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Chapitre III REGARDS SUR L’INFORMATIQUE ET SON ENSEIGNEMENT EN

3. Au cœur du débat : algorithmique et programmation

Dans la décennie 1970, l’informatique a surtout été considérée comme une « démarche ». Particulièrement utilisée dans l'enseignement de l'algorithmique et de la programmation, cette démarche était motivée par des compétences à mobiliser. Elle était servie par diffé- rentes méthodes, comme la méthode déductive (Médée) de Claude Pair (1988)43. Cette mé- thode permettait la construction systématique des programmes. D'abord, un algorithme était exprimé sur les objets d'un problème donné, ce qui permettait l'introduction des fonctions et des procédures, et par conséquent un choix d'une représentation des objets qui favorisait l'ex- pression de ces fonctions et procédures.

La méthode consistait en une élaboration d'un plan de résolution de problèmes, s'appuyant sur des schémas, avant sa mise en application. Le plan peut être considéré comme une repré- sentation pouvant servir de guide à une activité notamment de résolution de problème. Cela suppose « la mise en œuvre d'une hiérarchie d'espaces abstraits » constituée d'espaces de ni- veau supérieur où un «problème peut être représenté sous une forme schématique, plus ré-

duite, qui permet d'abstraire les détails traités dans un espace de niveau inférieur » (Hoc,

1988) : l'objectif est la construction d'un plan qui n'est autre qu'une représentation hiérarchi- sée, et par conséquent décomposable, d'un objet. Un programme informatique est donné par Hoc comme un exemple d'un tel plan : c'est le programme qui guide le fonctionnement d'une machine.

Le champ de la disciplinaire informatique était en construction au niveau de l’enseignement supérieur entre la fin des années 1960 et le début de 1970. Les mathématiques appliquées ont assuré le lieu de son enseignement avant de sortir de cet habitat pour devenir une discipline autonome sous forme de programmation. Ce sont des contenus de la programmation qui ont donné naissance les contenus de la discipline informatique universitaire qui était enseignée au début dans les premières années du supérieur.

Dans la scolarité secondaire, ce champ informatique a connu des obstacles pour être reconnu comme discipline. Si les objets informatiques ont vite évolué, le système éducatif a lui aussi évolué, mais à une vitesse différente. Ce dernier a eu de la peine à prendre en compte les dis-

positifs informatiques dans leurs générations. Néanmoins, des réponses, parfois variables et contrastées ont été toujours apportées dans la scolarité secondaire et à l’université où la disci- pline informatique avait déjà sa place.

En 1993, lors de la troisième rencontre francophone organisée par l’Association francophone de didactique de l’informatique (AFDI), la communauté scientifique réunie à Sion, a trouvé pertinente la question de la place de la programmation dans une initiation informatique44 (AFDI, 1993, p. 232) : « Peut-on enseigner l’informatique sans faire une place à la pro-

grammation et comment ? Ce qui pose la question de la place de la didactique de l’informa- tique sans langage (classique) de programmation ».

Le domaine « algorithmique et la programmation » est considéré par la communauté scienti- fique comme étant au cœur de la discipline informatique (Viallet & Venturini, 2010). Il constitue une base d'un enseignement d'initiation à l'informatique aux lycéens. Jugées insépa- rables, l’algorithmique et la programmation forment un couple qui devrait être dispensé en- semble pour un enseignement de l’informatique digne de nom (Nivat, 2009 ; Baron & Bruillard, 2011). Pour Nivat, « la programmation est elle-même une algorithmique un peu

particulière : un langage donne des possibilités d’expression que peut-être un autre ne donne pas, et réciproquement ».

Le contexte d’environnements langagiers diversifiés a été à l’origine du choix privilégié pour l’enseignement de l’informatique dans la scolarité secondaire : l’approche outil. Si la ques- tion de savoir quelle informatique enseigner aux débutants est récurrente, actuellement, nous v i v o n s u n e p é r i o d e o ù « l’opposition traditionnelle entre les aspects outil

d’enseignement/objet d’enseignement s’est affaiblie » (Baron, Bruillard, & Komis, 2011).

Une convergence semble être sur la nécessité de l’enseignement de l’informatique comme

objet est internationale (CSTA, 2005 ; Furber, 2012).

