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L'enseignement de savoirs informatiques pour débutants, du second cycle de la scolarité secondaire scientifique à l'université en France : une étude comparative

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L’enseignement de savoirs informatiques pour débutants,

du second cycle de la scolarité secondaire scientifique à

l’université en France : une étude comparative

Claver Nijimbere

To cite this version:

Claver Nijimbere. L’enseignement de savoirs informatiques pour débutants, du second cycle de la sco-larité secondaire scientifique à l’université en France : une étude comparative. Education. Université Sorbonne Paris Cité, 2015. Français. �NNT : 2015USPCB086�. �tel-01410094�

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Université Paris Descartes

École doctorale 180 : Sciences Humaines et Sociales

Laboratoire Education, Discours et Apprentissages (EDA)

L'enseignement de savoirs informatiques pour

débutants, du second cycle de la scolarité secondaire

scientifique à l'université en France

Une étude comparative

Volume I

Par Claver NIJIMBERE

Thèse de doctorat de Sciences de l'éducation

Dirigée par Georges-Louis BARON et Mariam HASPEKIAN Présentée et soutenue publiquement le 19 juin 2015

Devant un jury composé de :

Bruillard Éric, Professeur des universités, École Normale Supérieure de Cachan, Rapporteur Komis Vassilis, Professeur des universités, Université de Patras (Grèce), Rapporteur

Drot-Delange Béatrice, Maître de conférences, Université Blaise Pascal, Membre

Baron Georges-Louis, Professeur des universités, Université Paris Descartes, Directeur de Thèse Haspekian Mariam, Maître de conférences, Université Paris Descartes, Co-directrice de Thèse

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Résumé :

Cette thèse de doctorat interroge l’enseignement et l’apprentissage de savoirs informatiques chez des débutants en France. Elle vise à comprendre comment des débutants mettent en œuvre et construisent des savoirs informatiques. Nous avons utilisé une méthodologie qualitative de type ethnographique mobilisant des observations, des questionnaires, des entretiens semi-directifs et des analyses de textes officiels et de manuels. Nous avons aussi procédé par une approche comparative des pratiques des ly-céens et des étudiants d’une part, et des enseignants, d’autre part.

Les résultats montrent des pratiques contrastées, entretenues par des tensions dans le prescrit1. Au ly-cée, en dehors d’ISN où l’informatique est rattachée aux mathématiques, les pratiques semblent in-fluencées par quatre facteurs : la motivation (liée aux représentations), la formation continue des enseignants, la jeunesse dans le métier et l’approche pédagogique utilisée. La pratique est focalisée sur l’approche logique de l’algorithmique avec un travail au papier-crayon : la programmation est li-mitée, et lorsqu’elle a lieu, c’est plus avec une calculatrice mais aussi rarement avec le langage Algo-box. Chez les élèves, l’algorithmique est vue comme un nouveau domaine supplémentaire introduit en mathématiques mais différent des mathématiques et de l’informatique. Les très bons élèves en al -gorithmique sont en général bons en mathématiques. L’ISN accueille des élèves de tous les profils, mais avec des motivations différentes, allant de la découverte de l’informatique dans un contexte for-mel au refuge des autres spécialités : leurs pratiques sont contrastées. C’est avec l’ISN qu’ils dé-couvrent l’informatique au travers des formes d’enseignement variées et des problèmes de plus en plus complexes. Les pratiques des enseignants restent influencées par leur formation d’origine, avec un manque de recul chez les non-spécialistes d’informatique.

À l’Université, les apprentissages des étudiants en programmation sont avancés, comparativement à ceux des lycéens. Les programmes informatiques ainsi réalisés sont souvent sophistiqués et incor-porent des éléments issus de différentes sources externes. Les notions mathématiques investies par les étudiants sont souvent modestes.

Au-delà de la formation des enseignants, la motivation occupe une place fondamentale pour adhérer à cet enseignement/apprentissage et soutenir des pratiques enseignantes comme chez les apprenants.

Mots-clés : savoir informatique, algorithmique, mathématique, programmation des robots, projet,

filière scientifique, second degré secondaire, licence de l’université, enseignement, débutant, Burundi, France

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Title :

Teaching computer knowledge to beginners, in scientific secondary school and university in France: a comparative approach

Abstract:

This thesis questions the teaching and learning of computer knowledge to beginners in France. It aims to understand how beginners implement and build computer knowledge. We used a qualitative methodology mobilizing ethnographic observations, questionnaire, semi-structured interviews and the analysis of official instructions and textbooks. We also conducted a comparative study of the practice of both school and university students, on the one hand, and teachers, on the other hand.

Results show contrasting situations between secondary schools and university. In high school, algorithmic curricula exist within mathematic education. In this case, practice is influenced by four factors: motivation (related to representation), professional development for teachers, youth in business and pedagogical approach. The practice mainly focuses on a logical approach to algorithmic using work paper and pencil: programming is limited, and when it occurs, it is often with a calculator but rarely with the Algobox language. Among students, algorithms are perceived as a new domain in the mathematics programs, but different from both mathematics and informatics. Very good students in computing are generally good at math. Another elective course, specifically about informatics, has also been recently implemented for grade 12 students. It welcomes students of all profiles, but with different motivations, from the discovery of computers in a formal context to a shelter against other elective courses: their practices are manyfold.

Within ISN, they discover computers through various forms of education and problems of increasing complexity. Teacher practice is influenced by their original education, with a lack of experience for non specialists teachers.

At the University level, students show more advanced practice. They produce computer programs are often sophisticated and incorporate elements from various external sources. The mathematics knowledge invested by students is often modest.

In addition to teacher's training, motivation is fundamental to adhere to this teaching/learning and support practice, both for teachers and students.

Keywords : informatics knowledge, algorithmics, mathematics, educational robotics,

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Dédicace

À mon épouse et mes enfants qui ont supporté mon absence durant toute la période des études de master et de doctorat et m'ont encouragé à aller jusqu'au bout ;

À mes parents, pour l'éducation qu'ils nous ont donnée ;

À mes frères et sœurs, pour l'unité et la solidarité qui les ont toujours caractérisés ;

À mes amis et voisins, pour avoir été proches de ma petite famille en mon absence ;

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Remerciements

L’aboutissement de cette thèse de doctorat est le fruit du travail et de l'accompagnement de nom-breuses personnes que j’ai la joie de remercier.

Mes vifs et sincères remerciements sont particulièrement adressés à Georges Louis Baron, directeur de cette thèse. Votre disponibilité pour accompagner ce travail, vos conseils constructifs et vos en-couragements tout au long de son déroulement d’une part et votre rigueur scientifique d’autre part, ont contribué pour un meilleur achèvement.

Mes remerciements s’adressent aussi à Mariam Haspekian, codirectrice de cette thèse. C’est avec vous que j'ai commencé ma première publication. Vos conseils et votre rigueur scientifique m’ont été d’un grand atout pour ce travail et me seront fort utiles pour la suite. Merci d'avoir accepté de codiri -ger cette recherche.

Je suis très reconnaissant à l’égard d’Éric Bruillard. C’est vous qui m’avez inspiré le goût de la re-cherche en master 2 et qui m’avez accompagné jusqu’à aujourd’hui. Que cette étape franchie soit votre satisfaction. Merci aussi d’avoir accepté d’être rapporteur de cette thèse de doctorat.

Mes remerciements vont également à l’endroit de Vassilis Komis pour avoir accepté de lire ce travail. Merci d'avoir accepté de faire partie du Jury et d’évaluer ce travail.

Mes remerciements sont aussi adressés à Béatrice Drot-Delange. Vous avez très tôt accepté de faire la relecture de ma thèse. Merci pour votre disponibilité et d'avoir accepté de faire partie du Jury d'éva -luation de ce travail.

