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Partie I Un risque, des territoires, des réponses

Chapitre 3 : Répondre aux risques industriels majeurs La constitution de collectifs et la dimension de

2. Des collectifs constitués autour de la question des risques industriels majeurs Le cas des C.L.I.C en France et des

2.1. La concertation en France Le cas des Comités Locaux d’Information et de Concertation (C.L.I.C.)

2.2.3. Des enjeux à relever pour assurer la pérennité des C.M.M.I.

Après la création du C.M.M.I.C de l’est de Montréal au milieu des années 80, plusieurs autres structures de ce type se sont créées. Au nombre de six en 2001, quinze comités étaient recensés par le C.R.A.I.M. en avril 2010. Plus récemment, l’ancien responsable de la direction régionale de la sécurité civile du Québec affirme que « 16 municipalités ont des CMMI, mais ces organismes n’ont pas de

statut légal à la différence du CMMIC-EM ». Ce chiffre est sensiblement le même pour ce citoyen,

ancien Président du comité, qui apporte une précision :

« Il y en a huit actifs sur une possibilité de quinze [2012]. Depuis un an, il y a un mouvement pour que

les quinze soient opérationnels. Les difficultés sont de l’ordre du volontariat et le mouvement a tendance à s’essouffler ».

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Une consultante en communication, travaillant particulièrement sur la thématique des réseaux sociaux dans les situations d’urgence, confirme ce fait :

« Il y a plusieurs CMMI et dès fois je fais des présentations un peu partout. Récemment, celui de

Longueuil qui est tout nouveau, ça vient juste de se former [2012]. Ils commencent à travailler, à intéresser un peu les industries, avec des liens avec la ville. J’ai été les rencontrer leur parler de toutes les possibilités avec les médias sociaux ».

Ce propos montre que la démarche d’instauration de ce type de comité peut, à première vue, être un axe intéressant à explorer. Toutefois, comme l’indique son nom, la structure doit parvenir à fédérer les acteurs industriels, municipaux et citoyens. L’interlocutrice précédente insistera sur le rôle des comités dans la diffusion d’une information et sur l’important travail que cela représente : « il y a une élue qui

est vraiment partie prenante, mais il faut convaincre les industries à embarquer là-dedans ».

Ainsi, ces comités font face à l’enjeu majeur de leur pérennisation. Cette question est également abordée par Rachel Pagé-Bélanger qui s’interroge sur la rotation des effectifs. En reprenant les propos de Richard Margerum79, elle met avant la possibilité de mettre en réseau l’ensemble des structures de concertation existant sur un territoire, « et ainsi générer des économies de temps et d'argent, voire

accélérer le temps d’apprivoisement entre les acteurs d’un nouvel organisme de concertation. De plus, les acteurs non locaux peuvent concentrer leurs ressources auprès de l’organisme de coordination locale et ainsi rendre accessible un plus grand nombre d’acteurs externes aux organismes de concertation locale » [PAGE-BELANGER, 2011, p. 27].

Qu’adviendra-t-il de ces structures lorsque leurs membres fondateurs cesseront de s’y impliquer ? Certains comités peuvent en outre avoir des membres dont les rôles sont mal définis ; sans plan de travail clair ; avec un manque de financement ; un renouvellement fréquent de personnel ; un manque de ressources ; et il se pose toujours la question de l’obligation pour les industries à risque de faire partie d’un tel comité. Concernant plus spécifiquement la question du financement, le C.R.A.I.M. conseille de le partager à part égal entre la municipalité et les établissements membres. Il propose aussi de créer sur son site Internet un portail destiné aux différents comités afin qu’ils puissent bénéficier, entre autres, de ressources humaines, matérielles, des documents, etc. Des mesures incitatives seraient d’ailleurs préconisées afin de motiver l’adhésion d’établissements dans ce genre de comités. Cependant, l’effet serait-il positif si ces comités devenaient obligatoires, tels les C.L.I.C. français ?

79

MARGERUM (Richard D.), 2007, « Overcoming Locally Based Collaboration Constraints », Society & Natural Resources: An International Journal, volume 20, pp. 135-152.

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« Quand on ne réussit pas sur la base volontaire, on a tendance à vouloir aller vers la coercition.

Mais cela, c’est le modèle français. Il faudrait peut être un peu des deux [entre USA et France]. Aux USA, […] tout le monde est impliqué. C’est un pays où il y a des tas d’événements majeurs à la différence du Québec avec le verglas par exemple, et encore, c’est souvent oublié ».

