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La génétique de la levure Geotrichum candidum

Chapitre 2 – Revue de littérature

2.4. La génomique : un outil pour mieux comprendre l’activité et la diversité au sein d’une

2.4.2. La génétique de la levure Geotrichum candidum

Certaines méthodes de typage ont été appliquées sur des souches de G. candidum dans le but d’établir leur variabilité caryotypique et génétique. De fait, l’utilisation de gel d’électrophorèse en champs pulsés a permis de quantifier le nombre de chromosomes et d’évaluer la taille du génome pour certaines souches de G. candidum (de référence, industrielles et isolées de différents milieux) (18).

Cinq à huit chromosomes se différenciant par leur taille (0,6 à 4,5 Mb) ont ainsi été identifiés pour chacune d’entre elles. L’abondance des chromosomes de différentes tailles a également été mise en relation avec la morphologie des souches à l’étude. De fait, les souches de type levuriforme présentaient un seul chromosome de grande taille (4Mb), alors que les souches de type filamenteuse en présentaient deux, et celles de morphologie intermédiaire en présentaient pour leur part un ou deux (18). Logiquement, la taille des génomes des souches à l’étude semblait aussi corréler avec les morphotypes puisque les souches filamenteuses et intermédiaires avaient des génomes de plus grande taille (13,65 à 19,1 Mb) que les souches levuriformes (10,9 à 15,6 Mb). De plus, dans différents travaux faisant appel aux méthodes de RAPD-PCR, il a été possible de séparer des souches de G. candidum (isolées de fromages français (10), d’échantillons laitiers, environnementaux, animaux et humains (109)) en différents groupes en raison de leur grande variabilité génétique. Tel que déjà observé pour d’autres microorganismes, chacun des groupes de souches identifiés pouvait être corrélé soit à leur profil de consommation des sources de carbone (10), soit à leur origine géographique (niche écologique) (109).

Dans le cadre de plusieurs études, l’identification de souches de G. candidum dans différents types d’échantillons (environnement, produits laitiers, légumes) a été réalisée par séquençage d’une région de l’ADN ribosomal (ITS, 5,8S, 18S, 26S) (54, 60, 110-112). Or, il semblerait que le mécanisme concerté d’évolution qui veut que les gènes codant pour l’ADN ribosomal (ADNr) soient homogènes au sein d’une même espèce soit déficient chez G. candidum puisqu’un certain degré de polymorphisme a été identifié au niveau de régions codantes et non-codantes de l’ADNr (principalement aux régions ITS1 et 26S-D1/D2) chez plusieurs souches de G. candidum (113). Par conséquent, ces séquences pourraient potentiellement servir dans les tests de typage en plus des tests d’identification. De fait, l’étude de la région 26S (section D1/D2) de souches de Geotrichum spp. a permis d’identifier une nouvelle espèce du genre Geotrichum, soit G. bryndzae (114). Or, cette affirmation a été contestée par une autre étude portant sur les régions ITS et 26S (section D1/D2) de souches du genre Geotrichum retrouvées dans les fruits, le sol et le fromage de chèvre slovaque, selon laquelle G. bryndzae ne représente pas une nouvelle espèce puisque cette souche ne présente pas plus

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de 1 % de substitution nucléotidique par rapport à l’espèce Galactomyces candidus, la forme téléomorphe de G. candidum (115).

Dernièrement, trois études ont été réalisées sur un grand nombre de souches de G. candidum dans le but d’évaluer leur niveau de diversité par MLST. Dans ces études, 30, 17 et 40 STs ont respectivement été identifiés à partir de 55 (116), 40 (19) et 65 (117) souches de G. candidum. Dans le cadre des travaux de Morel (116) et Alper et. al (19), les STs ont pu être séparés entre deux grands groupes (clades) par phylogénie (Fig. 6A et C). Le regroupement des souches dans les deux différents clades était cependant légèrement différent d’une étude à l’autre. Pour Morel (116), la majorité des souches d’origine fromagère se retrouvaient dans un clade, alors que les souches d’origine environnementale et quelques souches d’origine fromagère et industrielle se retrouvaient dans un autre clade. Pour Alper et al. (19), les souches d’origine fromagère avaient également une tendance à se retrouver dans un même clade, alors que les souches d’origine environnementale étaient réparties entre les deux clades. Or, quelques souches d’origine laitière, fromagère et industrielle étaient également retrouvées dans le clade A, suggérant l’existence possible d’un sous-groupes ou d’une sous-espèce de G. candidum (19). Pour les travaux de Jacques et al.(117), les STs ont plutôt été séparés entre 5 clades (Fig. 6B), mais la répartition des souches se présentaient relativement de la même façon que pour les deux autres études. Ainsi, le clade 5 contenait exclusivement des souches d’origine fromagère, les clades 1, 2 et 3 des souches à la fois d’origine laitière et environnementale, et le clade 4 des souches exclusivement d’origine environnementale. Conséquemment, il existe bel et bien une variabilité génétique élevée entre les souches de G. candidum, celle-ci permettant souvent de regrouper des souches d’origine fromagère d’une part, et des souches à la fois d’origine laitière et environnementale d’autre part.