Je remercie aussi toutes les personnes qui ont contribué d'une façon ou d'une autre à ce que ce travail aboutisse : les enseignants, les élèves et les étudiants qui ont été disponibles pour le recueil des don-nées et tous ceux qui ont gentiment accepté de faire la relecture de cette thèse.

Mes remerciements s'adressent aussi aux conseillers principaux d'éducation du Lycée Gustave Eiffel, y compris Monsieur Védy qui n'est plus dans ce lycée, pour toutes les facilités mises à ma disposition durant cette thèse et, aux surveillants pour leurs encouragements. Je suis très reconnaissant aux labo-ratoires EDA et STEF pour leurs accompagnements dans mes premiers pas de chercheur.

Enfin, un grand remerciement est adressé au Gouvernement du Burundi pour avoir financé mes études de master et de doctorat.

Les mots me manquent pour exprimer les remerciements que vous méritez. Je préfère le dire en cette courte phrase : Que Dieu vous bénisse.

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Sigles et abréviations

ACM : Association for Computing Machinery

AFDI : Association Francophone pour la Didactique de l’Informatique

AFSTIS : Association Française des Sciences et Technologies de l’Information et des Systèmes

AUF : Agence Universitaire de la Francophonie B2i : Brevet Informatique et Internet

BEPC : Brevet d’Études du Premier Cycle BTS : Brevet de Technicien Supérieur

CAPES : Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement du Second degré CAS : Computer At School

CDI : Centre de Documentation et d’Information CE : Computer Engineering

CEPGL : Communauté économique des pays des Grands Lacs C2i : Certificat Informatique et Internet

CERI : Centre pour la Recherche et l’Innovation dans l’Enseignement CNDP : Centre National de Documentation Pédagogique

CNRS : Centre National pour la Recherche Scientifique COMESA : Commun Market for East and South Africa

CONFEMEN : Conférence des Ministres de l’Éducation des pays ayant le français en partage CPGE : Classes Préparatoires aux Grandes Écoles

CRI : Centre de Recherches et d’Innovation CS : Computer Science

CSTA : Computer Science Teacher's Association DEST : Diplôme d’Études Supérieures Techniques

DGPC : Direction Générale de la Programmation et de la Coordination DUT : Diplôme Universitaire de Technologie

EAC : East African Community

EAO : Enseignement Assisté par Ordinateur

EIAH : Environnement Informatique d’Apprentissage Humain ENS : École Normale Supérieure

(8)

ESPE : Écoles Supérieures de Professorat et de l’Éducation IDH : Indice de Développement Humain

IMO : International Mathematic Olympiad

INRIA : Institut National de Recherches en Informatique et Automatisme INSP : Institut National de Santé Publique

IOI : International Olympiad in Informatics IPA : Institut de Pédagogie Appliquée

ISCA : Institut Supérieur des Cadres Militaires ISN : Informatique et Sciences du Numérique IUT : Instituts Universitaire de Technologies Li : Licence i (i := 1, 2 ou 3)

LSE : Langage Symbolique d’Enseignement

MEPS : Ministère de l’Enseignement Primaire et secondaire MIT : Massachussetts Institute Technology

MIAGE : Maîtrise d’Informatique Appliquée à la Gestion

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique PASEC : Programme d’Analyse des Systèmes Éducatifs de la CONFEMEN PIB : Produit Intérieur Brut

PIT : Plan Informatique pour Tous RP : Robotique Pédagogique SI : Sciences de l’Ingénieur

SIF : Société Informatique de France SILO : Science Informatique au Lycée : Oui ! SGEN : Syndicat Général de l’Éducation Nationale

SPECIF : Société des Personnels Enseignants et Chercheurs en Informatique de France STEF : Sciences Technologies Éducation Formation

STIC : Sciences et Technologies de l’Information et de Communication SVT : Sciences du Vivant et de la Terre

TI : Technologies de l’Information ou Texas Instruments UB : Université du Burundi

ULC : Université Laval du Canada ULB : Université Lumière de Bujumbura ZPD : Zone Proximale de Développement

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Sommaire

Remerciements...5

Sigles et abréviations...6

INTRODUCTION GÉNÉRALE...10

1. Le numérique comme élément de culture et de formation des scientifiques...12

2. Quelle informatique et comment l'enseigner aux débutants de niveau lycée ou supérieur ?...14

3. Contexte et questionnement...16

PREMIÈRE PARTIE : L’INFORMATIQUE ET SON ENSEIGNEMENT CHEZ LES DÉBUTANTS...20

Chapitre I CADRE CONCEPTUEL...21

1. Les jeunes face au numérique : quelles appropriations pour quels usages ?...21

2. Le choix d’une approche systémique...30

3. Aperçu sur le concept d’activité...33

4. Différentes théories de l’activité ?...37

5. Retour sur les systèmes d’activités d’Engeström...44

6. Notre cadre théorique : TA adaptée au contexte de projets...46

Chapitre II PROBLÉMATIQUE ET MÉTHODOLOGIE...48

1. Enseignements de l’informatique au lycée : des questions insistantes...48

2. Enseignement de l’informatique en licence : contexte et éléments de problématique...52

3. Une discipline informatique sans enseignants spécialisés ?...62

4. Méthodologies et données recueillies : le choix d’une approche qualitative...66

5. Rappel des questions de recherche et hypothèses...80

Chapitre III REGARDS SUR L’INFORMATIQUE ET SON ENSEIGNEMENT EN FRANCE : Une histoire ancienne faite d’une série de faux départs...82

1. Niveau supérieur : débuts et reconnaissance de la discipline informatique...82

2. Regards sur l’informatique dans l’enseignement de second degré...83

3. Au cœur du débat : algorithmique et programmation...106

4. Enseignement de l’informatique en marge du système scolaire...110

5. Situation internationale : analyse comparative...119

6. Conclusion...123

Chapitre IV RECHERCHES EN DIDACTIQUE DE L’INFORMATIQUE : REVUE DE LITTÉRATURE...125

1. Recherches et classification thématique...125

2. Concepts informatiques incontournables pour débutants...145

3. Zoom sur les concepts de variable et de boucle informatiques...148

4. Représentation mentale des systèmes informatiques...160

5. Conclusion du chapitre...164

DEUXIÈME PARTIE : PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS...166

Chapitre V TEXTES OFFICIELS ET MANUELS CONCERNANT L’INFORMATIQUE ...167

(10)

2. Manuels scolaires de lycée...184

3. Conclusion sur les textes officiels et les manuels de lycée...195

Chapitre VI ENSEIGNEMENT DE L’ALGORITHMIQUE AU LYCÉE...196

1. Les enseignants...196

2. Le point de vue des élèves...209

3. Conclusion du chapitre...220

Chapitre VII ENSEIGNEMENT ET APPRENTISSAGE DE L’OPTION ISN...223

1. Rappel des questions et hypothèses de recherche...223

2. Apprentissages des élèves en ISN...224

3. Représentations et pratiques des enseignants d’ISN...240

4. Discussion et conclusion...248

Chapitre VIII NIVEAU LICENCE : Apprendre l’informatique par la programmation des robots...255

1. Contexte...255

2. Cas des robots LEGO MINDSTORMS NXT en licence 2...255

3. Cas des robots NAO en licence 3...263

4. Conclusion du chapitre...285

Chapitre IX DISCUSSION GÉNÉRALE, CONCLUSION ET PERSPECTIVES...287

1. Limites de la thèse...287

2. Discussion générale...290

3. Conclusion...312

4. Perspectives : Enseignement de l’informatique au Burundi. Quelles leçons tirer des choix français ?...317

Bibliographie...332

Index des auteurs cités...357

Index des tableaux...360

(11)

INTRODUCTION GÉNÉRALE

« Ne nous trompons pas de combat : le premier que nous autres informaticiens avons à mener est celui de l’enseignement à tous d’un savoir et d’un savoir-faire informatique suffisants » (Maurice Nivat, 2009, p. 37)

Le présent travail s’intéresse à l’enseignement et apprentissage de l’informatique pour débu-tants en France au début du XXIᵉ siècle. Le sujet auquel nous avons consacré ces quatre an-nées de thèse s’est constitué progressivement. Sa genèse se situe en 2010 lors de la rencontre avec Monsieur Éric Bruillard et Madame Françoise Tort en master 2 au laboratoire STEF de l’ENS de Cachan.

