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Une quatrième voie consiste à revenir au corpus afin de s’assurer de la plausibilité des commentaires précédents. On peut tout d’abord se demander si l’isolement relatif de la classe « mobilité » ne provient pas du fait qu’elle se trouverait associée à des classes différentes d’un colloque à un autre. Il est en effet vraisemblable qu’en 18 ans de JdL, les sujets principaux aient changé. Il faut alors décomposer le corpus sans pour autant se mettre à la merci d’effets de conjonctures ou même de politiques « mainstream » du moment (compétence ? expérimentation ?). Une périodisation en trois fois six années permet de relancer une CAH afin de juger de la stabilité des classes. La première période pourrait être considérée comme celle qui a institué « le » longitudinal comme domaine de recherche, comme type spécifique de données et comme priorité méthodologique. La deuxième pourrait être celle du débordement des domaines initiaux de recherche vers des questions en apparence plus transversales comme les conditions d’existence des individus, le genre, les compétences. Elles sont aussi des questions vives dont se sont saisis les organisateurs. La période la plus récente porte explicitement la marque des politiques publiques et des demandes sociales qui en découlent, comme la sécurisation des parcours professionnels et l’évaluation des expérimentations sociales.

Quatre classes ressortent constamment sur les trois périodes : chômage, modèle estimation, entreprise, étudiant-école. Elles illustrent sans ambigüité les missions du Céreq autour des relations formation-emploi, de la place de l’entreprise et de l’importance accordée à la méthodologie. En revanche les autres classes sont beaucoup moins stables et portent plus la marque des préoccupations du moment. De 1994 à 1999 ressort une classe autour de « insertion et typologie » qui se distingue par des approches qualitatives et compréhensives. Il est vrai que la notion de typologie est appropriée par des chercheurs de tous horizons méthodologiques, et que le Céreq fournit une typologie de trajectoires avec la mise à disposition des données Génération. Une autre classe porte sur « ouvrier-industrie » et aussi les immigrés et les

« aspirations », alors que la classe entreprise porte plutôt sur les « carrières ». Ces deux classes disparaissent dans la période 2000-2005, au profit d’une classe « projet-avenir » qui sort clairement de l’entreprise pour s’attacher aux conditions de vie et aux récits biographiques. Enfin, de 2006 à 2011, une classe « boulot-vie » semble prolonger la précédente, alors qu’apparaît une classe « enfant-mère-femme » et une classe « évaluation-expérimentation ». Les questions de genre étaient déjà abordées antérieurement, mais elles se sont trouvées dans la classe « chômage » de la première période, et dans la classe « variable-estimation-salaire » de la seconde.

Les quatre premières classes ne sont stables qu’en apparence car leur contenu diffère souvent : la mobilité, en particulier, n’est pas abordée dans le même contexte. Dans la première période, elle est associée à la classe « salarié-firme » centrée sur l’emploi et la sécurité, alors que dans la deuxième elle relève de la classe « variable-estimation-salaire » centrée sur les discriminations salariales, et enfin dans la troisième, sur le chômage, le déclassement, en particulier pour les jeunes et les immigrés.

La conclusion qui s’impose est donc que la mobilité n’est pas absente des contributions aux JdL. Elle apparaît régulièrement, mais de manière instable quant aux classes dont elle se rapproche, et avec un emprunt relativement isolé au lexique commun, mettant plus l’accent sur le statut d’emploi et de carrière que le parcours formation-emploi et le parcours proprement professionnel, fonctionnant de plus sur la base d’une comparaison des termes extrêmes origine/destination d’un individu ou groupe d’individu que sur le cheminement, l’itinéraire, les bifurcations.

On ne saurait toutefois en conclure que les auteurs auraient opéré une disjonction entre les termes et le contenu des changements de position sociale. La démonstration très explicite d’une intégration de ces dimensions multiples est fournie dans un autre texte que les actes, bien connu des céréquois, celui des

« OMT » ou orientations à moyen terme 2008-2011 qui engagent le Céreq le temps d’un quadriennal : après avoir constitué un axe sur trois, intitulé « structuration des marchés du travail et mobilités » dans la période précédente, José Rose évoque « la nécessité de mieux connaître et comprendre l’agencement des mobilités qui façonnent les parcours professionnels et les passages entre emploi, chômage, formation et inactivité ». Ainsi s’explique que les thématiques des cheminements longs, des transitions et de la sécurisation des parcours soient perçues comme l’essence de mobilités multiformes.

 

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Mais le texte va plus loin en énonçant que « la caractérisation des parcours professionnels permet notamment l’identification de la fréquence et l’ampleur des mobilités professionnelles » à quoi il ajoute

« la nécessité de tester la dimension territoriale des parcours professionnels ». Le paradoxe s’éclaircirait ainsi : sachant qu’il est devenu difficile de suivre la diversité et la complexité des parcours en matière de formation-activité-emploi-travail, et sachant d’autre part que les analyses en termes de mobilité reposent sur des positions clairement identifiables dans les nomenclatures, ce qui leur donne leur grande puissance démonstrative, il est nécessaire de fournir une caractérisation suffisamment robuste des parcours afin d’atteindre un registre de démonstration équivalent. Il reviendra aux congressistes de décider si cet objectif est d’ores et déjà atteint dans les JdL…

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Annexe

TABLEAU DES CORRÉLATIONS ENTRE CLASSES LEXICALES

Classes méthodo. biographie dynamique probabilité âge origine itinéraire génération étape mobilité trajectoire

biographie 1 0.53* ns ns ns 0.38* 0.12*** 0.42* ns 0.29*

*significatif à 0,1 %, **significatif à 1 %, ***significatif à 5 %

1994 L’analyse longitudinale du marché du

2002 Formation tout au long de la vie et carrières en Europe (2)

2008 Derrière les diplômes et certifications, les parcours de formation et leurs effets sur les parcours d’emploi (2)

1997 L’analyse longitudinale du marché du travail : les politiques de l’emploi (1)

2003 Les données longitudinales dans l’analyse du marché du travail (3)

2009 Les cheminements longs : données, méthodes et apports pour les analyses du marché du travail (0)

1998 Cheminements de formation dans l’enseignement supérieur et parcours d’insertion professionnelle (0)

2004 Genre et données longitudinales (3) 2010 Évaluation et données longitudinales : quelles relations ? (1)

 

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CAH PAR PÉRIODE DE SIX ANS ET PROFIL SPÉCIFIQUE DE CHAQUE CLASSE LEXICALE

1994‐1999 L'Institut(ion) "du" 

ACM DES MOTS-CLÉS PAR COUPLES DE CLASSES

 

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UNITÉS DE RATTACHEMENT DES INTERVENANTS AUX JDL (VARIABLES SUPPLÉMENTAIRES ACM DES MOTS-CLÉS)

Plan 1 x 2

THÈMES ET ANNÉES DES JDL