La notion d'« outil (informatique) », développée avec la disparition de l’option informatique des années quatre-vingt au lycée (Bruillard, 1997), s’est davantage amplifiée avec la prolifé- ration des technologies informatiques qui ont envahi tous les milieux économiques, sociaux et éducatifs. Avec cette période, l’algorithmique et la programmation étaient des concepts institutionnellement valorisés, qui ont fait objets d’enseignement avec cette option informa- tique. Par la suite elles ont été considérées comme des notions de seconde zone non néces- saires que dans le monde technique, au profit des progiciels (Baron et al., 2011).

Aujourd’hui, un autre rapport vis-à-vis de l’algorithmique et la programmation est né chez les décideurs, les institutionnels et les spécialistes de l’éducation conscients de leur intérêt dans le domaine : ils sont d’une importance capitale dans l’apprentissage de l’informatique. Cette convergence à l’algorithmique et la programmation dans la communauté scientifique informatique et des spécialistes des sciences de l’éducation n’est pas seulement limitée à la France mais, revêt un caractère international. Un rapport45 (ACM, AIS, & IEEE-CS) des as- sociations qui s’intéressent et s’impliquent dans l’enseignement de l’informatique dans les pays anglo-saxons, donne cinq disciplines informatiques enseignées dans l’enseignement su- périeur. fait savoir les composantes sur lesquelles se focalisent ces enseignements de la disci- pline informatique. Les cinq disciplines informatiques enseignées ont en communs deux composantes informatiques liées à une introduction à la programmation, à savoir : « acquérir les fondamentaux de la programmation » et « être capable de réaliser des programmes simples ».

L’algorithmique et la programmation, deux des composantes de l’informatique, sont considé- rées par Dowek (2005, p. 2) comme prioritaire pour un enseignement de l’informatique au lycée :

« l’enseignement en informatique au lycée doit avoir comme objectif premier que les lycéens sachent écrire un programme au moment de passer leur baccalauréat. On peut concevoir un enseignement de l’informatique en trois temps. L’apprentissage de l’utili- sation d’un ordinateur, qui relève sans doute de l’école primaire ou des premières an- nées du collège, l’apprentissage de la programmation et des algorithmes élémentaires au lycée, et l’apprentissage de la science du calcul dans l’enseignement supérieur »

Cette vision est partagée. Selon Muratet et al., (2008), « l’apprentissage de la programma-

tion est une clé essentielle et incontournable » dans l’apprentissage de l’informatique. Or,

qui dit programmation dit un langage. Selon eux, chez les débutants, certains logiciels sont plus adaptés pour un apprentissage fructueux d’une initiation à la programmation : ce sont notamment des logiciels « utilisant des langages graphiques à blocs ou à base de blocs » (Voir pour plus de détails, la classification des recherches au chapitre IV.).

45 http://www.acm.org/education/curric_vols/CC2005-March06Final.pdf, document consulté le 1ᵉʳ février 2015

Comme étape en amont de la programmation, l’algorithmique ne doit pas être exclue. Cet ap- prentissage se focaliserait sur l’étude de la conception et de l’écriture d’algorithmes et de programmes, des étapes vues comme à la base de l’informatique (Rivière et al., 2011). Gilles Dowek justifie ce choix de l’algorithmique et la programmation par son intérêt lié à leurs po- tentialités cognitives chez les lycéens (Dowek, 2005, p. 2).

« Cependant, le point de vue que je défends n’est pas uniquement motivé par une telle vision globale. Il est aussi motivé par le fait que l’apprentissage d’un langage de pro- grammation et des algorithmes élémentaires me semble une expérience propre à ap- porter beaucoup aux lycéens, quant à leur développement personnel et dans leur relation à la connaissance ».

Si les termes « algorithmique » et « programmation » ont tendance à être distingués par cer- tains auteurs, d’autres auteurs montrent plutôt un fort lien entre eux et, même à les assimiler. Ce que soulignent humoristiquement Élie, Gurerry et Lacroix (Élie et al., 2010) dans cet ex- trait :

« Comment croire que celui qui a prévu de regarder un film et qui passe une heure à réinstaller les codes, convertit, recolle le son et resynchronise les sous-titres, et qui ne regardera pas le film, est l’homme libre ? Le suprême aliéné n’est pas l’homme du tuning ? C’est là ce qu’il faut distinguer deux programmations. Celle qui se fait passer par telle et qui n’est que configuration. Et la vraie programmation, qui est algorithmique »

Quelques arguments en faveur de la pertinence et des potentialités de cette composante « al- gorithmique et programmation » dans le cas du lycée sont notamment une acquisition d’une culture scientifique et technologique, une pensée algorithmique et modélisante, une école de la rigueur…

4. Enseignement de l’informatique en marge du système scolaire