Alors que l'enseignement de l'informatique en mathématiques au lycée en France venait d'être institué depuis 2009, la volonté de découvrir les liens entre l’enseignement des mathé-matiques et de l’informatique et ma posture de spécialiste en enseignement des mathéma-tiques m'ont poussé à un choix d’un sujet de mémoire portant sur une exploration de cet enseignement de l'informatique dans le cours de mathématiques.

Au cours de cette année de Master, les rencontres avec Monsieur Georges Louis Baron dans les séminaires de formation m'ont permis de découvrir son intérêt pour les technologies édu-catives et les apprentissages instrumentés, ce qui a fortifié mon ambition d'approfondir le su-jet antérieurement commencé dans le cadre d’une thèse de doctorat. L’institutionnalisation d’une discipline de spécialité « informatique et sciences du numérique » (ISN) au lycée en 2012 dans des lycées généraux, a changé la donne avec un nouveau un cadre contextuel. La mise en place de cette spécialité a motivé davantage mon rêve étant donné que ces enseigne-ments - informatique en mathématiques et informatique de spécialité - sont en général assu-rés par des spécialistes des mathématiques.

Baron a bien accepté d’encadrer cette recherche, en relation avec Mariam Haspekian. Pour cette dernière, j’avais déjà lu ses travaux de recherche sur l'instrumentation de l'enseignement des mathématiques par le tableur, dans le cadre de cours de master.

Au début, je pensais faire cette étude seulement au niveau du lycée, où les élèves sont totale-ment débutants en informatique. Les difficultés d'accès au terrain ont poussé à un élargisse-ment de cette étude à l'enseigneélargisse-ment supérieur. Cet élargisseélargisse-ment s'est, par la suite, avéré

(12)

intéressant pour l'étude étant donné que les étudiants de licence, eux aussi, débutent en infor-matique : ils n'ont pas connu une quelconque initiation disciplinaire à l'inforinfor-matique dans leur scolarité obligatoire. L'existence de deux niveaux différents de l'enseignement de l'infor-matique pour débutants, a donc permis de conduire la recherche dans une orientation didac-tique de l'informadidac-tique avec l'utilisation d'une approche comparative.

L’informatique est à la fois une science autonome et un ensemble d’instruments. Actuelle-ment, grâce à elle, des progrès spectaculaires sont réalisés dans presque tous les domaines. Pour Maurice Nivat, l’informatique est « une science pleine d’avenir ». Pourtant, plus d’un demi-siècle après sa reconnaissance (Baron & Bruillard, 1996), son enseignement comme discipline dans la scolarité de l’enseignement général n’est pas encore généralisé dans tous les pays, même ceux industrialisés, y compris la France.

Beaucoup de pays manquent de spécialistes d’informatique. Et parfois là où ils en existent, ils sont qualitativement insuffisants : ils ne possèdent pas de compétences nécessaires en in-formatique pour faire face aux défis de recherches actuelles. Ceci entraîne plusieurs consé-quences parmi lesquelles un enseignement précoce de l'informatique. L’absence de l’enseignement de l’informatique très tôt chez des jeunes scolarisés implique le développe-ment tardif des vocations scientifiques nécessaires voire indispensables pour des situations de recherches exigeant des connaissances scientifiques et des compétences technologiques de plus en plus avancées (Nivat, 2009).

L’informatique, devenant une composante de la vie citoyenne, le contexte technologique a fi-nalement suscité une prise de conscience institutionnelle dans beaucoup de pays sur la néces-sité d’offrir une culture informatique à tous ses citoyens, des plus jeunes aux plus âgés. Dans le cas de la France, la volonté de développer cette culture informatique pour tous, s’est aussi récemment accompagnée de la mise en place d’un enseignement de savoirs informatiques dans le cours de mathématiques en 2009 et même d’une spécialité informatique optionnelle dans des lycées généraux scientifiques en 2012 (Drot-Delange, 2012).

Cette recherche s’intéresse à la situation de cet enseignement et interroge les apprentissages des étudiants de licence en informatique et des lycéens de filière scientifique.

(13)

1. Le numérique comme élément de culture et de formation des

scientifques

La culture numérique entre de plus en plus dans la culture générale des citoyens et tend à en faire une partie composante. Cette culture repose sur l’informatique devenue une science multiforme. En effet, « au fil des années, un consensus s’est progressivement dégagé sur

l’idée que l’informatique était désormais une composante de la culture générale de l'« hon-nête homme » de notre époque et, à ce titre, un élément de la culture générale scolaire »

(Ar-chambault, 2009). À force d’être partout, l’informatique est devenue, non seulement participante mais aussi incontournable dans la vie quotidienne de tout homme. Au vu de ce contexte, G. Berry (2005)2 parle de « révolution numérique ». C’est un monde qui exige aux citoyens contemporains un mode de vie un peu particulier : l’acquisition d’un minimum de connaissances informatiques pour ne pas vivre dans « une nouvelle forme d’illettrisme »3. Selon Berry, cette révolution bouleverse tous les secteurs de la vie socio-économique, scien-tifique, culturelle… Loin de s’arrêter, elle va et ira plutôt en s’amplifiant affectant la vie des citoyens en général et celle des jeunes en particulier : « on n’a encore rien vu, on n’en est

qu’au début », ajoute-t-il, en soulignant l’urgente nécessité de l’enseignement de

l’informa-tique depuis tôt jusque plus tard. Pour lui, ce n’est pas en utilisant les technologies conçues par d’autres qu’on devient créateur mais en comprenant leurs fondements et le mode tech-nique de la science informatique.

Actuellement, l’informatique n’est pas seulement un élément de culture générale citoyenne, mais elle constitue aussi l’un des plus grands débouchés d’emplois dans le monde. Son ensei-gnement au lycée semble donc une nécessité, tant la place de cette discipline devient de plus en plus grande dans tous les secteurs de la vie, mais aussi comme outils de compréhension du Monde4.

Néanmoins, les systèmes éducatifs des divers pays ont eu de la peine à prendre la mesure de cette discipline-carrefour, entre technologie et science autonome, en évolution constante et

2 Il est « professeur d’informatique, titulaire de la chaire Algorithmique, machines et langages au Collège de France – première chaire dans le domaine de l’informatique –, et lauréat 2014 de la médaille d’or du CNRS » : http://www.adjectif.net/spip/spip.php ? breve642, site consulté le 20 février 2015

3 Archambault, J.P, se référant aux travaux antérieurs de M. Lévy et J. P. Jouvet, compare actuellement l’incapacité à l’usage des TIC comme une nouvelle forme d’illettrisme aussi handicapante que ne pas savoir lire et écrire

(14)

dont les contours ont beaucoup varié au cours du temps (Baron, 2012). Au sein d’un même pays, diverses approches sont souvent mises en œuvre.

En France, deux courants en tension se sont opposés5. D’un côté, il y a un courant de ceux qui prônaient une culture numérique acquise par l’approche « outil » de l’informatique, tour-née vers des utilisations de l’informatique dans les disciplines déjà existantes. De l’autre cô-té, ceux qui défendaient une approche « objet » de l’informatique, mettant en avant une introduction d’une discipline informatique à l’instar des autres disciplines du lycée. Berry (2008), l’un des défenseurs de ce courant, déplore le retard de l’école française dans l’accom-pagnement des élèves, citoyens et futurs travailleurs, dans l’acquisition de la culture informa-tique, actuellement incontournable :

« L’enseignement en collège, lycée, classes préparatoires, grandes écoles (pas en faculté) est très en retard à la fois par rapport à la réalité informatique mais aussi par rapport à la pratique des jeunes. On est toujours dans la confusion entre apprendre à utiliser l’or-dinateur et comprendre les notions et concepts de l’informatique ».

