• Aucun résultat trouvé

Partie I Un risque, des territoires, des réponses

Chapitre 3 : Répondre aux risques industriels majeurs La constitution de collectifs et la dimension de

2. Des collectifs constitués autour de la question des risques industriels majeurs Le cas des C.L.I.C en France et des

2.1. La concertation en France Le cas des Comités Locaux d’Information et de Concertation (C.L.I.C.)

2.2.1. Le C.M.M.I.C E.M Retour sur un collectif d’origine industrielle

La présence actuelle de ce comité répond à une longue histoire qui a commencé après la seconde guerre mondiale. Dans les années 50 se crée une « entraide mutuelle de l’est de Montréal » entre certaines entités industrielles, particulièrement de raffinage et de pétrochimie. Ces dernières ont mis en commun certaines de leurs ressources pour s’aider en cas d’accident [AIEM, 2009a, p. 2]. Pour reprendre les propos d’un urbaniste de l’arrondissement Rivière-des-Prairies/Pointe-aux-Trembles, « l’entraide industrielle était quelque chose d’assez rare à l’époque et dans la zone ». C’est ensuite en 1960 que se constituera l’Association Industrielle de l’Est de Montréal (A.I.E.M.) qui regroupe un nombre sans cesse grandissant d’établissements industriels. En 2001 par exemple, cette association comptait onze membres tels que Shell, Petro-Canada, Pétromont, etc. Il est à noter que l’entreprise Canterm a adhéré à l’association en 2006. Les premiers travaux de l’A.I.E.M. consistaient à mesurer l’impact des différentes installations membres sur leur environnement.

C’est au milieu des années 80 qu’apparaît la procédure des Mesures d’Urgence pour l’Est de Montréal (M.U.P.E.M.), à l’initiative de l’entreprise Pétromont, et dont de nombreuses entités industrielles et municipales sont venues s’y greffer [AIEM, 2009a, p. 2]. Il s’agissait d’harmoniser les mesures d’urgence des entités industrielles avec celles mises en place par les municipalités. Une entrevue avec l’ancien Président de l’A.I.E.M. confirme cet épisode :

« Il s’agissait d’un comité d’intervention sur le terrain […]. De 85 à 93, il s’agissait de trouver un

partenariat entre les municipalités, car ce n’est plus une question exclusivement industrielle. L’objectif était d’harmoniser les plans de mesures d’urgence, mais ça n’allait pas plus loin que la question des pompiers… Tout était encore à faire ».

C’est donc à partir de la décennie 80 que se manifeste une première coordination industries- municipalités, même si elle reste dans ses premiers balbutiements. En effet, avant cette décennie, le collectif ne concernait que les industriels comme l’atteste l’interlocuteur sus-mentionné :

« Les industries avaient peu de lien avec le milieu ambiant, excepté avec les autres industries de la

zone. Ce n’était pas naturel de savoir ce qu’on y faisait, ce qu’il se passe dans l’entreprise reste dans l’entreprise ».

177

Selon lui, les acteurs industriels ne souhaitaient plus être vus comme un « mal nécessaire » ou bien comme un « corps étranger ».

C’est en 1995 que le Comité Mixte Municipalités-Industries (C.M.M.I.) voit le jour. L’ancien Président de l’A.I.E.M. précise que « le CMMI était une entité bicéphale […]. Le processus était

ouvert dans un contexte de collaboration mais pas d’affrontement. C’est un processus volontaire et non légiféré ». Si cet interlocuteur mobilise un temps du passé au début de son propos, c’est parce

qu’il parle du comité avant que n’apparaisse la particule « C » désignant le citoyen qui semble avoir été pris en compte assez tardivement.

En parallèle de cette structure se constitue le « Comité de liaison de l’A.I.E.M. » qui a pour but de créer un lien entre le monde industriel et l’extérieur :

« Pour nous, le dossier de la gestion du risque est indissociable de la qualité de la relation du

générateur de risque avec son milieu : l’écoute, le respect mutuel, une prédisposition au compromis et la capacité de s’adapter sont essentiels au succès d’une démarche intégrée de gestion de tous les impacts des activités industrielles en milieu urbain » [FRATTOLILLO, 2001].

Ce comité de liaison est complémentaire au C.M.M.I.C77. En effet, les différences se situent essentiellement dans les sujets abordés par ces deux structures. Tandis que le comité de liaison aborde des thématiques en lien avec la qualité de l’air, les nuisances sonores, les changements climatiques, mais aussi celles liées aux comportements à tenir en cas de danger, le C.M.M.I.C. va traiter des dossiers qui vont toucher directement la thématique du risque industriel majeur et des réponses qui vont lui être apportées. C’est la raison pour laquelle la focale a été davantage portée sur le C.M.M.I.C. que sur le comité de liaison de l’A.I.E.M. Ce dernier participe en outre de manière active aux travaux du C.M.M.I.C.