Ce propos est issu d’un citoyen qui fait partie du comité. Son investissement et les travaux effectués en son sein lui ont permis d’avoir du recul sur les manières de faire aux Etats-Unis et en France. Malgré tout, il semblerait que ce type de structure ne suive pas la voie d’un cadrage règlementaire qui s’imposerait à toutes les zones industrielles à risque :

« À notre avis, il ne suffit pas d’obliger les générateurs de risques à divulguer les risques qu’ils auront

identifiés et les autorités locales à produire des schémas de sécurité civile […], ces conditions ne s’obtiennent pas par le biais d’exercices théoriques mais bien par la concertation suivie des partenaires locaux. Dans ce contexte, nous croyons qu’une structure de concertation locale, comme celle des C.M.M.I., qui force l’interaction et l’échange ouvert entre les intervenants, permet l’utilisation optimale des connaissances acquises lors des processus d’identification des dangers, d’évaluation des conséquences, de préparation de l’intervention et du rétablissement »

[FRATTOLILLO, 2001].

La question se pose également quant au rôle joué par le citoyen, la particule « C » étant souvent omise dans les propos de certains de nos interlocuteurs. Même au sein du C.M.M.I.C.-E.M., qui a été le premier à se revendiquer de sa représentation citoyenne en son sein, il est possible de remarquer quelques similitudes avec les C.L.I.C. français concernant « l’expertise » du citoyen :

« Les citoyens qui participent aux CMMIC n’ont pas tous l’expertise suffisante. Ils participent pour

voir si les discussions sont sérieuses. Ils participent à toutes les tables, mais ne se sentent pas toujours utiles », nous confiait une citoyenne qui est impliquée dans le comité.

De plus, ces structures ne sont pas dénuées de conflits, même dans l’est de Montréal. En effet, le Centre de sécurité civile de Montréal semble être vigilant sur le C.M.M.I.C.-E.M., bien que participant à ses travaux. Un interlocuteur de ce centre nous a fait part de son scepticisme sur certains travaux du comité80. Selon cette personne, le comité « empiète » sur le Centre de sécurité civile qui « possède tous

les outils et pouvoirs en matière de gestion des risques ». Bien qu’elle ne remette pas en question la

présence d’une telle structure, cette personne émet quelques critiques vis-à-vis de certaines « exigences citoyennes » :

80

Cet interlocuteur ne nous a pas autorisé à divulguer son nom ni son rôle précis au sein du Centre de sécurité civile.

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« Les citoyens impliqués sont devenus trop gourmands, on tire sur l’arbre et la sécurité civile ne peut

pas répondre à tout. Ils voudraient même participer à l’audit des compagnies ».

De plus, cet interlocuteur mentionne la volonté du comité de s’intéresser à d’autres risques tels ceux liés au transport de matières dangereuses (pipelines) ainsi que les risques naturels (inondations). C’est une des raisons qui expliquent l’emploi du terme « empiètement » sur le terrain du Centre de sécurité civile, ce dernier ayant le mandat de traiter de ces thématiques. Malgré tout, cette structure intervient dans les groupes de travail qui composent le C.M.M.I.C.-E.M.

Cette seconde partie a présenté deux collectifs qui se sont créés sur les territoires étudiés. Il existe des différences notables dans le mesure où le C.L.I.C. de Delek à Vitry-sur-Seine est récent et obligatoire, tandis que le C.M.M.I.C.-E.M. est plus ancien et a été construit sur une base volontaire, d’origine industrielle. Il ne s’agissait pas de porter un jugement sur la situation qui serait la plus appropriée pour tel ou tel territoire. Toutefois, certains de nos interlocuteurs québécois ont tendance à citer l’exemple de la France sur cette thématique, comme en témoigne l’ancien responsable de la direction régionale de la sécurité civile du Québec :

« Les CMMI, à partir de 1995, sont considérés par le gouvernement comme de bonnes instances de

concertation, un peu à l’exemple français. L’idée émise est que les gens se parlent, gestionnaires et ceux qui doivent les subir [les risques] ».

Une autre différence réside dans le fait que le comité québécois possède trois groupes de travail. Ces derniers contribuent à la mise en œuvre de réponses permettant de faire face au risque industriel majeur. Le premier groupe traite de l’analyse des risques ainsi que de leur réduction à la source ; le deuxième travaille sur le volet communication et particulièrement sur celui de l’éducation citoyenne à la sécurité civile, dont une focale sera portée au sein de la troisième partie de ce travail ; enfin, le troisième groupe se concentre sur les mesures d’urgence et la dimension de l’intervention. Bien que certains points y soient débattus tels que les mesures de réduction du risque à la source ou bien les mesures d’urgence, le C.L.I.C. de Vitry-sur-Seine ne possède pas ce genre de groupes de travail. En revanche, à l’inverse de la structure québécoise, le comité français constitue un espace de débats sur la thématique de l’aménagement. La deuxième partie de ce travail reviendra sur ce sujet. Avant cela, la troisième partie de ce chapitre traitera d’une réponse essentielle, celle de l’intervention en cas d’accident.

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