Après beaucoup de plaidoyers en faveur d’un enseignement de l’informatique au lycée, des réformes de programmes d’enseignement ont été opérées. La première étape a été l’introduc-tion d’éléments d’algorithmique dans le programme de mathématiques en classe de seconde dans les sections scientifiques depuis l’année scolaire 2009. La deuxième étape a été l’ouver-ture de l’enseignement du numérique au lycée après la classe de seconde (Cabane, 2012). D’abord, il s’agit de la spécialité SIN (Système d’Information et Numérique) de la série STI2D (Sciences et Technologies de l’Industrie et du Développement Durable) et d’autre part, de la spécialité ISN (Informatique et Sciences du Numérique) pour les élèves de la classe de terminale. Des attentes de ces nouveaux enseignements au niveau du lycée sont grandes : ces spécialités ont pour but de répondre au manque de bacheliers qui vont s’orienter vers les études scientifiques de l’enseignement supérieur telles que dans les domaines des sciences et technologies du numérique, de l’information et de la communication, précise Ca-bane (ibid.). Bien que ces enseignements, déjà en application, n’offrent pas une culture nu-mérique améliorée à tous les élèves avant leur obtention du baccalauréat, une nette impulsion est attendue dans le cadre de l’enseignement du numérique et de l’informatique en France.

(15)

http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/jean-pierre-archambault-president-d-enseignement-public-et-Cette thèse de doctorat s’inscrit dans ce contexte et s’intéresse à l’enseignement/apprentis-sage de l’informatique chez les débutants6. Par une approche comparative, l’étude vise à rendre compte des modalités d’appropriations des savoirs informatiques de base chez les dé-butants. Elle s’intéresse aux pratiques d’apprentissages chez les lycéens scientifiques (de la classe de seconde à la terminale) et les étudiants de licence informatique en France. Il est in-téressant de mieux comprendre ce qui se passe aussi à l’université parce que les étudiants de licence, bien que non débutants complets en informatique, sont proches des lycéens en filière scientifique. Tout comme ces derniers, les étudiants n’ont connu aucune initiation scolaire à l’informatique avant l’entrée à l’université.

2. Quelle informatique et comment l'enseigner aux débutants de niveau

lycée ou supérieur ?

Michel Beaudouin-Lafon (2010, p. 52) souligne un manque d’unanimité sur la nature de l’in-formatique à enseigner aux débutants dans la scolarité obligatoire.

« La réflexion sur ce qu’il faudrait apprendre de l’informatique dans les collèges et ly-cées passe d’abord par une réflexion de ce qu’est l’informatique en tant que science. Je sais d’expérience que les idées évoquées ci-dessus sont loin d’être partagées par l’ensemble de la communauté informatique, notamment francophone, sans doute à cause du poids important de la filiation mathématique de l’informatique dans notre pays, que l’on voit reflété dans les propositions telles que celles de Gérard Berry ou Gilles Dowek »

Aujourd’hui, l’informatique est une science. Elle comprend des terminologies et des concepts divers. Sa construction, comme d’ailleurs celle de la discipline scolaire tique, a été longue, progressive et plurielle (Baron & Bruillard, 2001) : la science informa-tique était d’abord conçue comme un ensemble de méthodes et de techniques, unifiées par l’ordinateur. Quant à son enseignement, il a toujours posé de difficultés, prenant des formes et des approches diverses. Jacques Arsac qui plaide pour une introduction de la science infor-matique dans l’enseignement général, trouve que, comme toute discipline, « enseigner

l’in-6 Nous considérons comme débutants en informatique les lycéens qui sont en situation d'initiation à l'informatique. Ils n'ont jamais connu dans leur cursus de scolarité, aucune formation discipline scolaire à l'informatique.

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formatique, c’est faire que l’élève maîtrise ses concepts, et puisse les identifier dans une ap-plication concrète » (Arsac, 1993).

Pour Félix Paoletti, l’enseignement de l’informatique doit couvrir trois dimensions (Paoletti, 1993) : une dimension scientifique, une dimension technique et une dimension sociétale. Ces dimensions de l’informatique ont un caractère universel. Récemment, Steve Furber7 (Furber, 2012) distingue et développe ces dimensions en trois formes d’informatique proposées pour enseignement au Royaume Uni : la science informatique, la technologie de l’information et la culture numérique. La première forme – science informatique – recouvre à elle seule, selon les pays, différentes terminologies (Gander et al., 2013) : « Computer science » (CS), comme la terminologie dominante aux États unis ; « Computer Science » et « Informatics » deux ter-minologies plus fréquentes en Europe et, datalogie en Scandinavie (Arsac, 1989) . La deuxième forme est la technologie de l’information – « Information technology » (IT) – qui consiste en un enseignement spécifique des utilisations des technologies. La troisième forme est la culture numérique – « digital literacy ». Située entre les deux premières formes, elle consiste en l’utilisation des logiciels pour enseigner d’autres disciplines.

La science informatique, comme beaucoup d’autres sciences tant scientifiques qu’humaines et sociales, a ses caractéristiques. L’association britannique CAS (« Computer At School ») la définit comme une discipline avec les cinq caractéristiques suivantes : (1) un corps de connaissances qui comprend un cadre théorique où les idées et les concepts sont circonscrits, (2) un ensemble rigoureux de techniques et de méthodes, (3) une façon de raisonner et de fonctionner, donc un courant paradigmatique, (4) un ensemble stable de concepts et, (5) une indépendance aux technologies spécifiques.

Comme déjà précisé, les formes « CS » et « IT » de la science informatique sont à la fois complémentaires et différentes8. Les concepts spécifiques de chacune d’elle permettent de les caractériser et les distinguer. Définie comme une discipline rigoureuse, la science informa-tique (« CS ») se compose de deux types de concepts stables (Furber, 2012) :

• des concepts qui sont au cœur de la méthode de la science informatique : programme, algorithme, structures de données, architecture et communication ;

7 Il est professeur de génie informatique à l’École des sciences informatiques à l’Université de Manchester :

http://royalsociety.org/uploadedFiles/Royal_Society_Content/education/policy/computing-in-schools/2012-01-12-Computing-in-Schools.pdf, Site consulté le 21 janvier 2014

(17)

• des concepts qui sont à la base de la pensée informatique et qui interviennent lors de la résolution des problèmes : la modélisation, la décomposition, la généralisation et la conception, l’écriture, le test, l’explication et le débogage des codes informatiques. Définie comme une étude des applications des systèmes informatiques et des usages des logi-ciels pré-existants, la technologie de l’information, quant à elle, est une partie de la science informatique avec ses caractéristiques propres.

Un enseignement de l'informatique au lycée est une nécessité justifiée par la place et l'intérêt de cette science dans tous les secteurs de la vie. Pour Gilles Dowek (2005), cette discipline aurait pour but principal l' « enseignement d'un langage de programmation et d'algorithmes

de base, avec l'objectif de savoir écrire un programme au moment de passer son bac.». Dans

cet enseignement, l'apprentissage de l'algorithmique et la programmation serait prioritaire pour leur apport important pour les lycéennes et lycéens dans leur développement intellec-tuel. Certaines des potentialités permises sont soulignées : une approche de projets, une mise en application des savoirs acquis, un pont entre le langage et l'action et un intérêt pour la ri-gueur scientifique.

Dans le point suivant, nous abordons la problématique à l'origine de la recherche et qui sera plus développée dans la deuxième partie de la thèse.