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Figure 6. Arbres phylogénétiques (Neighbour-joining) générés à partir des STs identifiés par MLST

pour des souches de G. candidum. A) Arbre tiré intégralement de Alper et al. (19). B) Arbre tiré intégralement de Jacques et al. (117). C) Arbre tiré intégralement de Morel (116).

Bien que plusieurs analyses de typage aient été effectuées sur des souches de G. candidum, très peu de séquences complètes de génomes de cette espèce sont disponibles à ce jour. Effectivement, seuls un génome complet et un génome partiel sont disponibles pour cette espèce, respectivement pour la souche 3C, isolée d’une corde en décomposition (22), et pour la souche CLIB 918 (ATCC204307), isolée d’un fromage à croute lavée (23). Une analyse du génome partiel de la souche CLIB918 a permis d’obtenir de nombreuses informations sur cette souche d’espèce G. candidum (23). Tout d’abord, 8 chromosomes et 6804 séquences codant pour des protéines ont été identifiées. Parmi ces protéines, certaines représentaient des gènes d’intérêt pour mieux comprendre les origines et comportements de l’espèce G. candidum. De fait, la famille de gènes la plus abondante du génome de la souche CLIB918, dont la fonction était inconnue, ne semblait pas avoir d’équivalent dans les génomes d’autres espèces descendant du même sous-phylum, soit celui des Saccharomycotina. De plus, la seconde famille de gènes la plus abondante pour cette souche intervenait dans la biosynthèse

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de l’ergostérol, une fonction impliquée dans la croissance filamenteuse chez S. cerevisieae. Dans le même ordre d’idées, un grand nombre de gènes ont été identifiés comme intervenants dans le métabolisme de la chitine, agent impliqué dans la production d’hyphes. De plus, une autre famille de gènes a été identifiée par un regroupement de quatre lipases de type β-carboxylestérase, des enzymes extracellulaires impliquées dans le catabolisme des lipides. Enfin, dans son évolution, G. candidum semblait avoir retenu des gènes spécifiques que d’autres espèces provenant d’un taxon commun n’ont pas retenus (Specifically Retained Ancestral Genes = SRAG). Les principaux SRAGs identifiés étaient notamment impliqués dans la croissance filamenteuse et la régulation de la transcription. Cette dernière fonction pourrait de fait expliquer la capacité de réaction et d’adaptation des souches de G. candidum aux changements environnementaux. (23)

Le séquençage des génomes permet d’obtenir un portrait général des activités d’une levure. Or, l’expression des gènes est souvent dépendante des conditions du milieu dans lequel la levure se retrouve. Ainsi, l’étude de l’activité transcriptomique d’une levure comme G. candidum dans des conditions bien précises, par exemple de fabrication fromagère, est souvent une avenue intéressante. Quelques études ont été réalisées pour évaluer l’activité de certains ferments d’affinage, dont G. candidum, lors de l’affinage de différents fromages (24, 25, 83). Cependant, comme ces études se sont chacune attardées à une seule souche spécifique de G. candidum (soit ATCC 204307 (25), Geo2 (83) et LMA-1028 (24)), l’évaluation de la diversité entre les souches de cette espèce s’avère plus difficile. En comparant les trois études, il ressort tout de même que les souches de G. candidum exprimaient souvent des gènes impliqués dans le catabolisme des acides, dans la régulation du pH, dans la production d’ammoniac, dans le métabolisme des acides gras, le métabolisme des glucides, ainsi que les métabolismes du transport et de l’énergie. Le niveau d’expression de ces gènes et le moment où ils étaient exprimés lors de l’affinage semblaient toutefois varier. Dans les travaux de Gente et al. (11), la comparaison de l’expression d’un gène (cyastonine-ɣ-lyase, cgl) par plusieurs souches de G. candidum dans différentes conditions (milieu lactate, milieu casaminoacide, caillé modèle) a été effectuée pour évaluer leur potentiel aromatique (capacité de production de composés volatils soufrés). De fait, de grandes différences d’expression du gène cgl ont été observées entre les souches, et ce, sans égard au milieu dans lequel elles se trouvaient. Par ailleurs, aucune différence au niveau de la séquence des nucléotides des gènes cgl exprimés chez les différentes souches n’a été observée, mettant en évidence que l’expression du gène dépendait directement de la souche.

Somme toute, peu d’études ont tenté de comparer et de mettre en lien la diversité des caractéristiques phénotypiques et génétiques de plusieurs souches de G. candidum en utilisant de nouvelles techniques de biologie moléculaire, tel le séquençage de génomes complets. Cette technique qui a fait ses preuves

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chez d’autres espèces présente ainsi un grand intérêt dans le but de mieux comprendre la diversité et le comportement des souches de G. candidum.

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