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De l'ancrage dans une profession à la stabilisation en emploi

1. Les formes d’ancrage professionnel

Il y a entrée dans une période d’ancrage lorsque, sur une fenêtre de deux ans, un débutant passe au moins dix-huit mois d’emploi dans une même FAP2, ce sans interruption de plus de trois mois. Cette dernière condition autorise donc le premier ancrage dans une profession à se dérouler avec quelques mois de chômage dans les deux années qui suivent le démarrage de l’ancrage, voire avec un passage par quelques mois dans une autre profession que celle d’ancrage.

Cette notion d’ancrage se fonde sur l’idée qu’une professionnalisation intervient du fait de la durée écoulée dans l’exercice d’un même métier, professionnalisation dont on a lieu de penser qu’elle permet ensuite au « jeune » de quitter son statut de débutant et de faire valoir cette expérience dans la suite de son parcours – elle constitue a priori une première forme d’assurance sur l’avenir professionnel des jeunes concernés.

L’identification de ces professions dans une enquête quantitative n’est pas triviale. Nous avons retenu la nomenclature des familles professionnelles (FAP) car l’objectif recherché est de tendre vers une description de la professionnalisation pour ce qu’elle apporte comme possibilité de valorisation ultérieure lorsque plusieurs mois se sont écoulés au sein d’un même métier. Ce que les PCS, par l’accent davantage mis sur le statut que sur le métier, ne permettent pas (cf. encadré).

Nomenclatures des familles professionnelles (FAP-2003)*

Les familles professionnelles (FAP) sont une des principales nomenclatures de métier. Il s’agit d’un rapprochement entre le ROME (répertoire opérationnel des métiers et des emplois) de l’ANPE et la nomenclature des PCS (professions et catégories socioprofessionnelles) de l’INSEE. La FAP-2003 résulte d’une refonte de l’ancienne nomenclature (FAP-1993) suite à celle de la PCS par l’INSEE en 2003.

 

Les FAP regroupent les professions qui font appel à des compétences communes sur la base de « gestes professionnels » proches. La PCS repose sur la différenciation du statut et de la catégorie socioprofessionnelle ; le ROME est construit sur une logique opérationnelle à partir de la spécificité du métier et des savoirs-faire requis. Les FAP sont donc un compromis entre ces deux logiques où le contenu des emplois reste le premier critère de sélection.

La nomenclature FAP-2003 comporte 22 domaines professionnels, concernant 86 familles professionnelles et 237 familles professionnelles détaillées (cf. annexes).

Les domaines professionnels ne doivent pas être confondus avec les secteurs d’activité économiques même si les intitulés sont parfois très voisins. Il s’agit bien de l’activité des individus et non de celle de l’entreprise dans laquelle ils travaillent, sauf cas particuliers comme les personnels du domaine professionnel (P) : « fonction publique, professions juridiques ».

En comparaison des PCS, la nomenclature FAP met davantage l’accent sur le métier que sur le statut, d’où son usage dans le cadre qui nous occupe ici.

*Voire document de la DARES, « Introduction aux familles professionnelles 2003 », http://www.travail-emploi- sante.gouv.fr/etudes-recherche-statistiques-de,76/statistiques,78/metiers-et-qualifications,83/nomenclatures-des-familles,231/la-nomenclature-des-familles,2709.html.

      

2 Selon la nomenclature des FAP en 86 postes.

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Parmi les premiers ancrages recensés pour la Génération 98, 85 % sont, sur l’ensemble des deux années de la fenêtre d’observation correspondante, d’une parfaite continuité d’emploi dans la FAP d’ancrage : dans ces cas là, l’ancrage signifie que les jeunes concernés démarrent une période ininterrompue de deux ans minimum dans une même profession. À l’inverse, 2 % des fenêtres d’ancrage comportent à la fois quelques mois dans une autre FAP que celle d’ancrage et quelques mois de non-emploi. Ces formes d’ancrage rares constituent une sorte de cas limite où, en dépit de l’inscription récurrente dans une même profession, les parcours des jeunes restent relativement instables.