3. Contexte et questionnement

Aujourd’hui, un enseignement de notions informatiques est entré au lycée scientifique en France. Mais, tout comme les notions algorithmiques ont été introduites dans le cours de ma-thématiques, la discipline informatique est en général confiée aux non-spécialistes de l’infor-matique et particulièrement aux enseignants des mathél’infor-matiques. Deux problèmes se posent. Le premier problème est que les élèves à qui ces programmes d’enseignement sont destinés n’ont jamais connu une quelconque initiation scolaire à l’informatique. Cela interroge leurs compétences à s’approprier un tel enseignement. Le deuxième problème est relatif aux ensei-gnants à qui cet enseignement est confié. Étant des spécialistes des mathématiques, l’institu-tion suppose que les enseignants de mathématiques sont capables d’enseigner les nol’institu-tions informatiques en général et l’algorithmique en particulier. Ce qui n’est pas toujours vrai car, malgré leur rapprochement, les deux disciplines – mathématiques et informatique- ont les ob-jectifs qui restent assez différents.

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Comment des débutants en informatique construisent et mettent en application ces savoirs in-formatiques dans un tel contexte ?

La situation semble évoluer avec l’ISN : des enseignants volontaires, issus des autres spécia-lités, ont été choisis pour conduire cet enseignement. Néanmoins, attribuer un enseignement d’une discipline informatique aux non-spécialistes par la simple raison qu’ils sont volontaires et ont une certaine familiarité avec l’informatique, ne serait-il pas une utopie ? Ces critères suffisent-ils pour garantir un succès de son enseignement ?

La situation semble similaire en début d’université. Jusqu’à présent, les étudiants de licence qui commencent l’université, n’ont jamais connu d’initiation scolaire à l’informatique. À la seule différence qu’en licence informatique, leurs professeurs sont des spécialistes d’infor-matique, les étudiants en début d’université, sont dans les mêmes conditions que les lycéens du point de vue de leurs bagages informatiques. Ils ont été donc tous considérés comme dé-butants en informatique.

Cette similarité de ces deux publics du point de vue de l’informatique nous a interpellé pour conduire notre étude de façon comparative sur les deux niveaux : lycée scientifique général et licence informatique. Il est question, dans la recherche, de comprendre comment les élèves et les étudiants s’approprient certains savoirs jugés fondamentaux pour les débutants en in-formatique, mais aussi comment les enseignants se sont approprié l’enseignement de l’infor-matique.

Nous formulons deux questions générales suivantes. La première concerne les apprenants. Elle interroge comment les élèves et les étudiants, débutants en informatique, construisent les savoirs informatiques lors de leurs apprentissages ?

La deuxième question concerne les enseignants. Elle interroge comment les enseignants, non spécialistes de l'informatique, prennent en compte les savoirs informatiques dans leurs pra-tiques professionnelles de classe ?

Les deux questions principales sont accompagnées par cinq questions spécifiques.

Quels sont les concepts informatiques jugés incontournables par la littérature de recherche pour une initiation informatique au lycée ? Quels sont les types d’activités proposées dans le prescrit (programmes et manuels) au lycée et quels savoirs informatiques ces activités visent à construire chez élèves ? Quelles sont les tâches données à l’élève en classe par leurs ensei-gnants et quelles sont les motivations de tels choix ? Quelles sont les compétences effectives

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des élèves et étudiants à construire un algorithme, sa programmation et son exécution sur or-dinateur ? Quelles difficultés les élèves, les étudiants et leurs enseignants connaissent-ils ; quelles grandes erreurs les élèves et les étudiants commettent-ils ? Quelles sont les stratégies utilisées pour les éviter ?

La thèse est structurée en deux parties. La première partie comprendra quatre chapitres. Dans le premier chapitre, nous présenterons notre cadre conceptuel pour rassembler des concepts sur lesquels va se fonder notre réflexion dans le développement de la thèse. Le deuxième chapitre parlera de la problématique qui a motivé notre recherche et du questionnement qui accompagne cette problématique. Dans le même chapitre, il sera aussi précisé et développé la méthodologie utilisée pour mener cette étude.

Après cela, nous retracerons les origines et les étapes qui ont marqué le développement histo-rique de l’informatique éducative et préciserons les différents choix qui ont été effectués et caractérisé le contexte éducatif français. Cela fera l’objet du troisième chapitre. Le quatrième chapitre consistera à réaliser un état de la question, relativement à des recherches en didac-tique de l’informadidac-tique. Cet état de la question nous conduira à pouvoir effectuer une classi-fication thématique des recherches. Ceci nous permettra de comprendre mieux le contexte actuel dans lequel s’inscrit la thèse et de cerner les concepts informatiques jugés fondamen-taux par la littérature de recherche pour des débutants en informatique. Ce recueil de concepts nous permettra de faire des choix de ceux qui sont incontournables et sur lesquels pourra porter notre recherche.

La deuxième partie sera consacrée à la présentation des résultats et leur discussion générale à la lumière des hypothèses de recherche qui seront formulées. Elle sera composée de cinq cha-pitres (V, VI, VII, VIII et IX). Le cinquième chapitre mettra présentera les résultats issus de l’analyse des prescrits (textes officiels et manuels scolaires) qui fondent les nouveaux ensei-gnements de l'informatique en France et ont été mis à la disposition des enseignants. Le sixième chapitre portera sur l'enseignement de l'informatique dans le cours de mathématiques au lycée. Il présentera respectivement et comparativement les pratiques informatiques des en-seignants de mathématiques et les apprentissages en informatiques de leurs élèves.

Le septième chapitre s'intéressera à la situation de l’enseignement de la spécialité informa-tique et sciences du numérique (ISN) en Terminale en France. Il abordera de façon compara-tive les pratiques des professeurs d'une part et les apprentissages des élèves d'autre part. Le

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huitième chapitre présentera les résultats de l’apprentissage de l’informatique par la pro-grammation des robots en licence chez les étudiants. Le chapitre IX qui clôture la partie et par conséquent la thèse, donnera la discussion générale des résultats et la présentation des perspectives de recherche.

Il convient de noter que cette thèse de doctorat reprend trois de nos articles rédi-gés dans le cadre de cette recherche et déjà publiés ailleurs. Ils seront signalés dans la suite le moment venu.

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PREMIÈRE PARTIE : L ’ I N F O R M A T I Q U E E T S O N

ENSEIGNEMENT CHEZ LES DÉBUTANTS

Cette partie développe l'enseignement et l'apprentissage de l'informatique dans des contextes théoriques d'initiation. Elle sera structurée en quatre chapitres. Le premier chapitre précise et développe les cadres conceptuels qui vont guider notre réflexion. Le deuxième chapitre es-quissera la problématique et le questionnement à l'origine de la thèse et aussi la méthodolo-gie qui sera utilisée pour mener cette étude. Le troisième chapitre tracera le parcours historique de l'informatique en éducation en France. Le dernier et quatrième chapitre dres-sera une revue de littérature portant sur la didactique de l'informatique.

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Chapitre I CADRE CONCEPTUEL

Ce chapitre sera développé en six points : les jeunes face au numérique, le choix d'une ap-proche systémique, le concept de l'activité, les différentes théories de l'activité, les systèmes d'activités d'Engeström et le cadre conceptuel proprement dit de la thèse adapté au contexte de projet.

1. Les jeunes face au numérique : quelles appropriations pour quels

usages ?

1.1. Problématique de la notion d’appropriation

Les difficultés de l’appropriation des savoirs informatiques entrent dans la problématique gé-nérale de l’appropriation d’un savoir. Cette appropriation suscite deux types de questionne-ment (Blondel & Tort, 2007). D’une part, il y a un questionnequestionne-ment qui concerne les conditions sociales de la circulation des compétences et, d’autre part, un autre portant sur les manifestations de ces compétences dans des interactions, lesquelles interactions peuvent avoir lieu entre les individus eux ou entre les individus et les systèmes techniques. Selon Blondel et Tort, ces questionnements convoquent des mécanismes liés à l’entrée dans la culture juvénile, laquelle s’accompagne d'« un double processus d’émancipation de l’univers

parental et de l’affiliation à des bandes de pairs ; mais aussi à une création d’une autonomie relationnelle et culturelle ». D’autre part, parallèlement à la transmission familiale d’un

capi-tal culturel telle que mise en évidence par Bourdieu, ils questionnent des « modes de

circula-tions de compétences non seulement au sein des généracircula-tions mais aussi au sein de leurs familles ».

