5000 Revenu par UC ( F 95) 0 1 2 Nombre de voitures Dépenses pour les transports urbains par UC

"Revenus nets" par UC

c) Résidants de 1ère couronne d) Résidants de 2ème couronne

0 1000 2000 3000 4000 5000 Revenu par UC ( F 95) 0 1 2 Nombre de voitures 0 1000 2000 3000 4000 5000 Revenu par UC ( F 95) 0 1 2 Nombre de voitures

Pour conclure sur cette analyse croisée des effets de revenu et de localisation, il faut rappeler que, si l'on attire à juste titre l'attention sur la situation difficile des ménages bimotorisés de périphérie, la pression que font peser les déplacements urbains sur le budget des ménages à bas revenus motorisés (notamment bimotorisés) est tout aussi forte en centre qu'en périphérie83. Or, du fait de la concentration encore assez forte des populations dans

l’agglomération, le centre est le lieu de résidence de 51% des ménages à bas revenu, et parmi ceux-ci, 47% des ménages équipés d’une voiture et 23% des multi-équipés.

La principale différence de situation vient du fait que dans le centre, à la différence de la seconde couronne, les transports collectifs offrent généralement une alternative à la (bi)- motorisation. Comme dans la région Ile-de-France, les ménages à bas revenus sont bien les plus contraints par leurs dépenses transport, ceux de périphérie étant de surcroît particulièrement dépendants de l’automobile au quotidien. Contraintes spatiales et contrainte financière leur laissent donc peu de marge de manœuvre et les rendent très fragiles dès lors qu’une évolution des prix relatifs (comme une hausse du prix du carburant), ou des revenus, viennent à les affecter.

Toutefois, ces valeurs moyennes recouvrent des situations forts diverses des ménages selon leur composition face à la mobilité quotidienne de leurs membres, situations qu’il nous faut maintenant intégrer à cette analyse croisée des effets de revenu et de localisation.

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