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Chapitre I CADRE CONCEPTUEL

5. Retour sur les systèmes d’activités d’Engeström

Comme le montre Rabardel (1995), en recourant aux artefacts comme médiateur dans sa re- lation avec l’objet de son activité, le sujet s’appuie sur des schèmes d’utilisation pour déga- ger les potentialités ou les affordances14 jugées viables pour la réalisation de son objectif : autant le sujet serait apte à dégager les affordances des artefacts auxquels il recourt, autant il pourra se démarquer des prescriptions originales accompagnant leurs usages. Sur cette base, la médiation consisterait en une relation dialectique sujet/artefact et son efficacité serait dif- férente selon la conception que l’utilisateur a de l’artefact médiateur, de sa visée et de son ac- tivité (Bibang-Assoumou, 2013).

Dans le processus de production, quatre médiations interviennent entre le sujet et l’objet (Taurisson, 2005) : la médiation par les instruments, la médiation par les règles, la médiation par la communauté et la médiation par la division du travail.

La médiation par les instruments. L’activité humaine n’est ni un réflexe ni une réponse,

mais une transformation du milieu à l’aide d’instruments par un sujet. Cela suppose une rela- tion entre le sujet et son milieu. Selon Vygotski, cette relation n’est pas directe (Rabardel, 1995) : toute activité humaine est médiée par des instruments construits à partir d’outils par leur utilisateur au cours de son activité.

La médiation par la communauté. En situation d’activité, la communauté est formée par

l’ensemble de tous les acteurs constitués ou non en groupes ou sous-groupe. En situation de classe, Taurisson (2005) précise que cette communauté ne se limite pas seulement à l’ensei- gnant et à ses élèves, mais, est constituée, en plus de ceux-là, de tous ceux qui interviennent dans la réalisation de la production notamment des parents, des amis, des contacts tant phy-

14 Le terme d’affordance apparaît pour la première fois dans les écrits du psychologue James J. Gibson. Il lui donne forme en proposant le terme d’affordance en 1977. Pour ce psychologue, l’affordance est l’ensemble de toutes les possibilités d’action d’un environnement. Celles-ci sont objectives, mais doivent toujours être mises en relation avec l’acteur qui peut les utiliser. C’est en 1988 que Donald Norman, dans The Design of

Eveyday Things réutilise ce terme pour l’interaction Homme-Machine pour désigner les potentialités

d’action qui sont perceptibles par l’utilisateur d’un programme : http://fr.wikipedia.org/wiki/Affordance, site consulté le 9 novembre 2013

siques que virtuels. C’est, selon lui, une communauté diverse, constituée par d’entités mul- tiples qui exercent, chacune de sa façon, une médiation différente. Si l’enseignant joue un rôle de médiateur, la classe tout entière offre un certain type de médiation qui est différente de celle offerte par des petits groupes, constitués pour pourvoir assurer des aides plus ou moins individualisées. Comme le précise Taurisson, c’est en se plaçant dans la ZPD (de Vy- gotski) que ces médiations accompagnent le sujet vers sa production (résultat) qu’est l’ap- prentissage.

La médiation par les règles : Médiatisant d’abord les rapports entre le sujet et la commu-

nauté dans sa diversité telle qu’elle est précédemment définie, ces règles établissent les rela- tions entre le sujet et toutes les entités, et donc les manières de se comporter au sein de sa communauté : clarification des relations entre le sujet et l’objet, précision des rôles de chaque membre de la communauté, clarification du fonctionnement de l’activité, rappel de sa finalité et de son lien avec la production attendue…

La médiation par la division du travail : Ici, la médiation consiste en la division du travail

au sein des acteurs. Pour Taurisson, si l’activité est structurée en actions, des buts à atteindre doivent être clarifiés aux acteurs et les actions partagées entre eux afin d’être diffusés au sein du réseau leurs acquisitions. Dans cette division du travail, des élèves de niveaux différents et de compétences complémentaires devraient être mis ensemble au sein d’un même groupe. Cette façon de faire permettrait que des habiletés acquises facilement par certains et difficiles pour d’autres soient partagées. En définitive, la production attendue de l’activité consisterait à une compétence obtenue par la mise en commun de toutes les diverses habiletés acquises.

5.2. Les contradictions au sein d’un système d’activités comme facteurs d’évolution

Une activité n’existe pas de façon isolée. Elle interagit avec d’autres avec lesquelles elle forme un système. Les différents systèmes d’activités sont en interrelation mais aussi en in- terdépendance. Cette interdépendance peut être une source de contradictions lesquelles en- gendrent des tensions entre les pôles. À propos, cinq niveaux de contradictions ont été développés. Les quatre premiers ont été développés par Engeström (2001). Le premier ni- veau de tension concerne l’objet comme production du système d’activités. L’objet produit peut véhiculer une double valeur en opposition : celle liée à son usage et celle liée à son échange en tant qu’une nouvelle forme d’activité au sein du système.

Un deuxième niveau de contradictions peut exister entre chacune des composantes du sys- tème. Le troisième niveau de contradictions se manifeste lorsque les motivations liées à la production de l’objet de l’activité viennent en conflit avec les pratiques courantes de l’activi- té vécues dans le milieu avant l’introduction d’une nouvelle pratique. Elles se manifestent du côté du sujet comme au niveau de la communauté. Les contradictions générées peuvent conduire jusqu’à bloquer le déroulement de l’activité étant donné que l’objet de l’activité ini- tiale a été modifié. En situation d’apprentissage en classe, l’utilisation d’ordinateurs, quand elle demande une approche très différente de celle à laquelle les élèves sont habitués, pose problème.

Le quatrième niveau de contradictions intervient quand il y a des interactions entre le sys- tème principal d’activités et des systèmes voisins mais ayant le même objet. Les contradic- tions de ce niveau sont nécessaires pour la production d’innovation (Barma, 2010).

Le cinquième type de contradiction a été développé par Taurisson (2005) et, est lié à l’évolu- tion des acteurs de l’activité. Selon lui, motivés par l’objet et le résultat (production) attendu, les acteurs sont au travail dans un contexte collaboratif avec de larges interactions. Si le fonc- tionnement de l’activité dépend de l’évolution des acteurs, l’activité prescrite, des contradic- tions sont susceptibles de naître. Pour illustration des contradictions pouvant être posées à ce niveau, l’exemple donné est celui du travail des élèves. Quand ils sont principalement habi- tués à travailler avec un appui rapproché de l’enseignant, ce contexte de travail ne favorise pas la collaboration entre eux ni leur autonomie. Quand la structure de l’activité prescrite né- cessite l’autonomie, il y a donc contradiction.