La manifestation des compétences techniques est l’autre questionnement suscité par le concept de l’appropriation. Comme ils le montrent, ce questionnement qui engage les schèmes d’usages ou de perception, met en évidence des dimensions individuelles et collec-tives relativement aux processus de genèses instrumentales dans le cas particulier de l’appro-priation d’un outil informatique (Rabardel, 1995).

Pour appréhender les problématiques qui accompagnent le concept d’appropriation, Michelle Artigue (2010) les aborde sous deux facettes. La première facette est sous-jacente aux

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pro-blèmes de l’appropriation des outils informatisés et plus particulièrement des ordinateurs uti-lisés dans les processus d’apprentissage. Dans « Le numérique dans l’enseignement en

France et à l’étranger : les cas des mathématiques », Artigue souligne que les travaux sur

l’approche instrumentale révèlent des débuts de la fin de l’option informatique des années 1990. Cette dernière « a d’abord connu une dominance quasi-exclusive de la vision outil

avec ses limitations induites dans les apprentissages ». La deuxième facette est liée à des

problèmes cognitifs, logiques et de rigueur qui peuvent trouvent davantage leur place dans les exigences de la construction de la méthode à suivre dans la construction d’un algorithme et dans sa programmation sur un ordinateur. Ces problèmes ont contribué à la suppression de cette option.

1.2. Des rapports à l’informatique limités chez les « digital natives » a. Des pratiques informationnelles absentes

Les générations actuelles, parmi eux des jeunes collégiens et lycéens, vivent et baignent na-turellement dans le numérique. Ils sont souvent présentés comme des « digital natives », pour qui les outils numériques n’ont aucun secret (Tort & Dagiène, 2012). Baron & Bruillard qui ont décortiqué les terminologies de « digital natives » et « digital immigrants » de Prensky (2001a, b), semblent mitigés quant à l’idée de « discontinuité générationnelle » prônée par leur auteur. Selon eux, « les élèves d’aujourd’hui ne seraient pas du tout ceux des

généra-tions précédentes, ils auraient des styles cognitifs et des modes d’apprentissages différents de ceux qu’on pouvait observer précédemment ». Pour eux, une situation pareille aurait des

conséquences dramatiques pour les systèmes éducatifs. Loin d’être des « digital natives » comme le préconise Prensky, ils sont, selon Baron & Bruillard (2008), des « digital naïves » et, donc des « naïfs à former » : « leurs utilisations des technologies sont fréquentes, mais

dans un spectre très limité et avec un degré d’autonomie très relatif ». Leurs explications

s'appuient sur un exemple d'un logiciel pouvant être avantageusement utilisé pour les appren-tissages mais rarement utilisés : :

« Avec un logiciel comme Google Earth, ils peuvent accéder au monde entier. Mais s’ils

n’y sont pas incités, vont-ils fréquemment regarder au-delà de leur maison ou de leur quartier pour découvrir d’autres horizons ? Vont-ils intégrer le recours à cet outil dans des apprentissages géographiques ? Les compétences qu’ils développent trouvent leur source dans le milieu familial, le groupe de pairs et à l’école »

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Ces travaux allaient dans la ligne de ceux précédents d’Éric Bruillard. Ce dernier avait ré-cemment étudié les pratiques des jeunes et avait trouvé que les technologies préférées et utili-sées chez les jeunes sont ceux en rapport avec le jeu ou la communication, conçues pour l’immédiateté et la satisfaction directe de leurs besoins (Bruillard, 2006). Contrairement à celles de communication, les technologies comme le tableur, utilisé depuis longtemps en contexte scolaire, sont faiblement utilisés par les élèves, beaucoup rares au collège qu’au ly-cée (Blondel & Bruillard, 2007). Après, il s’est développé une informatique grand public où prédomine l’aspect communication, essentiellement caractérisée par des formes de réseau-tage social (Bruillard, 2012). Selon Dauphin, la primauté des pratiques communications ou de jeu au détriment des pratiques informationnelles est révélatrice des questions de lacunes notamment celles jouant sur la notion de temporalité (Dauphin, 2012) : si les pratiques de communication reposent sur l’immédiateté avec un caractère essentiellement ludique, les pra-tiques informationnelles demandent du courage pour surmonter des échecs et des frustrations auxquelles on fait face, et donc un temps long pour être maîtrisées. De plus, dans ce cadre communicationnel, dans l’usage juvénile des médias, ce caractère immédiat est renforcé par l’essence même de l’Internet qui est marqué par la suppression ou l’anéantissement des fron-tières tant spatiales que temporaires. Éric Bruillard (2012) donne deux raisons pour expliquer la migration des jeunes dans les réseaux de communications parascolaires.

La première raison est l’espace entretenu entre le temps scolaire et le temps privé, rendu pos-sible par la décentralisation de l’État et qui a ouvert une large marge de liberté chez les élèves : c’est cette large liberté qui, aujourd’hui, est à l’origine de la création des réseaux qui favorisent le parascolaire et le développement des apprentissages à domiciles : « home schooling ». La deuxième raison est le discours marketing trompeur qui accompagne les ou-tils informatiques actuels. Les jeunes sont actuellement sous la domination des technologies : ils sont dominés, commandés et rendus esclaves par des machines alors que normalement ça devrait être l’inverse (Bruillard, 2012). L’émancipation est attendue de la formation à l’infor-matique pour être capable et compétent à commander soi-même ces machines.

b. Des pratiques numériques plus limitées à la sociabilité…

Depuis une vingtaine d’années, les jeunes « naviguent » quotidiennement dans un univers de dispositifs et d’instruments informatisés. Chez eux, les technologies numériques semblent « naturelles ». de telle sorte que même « le système éducatif tend à considérer que les élèves

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partagent une culture numérique » (Drot-Delange, 2012). Mais, comme le précise cette au-teure, les recherches révèlent les limites de cette affirmation.

Depuis le début du 21ᵉ siècle, des recherches se sont intéressées sur des questions relatives aux modes d’appropriation de ces outils chez les jeunes, à leurs compétences et aux défis auxquels l’école doit faire face dans ce monde en plein boom technologique (Baron & Bruillard, 2008). Aujourd’hui, ces auteurs parlent, chez les jeunes, de banalisation rapide des outils qui peuvent avantageusement être utilisés à des fins d’apprentissage que ce soit dans le cadre formel, donc le cadre scolaire et d’autres dans le cadre informel, hors de l’école. À cet effet, ils distinguent deux catégories d’outils technologiques : une catégorie de ceux qui sont déjà utilisés et stabilisés dans le contexte scolaire tels que les logiciels de traitements de textes, les tableurs… et une autre catégorie de ceux qui n’ont pas bénéficié d’une entrée fa-vorable dans le système éducatif, notamment les logiciels de jeux et ceux intervenant dans les systèmes de communication tels que des blogs, des forums, des messageries instantanées…