Dans l’est de Montréal, le C.M.M.I.C. véhicule une image assez positive, du moins selon le point de vue de certains praticiens rencontrés sur le terrain à l’image de cette consultante en communication :

« Si je pouvais que travailler avec les CMMI78, moi je trouve ça passionnant. J’adore ce qu’ils font, je

trouve que la relation entre les municipalités, les citoyens et les industries, c’est nécessaire ».

77 Plus précisément, le comité se nomme « comité de liaison de l’industrie et de la communauté » (C.L.I.C.). Ses

objectifs consistent, entre autres, à comprendre les attentes des populations locales et à diffuser une information auprès de ces dernières.

78

Il est fréquent d’entendre parler de C.M.M.I. plutôt que de C.M.M.I.C., le premier terme correspondant au nom standard et historique de la structure.

178

Le tableau ci-dessous récapitule l’ensemble des membres actuels du C.M.M.I.C.-E.M.

Tableau 13 - Les membres du C.M.M.I.C.-E.M. en 2011 Types de

membres Industriels Municipaux

Autres membres

(non votant) Citoyens

Nombre ou qualité des membres A.I.E.M. Bitumar Canterm Terminaux Canadiens CEPSA Suncor Energie Gaz Métro Marsulex Chimie ParaChem Saputo Inc. Shell Canada Ultramar Xstrata Ville de Montréal : - Service de sécurité incendie ; - Centre de sécurité civile ; - Centre d’urgence 911 ; - Service de Police ; Ville de Montréal-Est Arrondissement Anjou Arrondissement Mercier-Hochelaga- Maisonneuve Arrondissement Rivière-des- Prairies/Pointe-aux- Trembles Centre de santé et des services sociaux de la Pointe-de-l’Île Collège Ahuntsic Direction régionale de la sécurité civile, ministère de la Sécurité publique Direction de santé publique de l’agence de santé et de services sociaux de Montréal Environnement Canada Port de Montréal Urgences-Santé 4 citoyens Source : PAGE-BELANGER, 2011, p. 77.

Bien que quatre citoyens seulement participent aux activités de la structure, il est à noter qu’à la différence des C.L.I.C. français, le C.M.M.I.C.-E.M. peut non seulement être présidé par un responsable municipal ou un industriel, mais aussi par un citoyen. Ce fut par exemple le cas lors des séjours effectués sur le terrain entre 2009 et 2013. Par ailleurs, qu’en est-il des autres entités industrielles qui ne font pas partie de ce comité ?

179

« Pour la plupart, il s’agit de petites et moyennes entreprises pour lesquelles on ne sait pas si elles

représentent une menace et si elles ont préparé des plans de mesures d’urgence adéquats. La mise en place d'une campagne de sensibilisation auprès de ces entreprises a été proposée afin de les inviter à : (1) vérifier s’ils sont des générateurs de risques (2) réaliser un plan de mesure d’urgence et de gestion des risques et (3) si risques il y a, divulguer ceux-ci à la population » [PAGE-BELANGER, 2011, p.

123].

Toutefois, il convient de tempérer ces propos au regard de la règlementation fédérale sur les urgences environnementales qui exige « que les risques d’accidents pouvant avoir des impacts hors des sites

industriels soient évalués, que des plans d’intervention coordonnés et efficaces soient élaborés et que le public soient avisé des impacts possibles et des mesures prises pour le protéger » [AIEM, 2009a, p.

6].

Ainsi, une industrie qui ne ferait pas partie de ce comité reste tenue d’opérer une identification de ses dangers, ainsi que de divulguer ces derniers au milieu extérieur, en particulier à la municipalité.

La structure a aujourd’hui un statut autonome si bien qu’elle possède son propre conseil d’administration et son propre budget. Selon un interlocuteur au Centre de sécurité civile de Montréal, chef aux opérations, « Le CMMIC dispose de sa charte, ce qui enlève le côté volontaire et consensuel […]. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, les gens doivent parler ensemble et être en accord sur les

risques ». Ainsi, selon lui, il semble que cette charte ait retiré cet aspect fondamental propre au

C.M.M.I.C.-E.M. qui est de résulter d’une longue construction basée sur le volontariat. Il semble par ailleurs possible de trouver un équivalent français au C.M.M.I.C.-E.M. C’est le cas de la conférence riveraine de Feyzin qui dispose également d’une charte et d’un budget de 50 000 euros provenant des industriels, de l’Etat, du conseil régional et de la municipalité [AMARIS, 2012a, p. 12]. Toutefois, alors que l’accident de Toulouse a constitué un contexte d’émergence des C.L.I.C., quel en a été le contexte pour ce type de comité au Québec ?

Documents relatifs