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Retour sur les méthodes traditionnelles de caractérisation phénotypique

Chapitre 5 – Discussion générale

5.1. Retour sur les méthodes traditionnelles de caractérisation phénotypique

Dans le cadre de ce projet de maîtrise, il était d’abord question d’étudier la diversité existant parmi des souches de Geotrichum spp. et Galactomyces spp. isolées de produits laitiers ou de l’environnement afin d’évaluer si ces souches pouvaient être regroupées selon différentes caractéristiques phénotypiques.

Dans un premier temps, des tests de croissance sous différentes conditions ont été effectués dans le but de confirmer que les souches de Geotrichum spp. et Galactomyces spp. présentaient bien le profil de croissance de l’espèce à laquelle elles étaient rattachées. Pour la majorité des conditions testées, les souches répondaient aux critères de croissance pour les espèces G. candidum, G. geotrichum, G. reessii ou G. citri-aurantii. De fait, une souche qui avait été classée par Sulo et al. (114) comme étant d’espèce G. bryndzae, notamment en raison de son absence de croissance en présence de ribitol (adonitol) et de D-mannitol, a été classée, dans la présente étude, comme étant potentiellement d’espèce G. candidum. Par ailleurs, en ce qui concerne les profils de croissance des souches d’origine laitière, soient les souches d’espèce G. bryndzae et G. candidum, l’assimilation de certaines substances carbonées s’est avérée très variable d’une souche à l’autre. L’utilisation diversifiée de certains composés avait de fait déjà été identifiée par le passé pour l’espèce G. candidum (7, 10, 38, 61). Dans notre étude, l’assimilation variable par des souches de G. candidum a également été identifiée pour des composés carbonés qui ne semblaient pas avoir été testés auparavant en conditions microbiologiques traditionnelles. Ainsi, l’accumulation de données sur des profils diversifiés d’utilisation de composés carbonés par des souches de G. candidum permet de plus en plus de caractériser et de regrouper ces souches, pour peut-être éventuellement établir leur classification à un niveau supplémentaire (par exemple de sous-espèce).

Le développement morphologique des souches de G. candidum est reconnu comme étant très variable d’une souche à l’autre. De fait, un continuum de morphotypes a été identifié dans cette étude, allant du type levure, en passant par plusieurs intermédiaires, jusqu’au type moisissure. Cette diversité morphologique chez l’espèce G. candidum a été reconnue depuis bien longtemps (68). Dans nos travaux, non seulement une diversité morphologique inter-souche a été observée, mais également une diversité morphologique intra-souche. Ceci se révélait notamment dans le cas où les souches avaient été inoculées dans différents milieux de croissance (YEG agar et caillé modèle). Par conséquent, il est intéressant, de prime abord, de pouvoir classer les souches selon leur morphotype. Cependant, il

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est nécessaire de garder en tête qu’il s’agit d’une évaluation plutôt subjective, et que le milieu utilisé influence les observations (68). De fait, cette diversité morphologique entre les souches peut même avoir une influence sur les résultats d’autres tests phénotypiques, par exemple pour l’évaluation de la croissance des souches en présence de substances carbonées à l’aide de microplaques de type Biolog ou en galeries API (119). Ces méthodes permettent une analyse plus rapide que les méthodes en tubes. Or, la détection de croissance qui se fait à l’œil nu ou par lecture de densité optique est plus difficile. En effet, ces tests sont généralement conçus pour des levures ayant un mode de reproduction par bourgeonnement (163), et non par rupture des pseudo-hyphes, comme c’est le cas pour plusieurs souches de l’espèce G. candidum (38). De la sorte, la turbidité causée par croissance filamenteuse dans les puits des galeries ou des microplaques peut être très variable lorsqu’évaluée à l’œil nu ou par lecture de densité optique, menant parfois à la mauvaise identification de profils de croissance. Dans le cadre de cette étude, les composés présentant des profils d’assimilation variables entre les souches lorsqu’évalués sur plaque Biolog ont été testés en tubes à titre de seconde vérification. Les profils d’assimilation opposés de la souche LMA-40 pour l’adonitol entre la présente étude (croissance positive) et les travaux d’Alper et al. (19) (croissance négative) pourraient ainsi être reliés au fait que dans cette dernière étude, seules des galeries API ont été utilisées.

Il n’a pas été possible de corréler les profils de croissance des souches de G. candidum en présence de composés carbonés avec leurs morphotypes observés sur gélose (YEG). En effet, les regroupements de souches n’étaient pas tout à fait semblables d’une caractéristique étudiée à l’autre, d’autant plus que la morphologie des souches pouvait varier selon le milieu utilisé (YEG agar vs caillé modèle). Cependant, sur caillé modèle, il a été possible d’identifier une association potentielle entre la morphologie des souches produisant des hyphes et leur caractère protéolytique plus élevé. De fait, il a été rapporté qu’une croissance mycélienne élevée corrélait avec une production élevée d’enzymes, et donc, à des activités protéolytiques extracellulaires élevées (70). Aucune association n’a toutefois pu être établie entre la remontée du pH des caillés inoculés et les caractéristiques phénotypiques étudiées, toutes les souches de G. candidum évaluées étant en mesure d’assimiler le lactate, et seule l’une des deux souches présentant un caractère protéolytique élevé ayant une capacité intéressante à alcaliniser le milieu. Chose certaine, chacune des souches étudiées en caillé modèle ont démontré des caractéristiques variables au cours de leur développement (morphologie, alcalinisation, activités protéo- et peptidolytiques, libération d’arômes) qui pourraient assurément être mieux exploitées en fabrication fromagère maintenant qu’elles sont davantage caractérisées.

Par conséquent, chaque caractéristique phénotypique étudiée a permis de regrouper les souches de G. candidum entre elles, démontrant une certaine diversité au sein de l’espèce. Cependant, d’une

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caractéristique à l’autre, ces regroupements n’étaient pas toujours les mêmes. Dépendamment de ce qui est recherché, l’utilisation de méthodes traditionnelles de microbiologie pour caractériser phénotypiquement des souches de G. candidum peut s’avérer très utile. En effet, cela permet d’accumuler une grande quantité d’informations essentielles qui définissent les caractéristiques intrinsèques des souches et qui permettent de les distinguer entre elles jusqu’à un certain niveau. Par ailleurs, le milieu dans lequel les analyses sont menées est d’une grande importance étant donné le comportement variable des souches de G. candidum. Ainsi, pour avoir un portrait le plus représentatif possible des traits phénotypiques des souches de G. candidum pouvant potentiellement être utilisées en fabrication fromagère, l’idéal est d’étudier leur activité dans un milieu similaire, comme des caillés modèles. Enfin, bien que parfois subjectifs, les tests phénotypiques traditionnels sont impératifs dans l’optique de caractérisation de souches pour des applications alimentaires. Toutefois, puisque quelques évaluations peuvent être subjectives et introduire une certaine variabilité dans les résultats, l’utilisation complémentaire de méthodes moléculaires pour consolider ces résultats, telles que la génomique et la transcriptomique, serait fort appropriée.