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Partie I Un risque, des territoires, des réponses

2. Deux espaces industriels, deux dépôts pétroliers

2.1. Le contexte industriel changeant des agglomérations francilienne et montréalaise

2.1.1. Un âge d’or jusque dans les années

Les terrains étudiés se révèlent similaires quant à l’âge d’or qu’ils ont connu du début de leur période d’industrialisation jusque dans les années 70.

Concernant la région francilienne, « Paris a essentiellement grandi avec la Révolution industrielle,

favorisant des extensions urbaines de type banlieue industrielle non planifiée, dans la seconde moitié du XIXe siècle » [JEGOU, 2011, p. 244]. Cette auteure, en reprenant les travaux de Laurent Davezies

sur la métropole parisienne, mentionne à juste titre que la région Île-de-France est le moteur de la croissance nationale ; ce qui permet en outre une redistribution de revenus aux autres régions [ibidem, p. 250]. D’une logique radioconcentrique, proche de Paris, la géographie industrielle se caractérise à partir des années 60 par une logique aréolaire [MERLIN, 2003, p. 67]. Cet auteur explique ce basculement par le besoin d’espaces plus vastes, mais aussi par la banalisation du camion et de l’automobile.

Vitry-sur-Seine, ville de banlieue proche de Paris, passera d’une économie rurale à une économie industrialisée au milieu du 19ème siècle [VILLE DE VITRY-SUR-SEINE, 2006a, p. 12]. Peu à peu, de grands établissements tels que Rhône Poulenc viennent s’installer entre la Seine et la voie ferrée ; ces deux derniers éléments constituant les déclencheurs d’un processus de transformation territoriale. La zone industrielle se développe pendant et après la première guerre mondiale, comme l’a confirmé le conseiller municipal délégué de la ville cité plus haut. Contrairement à la Marne, l’autre rivière du département qui a un usage plutôt récréatif, la Seine a joué un rôle moteur dans le développement économique du Val-de-Marne [BEUCHER, 2008, p. 7]. L’adjoint au Maire rencontré résume la situation :

« L’arrivée de la voie ferrée a généré une transformation de ce territoire et une arrivée petit à petit

d’industries. Il y a eu d’abord des productions électriques qui étaient du domaine privé. Ensuite, ce sont des activités liées à la métallurgie lourde, de la chimie [Poulenc]. Il y a eu une grosse période de

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densification de ce territoire au 19ème/20ème. La place disponible a permis la mise en place d’un atelier d’entretien des trains [qui n’existe plus]. Il y a eu jusqu’à deux centrales qui produisaient de l’électricité sur le territoire. Après se sont greffées des entreprises industrielles comme Air Liquide

[métallurgie lourde] et cela a généré l’arrivée de PME de services qui vivaient en réseau avec les

entreprises précitées pendant tout le 20ème siècle ».

La carte suivante rend compte de manière simplifiée la situation et l’emprise de la zone industrielle sur la partie orientale de la Ville de Vitry-sur-Seine.

Carte 16 - Situation et emprise de la zone industrielle de Vitry-sur-Seine

Source : Fonds de carte, I.G.N., 2012. SANOFI

Delek

S.T.E.F.

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Bordée par la Seine à l’est et la voie ferrée à l’ouest, cette zone se caractérise par de grandes surfaces d’implantations industrielles. Si la partie nord est occupée par des petites et moyennes entreprises ; c’est la centrale thermique d’E.D.F (et ses deux cheminées)45

qui occupe la plus importante surface sur la partie centre. Toujours dans sa partie centrale, la zone est occupée par la Société de Transport et d’Entrepôts Frigorifiques (S.T.E.F.) qui longe la voie ferrée. Le dépôt pétrolier étudié, Delek, se situe juste au sud de ce complexe, et s’étend également le long de la voie ferrée. Enfin, la partie sud de la zone est occupée quasi exclusivement par les installations de la société Sanofi46.

Outre Atlantique, à l’inverse de l’ouest de l’île de Montréal plus résidentielle, la partie est a connu une très importante vague d’industrialisation au cours du 20ème

siècle. La ville de Montréal-Est a été fondée par Joseph Versailles en 1910 dans le but « d’en faire une cité jardin pour les familles, mais

lors de la Première Guerre mondiale, des raffineries de pétrole et des usines d’industrie légères commencèrent à s’y installer » [SMITH, 2006, p. 117]. Par ailleurs, le responsable de la division de

l’urbanisme et de l’aménagement urbain de la Ville de Montréal résume les différents secteurs géographiques d’implantation industrielle de l’agglomération, en particulier celui lié à la présence du fleuve Saint-Laurent :

« L’industrie à Montréal s’est développée en fonction des axes de transport de l’époque, au début par

voie maritime, ensuite par voie ferroviaire. Tout le long du fleuve s’est implanté le port de Montréal et l’activité manufacturière s’est concentrée aux abords du canal de Lachine [plus au centre] et on retrouve encore des établissements industriels malgré des transformations résidentiels ».

Bien qu’il existe d’autres secteurs d’implantations industrielles le long d’artères plus centrales (autoroute métropolitaine, voie ferrée du Canadien-Pacifique), Montréal-Est fait partie de cette première vague d’industrialisation en bordure de fleuve ; ce que montre la carte ci-dessous.

45 Ce complexe comprend notamment un centre de production thermique au charbon. Toutefois, ce centre devrait

arrêter son activité à l’horizon 2015 selon la mairie de Vitry-sur-Seine.

46 A noter que cette société, de par le maniement d’ammoniac et d’acide chlorhydrique, présentait jusqu’à

aujourd’hui des risques particuliers. Cependant, comme l’ont confirmé nos entretiens, cette société a complètement réorganisé ses activités pour devenir un pôle de recherche lié aux biotechnologies.

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Carte 17 - La répartition des établissements industriels à Montréal-Est

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A la différence de Vitry-sur-Seine dont la surface occupée par l’industrie est plus limitée47, la thématique pétrochimique est particulièrement présente à Montréal-Est. Shell fut la première entreprise à y construire une raffinerie aux abords du fleuve Saint-Laurent, car la profondeur de l’eau permettait aux navires océaniques d’accéder au site. Mais en raison d’un besoin d’espace et d’une volonté de moderniser ses installations, l’entité se déplaça « du côté nord de la toute récente rue

Sherbrooke » [SMITH, 2006, p. 118]. C’est ensuite au milieu des années 50 que s’est construite la

raffinerie de Pétro-Canada qui porte aujourd’hui le nom de Suncor [DESJARDINS, 7 août 2010]. Par ailleurs, la carte fait apparaître dans la partie sud de la zone industrielle le dépôt Canterm sous le numéro 13.

Comme ce fût le cas pour Vitry-sur-Seine, le développement industriel de Montréal-Est précède le développement résidentiel de cette partie de l’île de Montréal. En effet, comme le confirme le responsable de la direction de l’urbanisme de l’arrondissement Rivière-des-Prairies/Pointe-aux- Trembles :

« A l’époque, il n’y avait pas de préoccupations environnementales, et les gens s’installaient juste à

côté de ces nouvelles installations. Les maisons étaient littéralement installées devant les réservoirs. Aucune zone tampon n’était prévue. Le contexte des vents dominants dirigés vers le nord/est fait que la zone dense était épargnée par certains désagréments. Autre contexte important, la proximité du fleuve a permis l’installation de quais. De plus, les salaires étaient et continuent d’être vraiment attractifs. Un employé peut gagner 90 000$ par année ».

Malgré tout, ces deux territoires ont subi les contrecoups de la crise économique des années 70.

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