Connaître le lieu d’appropriation et comprendre la culture des numérique de jeunes néces-sitent la contextualisation de leurs usages des TIC. La tranche d’ages des adolescents, entre 12 et 17 ans, est beaucoup plus connectée : l’autonomie et l’individualisation sont leurs pri-mordiaux mobiles de cette connectivité forte et presque permanente (Dauphin, 2012). Les études faites en matière de l’appropriation TIC chez les élèves dans la scolarité obligatoire révèlent divers lieux de construction et de structuration forte de leurs usages, avec une légère importance de l’école. Cédric Fluckiger (2007) a fait cette étude de l’appropriation des TIC dans le cas général chez les collégiens. À la même période, dans le cadre d’un projet visant à questionner des usages des TIC en éducation et en formation, Blondel & Tort (2007) se sont intéressés à connaître les usages réels chez les jeunes, non pas dans le cas général des TIC, mais dans le cas particulier du tableur au sein d’un projet Didatab (Didactique du Tableur). Les lieux d’appropriations peuvent être classifiés selon deux types différents : une classifica-tion topologique et une classificaclassifica-tion en foncclassifica-tion des relaclassifica-tions sociales. En foncclassifica-tion de la to-pologie des usages, les recherches reconnaissent et distinguent deux lieux fondamentaux de leur appropriation : Toutes ces recherches distinguent deux types de lieux des appropriations des TIC chez les jeunes : la sphère familiale et la sphère scolaire. Plutôt que de considérer cette classification sous forme de typologie, ces recherches privilégient, en vue d’une bonne réinterprétation des usages, la classification selon les relations sociales dans lesquels ces

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usages se trouvent sont « enchassés ». Dans cette catégorie des usages, trois principaux uni-vers d’appropriations ont été mis en évidence (Blondel & Tort, 2007 ; Fluckiger, 2007 ; 2008) : une appropriation générationnelle, liée à la construction identitaire du jeune qui lui permet son inscription dans sa culture, dans la sphère générationnelle et, est donc une ouver-ture vers son émancipation progressive ; une appropriation familiale, liée et influencée par la distribution des compétences techniques réparties au sein de la famille et au mode et aux conditions de vie de sa famille et, enfin ; une appropriation scolaire. Cette appropriation est en rupture avec les deux univers précédents pour deux raisons : d’une part, le caractère inten-tionnel des enseignements et, d’autre part, la contrainte qu’impose l’école sur les usages de ces TIC chez les élèves.

c. Des pratiques en rupture avec l’école !

Dans le cadre de l’enseignement scolaire en France, le mot « informatique » est rarement as-socié à des situations d’enseignement ou d’apprentissage et bien plus souvent à l’usage des ordinateurs et des logiciels associés (Cabane, 2012). En revanche, à la place de ce mot infor-matique, il s’est généralisé les acronymes TIC9 et TICE10 lesquels sont fréquemment enten-dus dans le milieu scolaire français. Si, leurs usages sont théoriquement enseignés et évalués dans le cadre du Brevet Informatique et Internet (B2i) au niveau de la scolarité obligatoire (école élémentaire, collège et lycée), au niveau lycée, en réalité, peu d’établissements se sont réellement engagés dans leur validation et, ont plutôt considéré le B2i comme facultatif. Comme beaucoup d’autres auteurs qui se sont intéressés au B2i et à sa validation dans les ly-cées (Archambault, 2009, 2010, 2011 ; Bruillard, 2009 ; Tort, 2009, etc.), Robert Cabane (2012, p.10) parle de l’échec du B2i en France. Et face à ce problème, il appelle à une solu-tion de rechange pour donner aux élèves une culture informatique dont ils ont le plus besoin actuellement :

« (...) l’échec de la généralisation du B2i Lycée pose une question qui appellera tôt ou tard une réponse dans la mesure où il faudra de plus en plus préparer les élèves à une société dont les acteurs seront les détenteurs d’une solide « culture » numé-rique ».

Dauphin (2012) s’est intéressé à l’étude des pratiques culturelles numériques et aux compé-tences utilisées chez les jeunes dans leur appropriation des TIC. Il souligne une complexité

9 Ce terme qui désigne les technologies de l’information et de la communication

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des acquisitions des compétences numériques, appelées « e-skills » ou « e-competences » comme tous les autres outils technologiques. Dauphin souligne les natures « profane », « lu-dique » et « communicationnelle » qui caractérisent des pratiques numériques chez les jeunes. Ces pratiques affichent des différences liées aux lieux de leur appropriation qui semblent caractériser et distinguer les compétences chez les jeunes : capital social, culturel et scolaire. Ce caractère « profane » des compétences des jeunes, initialement évoqué par Flu-ckiger (2008) limite largement les jeunes dans leurs utilisations dans leurs apprentissages scolaires : elles révèlent un certain nombre de lacunes pour une utilisation globale des TIC. Bréda (2010) qualifie les pratiques juvéniles comme des « pratiques construites sur du

sable ».

Ces limites de l’implication des usages « profanes » dans les apprentissages scolaires semblent être justifiées par les contraintes scolaires (Dauphin, 2012) :

« l’école, qui est le lieu pour former à un « usage citoyen » aux technologies de l’in-formation et de la communication, semble prescrire des usages éloignés de ceux vé-cus comme « naturel » et routines mises en avant par les jeunes générations ».

À côté de ces contraintes scolaires, d’autres études ont montré une sous-utilisation des TIC au sein des classes. Si on peut imaginer que cela est dû au manque d’équipements informa-tiques, cela n’est pas vrai. Baron et Bruillard soulignent que les équipements sont relative-ment bien dans les écoles. En effet, en France, l’informatique en éducation se trouve être une zone de jeu possible dans un contexte fermement régulé par le niveau national et, depuis une dizaine d’années, un certain nombre de départements avaient déjà lancé des opérations visant à équiper les collégiens avec des ordinateurs (Baron & Bruillard, 2008).

Baron et Bruillard soulignent la faible utilisation des ordinateurs et particulièrement une qua-si – absence de l’utilisation de l’Internet à des fins de l’apprentissage et de la formation : ils qualifient d'« anecdotique » l’accès quotidien aux ordinateurs et à l’Internet en classe pour les 12-17 ans. Une année après, une étude de type ethnographique menée dans un collège de banlieue de Paris par Fluckiger (2008) semble donner de légèrement amélioration : « s’ils [les collégiens] utilisent beaucoup les ordinateurs et l’Internet, ils ont un spectre d’utilisation limité et peu de maîtrise ». Les disparités des pratiques scolaires et extrascolaires des jeunes élèves n’ont pas seulement été localisées en France. La situation est la même au niveau inter-national comme l’affirme l’étude comparative Médiapro faite au niveau européen en 2006 auquel (Baron & Bruillard, 2008, p. 8) font référence.

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1.3. Des compétences moins transférables en apprentissages scolaires

Dans un contexte de prolifération des outils numériques, les études de l’INSEE11 d’il y a une quinzaine d’années montraient déjà que l’informatique est considérée comme une technique bien assimilée par les jeunes générations par rapport aux plus âgées (Rouquette, 1999). S’il est admis que certaines compétences sont acquises au cours des usages des outils numériques chez les jeunes en général et les scolarisés en particulier, il y a lieu à s’interroger sur le carac-tère de leur transférabilité dans divers contextes, et particulièrement les contextes d’appren-tissage scolaires. Les raisons fondatrices de cette interrogation sont diverses et ont été données par certains auteurs. Fluckiger (2008) évoque le caractère extra-scolaire des appren-tissages et compétences des jeunes acquises dans leurs usages des technologies. Selon lui, la culture numérique des élèves est généralement accès sur des pratiques personnelles et inter-générationnelles. Ces dernières pratiques en usage des TIC contribuent à une construction de soi et d’automatisation de leurs pratiques culturelles et communicationnelles.

Acquise en dehors de l’école, cette culture numérique des élèves est généralement accès sur des pratiques personnelles imprimant les usages des TIC dans les processus de construction de soi et d’automatisation des pratiques culturelles et de communication, ajoute Fluckiger. Archambault (2011) appelle à une considération attentive des pratiques des élèves. Selon lui, de telles compétences acquises dans ces conditions, hors de l’école, restent limitées aux usages quotidiens et sont donc fortement à relativiser : acquis dans ce contexte, ce sont des savoir-faire très superficiels et difficilement transférables d’une situation à une autre et, parti-culièrement dans des contextes scolaires d’apprentissage qui, en général, sont plus exigeants (Fluckiger & Bruillard, 2008).