Entre ces deux situations, on recense 7 % de fenêtres d’ancrage qui comportent, outre le temps de professionnalisation qui nous intéresse, quelques mois de non-emploi. Cela renvoie à des parcours où les jeunes connaissent des périodes d’interruption courtes entre plusieurs emplois relèvent de la même profession. Cette récurrence d’emplois dans une même famille professionnelle témoigne d’une inscription dans une profession ; l’accumulation de périodes d’emploi, même discontinues, dans cette profession, est susceptible d’être valorisée par la suite en tant qu’expérience dans le métier en question. Enfin, 6 % des fenêtres d’ancrage sont entachées de quelques mois passés dans une autre profession que celle d’ancrage, mais sans détour hors de l’emploi. Sans préjuger de ce que signifient de tels passages courts par un métier autre, la profession d’ancrage reste en quantité largement dominante et susceptible à ce titre de fonder une professionnalisation dont pourront se prévaloir par la suite les jeunes concernés par ces formes d’ancrage.

Ces proportions sont stables dans le temps : même lorsque l’entrée dans une période d’ancrage intervient tardivement, les chances qu’elles comportent du chômage ou des passages dans d’autres professions restent identiques.

1.1. Sous quel contrat démarre-t-on un processus d’ancrage ?

Que l’ancrage se fasse de façon plus ou moins rapide dans le parcours, le type de contrat par lequel démarre cette étape est dans 4 cas sur 10 directement à durée indéterminée.

Tableau 1

Alternance (apprentissage, contrat de qualif., contrat d’adaptation) 5,30 % 2,90 %

autres 5,40 % 3,20 %*

Total 100 % 100,00 %

* Dont moins de 2% de situations hors emploi. Source : Enquête Génération 98 à 10 ans (Céreq).

Deux ans après le début de l’ancrage, la proportion d’emploi à durée indéterminée est passée à 65 % – ce qui laisse encore un tiers d’ancrages toujours situés dans le registre des contrats à durée déterminée malgré le temps écoulé. S’ancrer ne signifie donc pas pour tous accéder à court terme à un statut d’emploi à durée indéterminée. Cela témoigne de la relative fréquence des modes de stabilisation en emploi dits paradoxaux, c’est-à-dire durablement rattachés à des statuts réputés précaires (Eckert, Mora 2008).

jeunes débutants (55 %) qui ont démarré une telle période. Avant l’issue de la troisième année de vie active, ce sont plus de 80 % des jeunes qui ont débuté une période d’ancrage professionnel. Après 8 ans de vie active, cette proportion s’élève à près de 95 %.

À titre de comparaison, ils sont 13 % à obtenir un EDI (et 12 % un EDI durable, i.e. appelé à durer plus de 12 mois) dès leur sortie de formation initiale ; après un an sur le marché du travail, 36 % des jeunes ont démarré un épisode d’EDI (et 31 % d’EDI durable), et après trois ans de vie active, cette proportion s’établit à 64 % (59 % pour l’accès à un EDI durable). Enfin, après 8 ans de vie active, 87 % ont travaillé en EDI (85 % EDI durable). L’écart reste donc important, même après tant d’années de vie active, entre accès à un EDI et accès à une forme de professionnalisation.

Graphique 1

POURCENTAGE DENTRÉE CUMULÉ EN ANCRAGE ET EN EDI

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

sept‐98 mars‐99 sept‐99 mars‐00 sept‐00 mars‐01 sept‐01 mars‐02 sept‐02 mars‐03 sept‐03 mars‐04 sept‐04 accès à l'EDI

accès à un EDI de durée >= 12 mois accès à un ancrage professionnel

 

Source : Céreq, enquête Génération 98 à 10 ans.

L’ancrage intervient en moyenne sensiblement plus tôt que l’accès à un statut à durée indéterminée durable, et certains de ces processus de professionnalisation ne se soldent jamais, ou pas dans l’horizon observé, par l’accès à un statut à durée indéterminée.

1.3. L’ancrage comme étape d’un processus de stabilisation

L’ancrage professionnel peut se concevoir comme une étape au cours de l’insertion. L’accès à un EDI, ou si l’on peut observer les choses dans le temps, l’entrée dans un EDI durable, en constituerait d’autres.

Comment ces marqueurs de stabilisation en emploi interviennent-ils dans les parcours ?

Après 10 années de vie active, 5 % de la génération des débutants arrivés sur le marché du travail en 1998 n’a pas encore démarré d’ancrage professionnel. À côté de ces jeunes qui semblent particulièrement éloignés d’une stabilisation dans le système d’emploi, on recense également 12 % de débutants qui, bien qu’ayant déjà connu un ancrage dans une profession n’ont jamais, à l’horizon de 10 ans de vie active, occupé d’EDI. Pour les autres, soit la grande majorité, l’ancrage intervient soit de façon concomitante à l’accès à un EDI (34 %), soit de façon strictement préalable (49 %).

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