Tous ces auteurs expliquent un décalage dans la transférabilité des compétences des élèves par le fait que leurs usages reposent sur « des savoir-faire limités, peu explicables et qui

laissent peu de place à une conceptualisation ». Ce contexte laisse voir le manque ou la très

faible verbalisation chez les élèves de ce qu’ils font lorsqu’il s’agit de décrire tant leurs pra-tiques que les problèmes rencontrés au cours des usages des technologies :

« Ce déficit de compréhension et de conceptualisation va de pair avec la très faible verbalisation des pratiques : les élèves ne savent le plus souvent nommer ni leurs ac-tions, ni les objets qu’ils manipulent pourtant aisément »

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Dans son article « L’école à l’épreuve de la culture numérique des élèves », Fluckiger (2008, p. 1) montre comment, suite à leurs compétences limitées et souvent localisées, l’élève n’a pas une conceptualisation et une verbalisation de ses usages des TIC. Il a des difficultés à in-tégrer ses savoir-faire techniques dans des situations d’apprentissage en contexte scolaire. Baron et Bruillard expliquent ces limites par des apprentissages superficiels chez les jeunes. Selon eux, s’il est clair que les élèves utilisent souvent l’ordinateur, la simple utilisation, même fréquente, consistant en la simple manipulation des interfaces informatiques, ne semble pas suffire à la construction d’une réelle compréhension du fonctionnement interne de l’ordinateur (Baron & Bruillard, 2001).

De plus, ce n’est pas parce que l’élève est normalement « utilisateur » de l’ordinateur qu’il pourra facilement l’utiliser pour lui faire faire résoudre son problème. C’est dans ce sens qu’Artigue (2010, p. 18), même si elle reconnaît des usages plus ou moins avancés des tech-nologies numériques chez les élèves, déplore l’absence, pourtant indispensable, d’une orien-tation dans leurs usages, dans le sens de la production.

Maurice Nivat (2005, p. 3) donne plus de lumière sur l’informatique actuellement utilisée par les élèves de collège. Il les compare à un chauffeur qui, facilement, peut très bien conduire sa voiture sans savoir aucune notion de la mécanique et les processus en cours lors de la conduite : « On ne dira, ni comment marchent les ordinateurs ni comment fonctionnent les

logiciels, avant la seconde où nous préconisons d’introduire un enseignement de base de l’informatique, distinct des autres enseignements, notamment de celui des mathématiques »

1.4. Des savoirs informatiques de base absents chez les élèves

La littérature de recherche souligne la nécessité d’interrelation entre les savoirs théoriques et les savoir-faire. Duchâteau (1994), dans sa communication au quatrième colloque franco-phone sur la didactique de l’informatique, posait la question suivante qui est jusqu’aujour-d’hui d’actualité : « Faut-il enseigner l’informatique à ses utilisateurs ? ».

Dans sa communication, il soulignait la tendance de l’enseignement des outils informatiques, confrontée à une double boucle difficile à gérer : mise à la seconde zone des savoirs théo-riques alors qu’ils sont indispensables voire incontournables pour l’appropriation de ces ou-tils. De plus, c’est au cours de la manipulation de ces outils informatiques que les savoirs théoriques acquièrent effectivement leur sens et prennent corps. Selon lui, savoirs et savoir-faire sont interreliés et cette interrelation est indispensable pour une meilleure acquisition de l’informatique comme cette illustration l’indique :

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En France, Françoise Tort souligne des situations contrastées à propos de l’enseignement de l’informatique dans la scolarité obligatoire, entre le collège et le lycée. Selon elle, si le cours de technologie au collège permet aux élèves de construire certains savoirs et savoir-faire en informatique, la situation change avec le lycée général où les élèves n’ont aucune occasion d’acquérir des savoirs informatiques. Le contraste est souligné au niveau même du lycée, entre les lycées généraux et les lycées technologiques (Tort, 2009, p. 214) :

« Au lycée, on observe des situations assez contrastées. La voie générale est plutôt marquée par la vision de l’informatique outil, notamment dans les séries scientifiques et de sciences économique et social. L’informatique n’est jamais associée à des no-tions fondamentales. Dans la voie technologique, l’informatique est plus présente dans les enseignements. Les rénovations des programmes des STG et ST2S, renforçant les enseignements théoriques, réduisent la place accordée aux formations aux logiciels. ».

Si la volonté d’offrir des connaissances en informatiques aux jeunes a été officialisée, à partir des années 2000, Françoise Tort (2009) montre que, par l’instauration du B2i au collège et du C2i au lycée, ce n’est que l’acquisition des compétences qui est visée chez les élèves à la fin de la scolarité obligatoire.

Pourtant, l’informatique représente à la fois un « domaine de la connaissance » et des « ob-jets techniques » fabriqués à l’aide de ces connaissances. Monique Grandbastien (2012) sou-ligne une confusion relevant de ce que c’est l’informatique chez le grand public qui l’assimile souvent à ce qu’on appelle la « bureautique » ou les TIC », des termes non syno-nymes. Elle déplore le fait que l’Éducation nationale continue à entretenir cette confusion en proposant le B2i au collège et au lycée et le C2i à l’université, parce que dans les deux cas, ce ne sont que des compétences concernées dans l’utilisation du poste informatique et de

cer-Illustration I.1: Relation en boucle entre savoirs et savoir-faire en informatique (Duchâteau, 1994)

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tains progiciels, mais « sans que des concepts fondamentaux de la science informatique y

soient explicitement abordés ».

De plus, Archambault (2009) clarifie le paradoxe du B2i : celui-ci suppose implicitement un apport de connaissances, alors que nulle part n’est précisé où les trouver, dans quelles disci-plines. Il s’interroge et trouve paradoxal comment est-il possible d’organiser des apprentis-sages progressifs sur une durée lorsque les compétences recherchées sont formulées de manière très générale. Et même au niveau de collège, si l’on pense que la situation est relati-vement mieux, elle est aussi moins rose. Se référant aux travaux antérieurs de Rak (2008), Tort (2009) relève une place beaucoup réduite de l’acquisition des notions informatique dans les nouveaux programmes de 2008 de technologie au collège.

2. Le choix d’une approche systémique

Il existe plusieurs façons d’aborder les problèmes liés au processus d’enseignement/ appren-tissage de savoirs et, beaucoup de courants théoriques ont été élaborés pour éclairer des si-tuations éducatives orientées dans ce sens. L’approche socio-constructiviste une forme de révolution paradigmatique dans le monde de l’enseignement/apprentissage scolaire, justifiée par le fait que les connaissances ne sont pas transmises mais sont construites par le sujet à travers les expériences vécues dans son milieu. L’enseignement de l’informatique, pour mettre leurs élèves ou étudiants en activité, se situe dans une approche plutôt socioconstructi-viste : l’approche par projets et le travail en groupes fait référence à ce modèle.

Le cadre théorique qui a guidé notre regard et notre réflexion est la théorie de l’activité (TA), que nous allons analyser plus loin à partir de la section 3. Ce choix a été motivé par le fait qu’avec le modèle théorique socioconstructiviste correspondant à l’enseignement de l’infor-matique, les élèves, les étudiants et leurs professeurs sont tous inscrits dans un système d’ac-tivités. Malgré des rôles respectifs, ils sont appelés à entrer en interaction tout en respectant certaines règles en vue de la production d’un résultat attendu qui est l’objectif des projets. Pour toutes ces raisons, la TA nous semble bien appropriée pour cette étude qui, rappelons-le, porte sur les pratiques d’apprentissages des savoirs informatiques chez les élèves ou étu-diants débutants dans un contexte d’apprentissage par projets.

Figure

Illustration I.1: Relation en boucle entre savoirs et savoir-faire en informatique (Duchâteau, 1994)
Tableau I.1: Niveaux de l’activité selon Leontiev (1978)
Illustration I.2: Exemples de Kuuti sur des niveaux d’une activité  (Magakian, 2009)
Illustration I.3: Structure de base de l’activité  humaine d’Engeström (1987)
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Références

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